Cass. crim., 17 juin 1998, n° 96-81.099
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
X
Défendeur :
Comité National contre la Tabagisme
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
M. Roman (conseiller le plus ancien, faisant fonctions)
Rapporteur :
M. Ruyssen
Avocat général :
M. Lucas
Avocats :
Mes Choucroy, Cossa.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par W Hans, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 1er février 1996, qui, pour publicité illicite en faveur du tabac, l'a condamné à 100 000 F d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1350 du Code civil, 2, 5, 426 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, violation de l'autorité de la chose jugée, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les conclusions de Hans W tendant à voir constater l'irrecevabilité des poursuites en raison du désistement de la partie civile qui avait mis en mouvement l'action publique ;
" aux motifs que la partie civile qui prend l'initiative de saisir de son action civile le juge de la répression met en mouvement l'action publique ; " que, toutefois, dans cette hypothèse, lorsque la partie civile se désiste, le tribunal n'a pas à statuer sur l'action publique, si le Ministère public ne le requiert pas expressément ; " que, dans ces conditions, l'action publique n'est pas éteinte ; " que si le désistement de la partie civile qui lui interdit d'agir à nouveau devant le juge répressif ne peut être limité à certaines personnes et doit intervenir " in rem ", encore faut-il que les personnes contre lesquelles une poursuite est engagée à la suite de ce désistement aient été connues et parties dans la procédure de citation directe initiale ; " que c'est seulement au moment de l'audience que les parties civiles ont connu l'identité de l'auteur principal de l'infraction ; " qu'elles ont estimé opportun de se désister de leur action contre les coauteurs de l'infraction, pour pouvoir faire citer l'auteur principal ; " qu'en conséquence, leur désistement n'emportait pas renonciation à l'utilisation de la voie pénale pour obtenir réparation de leur préjudice à l'encontre de l'auteur principal, qui n'était pas connu lors de l'introduction de l'instance par voie de citation directe, à la demande de la partie civile ; " que le moyen tiré de l'irrecevabilité de la constitution de partie civile du CNCT et de la Ligue contre la fumée du tabac en public doit donc être écarté ;
" alors que, d'une part, la partie civile qui s'est désistée de l'action qu'elle a engagée devant la juridiction pénale ne pouvant, en application de l'article 426 du Code de procédure pénale, exercer cette même action que devant la juridiction civile, la Cour, qui a pourtant elle-même reconnu que le désistement d'une partie civile ne pouvait être limité à certaines personnes mais intervenait " in rem ", a violé le texte susvisé et s'est mise en contradiction avec elle-même en décidant néanmoins que le désistement de la partie civile au cours d'une précédente instance pénale ne pouvait lui interdire d'exercer de nouvelles poursuites fondées sur les mêmes faits à l'encontre d'une personne qui n'était pas visée par sa première décision ;
" alors que, d'autre part, l'arrêt du 28 septembre 1994, qui a mis fin aux premières poursuites exercées par la partie civile, ayant constaté le caractère définitif du désistement de cette dernière et rejeté sa demande tendant à ce qu'il lui soit donné acte de ce que son désistement n'était que partiel au motif qu'il ne résultait pas du jugement, dont elle n'avait pas interjeté appel, que ce désistement avait été partiel et assorti de réserves, les juges du fond ont violé l'autorité de la chose jugée par cet arrêt en décidant que le désistement du CNCT était limité aux seuls coauteurs de l'infraction visée par les poursuites et permettait de nouvelles poursuites contre son auteur principal " ;
Vu les articles 388 et 418 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 2046 du Code civil ; - Attendu que la partie civile n'est recevable à agir devant le juridiction répressive qu'autant que son préjudice n'est pas déjà indemnisé;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les pièces de procédure, qu'après s'être successivement désisté de deux actions qu'il avait engagées devant la juridiction répressive contre Jacques L, dirigeant de la société R T F, et Pierre S, dirigeant de la société R T Gmbh, pour publicité illicite en faveur du tabac, le Comité national contre le tabagisme a de nouveau fait citer, toujours pour les mêmes faits, Jacques L, Pierre S, et, en outre, Hans W, autre dirigeant de la société R T Gmbh ; qu'après avoir déclaré l'action irrecevable à l'égard des deux premiers, la cour d'appel a condamné le troisième ;
Attendu que, pour écarter l'exception invoquée par Hans W, qui soutenait que la partie civile, en se désistant, s'était interdit de recourir à nouveau à la voie répressive, l'arrêt attaqué retient que ce désistement à l'égard de coauteurs de l'infraction, seuls visés par les deux premières poursuites, n'emportait pas renonciation à agir contre Hans W ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que le désistement de la partie civile, dont il lui avait été donné acte par jugement, faisait suite à des transactions relatives aux mêmes faits, la cour d'appel a méconnu les textes et principe ci-dessus rappelés;
D'où il suit que la cassation est encourue ; Qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de Cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire, et de mettre fin au litige ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris en date du 1er février 1996 ; déclare irrecevable la constitution de partie civile du Comité national contre le tabagisme à l'égard de Hans W ; dit n'y avoir lieu à renvoi.