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Décisions

CA Agen, ch. corr., 6 janvier 2000, n° 99-00271-A

AGEN

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lebreuil

Avocat général :

M. Dagues

Conseillers :

MM. Louiset, Certner

Avocats :

Mes Monroux, du Puy de Goyne.

TGI Auch., du 24 juin 1999

24 juin 1999

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le Tribunal de grande instance d'Auch, par jugement en date du 24 juin 1999, a déclaré:

"D" Gérard Alain, coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, a compter du 25 novembre 1994 à 1996, à Eauze (32), infraction prévue par l'article L.213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L.213-1, L.216-2, L.216-3 du Code de la consommation

"D" Roland Pierre, coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, a compter du 25 novembre 1994 à 1996, à Eauze (32), infraction prévue par l'article L.213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L.213-1, L.216-2, L.216-3 du Code de la consommation.

et par application de ces articles, le tribunal a condamné sur les poursuites de l'administration fiscale, "D" Gérard Alain, "D" Roland Pierre et la SARL "X", à des amendes et pénalités fiscales, prononcé la contrainte par corps, et sur l'action pénale, a condamné chacun des prévenus à une peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis - ordonné la publication dans les journaux "La Volonté Paysanne", "Le Sillon", "La Dépêche du Midi" et le "Sud Ouest" sans que le coût de chaque insertion excède 1 500 F - a ordonné l'affichage à la Mairie d'Eauze pour une durée de 1 mois.

Attendu que Roland "D", Gérard "D", la SARL "X" et le Ministère public ont interjeté appel de la décision susmentionnée par déclarations reçues au greffe du Tribunal de grande instance d'Auch les 25 juin et 8 juillet 1998;

Attendu que ces appels sont réguliers en la forme et qu'ils ont été interjetés dans le délai de la loi; qu'il convient par conséquent de les déclarer recevables;

Attendu que les prévenus comparaissent en personne et demandent à la cour de les renvoyer des fins de la poursuite sans peine ni dépens au motif que les éléments constitutifs des infractions qui leur sont reprochées ne sont pas réunis;

Attendu que le Ministère public a requis;

Sur quoi

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure et des débats d'audience les faits suivants:

Au mois d'août 1996, préalablement à sa saisie dans le casier viticole informatisé défini par le règlement communautaire n° 2392-86 du 24 juillet 1986, les agents des douanes du service de la viticulture d'Auch procédaient à l'examen de la déclaration d'encépagement de la SARL "X" datée du 30 août 1995, établie conformément aux dispositions du règlement communautaire susvisé et de l'article 169 bis 4 de l'annexe III du Code général des impôts.

Cet examen permettait de constater une première anomalie, à savoir que ladite société revendiquait 20 ha 75 a 22 ca alors que son potentiel légal n'était que de 18 ha OS a 62 ca (dont 8 ha 47 a et 17 ca en propriété, 9 ha 58 a 45 ca en fermage par bail rural conclu le 27 août 1990 avec le GAEC de Juglaron à Eauze), soit un excédent non autorisé de 2 ha 69 a 60 ca.

Poursuivant leur contrôle sur pièces, les agents des douanes et des droits indirects étaient amenés à vérifier les déclarations de récolte déposées à la mairie d'Eauze par la même SARL en 1994, 1995 et 1996.

Ils constataient alors une seconde anomalie dans la mesure où la SARL "X" mentionnait une superficie totale:

- en 1994 de 80 ha 98 a 79 ca

- en 1995 de 89 ha 30 a 70 ca

- en 1996 de 70 ha 85 a 39 ca.

La différence importante par rapport à l'encépagement déclaré provenait, selon l'administration, de baux à fermage dont le service de la viticulture n'avait pas été informé en violation des règles communautaires définies par le règlement 2392-86 du 24 juillet 1986 et de l'article 169 bis 4 de l'annexe III du Code susvisé.

L'analyse des baux communiqués a posteriori par Roland "D" et Gérard "D", associés et co-gérants de la SARL "X", révélait, selon l'administration des Douanes, de nombreuses irrégularités qui constituaient une troisième série d'anomalies ne permettant pas de les considérer comme opposables à l'administration, notamment par leur durée (simplement annuelle), leur établissement avec les mêmes propriétaires bailleurs, généralement à l'automne, soit peu de temps avant la déclaration de récolte, mais avec effet rétroactif au 1er janvier de l'année en cours, des superficies supérieures à 1 ha à l'exception de deux d'entre eux, les vignes concernées étant enfin disséminées dans un rayon d'une vingtaine de kilomètres autour du centre de l'exploitation.

Les agents constataient encore que les terres prises à bail soit n'étaient pas aptes à produire, soit étaient entretenues et vendangées par les bailleurs eux-mêmes.

L'administration considérait ainsi que ces baux avaient un caractère purement fictif, permettant d'incorporer des parcelles prises à bail dans les déclarations de récolte et ainsi de majorer la superficie on production à la seule fin d'abaisser artificiellement le rendement agronomique de l'exploitation en le portant en:

- 1994: de 164,51 hl/ha à 81,91 hl/ha,

- 1995: de 164,66 hl/ha à 86,48 hl/ha,

- 1996: de 131 hl/ha à 87,87 hl/ha.

Cette majoration des superficies constituait, selon l'administration des Douanes, de fausses déclarations de récoltes qui représentaient sur trois ans 8890,44 hl et avait permis, on abaissant le rendement:

- d'échapper pour les trois années précitées à la distillation obligatoire prévue à l'article 36 du règlement CEE 822-87, pour un volume de 8229,62 hl,

- de revendiquer indûment la dénomination "vin de pays Côtes de Gascogne "pour un volume de 1334,56 hl de vin de table blanc dont 1156,17 hl mis à la consommation sous couvert de titres de mouvement reprenant la dénomination indue de " vin de pays Côtes de Gascogne ".

Dans ces conditions, les agents de l'administration des Douanes et Droits directs dressaient un procès-verbal d'infractions le 25 novembre, fondement des présentes poursuites sur double citation:

- de l'administration des douanes pour:

1° fausses déclarations de récolte 1994, 1995 et 1996 pour un volume de 8890,44 hl de vin,

2° expédition de 1156,17 hl de vin sous couvert de titres de mouvement inapplicables,

3° plantation sans déclaration de 2 ha 69 a 60 ca de vignes,

- du Ministère public du chef de tromperie sur la nature et les qualités substantielles du produit;

Attendu que, de même que devant les premiers Juges, les prévenus contestent les faits qui leur sont reprochés et sollicitent leur relaxe, le cas échéant après questions préjudicielles auprès de la Cour de justice des Communautés européennes; qu'ils font ainsi valoir que:

- la définition de l'exploitation ne relève pas de l'article 48 du Code du vin mais du règlement 822-87 qu'il y a lieu d'interpréter notamment au regard de son article 36 et de sa compatibilité avec la législation française sur les baux ruraux qui impose notamment une durée de 9 ans,

- l'ordonnance du 7 janvier 1959 n'est pas visée par la poursuite, alors que ce texte permet d'apprécier les faits reprochés notamment compte tenu de la définition de l'exploitation et des conditions de cette exploitation: de ce point de vue, les baux ne sont pas fictifs; ils ont été dûment enregistrés et correspondent à la commune volonté des parties,

- l'administration a opéré des calculs théoriques invérifiables et non sur des éléments objectifs tel que l'âge des vignes incriminées, leur vigueur, le pourcentage éventuel de manquants, les tailles des années précédentes, la protection phyto-sanitaire et on règle générale "les potentialités de production" qui ne pouvaient être relevées que par des agents disposant de la qualification nécessaire,

- l'administration avait renoncé à opposer un quelconque grief à leur exploitation en ayant toléré, validé voire encouragé les déclarations telles quelles: déclarations multiples (récoltes, stocks, livres de cave, de manipulations oenologiques,enregistrement, etc) à l'égard desquelles l'administration n'avait émis aucune critique, aucune réserve pendant des années; viatique donné officiellement sous forme d'attestation de respect des obligations communautaires signée de la main même du dévolutaire de M. Ragaru représentant l'administration poursuivante et qui authentifie et valide l'exploitation aujourd'hui mise en cause; enfin, protocole d'accord signé par l'ensemble des administrations intéressées aux termes duquel "les hectares de jeunes vignes sont réputées être en production ", document officiellement conclu devant toute la filière viticole validant et même encourageant la pratique pour les viticulteurs de compenser les surplus accrus sur les vignes on rendement avec les jeunes plantes d'une jour, improductives par essence pendant trois ans;

Sur les poursuites de l'administration des douanes

1° sur la plantation sans déclaration

Attendu que l'article 1er du décret du 30 septembre 1953 prévoit que toute plantation de vigne doit faire l'objet d'une déclaration à la recette des Douanes au moins un mois avant;

Attendu qu'il a été constaté au mois d'août 1996 que 2 ha 69 a 60 ca de vignes ont été plantés par la SARL "X" sans la déclaration susvisée; que ce fait a été reconnu par Gérard "D" dans son audition du 24 juillet 1997 par le service verbalisateur, au cours de laquelle il a précisé les parcelles concernées (B.400 et B.401);

2° sur les fausses déclarations de récolte 1994, 1995 et 1996

a) sur le principe de l'infraction

Attendu que l'article 407 du Code général des impôts précise que chaque année, après la récolte de raisins, tout propriétaire fermier, métayer produisant du vin doit déposer à la mairie de la commune du siège de son exploitation la déclaration prévue par les règlements n° 3929-87 modifié de la Commission des Communautés européennes du 17 décembre 1987;

Attendu que la réglementation viticole s'applique par exploitation viticole distincte, chaque exploitation devant déposer une déclaration de récolte distincte;

Attendu que les premiers juges ont, à juste titre, après avoir rappelé que le législateur avait voulu écarter tout morcellement ou tout regroupement arbitraire destiné à bénéficier irrégulièrement de certaines aides ou exonérations, précisé la notion d'exploitation agricole ainsi qu'il suit:

- l'article 2 du règlement CEE n° 649-87 définit une exploitation agricole comme une "unité technico-économique soumise à une gestion unique",

- cette définition, plus économique que juridique, n'est pas contradictoire avec l'article 48 du Code du vin applicable on France qui définit également l'exploitation agricole, mais au contraire complète ce dernier article qui, contrairement aux affirmations des prévenus, n'est pas abrogé nonobstant le problème de l'existence effective de la commission départementale de recours prévue par ce texte,

-au regard de l'article 48 du Code du vin, pour qu'il y ait une exploitation distincte, il faut que:

* l'exploitant soit on possession d'un titre de propriété ou de location ayant date certaine qu'il doit pouvoir présenter aux agents,

* la culture se fasse avec du personnel ou gages de l'exploitant, matériels, instruments aratoires et cheptels particuliers;

Attendu que le tribunal a, à bon droit, retenu qu'en l'espèce:

- sur la première condition, force était de constater que les consorts "D", même

lorsqu'ils avaient représenté un bail ayant une force certaine (tous pour une durée d'un an), n'avaient procédé qu'à une régularisation apparente et a posteriori d'une déclaration de récolte qui ne concernait en réalité qu'une superficie largement inférieure,

- la date certaine n'était, en tout état de cause, qu'un élément nécessaire mais pas suffisant pour constituer l'unité technico-économique et de gestion d'une exploitation,

- enfin, cette obligation de date certaine n'était ni contraire, ni plus restrictive au regard du droit communautaire et de l'article 2 du règlement précité,

- également, sur la seconde condition, il ressortait des déclarations de certains des bailleurs (les consorts Morel et Olivier d'Agrain) que ceux-ci avaient conservé la totale maîtrise de l'exploitation et des fruits des parcelles louées, encore qu'en ce qui concernait l'EARL du Pountet notamment, il n'y avait eu ni produit ni fruit, ni en 1995 ni en 1996, ce qui interdisait de toute manière de porter ces parcelles en production,

- encore, l'état des parcelles louées dans leur état ne correspondait pour certaines à aucune pratique culturale effective (arrachage, plantation, entretien, récolte durant les campagnes concernées), les prévenus ne bénéficiant on réalité d'aucune des prérogatives d'un locataire habituel, condition également nécessaire et non contraire à la réglementation communautaire précitée,

- il était par contre de leur intérêt qu'aucune des parcelles louées ne soit exploitée afin de leur permettre de minorer les rendements effectifs de la SARL "X";

Attendu que les photographies versées aux débats par l'administration des Douanes confirme l'absence d'entretien de certaines des parcelles litigieuses;

Attendu en outre que l'argumentation selon laquelle l'administration aurait "avalisé" les déclarations de récolte et de superficie exploitée qui ont été faites on acceptant de les enregistrer ne saurait prospérer, alors que l'on se trouve en présence d'un système déclaratif, de sorte que les déclarations sont prises sans approbation par l'administration qui se réserve le droit de procéder, comme en l'espèce, à un contrôle a posteriori;

Attendu enfin, quant aux jeunes vignes, que l'administration des Douanes, dans ses conclusions devant la cour:

- a émis des réserves sur la validité du Protocole d'accord du 3 novembre 1999, qui aurait été établi dans des circonstances sujettes à caution,

- a rappelé qu'il n'avait jamais été considéré dans le passé de façon systématique que les jeunes vignes étaient présumées productives,

- a précisé qu'il n'y avait eu qu'une note de service le 25 novembre 1988 prévoyant que pour un an, la campagne 1987-1988, les jeunes vignes pourraient, et sous la responsabilité du déclarant, être considérées comme on production, de sorte qu'à cette époque, un contrôle demeurait possible, la déclaration étant faite sous la responsabilité du déclarant,

- une note interne des Douanes du 18 octobre 1993 avait précisé qu'aucune dérogation n'était accordée on la matière par le service de la viticulture du Gers et qu'il appartenait à ce dernier d'exploiter la preuve par des contrôles sur le terrain de la réalité ou non des déclarations souscrites.

- le Protocole susvisé précisant que les jeunes vignes étaient réputées en production, il ne s'agissait là que d'une présomption, applicable à compter du 3 novembre 1999, de sorte que les prévenus ne pouvaient s'en prévaloir rétroactivement,

- même si on "réintégrait" les superficies de jeunes vignes, la SARL "X" dépasserait les 90 hl à l'ha;

Attendu que, dans ces conditions, la preuve est rapportée que les déclarations susvisées ne correspondaient pas à une unité technico-économique au sens de la réglementation communautaire mais au contraire à une simple apparence juridique permettant aux prévenus de bénéficier de ladite réglementation, sans qu'il soit nécessaire de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle sur ce point, saisine qui n'aurait qu'un but dilatoire et serait dépourvue de finalité juridique puisque ces baux fictifs ont permis de contourner l'article 36 du règlement 822-87 on minorant les rendements des vignes productives de vins de table à cépages doubles fins et donc d'éviter l'imposition à la distillation obligatoire;

b) sur l'étendue de l'assiette fraudée

Attendu que l'administration des douanes a évalué la quantité des vins de table et de pays blancs sur laquelle a porté la fraude à 8890,44 hl à partir des déclarations de récoltes établies par les prévenus;

Attendu que ce calcul est critiqué par ces derniers aux motifs qu'il demeure théorique et ne correspond on rien à un contrôle réel de productivité qui doit être évalué par référence aux superficies plantées ces superficies englobant aussi bien celles mises en place l'année même que celles éventuellement en fin de vie, les constatations quantitatives de l'administration n'étant pas enfin recueillies contradictoirement et étant donc sans portée juridique;

Attendu sur ce point que le tribunal a, à juste titre, relevé que les agents avaient calculé l'assiette des fausses déclarations de récolte on affectant aux superficies reconnues fictives un volume théorique qui avait été obtenu en multipliant lesdites parcelles par le rendement déclaré par la SARL "X", alors que ce modus operandi n'était conforme ni à la réalité puisque les superficies concernées par les baux étaient peu ou pas productives, ni à l'article 1793 (3°) du Code général des impôts qui dispose que "si l'infraction résulte exclusivement d'un excès ou d'une insuffisance des quantités déclarées, seule la valeur des boissons représentant cet excès ou cette insuffisance sert de base au calcul de la pénalité proportionnelle ";

Que la pénalité proportionnelle dudit article devait donc être assise sur la valeur de la totalité de la récolte ayant fait l'objet de fausses déclarations:

- 1994: 6634,50 hl (volume récolté) x 268,78 F = 1 783 220,90 F (folio 4 in fine du procès-verbal du 25-11-97),

- 1995: 7724 hl x 268,78 F = 2 076 056,70 F,

- 1996: 6226,10 hl x 268,78 F = 1 673 451,10F;

Que les fausses déclarations de récolte auraient ainsi du porter juridiquement sur un volume de:

6634,50 + 7724 + 6226,10 = 20 584,60 hl

au lieu de 8890,44 hl estimés dans le procès-verbal précité, fraude estimée à la somme de 5 532 728,70 F au lieu de 2 389 572 F dans ledit procès-verbal;

Que le mode de calcul théorique, largement favorable aux prévenus, ne saurait être raisonnablement discuté par eux;

3° sur l'expédition de 1156,17 hl de vins de table blancs sous couvert de titres de mouvement inapplicables

Attendu qu'il résulte du procès-verbal du 25 novembre 1997 que la SARL "X" a revendiqué la dénomination "vin de pays" pour un volume de 4352 hl, on a fait labelliser 4200 hl et en a expédié 4021,61 hl à la consommation;

Attendu qu'il en résulte un volume de 1134,56 hl qui correspond à la différence entre la quantité labellisée (4200 hl) et la quantité pouvant bénéficier de la dénomination "vin de pays" (2865,44 hl) et qui a été mis d'ores et déjà à la consommation;

Attendu que le tribunal a pertinemment relevé que ce calcul était également favorable aux prévenus dans la mesure où une application rigoureuse du décret n° 79-756 du 4 septembre 1979 fixant les conditions de production des vins de pays aurait dû amener les agents verbalisateurs à constater l'impossibilité par la SARL "X" de revendiquer un seul litre en vin de pays;

Qu'en effet, l'article 1er du décret susvisé prévoit que la revendication "vin de pays "n'est possible qu'à la condition que le rendement à l'hectare des parcelles productives de vins de pays ne dépasse pas 90 hl, à l'intérieur d'exploitations dont le rendement des superficies produisant du vin de table ne doit pas excéder notamment 130 hl/ha pour les vins blancs;

Que, dès lors, après exclusion des baux fictifs, seuls devaient être retenus 45 ha 33 à 57 ca pour une production de 6328 hl/ha de vins blancs, le rendement de 130 hl/ha étant par conséquent dépassé;

Que, par suite, sur ce point encore, l'administration avait procédé à un calcul favorable aux prévenus puisqu'elle n'avait retenu que les vins mis effectivement à la consommation et avait calculé la pénalité proportionnelle prévue à l'article 1804 du Code général des impôts en ne prenant pas en compte le volume de 4021,61 hl précité;

Sur les poursuites du Ministère public

Attendu qu'il est reproché à Roland "D" et à Gérard "D" d'avoir à Eauze (32), à compter du 25-11-1994 et courant 1995 et 1996, depuis temps non prescrit, trompé le consommateur, contractant, sur les qualités substantielles de vins, en vendant des vins pour la consommation courante alors que la seule destination possible était la distillation obligatoire et en vendant des vins du pays qui ne pouvaient pas prétendre à cette désignation, les conditions de production de ces vins n'ayant pas été respectées;

Attendu que la SARL "X" a déclaré au cours des campagnes 1994, 1995 et 1996 des volumes de vins de table ou de vin de pays qui ont été réellement récoltés et qu'elle a déclaré avoir récolté sur la totalité de la superficie;

Que cependant ces volumes sont à prendre en considération non pas sur la surface totale déclarée, mais sur les seules superficies pouvant être prises en compte, c'est-à-dire la superficie totale diminuée de la superficie des baux fictifs;

Qu'il s'ensuit que les rendements déclarés par elle ont été faussés puisque calculés à partir d'une superficie de production beaucoup plus grande que la superficie réellement productrice;

Attendu que, dans la région de production d'Armagnac, le calcul du rendement d'une exploitation viticole doit tenir compte de la nature des cépages produisant le vin;

Que l'on doit distinguer les cépages double fin des cépages simple fin, les premiers étant des cépages blancs qui peuvent produire à la fois des vins de table et des vins de distillation Armagnac (par exemple, le Jurançon blanc ou la Clairette de Gascogne) et sont régis par la "quantité normalement vinifiée", dite "QNV", fixée chaque armée par un arrêté ministériel pris dans le cadre de l'article 36 du règlement CEE 822-87 portant organisation commune du marché viti-vinicole;

Que cette organisation commune comporte un régime des prix et des règles concernant les interventions et autres mesures d'assainissement du marché;

Que, dans ce cadre, l'article 27 (2) précise que pour chaque type de vin de table, un prix d'orientation est fixé pour chaque campagne (débutant le 1er septembre et se terminant le 31 août de l'année suivante), avant le 1er août;

Que l'article 36(2) précise que les vins issus de raisins de variétés figurant dans le classement pour une même unité administrative simultanément en tant que variétés à raisins de cuve et en tant que variétés destinées à une autre utilisation (cépages double fin) qui dépassent les QNX et qui ne sont pas exportées pendant la campagne en cause, sont distillés avant une date à determiner, et, sauf dérogation, ne peuvent circuler qu'à destination d'une distillerie;

Attendu que les consorts "D" ont grâce aux baux fictifs conclus qui leur permettaient d'accroître artificiellement la superficie d'exploitation, fait chuter leur rendement, ce qui leur a permis:

- non seulement d'échapper à la distillation obligatoire (mois rémunératrice) et d'éviter l'imposition à ladite distillation,

- mais encore de mettre à la consommation et vendre des vins de table blancs à double classement dépassant la QNV dont la seule destination ne pouvait être que la distillation en alcool d'Etat, l'élaboration de vins vinés ou l'exportation vers des pays tiers à la Communauté européenne,

- et d'obtenir frauduleusement la qualification de partie de leur vin en vin de Pays de Gascogne "qu'ils ont mis à la consommation et vendu sous cette qualification;

Qu'en vendant ces vins alors que soit ils étaient impropres à la consommation compte tenu de leur production au-delà du rendement maximum fixé (cépages double fin) soit ils ne pouvaient prétendre à la dénomination de vin de pays (vin de Pays de Gascogne), les prévenus ont bien trompé le consommateur sur leurs qualités substantielles;

Attendu que les prévenus se sont donc bien rendus coupables des faits qui leur sont reprochés; qu'en les retenant dans les liens de la prévention, les premiers juges ont fait une exacte application des dispositions de la loi pénale; qu'en les condamnant aux peines ci-dessus rappelées, ils leur ont infligé des sanctions à la juste mesure de la gravité des faits qu'ils ont commis et prenant en considération, quant aux consorts "D", leur personnalité et le fait qu'ils n'ont pas tenu compte de l'invitation qui leur avait été faite par courrier de l'administration des Douanes daté du 22 août 1996 de conclure dorénavant des baux réguliers en la forme et à présenter une situation à jour au plus tard au moment de la déclaration de récolte 1996; qu'il convient par conséquent de confirmer le jugement dont appel et d'y ajouter la publication et l'affichage du présent arrêt aux frais des condamnés, dans les conditions précisées au dispositif ci-après;

Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de toutes les parties et en dernier ressort, en la forme, reçoit les appels jugés réguliers de Roland "D", de Gérard "D", de la SARL "X" et du Ministère public, et au fond: confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, ordonne la publication par extrait, aux frais des condamnés, du présent arrêt dans les journaux "La volonté Paysanne", "Le Sillon", "La dépêche du Midi"(édition du Gers) et "Sud-Ouest" (édition du Gers), ordonne l'affichage par extrait, aux frais des condamnés, du présent arrêt à la Mairie d'Eauze, le tout par application des articles susvisés, 512 et suivants du Code de procédure pénale.