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Décisions

Cass. crim., 6 mai 1998, n° 97-83.339

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

X

Défendeur :

Ministère public

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

M. Roman (conseiller le plus ancien, faisant fonctions)

Rapporteur :

M. Ruyssen

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

Mes Choucroy, Cossa.

Cass. crim. n° 97-83.339

6 mai 1998

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par L Jacques et la Société RJ T T F, civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 15 mai 1997, qui, pour publicité illicite en faveur du tabac, a condamné le premier à 350 000 F d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme qu'entre les mois de février et avril 1994, les acheteurs de cigarettes Winston se sont vu proposer, au moyen de prospectus figurant à l'intérieur des paquets, divers cadeaux en contrepartie de l'envoi de preuves d'achat de ce produit ; que Jacques L et la société RJ T T F, dont il est le directeur général, ont été cités, la seconde comme civilement responsable, pour publicité illicite en faveur du tabac ;

En cet état ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, alinéa 1, de la loi d'amnistie du 3 août 1995, 12 de la loi n° 76-616 du 9 juillet 1976 dans sa rédaction issue de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 devenu l'article L. 355-31 du Code de la santé publique et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception tirée de l'amnistie à raison de la peine encourue invoquée par le prévenu pour condamner ce dernier au paiement d'une amende de 350 000 F ;

" aux motifs que le législateur a entendu exclure du bénéfice de l'amnistie les infractions pour lesquelles une peine ou une mesure autre que l'amende peut être prononcée, peu importe qu'il y eut encore utilité à les prononcer et quelle qu'en soit la nature ; " que l'article L. 355-31 du Code de la santé publique, applicable aux faits de la cause, prévoit que le tribunal ordonne, s'il y a lieu, la suppression, l'enlèvement ou la confiscation de la publicité interdite aux frais des délinquants ; " que dans ces conditions, les infractions à ce texte n'entrent pas dans le champ d'application de la loi d'amnistie ;

" alors qu'en disposant qu'en matière de publicité illicite en faveur du tabac la juridiction répressive ordonne s'il y a lieu, la suppression, l'enlèvement ou la confiscation de la publicité interdite aux frais du délinquant, l'article L. 355-31 du Code de la santé publique édicte une mesure à caractère réel destinée à faire cesser une situation illicite et non une sanction pénale ; que, dès lors, en excluant l'infraction susvisée du bénéfice de l'amnistie prévue par l'article 2 de la loi du 3 août 1995 bien que les faits aient été commis avant le 18 mai 1995 et qu'ils ne soient passibles que d'une peine d'amende, la Cour a violé les textes susvisés " ;

Attendu que, pour écarter l'exception d'extinction de l'action publique invoquée par le prévenu, qui soutenait que le délit, puni d'une simple peine d'amende, était amnistié de plein droit, la juridiction du second degré relève qu'en vertu de l'article L. 355-31 du Code de la santé publique, applicable aux faits de la cause, le juge peut également ordonner la suppression, l'enlèvement ou la confiscation de la publicité interdite aux frais des délinquants ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 2 de la loi du 3 août 1995, portant amnistie ; Que le moyen ne saurait, dès lors, être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 355-25 du Code la santé publique, 121-1, 121-4, 121-7 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques L coupable de complicité de publicité interdite en faveur du tabac ;

" aux motifs que le bon de commande versé aux débats démontre que la société française de diffusion et de documentation (SFDD) a contracté avec R T F et que c'est cette société qui l'a chargée, le 1er février 1994, de la gestion de la campagne et qui a permis par la suite à la société R T Gmbh de préciser sur la cartonette que les réponses des consommateurs devaient être adressées à la SFDD ; " que ce bon de commande révèle également que, si les factures SFDD ont été libellées à l'ordre de RJ R T Gmbh, le fournisseur a été invité " pour accélérer le paiement " à les adresser au service " comptabilité fournisseur RJ T T F " ; " que les premiers juges ont ainsi caractérisé des actes d'aide et d'assistance à la commission d'une infraction constitutifs de la complicité ; " qu'ils ont relevé, d'une part, que la société RJ T T F s'affirme depuis de nombreuses années comme responsable de la publicité et du marketing des produits R sur le territoire français, d'autre part, que le président du Conseil d'administration est domicilié en Grande-Bretagne et que Jacques L se présente toujours comme vice-président de la société et celui qui depuis douze ans est à la tête du troisième groupe de cigarettes en France ; " qu'il apparaît ainsi comme titulaire d'une délégation de pouvoirs, celle-ci pouvant être tacite ;

" alors que, d'une part, aux termes de l'article 121-7 du Code pénal comme de l'article 60 de l'ancien Code pénal, la complicité n'est punissable que lorsque l'auteur a agi " sciemment ", c'est-à-dire en connaissant l'existence de l'infraction principale ; qu'en l'espèce où les juges du fond n'ont aucunement constaté que le prévenu ait eu une telle connaissance avant ou au moment de la réalisation de l'infraction principale de publicité interdite en faveur du tabac et où ils ont seulement affirmé que la société dont il est le vice-président, avait participé à ce délit commis par une société étrangère appartenant au même groupe, l'arrêt attaqué, qui n'a pas constaté l'existence à la charge du prévenu de l'élément intentionnel à défaut duquel il n'existe pas de complicité punissable, a ainsi privé de toute base légale le chef de son arrêt qui a condamné le prévenu ;

"alors, d'autre part, que si une délégation de pouvoirs peut être tacite, la responsabilité pénale du vice-président d'une société au sein de laquelle aurait été commise une infraction, ne saurait être déduite de sa seule qualité à défaut de la constatation de tout acte positif de participation personnelle à la réalisation de l'infraction qu'il ait personnellement accompli ; qu'en se bornant à invoquer le titre de Jacques L pour entrer en voie de condamnation à son encontre, les juges du fond ont méconnu le principe de la personnalité de la responsabilité pénale " ;

Attendu que, pour déclarer Jacques L coupable du délit poursuivi, les juges du second degré retiennent que la société qu'il dirige, à laquelle les consommateurs devaient adresser leurs commandes, a participé à la mise en place, à la gestion et au financement de l'opération illicite organisée par le fabricant des cigarettes dont elle assure, habituellement, la publicité et la promotion des ventes en France; Qu'ils ajoutent, pour écarter l'argumentation de Jacques L, qui affirmait que l'infraction ne pouvait être imputée qu'au président du conseil d'administration de la société, que le prévenu exerce les fonctions de directeur général au sein de celle-ci et se présente lui-même comme étant à la tête du troisième groupe de cigarettes en France ; Qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que le prévenu a agi sciemment, et dès lors que, selon l'article 117 de la loi du 24 juillet 1966, les directeurs généraux disposent, à l'égard des tiers, des mêmes pouvoirs que le président, la cour d'appel a justifié sa décisionsans encourir les griefs allégués ; Que le moyen, qui n'est fondé en aucune de ses branches, ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.