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Décisions

CA Paris, 9e ch. B, 18 septembre 1992, n° 89-3849

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Leprêtre, Rocheteau, Boudin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Beauquis

Avocat général :

M. Fortin

Conseillers :

M. Pelletier, Mme Bertolini

Avoué :

Me Hayat

Avocat :

Me Rabiller.

TGI Paris, 31e ch., du 23 mars 1989

23 mars 1989

Rappel de la procédure

A) Le jugement:

Le tribunal a déclaré Patrice D coupable d'infractions à la législation sur le démarchage à domicile (faits commis à Paris courant juillet 1985 et courant 1986 et 1987), et par application des articles 2, 4, 5 de la loi du 22 décembre 1972 l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et à quinze mille (15 000) F d'amende, ainsi qu'aux dépens envers l'Etat, liquidés à la somme de 855,90 F.

Sur l'action civile, le tribunal a condamné D Patrice à payer à:

- Rocheteau Maurice, la somme de quatre mille (4 000) francs à titre de dommages-intérêts,

- Boudin William, la somme de trois mille deux cents (3 200) francs à titre de dommages-intérêts,

- Leprêtre Robert la somme d'un (1) franc à titre de dommages-intérêts.

B) Les appels:

Appel a été interjeté par:

- Me Germanaz, avocat, au nom de Patrice D, le 4 avril 1989 (sur les dispositions pénales et civiles du jugement),

- M. le Procureur de la République de Paris, le même jour.

C) L'arrêt de défaut du 7 juillet 1989:

Cette Chambre, statuant par défaut à l'égard de D, a reçu les appels, confirmé le jugement sur la déclaration de culpabilité et sur les intérêts civils et condamné le prévenu à un an d'emprisonnement et quinze mille francs d'amende, mandat d'arrêt étant en outre décerné. D a été condamné aux dépens envers l'Etat, de première instance et d'appel, liquidés à la somme de 2 071 F.

D) L'opposition:

Le 11 juillet 1989, D a déclaré former opposition à l'exécution dudit arrêt de défaut. Le mandat d'arrêt a été exécuté le même jour.

E) L'arrêt de défaut du 7 juillet 1989:

Par arrêt du 18 juillet 1989 la 10e chambre de la cour (service allégé) a donné main levée du mandat d'arrêt décerné le 11 juillet 1989 à l'encontre de D et a ordonné sa mise en liberté sous réserve du paiement préalable d'une caution de 50 000 F. L'affaire a été renvoyée, sur le fond, au 29 septembre 1989 devant la 9e chambre. Les dépens ont été réservés.

F) L'arrêt de mise en liberté:

Le 17 novembre 1989, cette chambre de la cour, a reçu l'opposition et les appels et, avant dire droit au fond, a soumis à la Cour de justice des Communautés européennes deux questions préjudicielles relatives à la directive 85-577 du 20 décembre 1985 du Conseil des Communautés européennes. L'affaire a été renvoyée au 11 mai 1990 et les dépens ont été réservés.

Décision

prise après en avoir délibéré conformément à la loi,

Considérant que pour le rappel des préventions et des faits de la cause ainsi que pour l'exposé de l'argumentation du premier appelant, la cour se réfère aux énonciations du jugement et à celles de son arrêt avant dire droit du 17 novembre 1989.

Considérant que par l'arrêt précité la cour a posé à la Cour de justice des Communautés européennes deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation de la Directive 85-577-CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux.

Considérant que la Cour de justice des Communautés européennes, dans son arrêt du 14 mars 1991 a apporté aux questions soulevées, les réponses suivantes:

Question n° 1:

Le commerçant démarché en vue de la conclusion d'un contrat de publicité relatif à la vente de son fonds de commerce, ne doit pas être considéré comme un consommateur protégé par la directive 85-577-CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux.

Question n° 2:

La directive ne s'oppose pas à ce qu'une législation nationale sur le démarchage étende la protection qu'elle établit à des commerçants, lorsque ceux-ci accomplissent des actes en vue de la vente de leur fonds de commerce.

Considérant que dans ses conclusions régulièrement déposées à l'audience du 22 mai 1992, D prie la cour de:

- le relaxer des fins de la poursuite en application de la directive communautaire du 20 décembre 1985 interprétée par l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 14 mars 1991,

- de dire que la loi française du 22 décembre 1972 sur la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile, dans son article 8-I-e, exclut de son champ d'application les commerçants démarchés dans les conditions décrites à la poursuite.

Considérant que le ministère public sollicite la confirmation du jugement.

Sur quoi, LA COUR:

Considérant qu'au terme du dispositif sus-mentionné de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 14 mars 1991, nulle incompatibilité n'existe, dans le domaine de la protection des consommateurs démarchés à domicile ou au lieu de travail, entre la directive communautaire alléguée et la loi française du 22 décembre 1972, fondement de la poursuite.

Considérant qu'en conséquence, la cour examinera le mérite des poursuites engagées contre D au regard des dispositions de la loi française du 22 décembre 1972 et recherchera si les prestations servies par la société GNDIIC (Groupement National de Diffusion Immobilière Industrielle et Commerciale), objets des poursuites, peuvent bénéficier des dispositions de l'article 8-I-e de ladite loi prévoyant que ne sont pas soumises aux articles 1 à 5 de la loi "les prestations de service lorsqu'elles sont proposées pour les besoins d'une exploitation agricole, industrielle et commerciale ou d'une activité professionnelle".

Considérant que l'activité de démarchage exercée par la société GNDIIC auprès des commerçants et visant à leur faire souscrire un contrat de publicité relatif à la vente de leur fonds de commerce, ne peut être considérée comme se rattachant aux besoins normaux d'une exploitation commerciale, dès lors que les prestations offertes tendent à mettre un terme à l'activité professionnelle des personnes démarchées.

Considérant qu'il en résulte que D est mal fondé à soutenir que son activité n'est pas soumise aux exigences imposées par la loi du 22 décembre 1972 concernant le délai de réflexion de sept jours et l'utilisation de contrats conformes à l'article 2 de la loi.

Considérant qu'en enfreignant délibérément les prescriptions légales, D s'est rendu coupable des infractions visées à la prévention

Considérant que la déclaration de culpabilité sera confirmée.

Sur la peine:

Considérant qu'eu égard à la gravité des faits, la peine prononcée par les premiers juges est justifiée ; qu'elle sera confirmée.

Sur les intérêts civils:

Considérant que les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice direct causé aux parties civiles par les agissements délictueux du prévenu ; que le jugement sera confirmé.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement à l'égard de Patrice D, prévenu, et de Maurice Rocheteau, partie civile, et par défaut à l'égard de Robert Leprêtre et William Boudin, autres parties civiles. Vu son arrêt avant dire droit du 17 novembre 1989 ayant reçu l'opposition et les appels. Confirme le jugement sur la déclaration de culpabilité de Patrice D, la peine et les intérêts civils. Condamne Patrice D aux dépens envers l'Etat, de première instance et d'appel, liquidés à la somme de 3 330,57 F. Dit qu'il pourra être recouru, s'il y a lieu, à l'exercice de la contrainte par corps pour le recouvrement de l'amende et des frais de justice, dans les conditions fixées aux articles 749 et suivants du Code de procédure pénale ; Le tout par application des articles 2, 4 et 5 de la loi du 22 décembre 1987, 473, 734-1, 749 et suivants du Code de procédure pénale.