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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 4 novembre 1994, n° 94-03063

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

X

Défendeur :

Le Ministère public

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bertolini

Avocat général :

M. Mazeas

Conseillers :

Mmes Marie, Penichon

Avocats :

Mes Nore, Bihl.

CA Paris n° 94-03063

4 novembre 1994

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le Comité National Contre le Tabagisme a fait citer directement M. F, PDG de la société C et la Société C devant le tribunal pour avoir mis sur le marché des " briquets P M " et s'être ainsi rendus complice d'une infraction de publicité illicite en faveur du tabac,

Faits prévus et réprimés par les articles L. 121-6 et L. 121-7 du Code pénal, 2 de la loi du 9 juillet 1976,

Le tribunal, par jugement contradictoirement par application de l'article 411 du code de procédure pénale à l'égard de M. F, et par application de ce même article à l'égard de M. D, intervenant volontaire en qualité de délégataire, représenté par son conseil, et par application de l'article 415 du même code à l'égard de la Société C, a :

Donné acte à M. D de son intervention volontaire, l'a déclaré coupable de complicité illicite en faveur du tabac et l'a condamné à 100 000 F d'amende,

Relaxé M. F des fins de la poursuite,

reçu le Comité National contre le tabagisme en sa constitution de partie civile et a condamné M. D à lui payer la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 3 000 F en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

A assujetti la décision à un droit fixe de procédure de 600 F ;

Les appels :

Appel a été interjeté par :

Monsieur D Christian, le 1er avril 1994, sur les dispositions pénales et civiles,

La SA C, le 1er avril 1994,

M. Le Procureur de la République, le 1er avril 1994,

Décision :

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par D Christian, la SA C et le Ministère public à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence pour l'exposé de la prévention ;

D Christian est présent à l'audience, assisté de son conseil, a déposé des conclusions écrites.

Il fait valoir :

En premier lieu que la fabrication de briquets portant le nom d'un producteur de cigarettes ne peut constituer une infraction à l'article 2 de la loi du 9 juillet 1976, la preuve n'étant pas rapportée de l'existence des briquets litigieux et de leur commercialisation ;

en deuxième lieu que ce texte fait partie du titre 1er de la loi du 9 juillet 1976, dont l'intitulé est " Dispositions relatives à la propagande et à la publicité " qui n'interdit que les actes de propagande et de publicité et non les actes de mise en vente d'un produit, qu'à contrario ce texte n'interdit pas la distribution gratuite ou non des produits autres que le tabac, même s'ils portent la marque d'un produit du tabac, en dehors de toute publicité, que la notion de publicité ne peut être confondue avec le seul acte de " mise sur le marché " du produit, il ajoute que les briquets commercialisés sous la marque " P M " sont connus des consommateurs en tant que tels, qu'à la date de l'entrée en vigueur de la loi 91-32 du 10 janvier 1991 la vente de ces briquets était licite, mais également, dans certaines limites, la publicité réalisée pour ces briquets ; que la surface consacrée à la marque " P M " est très réduite par rapport à la surface totale du briquet, tout le reste de la surface étant consacrée à la représentation d'une œuvre d'art ; en troisième lieu que, s'agissant de la publicité insérée dans la Revue du tabac, le troisième alinéa de la loi du 9 juillet 1976 prévoit que les dispositions interdisant toute publicité directe ou indirecte en faveur du tabac ne s'appliquent ni aux dispositions éditées par les organisations professionnelles de producteurs, fabricants et distributeurs des produits du tabac et qui sont réservées à leurs adhérents, ni aux publications professionnelles spécialisées dont la liste sera fixée par arrêté ministériel ; que l'arrêté ministériel du 22 mars 1993 vise précisément la Revue du Tabac ; que s'agissant de la Revue " Bon à tirer ", il s'agit d'un article destiné à promouvoir l'ouvre des jeunes artistes reproduit sur les briquets et qu'il a été reconnu qu'un article de presse ne constitue pas en soi une publicité ; que, d'ailleurs, la preuve n'est pas rapportée de la participation à la rédaction ou à la publication de cet article par le prévenu et le civilement responsable ; il précise qu'il n'a pas de liens financiers avec la société P M Product Inc.

Il demande que, pour le cas où la Cour entrerait en voie de condamnation, la société C soit déclarée civilement responsable et supporte la charge des dommages-intérêts éventuellement octroyés au Comité national contre le Tabagisme.

Le Comité National conte le Tabagisme maintient que les briquets portent le nom de P M en gros caractère constituent un moyen de faire une publicité indirecte pour un produit du tabac.

Considérant que la preuve de la fabrication de briquets portant l'inscription P M est suffisamment rapportée par la publicité insérée dans la " Revue du Tabac " et l'information insérée dans la publication dénommée " Bon à tirer " cette dernière présentent lesdits briquets ;

Considérant que leur commercialisation est également établie par l'article invoqué par le CNCT dans cette dernière revue, qui indique leur prix de vente ;

Considérant que l'infraction qui est reprochée à M. D est celle de complicité à l'interdiction édictée par l'article 2 de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme;

Considérant que selon ce texte, toute propagande ou publicité, directe ou indirecte en faveur du tabac ou des produits du tabac ainsi que toute distribution gratuite sont interdites, sauf aux publications éditées par les organisations professionnelles de producteurs, fabricants et distributeurs des produits du tabac et qui sont réservées à leurs adhérents ainsi qu'aux publications professionnelles spécialisées dont la liste sera établie par arrêté ministériel ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de ladite loi, est considérée comme propagande ou publicité en faveur d'un organisme, d'une service, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre que le tabac ou un produit du tabac lorsque, par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une marque, d'un emblème publicitaire ou de tout autre signe distinctif, elle rappelle le tabac ou un produit du tabac.

Considérant que le briquet litigieux présente en caractères apparents les termes P M ; que cette présentation est de nature à évoquer une marque de cigarettes connue;

Considérant que la publicité en faveur du tabac est prohibée quel que soit le mode de diffusion utilisé; qu'une information dans une publication constitue une publicité indirecte, lorsque comme en l'espèce, elle informe ses lecteurs de la mise en vente d'un produit évoquant le tabac ou un produit du tabac;

Considérant que, s'il existe une dérogation pour les produits autre que le tabac ou un produit du tabac qui a été mis sur le marché avant le 1er janvier 1990, elle ne saurait être invoquée par le prévenu, le briquet C n'étant pas connu sous le nom de P M;

Considérant que le délit de publicité illicite en faveur du tabac ou d'un produit du tabac est bien caractérisé à l'encontre du directeur de la revue " Bon à tirer ";

Considérant que celui-ci n'a pas fait l'objet de poursuites, mais que M. D est prévenu de complicité, de l'infraction de publicité illicite en faveur du tabac ou d'un produit du tabac;

Considérant que selon l'article 60 du code pénal seront punis comme complice ceux qui auront, avec connaissance, aidé ou assisté l'auteur ou les auteurs de l'action, dans les faits qui l'auront préparée ou facilitée, ou ceux qui l'auront consommée;

Considérant qu'en fabricant le briquet litigieux, M. D a rendu possible le délit de publicité illicite commis par la revue "Bon à tirer ;

Considérant que M. D s'est donc rendu coupable des faits qui lui sont reprochés ;

Considérant cependant, qu'il existe une dérogation en faveur de certaines publications ;

Considérant que " La revue des tabacs " a été inscrite dans la liste des publications spécialisées bénéficiant de cette dérogation par l'arrêté du 22 mars 1993; Qu'en conséquence, il ne saurait être retenu de délit pour l'insertion publicitaire, relative aux briquets litigieux de " La revue des tabacs ";

Considérant que la peine d'amende prononcée par les premiers juges doit être réformée ; une seule infraction pouvant être reprochée à M. D ; qu'une peine d'amende de 50 000 F sera prononcée ;

Considérant que le Comité National contre le tabagisme subit un préjudice ; que la Cour possède les éléments suffisants pour l'évaluer à 80 000 F ;

Considérant que la société C doit être déclarée civilement responsable des agissements de M. D ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard de toutes les parties, Reçoit les appels de D Christian, de la société C, et du Ministère public, Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré D Christian coupable de complicité du délit de publicité illicite en faveur du tabac, pour la publication de l'information insérée dans la revue " Bon à tirer ", L'infirme en ce qu'il l'a déclaré coupable pour l'insertion publicitaire dans " La revue du tabac ", le relaxe de ce chef, En conséquence, le condamne à une peine d'amende de 50 000 F, Déclare la société C civilement responsable de D Christian, Condamne D Christian et la société civilement responsable à payer la somme de 80 000 F à titre de dommages-intérêts au Comité National contre le Tabagisme, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné.