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Décisions

Cass. crim., 14 juin 1995, n° 94-80.086

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

X

Défendeur :

Ministère public

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

Mme Verdun

Avocat général :

M. Amiel

Avocats :

SCP Massé-Dessen, Georges, Thouvenin, Mes Pradou

Cass. crim. n° 94-80.086

14 juin 1995

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par K Pieter, V Philippe, prévenus, la société R I F et la Société P A, civilement responsables, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 22 novembre 1993, qui, pour publicité illicite en faveur du tabac, a condamné Pieter K et Philippe V respectivement à 200 000 et 80 000 francs d'amende, a déclaré les sociétés R I F et P A civilement responsables, et a prononcé sur les intérêts civils. Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite de la parution, dans le journal F-S O du 6 avril 1992, d'une publicité en faveur des cigarettes " Golden American ", Pieter K président de la société R I F, distributrice des produits, a été cité devant le tribunal correctionnel, pour infraction à l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976, la société l'étant en qualité de civilement responsable ; que Philippe V, directeur de publication du journal, a été poursuivi en qualité de complice, avec la société d'édition P A, prise comme civilement responsable ;

En cet état ; I. - Sur le pourvoi formé par Pieter K et la société R I F ; - Sur le moyen unique de cassation commun aux demandeurs et pris de la violation des articles 8 de la loi de 1976, 593 et 595 du Code de procédure pénale, 1 et 4 de la directive CEE no 88-314 du Conseil des Communautés européennes, du 7 juin 1988 :

" en ce que l'arrêt attaqué a dit établie la matérialité de l'infraction au regard des dispositions de la loi du 9 juillet 1976 relative à la publicité en faveur du tabac ;

" aux motifs que aux termes de l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976, relative à la lutte contre le tabagisme, dans les cas où elle est autorisée, la propagande ou la publicité en faveur du tabac ou des produits du tabac ne peut comporter d'autre mention que la dénomination du produit, la composition, le nom et l'adresse du fabricant et le cas échéant du distributeur, ni d'autre représentation graphique ou photographique que celle du produit, de son emballage et de l'emblème de la marque. Le conditionnement du tabac ou des produits du tabac ne peut être reproduit que s'il satisfait aux règles ci-dessus ; qu'en l'espèce, il est établi que la publicité des cigarettes Golden American en ce qu'elle a inséré des mentions (à savoir le prix de " 10,80 francs par paquet de 25 " et le slogan " Golden American 25 - 5 blondes en plus ") qui ne correspondent pas à la reproduction du paquet de la marque, ne respecte pas les dispositions explicites et impératives de l'article 8 de la loi de 1976 ;

" alors, de première part, que la directive CEE n° 88-314 du Conseil des Communautés européennes relative à la protection des consommateurs en matière d'indication des prix des produits non alimentaires impose en ses articles 1er et 4 l'indication du prix du produit dans toute publicité ; qu'en disant établie la matérialité de l'infraction par l'indication dans une publicité du prix d'un paquet de cigarettes, au regard de la seule législation nationale, non conforme à la directive communautaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; " qu'en ne répondant pas à cette argumentation déterminante des exposants, développée dans les conclusions d'appel (p 6 et 7), la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs ;

" alors, de deuxième part, que l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976 autorise, dans les cas où la publicité est permise, la mention de la dénomination et de la composition du produit ainsi que la représentation graphique ou photographique du produit ou de son emballage ; qu'en disant l'infraction établie, sans préciser qu'elles étaient les mentions figurant dans la publicité et celles ne figurant pas sur le produit, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ; " qu'en ne répondant pas aux conclusions des exposants faisant valoir que les mentions " Golden American 25 - 5 blondes en plus " et le visuel reproduit sur la publicité n'étaient autres que la reproduction de l'emballage du produit et de la dénomination du produit, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des articles 593 et 595 du Code de procédure pénale " ;

Attendu que pour déclarer Pieter K coupable d'infraction à l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976, alors applicable, les juges du second degré énoncent que, dans les cas où elle est autorisée, la publicité en faveur du tabac ne peut comporter, aux termes de ce texte, d'autre mention que la dénomination du produit, sa composition, le nom et l'adresse du fabricant et, le cas échéant, du distributeur, ni d'autre représentation graphique ou photographique que celle du produit, de son emballage et de l'emblème de la marque; Qu'ils ajoutent qu'au regard de ces prescriptions, la publicité incriminée, sur laquelle figure le prix du paquet de cigarettes et le slogan " Golden American 25 - 5 blondes en plus ", mentions qui de surcroît ne correspondent pas à la reproduction du produit ou de son emballage, est illicite;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, et dès lors que l'argument pris de la non-conformité de l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976 aux dispositions des articles 1er et 4 de la directive no 88/314/CEE, laquelle n'a pas pour objet d'imposer la mention du prix dans la publicité, était inopérant, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre mieux qu'elle l'a fait aux conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués; Que, dès lors, le moyen qui, pris en sa seconde branche, repose sur une allégation inexacte, ne peut qu'être écarté ;

II. - Sur le pourvoi formé par Philippe V et la société P A ; - Sur le moyen unique de cassation commun aux demandeurs et pris de la violation de l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976, de l'article 1382 du Code civil, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale :

" en ce que, par l'arrêt attaqué, la Cour a déclaré Philippe V, directeur de la publication F-S Ouest, coupable en qualité d'auteur de l'infraction à la loi du 9 juillet 1976 de publicité illicite en faveur du tabac en raison de la publicité dans le supplément A F- S O du 6 avril 1992 d'une publicité en faveur des cigarettes " Golden American ", l'a condamné à la peine de 80 000 francs d'amende, au paiement au CNCT, partie civile, de la somme de 80 000 francs d'amende et a déclaré la société P A civilement responsable des condamnations civiles prononcées ;

" aux motifs qu'en l'espèce Philippe V, en sa qualité de directeur de la publication du journal F-S y compris des suppléments publicitaires de ce titre, a contribué à la commission de l'infraction à la loi de 1976, qu'en effet sans son intervention cette publicité dont il a eu nécessairement connaissance en raison de son importance (pleine page) et de la controverse animée relative aux recettes de la presse provenant de la publicité des tabacs n'aurait pas été admise et portée à la connaissance des lecteurs du journal, que de plus des directives formelles et effectives de sa part à ses collaborateurs en vue d'éliminer des publicités illicites n'ont pas été élaborées, qu'ainsi il s'est personnellement rendu coupable de l'infraction visée à la citation en qualité d'auteur principal ;

" alors que, d'une part, sont inopérants et insusceptibles de justifier légalement une décision de condamnation des motifs hypothétiques ou dubitatifs, que la Cour ne pouvait déduire la culpabilité personnelle de Philippe V en sa qualité de directeur de la publication, de ce qu'il aurait eu " nécessairement connaissance " de la publicité litigieuse, de ce que, sans son intervention, elle n'aurait pas été admise et portée à la connaissance des lecteurs du journal et de ce que n'avaient pas été élaborées des directives formelles et effectives de sa part à ses collaborateurs en vue d'éliminer des publicités illicites ; autant de considérations purement hypothétiques et dubitatives ;

" alors que, d'autre part, Philippe V avait soutenu dans des conclusions de ce chef délaissées que les conditions d'élaboration et de fabrication du journal incriminé se traduisent par le fait que la maquette mise en place et contrôlée par la rédaction, sa direction, puis le directeur de publication ne comportent que la partie rédactionnelle avec simple réserve des emplacements publicitaires, les typons concernant les insertions publicitaires étant directement adressés à l'atelier de photocomposition, de sorte que le directeur de publication ignore la teneur de l'insertion publicitaire avant la parution et que la Cour aurait dû rechercher s'il n'en résultait pas qu'aucun fait personnel de Philippe V ne pouvait être retenu à son encontre, puisque la mise en place des insertions publicitaires relevait "de personnes physiques autres que lui " ;

" alors qu'enfin Philippe V avait soutenu dans des conclusions de ce chef délaissées qu'il pouvait d'autant moins connaître le caractère illicite de la publicité que le parquet avait décidé de ne pas poursuivre pour cette même publicité, également dénoncée par la CNCT, 4 autres journaux et que la Cour aurait dû rechercher s'il n'en résultait pas que Philippe V n'avait pu connaître le caractère manifestement illicite de la publicité en cause, ce qui excluait le caractère intentionnel de l'infraction reprochée " ;

Attendu que, pour condamner Philippe V, pris en sa qualité de directeur de publication du journal F-Soir O, non comme complice mais comme auteur principal du délit de publicité illicite en faveur du tabac, les juges d'appel relèvent que le prévenu, sans l'intervention duquel la publicité litigieuse, qu'il ne pouvait ignorer en raison de son importance, n'aurait pas été publiée, a concouru personnellement à la réalisation de l'infraction;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, caractérisant la faute personnelle du prévenu, la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre ce dernier dans le détail de son argumentation, a justifié sa décision sans encourir aucun des griefs allégués;

Que le moyen, qui se borne à remettre en discussion l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne saurait, dès lors, être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette les pourvois.