CA Versailles, 14e ch., 27 septembre 1996, n° 03241-96
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Promedica-Chiesi (SA)
Défendeur :
Glaxo-Wellcome (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gillet
Conseillers :
MM. Liauzun, Lombard
Avoués :
Me Bommart, SCP-Jullien-Lecharny Rol
Avocats :
Mes Berger Perrin, Couste.
I
I-1 Considérant que la société Glaxo-Wellcome commercialise depuis 1976 une spécialité à base de dipropionate de béclométasone dite "Bécotide" destinée au traitement de l'asthme par inhalation, ladite inhalation étant déclenchée par un mouvement de pression à imprimer par l'utilisateur en même temps qu'il inspire le produit libéré; que la société Promedica-Chiesi a récemment mis sur le marché un "générique" du Bécotide dénommé "Beclojet", dont la particularité est de comporter une chambre d'inhalation intégrée, dispositif permettant au patient d'inhaler le produit sans avoir à veiller à coordonner son inspiration à sa pression ; que cette opération a été accompagnée d'une publicité utilisant, à propos du produit concerné, les expressions de "nouvelle approche de l'asthme" et de "(produit) issu de la recherche Promedica-Chiesi", ladite publicité ayant paru dans "Le quotidien du médecin" du 15 février 1996 et ayant fait l'objet d'une lettre circulaire aux praticiens mentionnant "une innovation technologique dans l'asthme";
I-2 Considérant que par ordonnance du 15 mars 1996 le juge des référés du Tribunal de Commerce de Nanterre, saisi par la société Glaxo-Wellcome, a fait interdiction à la société Promedica-Chiesi de poursuivre cette publicité, mentionnée dans la décision comme relative à une "nouvelle approche thérapeutique", sauf à préciser que la nouveauté ne porte que sur la commodité d'usage et sauf à prouver qu'il s'agit bien d'une nouveauté ; que la même décision a fait défense à la société susnommée de publier ou diffuser des brochures ou dépliants pareillement conçus, le tout sous astreinte ; qu'elle a alloué à la société Glaxo-Wellcome une somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile et lui a donné acte de ce qu'elle se réservait de demander des dommages-intérêts
II
II-1 Considérant que la société Promedica-Chiesi, appelante, conclut à l'infirmation de l'ordonnance et sollicite une somme de 30 000 F pour frais hors dépens
II-2 Considérant que la société Glaxo-Wellcome conclut à la confirmation de l'ordonnance sauf a y ajouter la reconnaissance, refusée par le premier juge d'un dénigrement contenu selon elle dans la publicité incriminée ; qu'elle réclame à l'appelante une somme de 50 000 F pour frais irrépétibles
III
III-1 Considérant que le premier juge ayant, pour l'interdire en référé, tenu la publicité litigieuse pour trompeuse, la société Promedica-Chiesi, au soutien de son appel, fait valoir qu'un médicament se caractérisant par sa qualité, sa sécurité et son efficacité, le dispositif relatif au système d'inhalation a constitué l'innovation, génératrice d'efficacité et de sécurité, caractérisant le Beclojet ; qu'elle cite une littérature médicale attestant de l'intérêt qui s'attache à l'utilisation d'une chambre d'inhalation intégrée pour pallier les risques inhérents à un défaut de coordination entre la pression et l'inhalation dans l'administration des aérosols corticoïdes tels le produit en cause ; qu'elle déclare que ce dispositif, expressément mentionné dans l'autorisation de mise sur le marché, doit être tenu, par la nouveauté qu'il représente au regard des conditionnements ordinaires, comme générateur d'une "nouvelle approche" de la maladie dont s'agit, cette expression n'étant d'ailleurs pas complétée, contrairement aux termes de l'ordonnance, par l'adjectif "thérapeutique" mais par la simple indication du nom de la maladie au traitement de laquelle vise le produit; qu'elle souligne que la publicité litigieuse est au surplus destinée à des médecins largement au fait de l'importance à accorder aux simples techniques d'administration et insusceptibles d'être induits en erreur sur une éventuelle originalité, inexistante en l'espèce, du principe actif lui-même ; qu'elle déclare enfin que la société Glaxo-Wellcome elle-même a cru bon, en Grande-Bretagne, d'utiliser comme argument promotionnel la chambre d'inhalation intégrée caractérisant un de ses produits;
III-2 Mais considérant, comme l'a relevé le premier juge,qu'une manipulation plus commode ne peut être assimilée à une "nouvelle approche", le qualificatif de "thérapeutique", certes ajouté par ce juge, n'étant au demeurant pas inadapté à l'utilisation d'un médicament;qu'associer la mention d'une "nouvelle approche de l'asthme", expression recherchée à connotation de distinction ou de nuance, à celle d'un produit "issu de la recherche Promedica-Chiesi", expression en forme de bilan méritoire ou objectif, crée évidemment, même dans l'esprit de praticiens présumés rompus à la relativisation de tels artifices, une impression de nouveauté radicale et de supériorité de fond corroborée par le sérieux de la lettre circulaire ;que tel n'était pas le sens de l'argumentation qu'il est reproché à la société Glaxo-Wellcome d'avoir utilisée en Grande-Bretagne puisqu'elle visait simplement à souligner l'intérêt d'une chambre intégrée par rapport à celles, de grand volume, précédemment distribuées pour être l'objet d'une prescription distincte; que pour ces raisons la publicité en cause fait manifestement de la présence, certes intéressante, d'une chambre d'inhalation intégrée dans le Beclojet 250, une présentation largement génératrice de confusion ;qu'elle constitue donc un trouble manifestement illicite auquel le premier juge a, à bon droit, mis fin ;que l'ordonnance doit donc être confirmée ; que cette confirmation suffira à la cessation du trouble, cessation à laquelle serait parfaitement indifférente la reconnaissance de pur principe, encore réclamée par la société Glaxo-Wellcome, d'un "dénigrement" qu'il lui appartiendra de justifier, le cas échéant, à l'occasion de la demande de dommages-intérêts qu'elle se propose de formuler ;
IV
Et considérant que l'équité commande d'allouer à la société Glaxo-Wellcome une nouvelle somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, confirme l'ordonnance entreprise, condamne la société Promedica-Chiesi aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Bommart, avoué. La condamne en outre à verser à la société Glaxo-Wellcome une nouvelle somme de vingt mille francs (20 000 F) pour frais hors dépens.