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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 22 mars 1995, n° 94-02780

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Conseillers :

Mmes Penichon, Desolneux

Avocats :

Mes Lenoir, Combeau.

Avocat général :

Mme Borde

CA Paris n° 94-02780

22 mars 1995

Rappel de la procédure

Le jugement :

Le tribunal a déclaré non coupables René N et Jan H vu l'article 470 du Code de procédure pénale, relaxé N René et H Jan des fins de la poursuite, mis hors de cause la société RIF, relaxé B Charles du chef de participation à des opérations de parrainage illicite des stations de ski et de compétitions de planches à voile, déclaré B Charles coupable de publicité illicite en faveur du tabac, en l'espèce publicité indirecte dans la presse écrite en faveur d'un service rappelant le tabac, faits commis courant 1992, à PARIS, infraction prévue par l'article 1,2,8,12,15 de la loi n° 76-616 du 9 juillet 1976.

Et par application de ces articles, l'a condamné à 200 000 F d'amende, déclaré le GIE E solidairement responsable du paiement de la totalité de l'amende mise à la charge de son dirigeant Charles B, déclaré régulièrement la constitution de partie civile le Comité National contre le Tabagisme, condamné Charles B à lui payer la somme de 500 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 10 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; déclaré le GIE E civilement responsable de Charles B, dit que la décision était assujettie à un droit fixe de procédure de 600 F dont est recevable chaque condamné.

Les appels:

Appel a été interjeté par : M. le Procureur de la République, le 2 Mars 1994 contre Monsieur B Charles

Monsieur B Charles, le 2 Mars 1994

GIE E, le 2 Mars 1994

Comité National Contre le Tabagisme, le 7 Mars 1994 contre RIF Société, GIE

E, Monsieur B Charles, Monsieur N René, Monsieur H Jan Willem.

Décision :

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par Charles B, le GIE E et le Comité National contre le Tabagisme à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention ; le Ministère public a également interjeté appel de cette décision contre Charles B ;

Par voie de conclusions conjointes Charles B et le GIE E demandent à la Cour, par infirmation, de renvoyer Charles B des fins de la poursuite pour l'ensemble des faits visés à la prévention ;

Ils font essentiellement valoir que le Comité National Contre le Tabagisme ne verse aux débats aucun élément sérieux permettant de retenir une participation à des opérations de parrainage illicite de compétitions de planches à voile et que la publicité pour les voyages PST n'est pas une publicité indirecte pour le tabac ;

Ils soutiennent en effet que s'agissant de la marque PST, son graphisme, les dimensions des caractères, n'évoquent pas les cigarettes commercialisées sous le nom de PS ;

Subsidiairement, ils invoquent le bénéfice de la dérogation prévue à l'article 3 de la loi du 9 juillet 1976 modifiée et soulignent que les voyages " PST ", qui sont des produits différents du tabac, ont été mis sur le marché avant le 1er janvier 1990 par une entreprise juridiquement et financièrement distincte de toute entreprise du tabac ;

Par voie de conclusions conjointes René N, Jan H et la Société RIF sollicitent de la Cour la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a relaxé MM. N et H des fins de la poursuite et mis hors de cause la Société RIF ;

Ils font essentiellement valoir que Jan H n'a été cité qu'en sa qualité d'administrateur de la Société RIF et qu'il est donc sans intérêt de savoir s'il peut être le Directeur de la Société PST ;

Ils exposent que le Comité National Contre le Tabagisme se borne à émettre des supputations et à énoncer des affirmations purement gratuites qui ne sont étayées d'aucune pièce et qui, en toute hypothèse, ne démontrent nullement en quoi Jan H aurait personnellement accompli une infraction aux dispositions de l'article 3 de la loi Evin ;

Ils précisent que René N n'est pas administrateur de la Société RIF mais directeur général de celle-ci et qu'il n'avait donc pas le pouvoir de s'opposer à la campagne publicitaire incriminée ;

Le Comité National Contre le Tabagisme, par conclusions régulièrement visées et déposées à la procédure, et aux motivations desquelles la Cour se réfère expressément, demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Charles B coupable de publicité indirecte dans la presse écrite en faveur d'un service rappelant le tabac ;

- infirmer la décision critiquée en ce qu'elle a relaxé MM. N et H des fins de la poursuite et mis hors de cause la Société RIF ;

- déclarer MM. N et H coupables du délit de publicité indirecte dans la presse écrite, et dans diverses opérations de parrainage des stations de ski et des compétitions de planches à voile ;

- condamner MM. N et H à verser au Comité National Contre le Tabagisme la somme de 5 262 450 F à titre de dommages et intérêts et la somme de 40 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

- déclarer le GIE E et la Société RIF civilement responsables de leurs dirigeants et préposé, MM. B, N, et H, et les condamner solidairement à payer au Comité National Contre le Tabagisme la somme de 5 262.45 F ;

- condamner solidairement l'ensemble des prévenus et sociétés civilement responsables, à payer au Comité National Contre le Tabagisme la somme de 40 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Monsieur l'Avocat Général requiert de la Cour la confirmation du jugement déféré sur la déclaration de culpabilité et la peine d'amende infligée à Charles B ;

Sur l'action publique

Considérant qu'il convient de rappeler que le Comité National Contre le Tabagisme a fait citer directement devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, en qualité de prévenus Charles B, René N et Jan H, et, en qualité de personnes morales civilement responsables le GIE E et la Société RIF pour infractions aux articles 1,2,3 et suivants de la loi du 9 juillet 1976 relative à la lutte contre le tabagisme modifiée par la loi du 10 janvier 1991 ; Que dans sa citation la partie civile expose que dans les premières semaines de 1993, le GIE E, spécialisé dans la conception et l'organisation des campagnes publicitaires, a fait paraître dans la presse écrite, un grand nombre de publicités en faveur de PST ; Que la même marque PST a été apposée sur l'ensemble des cartes d'abonnement des remontées mécaniques de la station la Plagne et également sur des planches à voile à l'occasion d'une compétition ayant fait l'objet d'un reportage télévisé ; Que la partie civile estime que la Société RIF et le GIE E, qui entretiennent des liens juridiques et financiers étroits, se sont lancés, ainsi que leurs dirigeants, dans une campagne publicitaire multi média (presse écrite, parrainage sportif, télévision...) dans le but évident de contourner les dispositions de la loi Evin relatives à la publicité indirecte et d'assurer la promotion des cigarettes de la marque PS ;

Considérant que c'est par des motifs pertinents que la Cour fait siens et par une juste appréciation des faits et circonstances particulières de la cause, exactement rapportés dans la décision attaquée, que les premiers juges ont, à bon droit, relaxé Charles B du chef de participation à des opérations de parrainage illicite et déclaré ce prévenu coupable de publicité indirecte dans la presse écrite en faveur d'un service rappelant le tabac ;

Considérant, en effet, que la Cour observe à son tour que par son nom, son graphisme, sa présentation, sa couleur, son emblème publicitaire, la publicité en faveur de PST évoque les cigarettes PS et constitue ainsi une publicité indirecte illicite rappelant le tabac; Que par ailleurs, ainsi que relevé à juste titre par le tribunal la marque PST étant un service et non un produit, puisque la société PST B V a une activité d'agence de voyage, ne peut prétendre bénéficier de la dérogation prévue à l'article 3 alinéa 2 de la loi n° 76-616 du 9 juillet 1976 modifiée;

Considérant qu'il convient de confirmer la décision critiquée en ce qu'elle a relaxé Charles B du chef de participation à des opérations de parrainage illicite et déclaré ce prévenu coupable de publicité indirecte dans la presse écrite en faveur d'un service rappelant le tabac ; Qu'il échet de confirmer également le jugement déféré sur la peine d'amende infligée qui constitue une juste application de la loi pénale et en ce qu'il a déclaré le GIE E solidairement responsable du paiement de la totalité de l'amende mise à la charge de son dirigeant Charles B ;

Sur l'action civile

1/ N René

Considérant que le Ministère public n'ayant pas fait appel de la décision de relaxe rendue à l'égard de René N et de Jan H, celle-ci est devenue définitive ;

Considérant cependant qu'en raison de l'indépendance de l'action civile et de l'action publique, l'appel de la partie civile saisit valablement le juge des seuls intérêts civils ; Qu'en conséquence, malgré la décision de relaxe il appartient à la Cour d'apprécier les faits dans le cadre de la prévention pour se déterminer sur le mérite des demandes civiles qui lui dont présentées ;

Considérant que la Cour ne trouve pas motif à modifier la décision dont appel en ce qu'elle a débouté le Comité National Contre le Tabagisme de ses demandes dirigées contre René N ;

Considérant en effet que la Cour constate qu'à la suite des débats et au vu de la procédure il n'est pas indubitablement établi que René N se soit personnellement rendu auteur des faits d'infractions à la loi du 9 juillet 1976 modifiée qui lui sont reprochés ni qu'il ait eu le pouvoir juridique de s'opposer à la campagne publicitaire litigieuse ;

Considérant que les seules accusations de la partie civile sont insuffisantes à asseoir la conviction de la Cour dès lors qu'elles ne sont étayées par aucun élément de preuve tangible ;

2/ H Jan

Considérant, en revanche, qu'en ce qui concerne Jan H, le Comité National contre le Tabagisme fournit en cause d'appel un extrait K Bis de PST B V ainsi que sa traduction par un expert agrée ; Qu'il s'avère que Jan H était le directeur en titre de PST à l'époque des faits ;

Considérant qu'il est constant que l'annonceur des publicités incriminées est la Société PST ; Que la plupart des factures de règlement des frais de publicité dans la presse écrite ont été réglées par PST ;

Considérant que l'importance de la campagne publicitaire en cause, dont les engagements reconnus par les factures fournies par PST s'élèvent à un total de plus de 2 millions de F, n'a pu échapper au contrôle de Jan H ;

Considérant que, dès lors, Jan H, en sa qualité de directeur de PST, a, par ses agissements commis une faute préjudiciable au Comité National Contre le Tabagisme, association reconnue d'utilité publique, qui déploie par ses campagnes d'information des efforts constants dans la lutte contre le tabagisme ; Que c'est donc à tort que la partie civile a été déboutée de ses demandes à l'encontre de Jan H ;

Considérant que le jugement dont appel sera infirmé sur ce point ;

Considérant en revanche qu'à juste titre dans le cadre de l'action civile B Charles a été condamné à verser des dommages intérêts au Comité National Contre le Tabagisme ;

Considérant cependant que la Cour estime posséder les éléments d'appréciation nécessaires et suffisants pour évaluer l'ensemble du préjudice subi par la partie civile, dans le cadre de la prévention, à 500 000 F ;

Considérant qu'il convient en conséquence modifiant le jugement dont appel sur les intérêts civils de condamner solidairement B Charles et H Jan, en raison de leurs agissements délictueux respectifs entraînant pour chacun d'eux réparation civile à l'égard du Comité National Contre le Tabagisme, à payer à celui-ci la somme globale de 500 000 F ;

Considérant qu'il échet de confirmer la décision critiquée en ce qu'elle a déclaré la Société GIE E civilement responsable de Charles B et en ce qu'elle a mis hors de cause la Société RIF ;

Considérant que la Cour condamnera Charles B à verser à la partie civile la somme supplémentaire de 10 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et H Jan à verser au Comité National Contre le Tabagisme la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, Statuant dans la limite des appels relevés. Sur l'action publique, Confirme le jugement entrepris sur la relaxe partielle et la déclaration de culpabilité relatives à Charles B, Confirme le jugement critiqué sur la peine d'amende infligée à Charles B et en ce qu'il a déclaré le GIE E solidairement responsable du paiement de la totalité de l'amende mise à la charge de son dirigeant Charles B. Sur l'action civile, Confirme le jugement dont appel en ce qu'il a débouté le Comité National Contre le Tabagisme de ses demandes relatives à René N et mis hors de cause la société RIF. Le modifiant et l'infirmant pour le surplus, Dit que dans le cadre de la prévention Jean H a commis une faute entraînant réparation civile envers le Comité National Contre le Tabagisme, Fixe à 500 000 F le préjudice global subi par le Comité National Contre le Tabagisme, Condamne solidairement B Charles et H Jan à payer au Comité National Contre le Tabagisme la somme de 10 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Y ajoutant condamne B Charles à verser au Comité National Contre le Tabagisme la somme supplémentaire de 10 000 F au titre des frais irrépétibles en cause d'appel, Condamne Jan H à verser au Comité National Contre le Tabagisme la somme de 10 000 F au titre de l'article 474-1 du Code de procédure pénale ; Déclare GIE E civilement responsable de Charles B, Déboute le Comité National Contre le Tabagisme du surplus de ses demandes, Rejette toutes autres conclusions plus amples ou contraires, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné.