CA Nîmes, 2e ch. B, 12 juin 2003, n° 01-5017
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Grésillaud, Elias (SARL)
Défendeur :
Radio Communication Sabatier (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Espel
Conseillers :
MM. Bancal, Bertrand
Avoués :
SCP Fontaine-Macaluso-Jullien, SCP Guizard-Servais
Avocats :
SCP PVB Consultants, SCP Durand.
Vu l'assignation devant le Tribunal de commerce de Nîmes, en date du 2 novembre 1999, délivrée à la requête de la SA Radio Communication Sabatier et tendant notamment, au visa des dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil à:
- faire juger que Monsieur Pierre Grésillaud et la SARL Elias ont commis des actes de concurrence déloyale en organisant une campagne de dénigrement à son préjudice;
- faire condamner Monsieur Pierre Grésillaud et la SARL Elias au paiement d'une somme de 500 000 F à titre de dommages-intérêts et ce, en réparation du préjudice commercial subi;
- faire ordonner l'application des dispositions de l'article 1154 du Code civil;
- faire condamner Monsieur Pierre Grésillaud et la SARL Elias au versement d'une somme de 20 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- faire ordonner l'exécution provisoire;
- faire condamner Monsieur Pierre Grésillaud et la SARL Elias aux entiers dépens;
Vu le jugement rendu contradictoirement le 18 septembre 2001 par le Tribunal de commerce de Nîmes et qui notamment:
- a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Monsieur Pierre Grésillaud;
- a rejeté tous les moyens de défense au fond invoqués par Monsieur Pierre Grésillaud et la SARL Elias;
- a jugé que Monsieur Pierre Grésillaud et la SARL Elias ont commis des actes de concurrence déloyale en dénigrant les produits de la SA Radio Communication Sabatier;
- a condamné "conjointement et solidairement" Monsieur Pierre Grésillaud et la SARL Elias à payer à la SA Radio Communication Sabatier une somme de 7 624 euros outre les intérêts moratoires et ce à titre de dommages-intérêts;
- a ordonné l'application des dispositions de l'article 1154 du Code civil;
- a condamné "conjointement et solidairement" Monsieur Pierre Grésillaud et la SARL Elias à verser à la SA Radio Communication Sabatier une somme de 229 euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- a ordonné l'exécution provisoire;
- a condamné "conjointement et solidairement" Monsieur Pierre Grésillaud et la SARL Elias aux dépens;
Vu l'appel interjeté le 12 décembre 2001 par Monsieur Pierre Grésillaud et la SARL Elias à l'encontre du jugement du 18 septembre 2001 et enrôlé sous le numéro 01-5017;
Vu les dernières conclusions récapitulatives en date du 11 avril 2003, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens et par lesquelles Monsieur Pierre Grésillaud et la SARL Elias, appelants, demandent notamment à la cour:
- de déclarer recevable leur appel;
- d'infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions;
- de retenir que le premier juge a dénaturé les faits de l'espèce et fait une application erronée de la loi;
- de juger que la SA Radio Communication Sabatier ne rapporte pas la preuve des actes de concurrence déloyale qu'elle invoque;
- de débouter la SA Sabatier de toutes ses demandes à l'encontre de la SARL Elias;
- de se déclarer incompétente en ce qui concerne les demandes dirigées contre Monsieur Pierre Grésillaud et ce au profit du Tribunal de grande instance de Montpellier;
- de leur allouer une somme de 250 euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- de condamner la SA Radio Communication Sabatier aux entiers dépens avec distraction de ceux d'appel au profit de la société civile professionnelle Fontaine-Macaluso-Jullien, titulaire d'un office d'avoué;
Vu le bordereau de communication des pièces annexé aux écritures déposées le 11 avril 2003 par Monsieur Pierre Grésillaud et la SARL Elias;
Vu les dernières conclusions en date du 8 octobre 2002, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens et par lesquelles la SA Radio Communication Sabatier, intimée, demande notamment à la cour:
- de déclarer irrecevable au visa des dispositions des articles 78 et 79 du nouveau Code de procédure civile l'exception d'incompétence invoquée par Monsieur Pierre Grésillaud;
- de confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions;
- de rejeter comme non fondés tous les moyens invoqués par Monsieur Pierre Grésillaud et la SARL Elias;
- de juger que Monsieur Pierre Grésillaud et la SARL Elias ont effectivement commis des actes de concurrence déloyale en organisant à son préjudice une campagne de dénigrement;
- de lui allouer une somme de 1 525 euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- de condamner "conjointement et solidairement" Monsieur Pierre Grésillaud et la SARL Elias aux entiers dépens dont distraction de ceux d'appel au profit de la société civile professionnelle Guizard-Servais, titulaire d'un office d'avoué;
Vu le bordereau de communication de pièces annexé aux écritures déposées le 8 octobre 2002 par la SA Radio Communication Sabatier;
Vu la clôture le 18 avril 2003 de la mise en état de la procédure;
MOTIFS DE LA DECISION:
Sur la recevabilité de l'appel interjeté par Monsieur Pierre Grésillaud et la SARL Elias:
Attendu que la recevabilité de l'appel interjeté par Monsieur Pierre Grésillaud et la SARL Elias n'est ni contestée ni contestable;
Sur les faits à l'origine du litige opposant la SA Radio Communication Sabatier à Monsieur Pierre Grésillaud et à la SARL Elias:
Attendu qu'il résulte effectivement des pièces régulièrement soumises à la contradiction des parties et telles que mentionnées aux bordereaux de communication annexés aux dernières écritures de chacune d'elles:
- que la SA Radio Communication Sabatier exerce une activité de conception, fabrication et commercialisation de systèmes et matériels de radiocommunication;
- que par un contrat à durée indéterminée en date du 9 décembre 1996, la SA Radio Communication Sabatier a embauché Monsieur Pierre Grésillaud en qualité de chef de projet informatique;
- que le 10 juin 1999, la SA Radio Communication Sabatier a licencié Monsieur Pierre Grésillaud;
- que la procédure de licenciement de Monsieur Pierre Grésillaud a fait l'objet d'un accord transactionnel en date du 10 juin 1999;
- que le 11 août 1999, Monsieur Pierre Grésillaud a constitué la SARL Elias, dont il est devenu le gérant et dont l'objet social est la conception, la fabrication et la commercialisation de systèmes et de matériels de radiocommunication;
- que le 5 avril 2000, la SA Radio Communication Sabatier a saisi le Conseil des Prud'hommes de Nîmes à l'effet de faire condamner Monsieur Pierre Grésillaud au paiement de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de discrétion stipulée par son contrat de travail et par l'accord transactionnel du 10 juin 1999;
- que par un arrêt en date du 30 janvier 2003 la Cour d'appel de Nîmes a infirmé la décision du Conseil des Prud'hommes de Nîmes du 8 décembre 2000 et a notamment condamné Monsieur Pierre Grésillaud au paiement à la SA Radio Communication Sabatier d'une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de discrétion stipulée dans le contrat de travail;
- que le 2 novembre 1999, la SA Radio Communication Sabatier a fait délivrer à Monsieur Pierre Grésillaud et la SARL Elias l'assignation sur laquelle le Tribunal de commerce de Nîmes a statué par la décision déférée;
Sur les différentes demandes formées par la SA Radio Communication Sabatier:
Attendu que la cour relève:
- que la SA Radio Communication Sabatier a assigné simultanément d'une part Monsieur Pierre Grésillaud devant le Conseil des Prud'hommes de Nîmes et d'autre part Monsieur Pierre Grésillaud et la SARL Elias devant le Tribunal de commerce de Nîmes;
- que l'action engagée à l'encontre de Monsieur Pierre Grésillaud devant le Conseil des Prud'hommes de Nîmes sur le fondement des stipulations du contrat de travail a abouti à la condamnation par la cour d'appel de Monsieur Pierre Grésillaud pour violation de son obligation contractuelle de discrétion et au versement d'une indemnité de 3 000 euros;
- que l'action engagée par la SA Radio Communication Sabatier à l'encontre de Monsieur Pierre Grésillaud et de la SARL Elias sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil et du chef de concurrence déloyale a fait l'objet de la décision déférée;
Sur les moyens invoqués par Monsieur Pierre Grésillaud et relatifs aux demandes dirigées contre lui devant la cour:
Attendu qu'en l'état de la rédaction des différents actes de procédure de la SA Radio Communication Sabatier la cour considère:
- que la SA Radio Communication Sabatier n'a pas en réalité assigné Monsieur Pierre Grésillaud devant le Tribunal de commerce de Nîmes à titre personnel mais en sa seule qualité de représentant légal de la SARL Elias;
- que la SA Radio Communication Sabatier a, à bon droit, dirigé son action contre Monsieur Pierre Grésillaud et pris à titre personnel devant le Conseil des Prud'hommes de Nîmes;
- que l'action dont la juridiction commerciale est saisie sur le fondement des dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil par la SA Radio Communication Sabatier est dirigée en réalité contre la SARL Elias, représentée par son gérant, Monsieur Pierre Grésillaud;
- que Monsieur Pierre Grésillaud n'est pas inscrit au Registre du commerce et des sociétés et n'a pas la qualité de commerçant personne physique;
- que dans ses rapports avec les personnes morales dont la SA Radio Communication Sabatier a produit les attestations Monsieur Pierre Grésillaud n'est nullement intervenu en qualité de commerçant personne physique mais en sa seule qualité de gérant de la SARL Elias;
Attendu qu'il s'ensuit:
- que le litige dont la cour statuant en matière commerciale est saisie ne concerne que la SARL Elias, représentée par son gérant, Monsieur Pierre Grésillaud et non pas ce dernier pris à titre personnel;
- que les moyens invoqués par Monsieur Pierre Grésillaud concluant à titre personnel sont dès lors inopérants;
Sur le fondement des demandes présentées par la SA Radio Communication Sabatier à l'encontre de la SARL Elias:
Attendu que la SA Radio Communication Sabatier a fondé ses demandes à l'encontre de la SARL Elias, prise en la personne de son gérant Monsieur Pierre Grésillaud sur les dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil qui exigent d'une part l'existence d'une faute commise et d'autre part un préjudice présentant un lien de causalité avec cette faute;
Attendu qu'il est de principe:
- qu'en vertu de la Liberté du commerce, les opérateurs économiques sont libres de se concurrencer;
- que la Liberté d'entreprendre et de commercer doit cependant s'exercer dans le cadre d'une concurrence claire et loyale;
- qu'il incombe à celui qui invoque un acte de concurrence déloyale d'en rapporter la preuve;
- que la preuve d'un acte de concurrence déloyale se rapporte par tout moyen;
Sur l'existence d'une situation de concurrence entre la SA Radio Communication Sabatier et la SARL Elias:
Attendu que la cour constate:
- que l'activité de la SA Radio Communication Sabatier, demandeur à l'action en concurrence déloyale, est la conception, la fabrication et la commercialisation de systèmes et matériaux dans le domaine de la radiocommunication;
- que l'activité de la SARL Elias, défendeur à l'action en concurrence déloyale, est la conception, la fabrication et la commercialisation de systèmes et matériaux dans le domaine de la radiocommunication;
Attendu qu'il s'ensuit que la SA Radio Communication Sabatier et la SARL Elias étaient en état de concurrence au moment des faits dénoncés;
Sur les actes de dénigrement reprochés par la SA Radio Communication Sabatier à la SARL Elias:
Attendu que la SA Radio Communication Sabatier reproche à la SARL Elias de l'avoir dénigré auprès de ses clients;
Attendu qu'il est de principe que constituent un comportement fautif les propos ou les écrits tendant:
- à jeter le discrédit sur la personne d'un concurrent;
- à jeter le discrédit sur les produits et les services d'un concurrent;
- à détourner la clientèle de la personne d'un concurrent et de ses produits;
Attendu qu'il est de principe que la simple critique des produits et des méthodes commerciale d'un concurrent n'est pas constitutive d'un dénigrement;
Attendu que la cour constate en l'espèce:
- que la SARL Elias a dénigré les produits vendus par la SA Radio Communication Sabatier;
- qu'en effet la SARL Elias a divulgué de façon répétitive des informations erronées et mensongères sur les produits commercialisés par la SA Radio Communication Sabatier en affirmant notamment que ces derniers ne seraient pas conformes aux normes techniques en vigueur;
- que les lettres versées aux débats par la SA Radio Communication Sabatier et qui sont crédibles et concordantes sont suffisantes à rapporter la preuve des dénigrements allégués;
- que les documents versés aux débats par la SARL Elias ne sont pas suffisamment crédibles pour permettre à la cour d'écarter les pièces produites par la SA Radio Communication Sabatier;
- que les dénigrements dont la SA Radio Communication Sabatier a rapporté la preuve sont constitutifs d'actes de concurrence déloyale;
Sur le préjudice subi par la SA Radio Communication Sabatier à la suite des actes de concurrence déloyale commis par la SARL Elias:
Attendu que la SA Radio Communication Sabatier a rapporté la preuve de l'existence d'un préjudice commercial consistant notamment dans le risque pour la SA Radio Communication Sabatier de perdre une partie de sa clientèle;
Sur le lien de causalité :
Attendu qu'en l'état des pièces versées aux débats, la SA Radio Communication Sabatier a démontré l'existence d'un lien de causalité entre les actes de concurrence déloyale dont elle a rapporté la preuve et le préjudice qu'elle a subi;
Sur le montant du préjudice subi par la SA Radio Communication Sabatier:
Attendu qu'en l'état des pièces versées aux débats il y a lieu de chiffrer à la somme de 7 624 euros le montant du préjudice subi par la SA Radio Communication Sabatier à la suite des actes de concurrence déloyale commis par la SARL Elias;
Sur la confirmation de la décision déférée:
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de confirmer la décision déférée dans toutes ses dispositions sauf à mettre hors de cause Monsieur Pierre Grésillaud, pris à titre personnel;
Sur la demande d'allocation d'une indemnité par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile:
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Sur les dépens:
Attendu qu'il y a lieu de condamner la SARL Elias, qui succombe, à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel;
Sur la distraction des dépens:
Attendu qu'il y a lieu de faire droit à la demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile au profit de la société civile professionnelle Guizard-Servais titulaire d'un office d'avoué;
Par ces motifs: LA COUR, statuant publiquement en matière commerciale par décision contradictoire; Déclare recevable l'appel interjeté par Monsieur Pierre Grésillaud et la SARL Elias; Au fond, Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions sauf à mettre hors de cause Monsieur Pierre Grésillaud pris à titre personnel; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la SARL Elias aux dépens et autorise la société civile professionnelle Guizard-Servais, titulaire d'un office d'avoué, à en recouvrer le montant aux formes et conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.