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Décisions

CA Agen, ch. corr., 17 décembre 1998, n° 98-00202-A

AGEN

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

President :

M. Lebreuil

Avocat général :

M. Bernard

Conseillers :

MM. Louiset, Bastier

Avocats :

Mes Caussanel, Falga, Douchez, Dejean, Portejoie, Manciet-Gabolde, Malhere, Labarthe, Du Puy de Goyne.

CA Agen n° 98-00202-A

17 décembre 1998

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le Tribunal de grande instance d'Auch, par jugement en date du 28 mai 1998, a déclaré

"C" Patrick Alexandre Alberte

Coupable de tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal, courant 1991 à 1992, sur le territoire du Gers, infraction prévue par les articles L. 213-2 1°, L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-2, L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 du Code de la consommation

Coupable de vente de denrées alimentaires, boissons, produits agricoles falsifiés corrompus et nuisibles à la santé, courant 1991 à 1992, sur le territoire du Gers, infraction prévue par l'article L. 213-3 AL. 2, AL. 1 2° du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-3 AL. 2, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 du Code de la consommation

"C" Georgette Mélanie Augustine épouse "L", "G" Jean-Marc, "L" Maurice Marcel François, "M" Gilbert René Jacques, "P" dit "K" Fernand Victorin et "V" Antonius Laurentius Maria

Coupables de tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal, courant 1991 à 1993, sur le territoire du Gers, infraction prévue par les articles L. 213-2 1°, L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-2, L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 du Code de la consommation

Coupables de vente de denrées alimentaires, boissons, produits agricoles falsifiés corrompus et nuisibles à la santé, courant 1991 à 1993, sur le territoire du Gers, infraction prévue par l'article L. 213-3 AL. 2, AL. 1 2° du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-3 AL. 2, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 du Code de la consommation

Et par application de ces articles, a condamné

"C" Patrick Alexandre Alberte à 4 ans d'emprisonnement dont 2 ans avec sursis - 300 000 F d'amende - interdiction d'exercer une activité liée au commerce et au négoce de la viande pendant 5 ans.

"C" Georgette Mélanie Augustine épouse "L" à 4 ans d'emprisonnement dont 2 ans avec sursis - 500 000 F d'amende - interdiction d'exercer une activité liée au commerce et au négoce de la viande pendant 5 ans

"G" Jean-Marc à 2 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis - 300 000 F d'amende - interdiction d'exercer une activité liée au commerce et au négoce de la viande pendant 5 ans

"L" Maurice Marcel François à 4 ans d'emprisonnement dont 2 ans avec sursis - 500 000 F d'amende - interdiction d'exercer une activité liée au commerce et au négoce de la viande pendant 5 ans

"M" Gilbert René Jacques à 2 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis - 300 000 F d'amende - interdiction d'exercer une activité liée au commerce et au négoce de la viande pendant 5 ans

"P" dit "K" Fernand Victorin à 2 ans d'emprisonnement avec sursis - 100 000 F d'amende - interdiction d'exercer une activité liée au commerce et au négoce de la viande pendant 5 ans

"V" Antonius Laurentius Maria à 4 ans d'emprisonnement - 500 000 F d'amende - interdiction d'exercer une activité liée au commerce et au négoce de viande pendant 5 ans - décerné un mandat d'arrêt

- a ordonné la publication par extrait dans les journaux : Libération, Le Monde, Le Figaro, La Dépêche du Midi et Sud Ouest, chaque insertion ne devant pas excéder la somme de 10 000 F.

Et sur l'action civile, a condamné Jean-Marc "G", Georgette "C" épouse "L", Maurice "L", Antonius "V", Patrick "C", Gilbert "M" et Fernand "P" dit "K" à verser :

Au Syndicat de la Vitellerie Française Syndicat Professionnel, 100 000 F de dommages et intérêts et 15 000 F sur le fondement de l'art. 475-1 CPP

À L'union Fédérale des Consommateurs "Que Choisir", 200 000 F de dommages et intérêts et 15 000 F sur le fondement de l'art. 475-1 CPP

Décision :

Vu les appels interjetés à l'encontre de la décision susmentionnée par Gilbert "M", par Georgette "C" épouse "L", par Maurice "L", par Patrick "C", par Antonius "V", par Fernand "P", par l'Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir", par Jean-Marc "G" et par le Ministère public (à l'égard de Jean-Marc "G", de Georgette "C" épouse "L", de Maurice "L", d'Antonius "V", de Patrick "C", de Gilbert "M" et de Fernand "P"), les dits appels formalisés suivant déclarations reçues au greffe du Tribunal de grande instance d' Auch, les 2, 3, 4, 8 et 12 juin 1998 ;

Attendu que ces appels sont réguliers en la forme et qu'ils ont été interjetés dans le délai de la loi ; qu'il convient, en conséquence, de les déclarer recevables ;

Attendu que bien que régulièrement citée à personne le 14 août 1998, Georgette "C" épouse "L" n'a pas comparu ; qu'elle a cependant écrit à la cour en sollicitant le renvoi de la cause à une date ultérieure pour raison de santé ;

Attendu qu'au regard du certificat médical produit par dame "L", il y a lieu d'ordonner la disjonction des poursuites et le renvoi de la cause la concernant à une audience ultérieure la concernant par arrêt contradictoire à signifier à son égard ;

Attendu, sur l'action publique, qu'il résulte des pièces de la procédure et des débats d'audience les faits suivants ;

Dans le cadre des contrôles systématiques des élevages bovins dans le département du Gers menés conjointement par les services de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, et de la Direction des Services Vétérinaires, certaines analyses d'urine ou de buvée prélevées courant 1993 faisaient ressortir des éléments troublants s'agissant plus précisément des élevages de :

- Claude D à Arblade Le Haut (32) :

Ainsi, l'analyse des onze échantillons (enregistrés sous les N° SA 26 à 36) d'urine de veau prélevée le 5 avril 1993 en cet élevage révélait la présence de Methyl Mabutérol,

- Stewart A à Sansan (32) où un échantillon de la buvée des veaux, enregistré sous le N° 58 d'enregistrement du service administratif (SA 58) qui avait été prélevé le 7 juin 1993 contenait, à l'analyse, du Mabutérol

- Michel B à Crastes (32) où les contrôleurs prélevaient, le 27 septembre 1993, 3 échantillons (enregistrés sous le N° SA 81) lors de la buvée des veaux qui, à l'analyse contenait du Mapentérol.

Ce dernier résultat était fourni par le Laboratoire Interrégional de la Répression des Fraudes de Rennes, tandis que l'analyse des échantillons prélevés chez A et D avait été confiée au Laboratoire de l'Ecole Nationale Vétérinaire de Nantes.

Conformément aux dispositions de l'article 15 du décret du 22 janvier 1919, les contrôleurs proposaient aux éleveurs précités de conserver un échantillon du produit prélevé en dépôt ; tous acceptaient.

Outre la présence des produits interdits, le mapentérol et le mabutérol étant des béta-agonistes, ces élevages avaient le point commun d'être "intégrés" par le Groupe X de Fleurance (32).

Ce groupe, qui s'articulait autour de la famille "L" à Fleurance (32), se composait en novembre 1993, des sociétés suivantes :

- la société anonyme "Les anciens établissements X', dont le siège social se trouvait aux Abattoirs de Fleurance et qui avait pour objet l'exploitation de tous fonds de commerce ou activités relatives à l'élevage de tous animaux destines à la boucherie et à l'élevage.

Son président directeur général était Maurice " L ", dont l'épouse, Georgette "C", assurait les fonctions de directeur administratif et financier.

- Cette société achetait des veaux nourrissons qu'elle vendait aux sociétés anonymes coopératives (Y) du groupe :

* Y 1 (Directeur jusqu'au mois de décembre 1993 : Gilbert "M"),

* Y 2

* Y 3 (Directeur jusqu'au 30 juin 1993 : Fernand "P"),

* Y 4 (Directeur jusqu'au mois d'août 1991 : Christian "S").

Ces Y avaient pour objet l'organisation de la production de veaux et l'approvisionnement des éleveurs, avec lesquels elles étaient liées par des contrats d'intégration :

* l'intégrateur, propriétaire des animaux, confiait à l'éleveur intégré le soin de l'entretien des animaux pour une durée de 110 à 140 jours en moyenne, contre rémunération,

* l'éleveur, prestataire de service, fournissait le bâtiment d'élevage (équipé de cases individuelles), l'électricité, le gaz, l'eau et le temps requis pour nourrir et soigner les animaux.

L'intégrateur faisait livrer les bandes de veaux âgés d'environ une semaine ainsi que l'aliment composé nécessaire et les aliments complémentaires éventuels. L'élevage, suivi au niveau sanitaire par un vétérinaire, était assisté, sur le plan zootechnique, par un technicien passant régulièrement chez l'éleveur pour corriger les anomalies ou modifier le plan d'alimentation.

- Les veaux gras étaient rachetés aux Y par la SA "Les anciens Ets X", abattus par la Sarl "Z" (gérée par Maurice "L" et dirigée par son fils, Thierry "L") puis commercialisés par la SA "Les Anciens Ets X".

La Direction des Services Vétérinaires du Gers, surprise de la découverte de produits interdits dans les prélèvements effectués dans les élevages précités (tous intégrés par le Groupe X) saisissait le Parquet d'Auch de ces éléments. En effet, la découverte de substances dites bâta-agonistes (mabutérol) ou de molécules apparentées (méthyl - mabutérol ou mapentérol) dans les excrétats (urines) ou l'alimentation (buvée) des veaux, en ce que ces substances provoquaient une réduction significative de la durée d'élevage et une amélioration substantielle du rendement de la qualité apparente - classement - des carcasses, pouvait caractériser le délit de fraude ayant pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme.

Une information contre x était ouverte le 5 novembre 1993.

Les trois éleveurs précités, que les gendarmes enquêteurs avaient convoqué afin de leur notifier les résultats des analyses, écrivaient au magistrat instructeur afin de solliciter une contre-expertise.

Celui-ci les recevait le 7 janvier 1994 et avisait A et D qu'une contre-expertise serait diligentée. S'agissant de Michel B, en revanche, le juge d'instruction disait n'y avoir lieu à contre- expertise ; en effet, son avocat, Me Duffourg bien qu'il ait sollicité le magistrat sur ce point, l'avisait le 20 décembre 1993 que la Y 2 avait déposé une requête devant le Tribunal administratif de Pau.

Cette juridiction, par une décision du 8 décembre 1993, ordonnait une expertise des échantillons mis sous scellés au domicile de B à Castres (32) confiée à Mr Parsy à Saint Benoit (86).

Stewart A et Claude D ayant, à la demande du juge d'instruction, désigné également M. Parsy, l'expertise des prélèvements effectués en leurs élevages était confiée, par ordonnance distincte, à Madame Lairie, Directeur du Laboratoire Interrégional de la Répression des Fraudes de Rennes (35) conjointement avec M. Parsy.

Les conclusions de M. Parsy, régulièrement déposées le 20 septembre 1994, établissaient la présence de Mapentérol dans les échantillons SA 26, 28, 29, 30, 31, 32,33, 34, 35 et 36 correspondant à l'élevage de D tandis que, s'agissant de l'échantillon de la buvée prélevée chez A (N° SA 58), ce produit interdit n'était pas identifié.

Madame Lairie, à l'instar de son confrère, concluait à la présence de Mapentérol dans les urines prélevées chez D.

Résultait pourtant de la procédure une difficulté concernant la transmission de certains échantillons par l'expert Lairie à M. Parsy à la demande duquel ils auraient été envoyés après enlèvement des scellés en page 7/15 de son rapport, M. Parsy indiquait en effet avoir reçu les échantillons non scellés.

Conformément à la lettre de l'article 173 du Code de procédure pénale, le magistrat instructeur saisissait la Chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Agen sur réquisitions conformes afin de lever l'hypothèque de nullité de la procédure sur ce point.

Par arrêt rendu le 1er février 1995, la Chambre d'accusation de la Cour d'appel d'AGEN, statuant sur l'ordonnance du 24 octobre 1994 rendue par le juge d'instruction d'Auch la saisissant afin qu'il soit statué sur la validité des conclusions de Madame Lairie et de M. Parsy, déclarait valides les conclusions précitées et irrecevables en leurs demandes visant la nullité de l'ensemble du dossier Claude D et Jean-Marc "G" (qui, dans le mémoire déposé, y prétendaient eu égard aux irrégularités commises lors des prélèvements d'échantillons par la Direction des Services Vétérinaires du Gers) aux motifs qu'elle était saisie uniquement par le magistrat instructeur d'Auch d'une demande d'appréciation de la validité d'opérations d'expertise.

D et " G " formaient un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par arrêt rendu le 21 juin 1995, la Chambre criminelle de la Cour de cassation cassait et annulait en toutes ses dispositions L'arrêt du 1er février 1995 (Chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Agen) aux motifs suivants :

- en matière de contrôle bactériologique ou de pureté biologique, les deux experts commis devaient procéder en commun dans le laboratoire auquel l'échantillon avait été remis à son examen. Or, le défaut de respect de ces prescriptions entraînait, sans qu'il fût nécessaire de démontrer un préjudice, la nullité des actes accomplis en violation de ces règles. En conséquence, pour la Chambre criminelle, la Cour d'appel d'Agen avait bien constaté le défaut de respect de ces prescriptions et refusé d'annuler les conclusions déposées en violation desdites prescriptions.

- en outre, alors qu'aux termes de l'article 174 alinéa 1 du Code de procédure pénale devaient être proposés tous moyens pris de la nullité de la procédure à la Chambre d'accusation saisie sur le fondement de l'article 173 du Code de procédure pénale, la Chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Agen avait déclaré irrecevable le mémoire en invalidation des procès-verbaux initiaux et des actes postérieurs, violant ainsi les dispositions de l'article 174 précité.

La Chambre criminelle renvoyait les parties devant la Cour d'appel de Toulouse.

Par arrêt rendu le 18 janvier 1996, la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Toulouse jugeait que le mémoire déposé par D et " G ", même à contenir des moyens de nullité non évoqués par le juge d'instruction dans sa requête du 24 octobre 1994, était recevable.

L'examen du dossier révélait en outre que les onze échantillons d'urine de veau prélevés chez D avaient été analysés et identifiés par le Professeur André sous la dénomination D ; que les onze échantillons étaient confiés le 9 mars 1994 par un gendarme mandaté par le juge d'instruction a l'expert Madame Lairie à Rennes et que le 3 mai 1994 (annexe 8/15 du rapport d'expertise) ils étaient adressés congelés à l'expert Parsy qui les recevait le 5 mai 1994.

La Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Toulouse rappelait ces éléments dans sa motivation afin de constater que les échantillons prélevés le 5 avril 1993 chez D étaient bien ceux qui avaient été soumis au Professeur André puis aux experts Lairie et Parsy, estimant qu'ainsi il n'avait point été porté atteinte aux intérêts de D et "G".

Cette juridiction jugeait que si les experts n'avaient pas procédé en commun mais successivement à l'examen des échantillons, ils avaient pourtant rédigé un rapport commun et accompli un travail techniquement satisfaisant. S'il était certes établi que M. Parsy avait reçu les onze échantillons descellés, il était toutefois par lui relevé que chaque échantillon était étanche. En outre, si D n'avait pas détruit les échantillons à lui confiés, ils auraient pu être remis scellés à l'expert M. Parsy.

Pour la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Toulouse, le fait que les experts aient analysé la buvée prélevée chez A ne pouvait porter atteinte à D et "G" ; enfin, cette juridiction estimait que la dernière critique sur le rapport d'expertise jugé incomplet selon M° Duffourg serait éventuellement tranchée par le juge du fond mais ne saurait entraîner une quelconque nullité du rapport.

La Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Toulouse déclarait ainsi valide la procédure suivie à Auch et la renvoyait devant la Chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Agen.

Un pourvoi en cassation était formé par D et "G" contre cet arrêt.

Par ordonnance rendue le 29 avril 1996, le Président de la Chambre criminelle de la Cour de cassation déclarait n'y avoir lieu de recevoir en l'état ce pourvoi et ordonnait que la procédure soit continuée conformément à la loi devant la juridiction saisie.

Outre ces divers arrêts rendus à la suite de l'ordonnance du juge d'instruction d'Auch du 24 octobre 1994 qui concluaient à la validité des expertises initiales, d'autres décisions statuaient sur :

- la demande de contre-expertise (expertise de Mme Lairie et de M. Parsy) déposée entre les mains du juge d'instruction par Me Duffourg le 27 octobre 1994 :

Le magistrat instructeur rendait le 31 octobre 1994 une ordonnance de refus de contre-expertise dont Me Duffourg interjetait appel le 10 novembre 1997.

Statuant par application de l'article 186-1 du Code de procédure pénale, le Président de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Agen jugeait qu'il n'y avait lieu à saisir la Chambre d'accusation dans la mesure où D lui-même ayant déclaré avoir détruit les échantillons, il n'était plus possible de faire une contre-expertise.

- la requête en nullité de la procédure déposée par Me Duffourg entre les mains du juge d'instruction d'Auch le 18 avril 1995 :

Le juge d'instruction rendait le 26 avril 1995 une ordonnance d'incompétence sur cette requête, rappelant qu'aux termes de l'article 173 du Code de procédure pénale pris en son alinéa troisième, les requêtes en nullité devaient être présentées devant la Chambre d'accusation.

En conséquence, Me Duffourg déposait une requête devant la Chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Agen.

La Chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Agen rendait le 2 novembre 1995 un arrêt sursoyant à statuer sur cette requête jusqu'à ce qu'il ait définitivement été statué sur l'ordonnance du juge d'instruction du 24 octobre 1994 par la Cour de renvoi puis rejetait ladite requête en nullité, renvoyant le dossier au juge d'instruction d'Auch pour poursuite de l'information par arrêt du 24 juillet 1996.

Les éléments recueillis dans le cadre de l'information faisaient ressortir que des facteurs de croissance interdits pouvaient avoir été fournis aux élevages intégrés par le Groupe X, sous le couvert d'un complément d'alimentation dénommé "Auxine' fabriqué par la société W, implantée aux Pays-Bas, par l'intermédiaire d'Antoine "V".

L'Auxine, produit présenté comme un aliment composé pour bovins, aurait été massivement acquis par le Groupe X entre 1991 et 1993 ainsi, les factures saisies au siège des anciens Ets X permettaient d'établir que cette société avait acheté pour 13 657 608 F d'Auxine sur cette période, soit 36 tonnes.

Selon le Professeur Griess, chef du service d'alimentation à l'Ecole Vétérinaire de Toulouse, l'Auxine était un aliment minéral vitaminé de composition banale, prescrit à doses extrêmement faibles, qui n'apportait rien en complément d'une alimentation normalement équilibrée aux jeunes veaux. Une étude, menée par la société de nutrition animale Celtic, évaluait à 4 F environ le kilogramme ce produit que la société W1 facturait au Groupe X 360 F le kilogramme hors taxe.

L'audition de Jean-François F, gérant de société et ancien directeur de la société W2 à Begrolles En Mauges (49) permettait de cerner les pratiques il expliquait ainsi avoir été informé en 1990 par le dénommé Gert H, néerlandais, de la possibilité d'améliorer le rendement des veaux par l'utilisation d'un produit anabolisant. Il décrivait ainsi la marche à suivre mis en contact avec un dénommé Antoine", celui-ci lui expliquait qu'il fallait commander de l'auxine à la société W1. La commande d'une tonne d'auxine, facturée 360 000 F, entraînait la livraison d'un litre et demi d'anabolisants. Le mode d'emploi était, selon F, d'un millilitre pour 10 litres d'un support qui pouvait être le Sodiazote. Cette quantité, un litre et demi, permettait de traiter entre 5 000 et 10 000 veaux.

Pour F, en raison de son mode d'utilisation-buvable des faibles doses utilisées et de l'efficacité constatée sur les animaux (gain de 10 Kgs de carcasse), il ne pouvait s'agir que d'un produit bêta-agoniste très concentré dont "Antoine" préconisait l'utilisation trois semaines avant l'abattage pour l'arrêter quelques jours avant cet abattage de façon à limiter les risques de détection du produit à l'abattoir.

F avouait que la facturation d'Auxine masquait la fourniture d'anabolisants et permettait de rentrer cela en comptabilité ; il savait que l'Auxine ne pouvait coûter ce prix car il s'agissait d'un produit tout à fait anodin.

Un autre intégrateur, Noël J, était entendu le 15 octobre 1996 : il confirmait lui aussi avoir acquis de l'Auxine par l'intermédiaire de la W1 : l'Auxine lui aurait été livrée par transporteur ; étaient séparément livrés deux bidons de 20 litres d'un liquide transparent sans étiquettes qu'il donnait à dose infinitésimale un mois avant l'abattage, avouant que ce liquide transparent devait, à son avis, contenir des béta-agonistes.

Selon les enquêteurs, la nocivité des béta-agonistes - tels que le Clenbutérol, le Mabutérol, le Méthyl-Mabutérol ou le Mapentérol - dont l'influence pouvait être importante sur le système cardio-vasculaire (tachycardie, vaso dépression) ou le système neuro-musculaire (tremblements et crampes), était établie.

En effet, les résidus de béta-agonistes, présents dans la viande et les organes comme le foie, avaient entraîné en septembre 1990 plusieurs intoxications alimentaires collectives ou, plus récemment, 136 hospitalisations en Espagne en janvier 1994 à la suite de l'ingestion de foies de veaux contenant du Clenbutérol.

Outre les problèmes de santé publique, l'utilisation de bêta-agonistes constituait à l'évidence des pratiques déloyales vis-à-vis des éleveurs honnêtes en effet, alors que le bénéfice pour les fraudeurs pouvait varier de 500 F à 1 500 F par animal, le prix de ces produits interdits revenait aux environ de 100 F tandis que les bêtes, gagnant en poids mais surtout en qualité de conformation, étaient vendues plus cher en consommant moins d'aliments et pendant une période d'engraissement réduite.

Les éleveurs Steward A et Claude D devaient, aux termes de diverses investigations, être mis hors de cause.

En effet, s'agissant de A, l'expertise Parsy-Lairie précitée concluait à l'absence de béta-agonistes dans la buvée prélevée. Pour ce qui concernait Claude D, bien qu'à l'étude d'une conversation téléphonique enregistrée le 29 novembre 1993 qu'il avait eue avec M. N ("si on cherche la petite bête..., avec nos veaux on n'est pas clair") ou des expertises Parsy-Lairie qui concluaient à la présence de Méthyl-Mabutérol dans les urines de ses veaux, il est apparu plausible qu'il ait eu connaissance qu'il administrait des produits interdits, aucun élément de l'information ne venait corroborer sa participation active à l'infraction. Il ne cessait d'ailleurs d'affirmer que lesdits produits avaient fort bien pu être administrés dans des additifs comme le Sodiazote, mais à son insu.

Par contre, le rôle actif de certains des techniciens employés par les Y a été mis en évidence.

a) Gilbert "M" :

Placé en garde-à-vue une première fois le 17 octobre 1994, il indiquait avoir occupé la fonction de technicien vétérinaire dans le Groupe X, ayant même été administrateur de la Y 1. Il indiquait alors qu'à son avis, "G", également technicien, devait utiliser des anabolisants livrés par un dénommé "Antoine". Il confirmait ce point sur commission rogatoire le 27 octobre 1994 en déclarant qu'alors qu'il se trouvait à Colayrac St Cirq (47) chez Georgette "C" épouse "L", il avait aperçu un fax provenant de la Sté W1 (où il savait qu' "Antoine" avait des intérêts) arriver et être rapidement retiré puis dissimulé par dame "L". Il disait qu'Antoine vendait des produits interdits sous le nom d'Auxine.

Placé à nouveau en garde-à-vue le 3 mai 1996, il affirmait qu'il savait comme tous les techniciens du groupe qu'il y avait utilisation de facteurs de croissance dans certains produits hépato-protecteurs qui leur étaient remis pour distribuer dans les élevages de veaux. Dans le local "Pharmacie" des Ets X à Fleurance se trouvaient les bidons où étaient les produits interdits qu'ils livraient ensuite aux éleveurs.

Il était mis en examen des chefs de fraudes rendant la marchandise dangereuse ou nuisible pour la santé de l'homme et falsification de denrées alimentaires dans le Gers, courant 91, 92 et 93 par utilisation de bêta- agonistes et de substances apparentées interdites administrées à des veaux dans le cadre d'élevage intégrés par la société des Anciens Ets X le 6 mai 1996.

Suivant l'interrogatoire de première comparution, il revenait sensiblement sur les déclarations faites le 3 mai 1996 indiquant notamment n'avoir pris conscience de la distribution de béta-agonistes qu'après la saisie de veaux dans certains élevages et les analyses de 1993.

La confrontation du 6 juin 1996 entre le mis en examen et dame Georgette "L" mettait en évidence des contradictions : ainsi dame "L" indiquait-elle que les produits interdits acheminés par "V" et réceptionnés par elle-même et "C" étaient ensuite distribués aux directeurs des Y; selon elle, "M" prenait les bidons soit sur les lieux de l'entreprise, soit à son domicile.

"M", sur ce point, niait avoir détenu directement ou indirectement ce produit réaffirmant qu'il n'avait eu vent du trafic d'anabolisants qu'après les premières analyses en 1993. Il se bornait à prétendre n'avoir eu qu'un rôle très réduit, comme simple technicien, au sein de la société.

Pourtant il avouait avoir jeté les bidons d'hépato-protecteurs au caniveau, arguant d'ailleurs du fait qu'aucun contrôle ne s'était avéré positif dans les élevages qui dépendaient d'1, afin, disait-il de ne point courir de risques.

b) Fernand "P" :

Stewart A, durant son interrogatoire de première comparution le 10 octobre 1994, avait affirmé que seul ce technicien lui fournissait des médicaments pour les bandes de veaux.

Entendu sur commission rogatoire le 27 octobre 1994, "P" disait avoir été le technicien de la société 3 de 1985 jusqu'à son licenciement le 30 juin 1993. Il déclarait que dame "L" s'occupait de l'administration et de la comptabilité des Y; l'ensemble des factures passait donc par elle.

Il prétendait n'avoir jamais mis de produits interdits dans les bidons qu'il apportait aux éleveurs et disait que l'Auxine lui était inconnue.

Entendu à nouveau sur commission rogatoire le 17 décembre 1996, il s'avérait nettement plus disert, expliquant notamment qu'il n'était pas dupe des bons résultats obtenus sur certaines bandes de veaux, se rappelant qu'à deux reprises, dame "L" lui avait donné des flacons d'un demi-litre d'un produit clair ressemblant à de l'eau qu'elle lui avait demandé de répartir à dose infime dans plusieurs bidons de Sodiazote.

S'il niait, en qualité de directeur et technicien de la Y de 3 avoir participé à la mise en place de la filière permettant d'obtenir des facteurs de croissance ou avoir su que les factures d'Auxine masquaient l'achat d' anabolisants, il indiquait qu'au cours d'une réunion hebdomadaire avec la direction et les techniciens, dame "L" avait évoqué l'usage de produits interdits : celle-ci aurait annoncé "on a quelque chose sous la main, il va falloir l'essayer" et même indiqué la posologie à donner aux veaux. Dame "L" imposait de mettre ces produits interdits dans des bidons d'hépato-protecteurs, le Sodiazote ; elle tenait également, disait-il, à ce que les éleveurs ne soient pas au courant de l'introduction de produits interdits dans les aliments livrés.

"P" expliquait avoir relevé, en période de rupture de stock de produits interdits, une chute dans le résultat des bandes. Il confirmait que tous les techniciens, "G", E, "M" ou lui-même, étaient au courant du système.

Fernand "P" était mis en examen le 19 mars 1997 des chefs de fraudes rendant la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme et falsification de denrées alimentaires courant 1991, 1992 et 1993 par l'administration de béta-agonistes à des élevages de veaux intégrés par le groupe X.

Durant son interrogatoire de première comparution, il revenait sensiblement sur l'importance des faits reconnus dans sa dernière déclaration pourtant maintenait-il :

- que Georgette "L" lui avait remis à une seule reprise une fiole de produits interdits,

- que celle-ci lui avait recommandé de mettre ce produit directement dans les bacs à lait, indiquant un dosage de 10 cl par litre,

- qu'il n'utilisait pas d'Auxine dans la Y dont il avait la charge en dépit des importantes commandes apparaissant en comptabilité,

- que l'utilisation de produits interdits avait été évoquée ainsi que les modalités pratiques lors d'une réunion du vendredi, cependant, plus avant dans l'interrogatoire, il revenait sur ce point,

- que des bidons de Sodiazote avaient été livrés non sertis chez des éleveurs.

c) Christian E :

Entendu sur commission rogatoire le 14 janvier 1997, Christian E, directeur de la Y 4 jusqu'en 1991, affirmait qu'il ne s'expliquait pas les importantes factures d'Auxine figurant dans la comptabilité de cette Y, disant que les comptes étaient faits par dame "L". Il niait avoir été au courant de la livraison de produits interdits ou en avoir entendu parler lors des réunions de techniciens. Il avouait pourtant être mis en examen pour ce genre de faits par les juges d'instruction de Cahors et Agen.

Durant son interrogatoire du 9 mai 1997, il indiquait avoir quitté le groupe X en août 1991 pour créer sa propre société "Quercy Limousin Viande", il niait, au sein de 4 dont il était le directeur, avoir eu en sa possession l'Auxine. Il niait s'être interrogé sur le produit se trouvant dans les bidons de 5 litres donnés en fin de bande.

La confrontation entre E et dame "L" n'apportait aucun élément.

Christian E, tenu à l'écart des réunions des techniciens à compter de mars - avril 1991, a bénéficié d'une ordonnance de non-lieu.

d) Jean-Marc "G" :

Lorsqu'il était entendu dans le cadre de sa garde-à-vue le 18 octobre 1994, "G", qui expliquait avoir été l'un des administrateurs de la Y 2 à compter de 1992, être le concubin de Véronique "L" et être technicien dans la Y 1, niait avoir su que des anabolisants étaient utilisés dans le groupe X. Interrogé sur l'indice de consommation surprenant dans l'élevage D (indice de 1,26), il déclarait que cela n'était pas possible, indiquant que le bon indice était 1,50.

Présenté au magistrat instructeur sur mandat d'amener le 18 octobre 1994, il était mis en examen des chefs de fraudes rendant la marchandise impropre à la consommation de l'homme, falsification de denrées alimentaires (utilisation d'anabolisants ou béta-agonistes courant 93) ; durant l'interrogatoire de première comparution, il maintenait n'avoir jamais utilisé d'anabolisants.

Il était interrogé le 29 avril 1996 et mis supplétivement en examen pour les mêmes faits courant 91, 92 et 93 en vertu d'un réquisitoire supplétif du 18 avril 1996. Il reconnaissait avoir utilisé un produit dénommé Auxine, dont il assurait ignorer la provenance, qui serait une vitamine. Il confirmait n'avoir jamais utilisé sciemment des produits interdits mais n'excluait pas que cela se soit, à son insu, produit. Il disait qu'il avait entendu parler d'Antoine "V" dans le groupe X.

Georgette "L", mère de la concubine de "G", refusait de répondre sur la participation de ce dernier dans le trafic d'anabolisants, déclarant qu'à l'époque, il n'était pas directeur de Y.

Pourtant, dame "L", durant sa garde-à-vue (le 17 avril 1996), admettait que "G" avait bien utilisé des produits interdits : ainsi, précisait-elle, que tous les techniciens de groupe avaient utilisé systématiquement ce produit indiquant que seul "G" s'était quelque peu désolidarisé en arrêtant d'utiliser ce produit.

Entendu sur commission rogatoire le 30 janvier 1995, Patrick "C" déclarait avoir travaillé en qualité d'acheteur de bestiaux pour la société X jusqu'en 1992. Il disait connaître Antoine "V", responsable de la W1 ; cette société, selon lui, commercialisait l'Auxine. Pour "C", "V", sous couvert de l'Auxine, livrait des anabolisants ; en faisant passer les anabolisants pour de l'Auxine, cela permettait de la passer en comptabilité. En réalité, "V" livrait des bidons d'une contenance approximative de 20 litres contenant les anabolisants mais dont la composition n'était pas précisée. Ces bidons étaient selon lui transparents et contenaient un liquide incolore. Il disait avoir assisté à ces livraisons à trois ou quatre reprises, "V" traitant uniquement et directement avec dame "L". Il disait ignorer comment celle-ci était entrée en contact avec "V".

Dans le cadre des investigations menées sur commission rogatoire étaient annexés à la procédure de nombreux documents saisis au siège de la SARL W1, dont une télécopie à l'en-tête des établissements X datée du 20 février 1991 adressée à la W1, signée "C". Dans ce document, "C" indiquait avoir rencontré un représentant de la société W en Allemagne qui lui avait présenté le produit Auxine. "C" souhaitait des renseignements complémentaires sur ce produit.

A ce propos, "C" déclarait dans un premier temps, le 30 janvier 1995, n'avoir pas rédigé ce courrier qu'il lui avait été demandé de signer sans plus d'explication mais était plus disert durant sa garde-à-vue il déclarait alors que Georgette "L", en raison d'une mauvaise conjoncture économique, avait décidé d'utiliser des anabolisants. Elle lui avait expliqué que l'Auxine était un produit de substitution et lui avait demandé de signer le fax sollicitant des renseignements sur ce produit.

Durant son interrogatoire du il avril 1996, "C" disait avoir appris après février 1991 que des anabolisants arrivaient chez X, soit après l'envoi du fax qu'on lui avait demandé de signer. Il ajoutait s'être alors enquis auprès de dame "L" de la nature exacte de l'Auxine dont celle-ci lui avait confirmé qu'il s'agissait d'anabolisants.

Il était mis en examen le 3 mai 1996 des chefs de fraudes rendant la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme, falsification de denrées alimentaires courant 1991 et 1992 sur le territoire national (distribution de bêta- agonistes aux élevages de veaux intégrés par le groupe X). Il confirmait alors que dame "L" lui avait révélé la nature exacte de l'Auxine, qu'il avait signé le fax du 20 février 1991 au motif qu'il était le seul à voyager dans le groupe, qu'il avait rencontré "V" lors des premières livraisons des bidons transparents. Selon lui, c'est dame "L" qui prenait possession de ces bidons.

En dépit de ses déclarations précises sur l'acquisition de produits interdits sous couvert d'Auxine, il ne se reconnaissait pourtant aucun rôle direct dans ce trafic.

L'information permettait cependant de révéler son rôle beaucoup plus important qu'il ne voulait l'admettre. Ainsi, dame "L", dès le début de sa garde-à-vue le 17 avril 1996 déclarait qu'après un voyage de "C" en Allemagne début 1991, celui-ci l'avait informé d'une filière pour utiliser des facteurs de croissance ; qu'en raison des résultats faibles du groupe à l'époque et des difficultés financières afférentes, il avait été décidé d'avoir recours à ces facteurs de croissance ; qu'en conséquence, "C" avait signé le document du 20 février 1991 visant à obtenir des renseignements sur l'Auxine. Durant son interrogatoire de première comparution, dame "L" confirmait avoir été mise en contact avec la société W1 par l'intermédiaire de "C", ajoutant que ce dernier avait réceptionné voire livré ces produits interdits.

La société des "Anciens Ets X" de Fleurance était gérée en droit par Maurice "L" et en fait, sur les questions de production, par son épouse, comptable de l'entreprise, Georgette "L".

a) Georgette "L" :

Dès son placement en garde-à-vue le 17 avril 1996, dame "L" reconnaissait qu'à la faveur d'un consensus avec tous les techniciens du groupe X ("G", "P", "M"), il avait été décidé en raison de difficultés financières d'utiliser des facteurs de croissance dont "C" lui avait parlé. Elle avait accepté de passer ce produit en comptabilité sous couvert de l'achat d'Auxine. Elle reconnaissait avoir personnellement passé tous les mois les commandes d'Auxine ; pour chaque commande d'Auxine et proportionnellement à la quantité de celle-ci, elle recevait une quantité de facteurs de croissance (un liquide translucide) livrée par "V" ou "C". Selon elle, le jour même de la livraison voire le lendemain, les facteurs de croissance étaient distribués dans les Y répartis au prorata des veaux mis en élevage.

Présentée au magistrat instructeur le 18 avril 1996, elle était mise en examen des chefs de fraudes rendant la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme et falsification de denrées alimentaires dans le Gers courant 91, 92 et 93.

Durant l'interrogatoire de première comparution, elle tentait d'édulcorer l'importance de ses premières déclarations, se retranchant derrière son statut de comptable et affirmant n'avoir pas pris elle-même l'initiative de ce système qui, à l'en croire, était d'une pratique courante. Elle déclarait pourtant au juge d'instruction que ces produits, dont elle disait ne pas mesurer les conséquences, étaient présentés comme des produits miracles.

Durant la confrontation du 13 mai 1996, dame "L" maintenait que sous couvert d'Auxine, elle savait qu'elle commandait des facteurs de croissance interdits, mais précisait qu'au sein du groupe X, elle était une administratrice, avouant par là qu'elle était au courant du système mais refusait d'en endosser seule la responsabilité. Elle indiquait d'ailleurs qu'il s'agissait d'une décision concertée avec "M" et les directeurs des Y de l'époque.

Georgette "L", qui a reconnu commander puis réceptionner les produits interdits, était mise en cause par "P" et "M" comme leur ayant directement remis des flacons de ces produits.

b) Maurice "L" :

Entendu sur commission rogatoire le 24 octobre 1994, "L" reconnaissait avoir utilisé des anabolisants jusqu'en 1988, date à laquelle ils avaient été interdits, mais jamais depuis.

Durant sa garde-à-vue le 17 avril 1996, il maintenait tout ignorer de la facturations d'Auxine, de l'existence de la société W1, de l'administration de béta-agonistes au sein du groupe dont il était le PDG. Il pensait que les techniciens des Y ("G", "M", E et "P") étaient à l'origine de l'affaire des anabolisants. "L" disait que, dans cette affaire, sa femme avait couvert des voyous.

Il était mis en examen le 18 avril 1996 des chefs de fraudes et falsifications de denrées alimentaires.

Durant l'interrogatoire de première comparution, il continuait à nier avoir été mis au courant de l'affaire.

Lors de la confrontation du 13 mai 1996, il disait que les techniciens s'occupaient des achats de produits pharmaceutiques ou vétérinaires et qu'ils étaient les seuls à détenir les clés du local pharmacie. Il continuait donc à nier toute implication dans le trafic.

Si Georgette "L" avait, à maintes reprises, affirmé que son mari n'était au courant de rien, d'autres mis en examen estimaient impossible la mise hors de cause de "L", et notamment "C" qui affirmait que dame "L" ne faisait rien sans consulter son mari ou encore "P" qui décrivait l'irruption de "L" lors des réunions hebdomadaires des techniciens pour les vilipender à propos de leurs médiocres résultats.

Pourtant nommément mis en cause par F, J, "M", "C" et dame "L", Antonius "V" protestait obstinément de son innocence durant toute l'information.

Les investigations permettaient toutefois d'établir que "V", gérant de fait de la société d'Aménagement des Sols et Exploitations (W1), bien que le gérant de droit fût le dénommé Jean Evrard, facturait l'Auxine 360 F le Kg. Ce produit, fabriqué par la société W implantée à Werkendam aux Pays-Bas, était importé par la SARL W1. Mr Hak était entendu le 25 avril 1996 sur commission rogatoire internationale aux Pays-Bas. L'exploitation des documents de la société W Pharma mettait en évidence que la société W1 lui assurait 50 % des ventes d'Auxine. Mr Hak, qui ne fournissait aucune explication sur les différents prix de vente de l'Auxine et notamment sur le prix fort payé par "V", s'étonnait toutefois de ce dernier point. Il disait connaître les activités de "V", faisant même état de trafic d'hormones. Selon les militaires de la section Recherches d'Agen, la surfacturation évidente de l'Auxine en regard, notamment des analyses précitées masquait la fourniture d'anabolisants du laboratoire néerlandais à la société W1.

Attendu qu'il est reproché à Antonius "V", Georgette "C" épouse "L", Maurice "L", Jean Marc "G". Fernand "P" Gilbert "M" et Patrick "C" d'avoir :

1°) sur le territoire du Gers. courant 1991, 1992 et 1993, s'agissant de Patrick "C" courant 1991 et 1992, trompé ou tenté de tromper le co-contractuant sur la nature et les qualités substantielles d'aliments pour animaux, en l'espèce des aliments contenant les béta-agonistes, avec cette circonstance que la tromperie a eu pour effet de rendre la marchandise dangereuse pour l'homme ou l'animal.

2°)dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, exposé, mis en vente ou vendu des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux, en l'espèce par l'utilisation de bêta-agonistes, qu'il savait falsifiées, corrompues ou toxiques, avec cette circonstance que la marchandise était nuisible à la santé de l'homme ou des animaux.

Faits prévus et réprimés par les articles L. 213-1, L. 213-2, L. 213-3, L. 216-1 et L. 216-2 du Code de la consommation;

Attendu qu'Antonius "V" sollicite sa relaxe en faisant valoir, pour l'essentiel, que les faits allégués par l'accusation ne caractérisent pas les infractions reprochées, que la preuve des faits litigieux n'a été rapportée ni au cours de l'instruction préparatoire, ni au cours de l'instruction à l'audience, et que les motifs du jugement reposent sur une démonstration dont les éléments manquent en fait

Qu'en effet :

- en premier lieu, les poursuites sont tenues en échec par la règle de non- rétroactivité, car :

* les prévenus ont été renvoyés devant le tribunal et condamnés par ce dernier au visa des articles L. 213-1, L. 213-2, L. 213-3. L. 216-1 et L. 216-2 du Code de la consommation, lequel Code a été instauré par la loi N° 93-949 du 26 juillet 1993 publiée au journal officiel du 27 juillet 1993.

* la loi pénale ne peut avoir d'effet rétroactif sauf si elle est plus douce,

* en conséquence, la loi du 26 juillet 1993 ne saurait être appliquée aux auteurs présumés de faits commis, selon l'ordonnance de renvoi et le jugement entrepris, "courant 1991, 1992 et 1993" sans autre précision de date.

* de surcroît, les dispositions de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services ont été abrogées par la loi du 26 juillet 1993 et le seul texte relatif à la matière débattue et qui ne semble pas avoir été abrogé par la loi de juillet 1993 est la loi du 16 juillet 1984 relative à l'administration de substances anabolisantes aux animaux dont la chair ou les produits sont destinés à la consommation humaine

* or, ce texte ne prévoit au maximum qu'un emprisonnement de six mois et, en conséquence, les dispositions du Code de la consommation, entrées dans l'ordonnancement juridique par la loi du 26 juillet 1993, constituant des dispositions pénales plus sévères inapplicables aux faits,

- en second lieu, s'agissant de la première infraction, il n'a pu tromper ou tenter de tromper le "co-contractant" sur la nature ou les qualités substantielles d'aliments pour animaux, alors qu'il n'a pu accomplir l'élément matériel principal de l'infraction qui lui est reprochée, à savoir la remise de béta-agonistes, et que les éléments juridiques de l'incrimination établie par l'article L. 213-1 fait défaut en l'espèce puisqu'il n'a pas eu de relation contractuelle avec les éleveurs qui achetaient et utilisaient des aliments pour animaux et qu'il n'a trompé ou tenté de tromper quiconque,

- en troisième lieu, les circonstances aggravantes retenues par la prévention ne sont pas établies par l'accusation, la dangerosité et la nocivité des béta-agonistes étant hypothétiques,

- la prétendue utilisation de l'additif serait intervenue avant la publication de l'arrêté du 13 février 1992 portant interdiction, de sorte que l'utilisation de l'additif n'était pas illicite au moment des faits, en 1991,

- en quatrième lieu, les éléments de l'instruction ne permettaient pas de retenir sa culpabilité, car :

* il n'existe aucune preuve matérielle contre lui,

* la commission de l'infraction par lui est invraisemblable, car il aurait pris des risques extraordinaires qui étaient totalement inutiles, n'ayant pas besoin d'activités délictuelles pour bien vivre,

* il est un bouc émissaire idéal et nécessaire,

* l'enquête et l'instruction préparatoire n'ont pas exploré des pistes essentielles,

* les seules déclarations précises contre lui sont celles de dame "L" et Patrick "C", dont aucune n'est crédible,

- enfin, pour prononcer à son encontre une peine exceptionnellement lourde en matière correctionnelle, soit le maximum légal sans sursis, le tribunal s'est livré à une analyse manifestement erronée qui repose sur des postulats contraires aux faits, a savoir que l'Auxine était inutile aux animaux et vendus à un prix excessif, que sa vente était un prétexte pour couvrir la vente des anabolisants et que d'ailleurs, d'après les témoins, il n'y avait même pas l'Auxine, alors que :

* le tribunal n'aurait pas dû s'étonner qu'un prix soit disproportionné au coût de fabrication,

* le prix de vente de l'Auxine ne permettait pas du tout de couvrir un quelconque trafic parallèle, car :

- ce produit était vendu par le fournisseur en gros la société W, à la W1 240 F le kilo, ne laissant à cette dernière qu'une marge de 1,5, marge particulièrement faible en matière commerciale,

- le tribunal a préféré s'obnubiler sur les 4 F dont un expert a dit qu'ils représentaient le coût de fabrication de l'Auxine et raisonner comme Si la Société W1 empochait la différence,

- or la preuve est rapportée par lui que la société W1 se voyait facturer environ 240 F le kilo par son fournisseur, la société W, d'une part, et que celle-ci payait elle-même à ses fournisseurs dix dollars le kilo, soit environ 60 F,

- on arrive donc à ce paradoxe que le dirigeant de la société W, pourtant entendu sur commission rogatoire internationale dans le cadre du dossier, n'a jamais été poursuivi alors qu'il prenait une marge de 180 F sur un produit qui lui était vendu 60 tandis que lui-même est poursuivi au motif que son bénéfice aurait couvert un trafic illicite alors qu'il ne prenait qu'une marge de 120 F sur un produit qui lui était facturé 240 F,

- surtout, la preuve est rapportée par lui que l'Auxine a été vendue dans d'autres régions par d'autres sociétés que la W1 à d'autres sociétés également étrangères au présent procès au même prix de 360 F, qui était donc le prix normal du marché

* le tribunal a mis en doute, à tort, l'existence du produit Auxine, car :

- au regard des factures et bons de livraison de la société de transport W3, l'Auxine a bel et bien été livrée,

- tout autre chose est de savoir ce que les Ets X et les Y qui traitaient avec elle ont pu faire de l'Auxine, le défaut d'utilisation par X et les Y ne pouvant faire présumer l'existence d'un négoce illicite et parallèle de béta-agonistes,

- au demeurant, il est inexact de prétendre que de l'Auxine n'a pas été utilisé par les éleveurs,

* pour le condamner, le tribunal s'est fondé sur des déclarations émanant d'autres prévenus qui avaient tout intérêt à dissimuler les véritables noms de leurs fournisseurs (déclarations "L" et "C"), ainsi que sur des déclarations fausses et ne reposant sur aucun contrôle, en raison en particulier du défaut d'audition de H ;

Attendu, en droit, que les articles L. 213-1 et suivants compris au chapitre III Fraudes et falsifications du Code de la consommation résultent de la codification à droit constant des dispositions de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services, de sorte que :

- les dispositions de l'article L. 213-1 dudit Code correspondent à celles de l'article 1er de cette loi,

- les dispositions de l'article L. 213-2 correspondent à celles de l'article 2 de cette loi,

- les dispositions de l'article L. 213-3 correspondent à celles de l'article 3 de cette loi,

Étant observé que, tenant compte de l'esprit du nouveau Code pénal, le Code de la consommation n'a retenu que le maximum des peines encourues, lequel n'a pas varié

Attendu que l'abrogation de la loi du 1er Août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services par l'article 4 de la loi N° 93-949 du 26 juillet 1993, à la suite de sa codification à droit constant, ne modifie ni la teneur des dispositions transférées ni leur portée ;

Attendu, dans ces conditions, que, contrairement aux allégations de "V", les poursuites ne sont pas tenues en échec par la règle de non-rétroactivité

Attendu que le fait que la liste des additifs qui peuvent, à l'exclusion de tous autres, être incorporés aux aliments pour animaux ait été fixée par un arrêté du 13 février 1992 ne rend pas pour autant licite l'utilisation antérieure de bêta-agoniste ;

Attendu, en effet, qu'un anabolisant est un ensemble de molécules avant en commun la capacité d'améliorer la balance azotée des organismes animaux par une augmentation de l'anabolisme protidique ; que les béta-agonistes (substances chimiques apparentées à l'adrénaline), tels le Clenbutérol, le Mabutérol, le Methy-Mabuterol, le Cimaterol, le Methyl Cimaterol, le Salbutamol, le Mapenterol, sont qualifiés d'anabolisants de substitution ;

Attendu qu'il est précisé dans une note d'information du ministère de l'Agriculture (côte D620) que :

- comme les catédrolamines, les béta-agonistes peuvent agir sur les fonctions cardiaques, artérielles et pulmonaires. Les animaux en les recevant ont une fréquence cardiaque augmentée (très nette sur le veau), pendant une période d'adaptation plus ou moins longue selon les molécules employés et un métabolisme basal accru, ce qui n'est pas entièrement bénin, surtout chez les animaux sensibles au stress. On rapporte une nette augmentation des accidents au cours du transport des veaux ou des porcs.

- ces produits, purs, peuvent être dangereux par simple inhalation pour les personnes qui les manipulent (accident ayant nécessité une hospitalisation)

Attendu que les enquêteurs de la gendarmerie ont en outre précisé (c ôte D676)

... "Ces produits ont une influence non négligeable sur le système cardio-vasculaire (tachycardie, vaso dépression) ainsi que sur le système neuro-musculaire (tremblement et crampes).

Les résidus, présents dans les viandes et les organes comme le foie ont entraîné en septembre 1990, plusieurs intoxications alimentaires collectives dues à la présence d'un béta-agoniste "le Clenbutérol" dans du foie de veau ont été mises en évidence dans les régions de Roanne, Clermont Ferrand et St Etienne. Vingt-deux personnes ont été atteintes. Tous les patients se sont plaints de céphalées et de tremblements. La majorité d'entre-eux ont présenté des vertiges, des palpitations et parfois des malaises. (Cf. article du bulletin épidémiologique hebdomadaire N° 5/1991)

Plus près de nous, en janvier 1994, l'Espagne a été frappée par des intoxications. Cent trente-six personnes ont été intoxiquées à la suite de l'ingestion de foies de veau contenant du Clenbutérol. Sur ces personnes, cent vingt-sept ont été hospitalisées.

L'usage des béta-agonistes en élevage n'est pas anodin et peut entraîner des problèmes sérieux de troubles de la santé tant aux animaux qu'aux humains qui consomment la viande."... ;

Attendu qu'il est ainsi démontré, contrairement aux allégations du prévenu, que les béta-agonistes utilisés dans la présente affaire sont dangereux et nuisibles à la santé de l'homme ou des animaux, étant en outre observé qu'étant livrés à l'état brut et non de manière dosée (à la différence des médicaments), leur administration réelle aux animaux pouvait être faite à des doses très largement supérieures à celles utilisées dans les médicaments et sans contrôle;

Attendu, quant au délit de tromperie, que selon Georgette "C" épouse "L", celle-ci a reçu de "V", en connaissance de cause pour lui avoir demandé, la substance contenant des béta-agonistes;

Qu'il s'ensuit que "V" n'a pas "trompé ou tenté de tromper le co-contractant sur la nature et les qualités substantielles d'aliments pour animaux";

Qu'il convient donc de réformer le jugement en le relaxant de ce chef de poursuite;

Attendu, quant au délit de vente de béta-agonistes qu'il savait toxiques, avec cette circonstance que la marchandise était nuisible à la santé (le l'homme ou des animaux, qu'il y a lieu de retenir contre "V" que :

- la facturation d'Auxine masquait la livraison de produits interdits, dans la mesure ou :

* l'Auxine, pourtant livré en très grande quantité (35,960 tonnes entre fin 1991 et décembre 1993) pour un prix élevé (1,3 milliard de centimes pendant cette période), ne semble pas avoir été réellement distribué et utilisé dans les élevages du groupe X, si ce n'est en très faible quantité :

- la plupart des techniciens ou directeurs des Y qui fournissaient les aliments aux éleveurs ont affirmé ne pas l'avoir utilisé. Ainsi :

>Fernand "P", directeur et technicien de la Y 3, a déclaré "Pour ma part je n'ai jamais vu de sac d'Auxine dans mes élevages, la société W1 m'est inconnue",

>Gilles "M" a répondu à la question "maintenez-vous que vous n'avez jamais entendu parler du produit Auxine ainsi que vous l'avez précédemment déclaré ?" - "Oui, je n'ai jamais entendu parler de ce produit" "Dans le local de Mr Bouchardeau, je n'ai jamais vu de produit du nom d'Auxine et c'est le seul endroit où les produits étaient entreposé. Comme je vous l'ai dit, jamais ce produit n'a été donné aux éleveurs." "Je n'ai pas utilisé d'Auxine dans le cadre des élevages que je suivais, j'en suis persuadé." "Entre 91 et 93, c'est-à-dire à l'époque où vous me dites qu'il y a eu des livraisons d'Auxine, je ne connaissais même pas ce produit. ",

>Christian E a affirmé "je n'ai jamais eu en ma possession le produit Auxine, or tous les produits qui devaient être utilisés dans les élevages passaient par les directeurs de Y. Vous me donnez connaissance d'un tableau relatif à l'Auxine facturée à Quercy Veaux par un établissement W1 courant 1991. Je ne comprends pas, je n'ai pas introduit d'Auxine dans mes élevages du temps où j'étais encore chez X"

Jean-Marc "G" a certes prétendu "effectivement nous utilisions de l'Auxine qui est une vitamine pour les veaux. L'Auxine était fournie dans des sacs de 20-25 kgs et nous était apportée par camions à partir du centre de Colayrac. C'est un produit qu'on utilise en général lorsque les veaux ont une trentaine de jours".

Cependant, ses allégations sont sujettes à réserves dès lors qu'il est le concubin de la fille des époux "L" et qu'elles sont contredites tant par les déclarations susvisées que par celles de Jean-François Bouchardeau, vétérinaire exclusif des Y (à l'exclusion de 4), lequel a indiqué "Concernant un produit Auxine, il m'est arrivé d'en voir un sac dans un élevage, ce produit flottait dans l'eau. Les veaux ne l'avaient pas bu".

(...)

"Comme je vous l'ai dit, je ne l'ai vu que dans un seul élevage. Vous me dites qu'il y a plus d'une trentaine de tonnes de ce produit qui a été livré. Je ne sais pas ce qui a été fait de ces produits car pour ma part, je ne l'ai vu que dans un seul élevage". En outre, à la question "savez-vous où était entreposé le produit et sous quelle forme il était distribué dans les élevages ?", dame "L" a elle-même répondu par la négative, de même que Patrick "C".

Les éleveurs A, D et B ont affirmé avoir ignoré jusqu'à l'existence de l'Auxine.

* ce produit était manifestement surfacturé

* Daniel Griess, (docteur vétérinaire, professeur d'alimentation, chef du service d'alimentation à l'école nationale vétérinaire de Toulouse et expert scientifique à la commission ministérielle et inter-professionnelle de l'alimentation animale), a expliqué le 9 mai 1995 :

... "L'auxine super dont vous me présentez la composition correspond à un aliment minéral et vitaminé. Sa composition est banale et neutre elle ne renferme que des principes nutritifs dénués de toutes toxicité, d'autant plus qu'à la dose prescrite la dilution est telle que l'apport peut être considéré comme extrêmement faible. Tel qu'il est présenté, ce produit est totalement dénué de danger.

A mon avis, son efficacité me pose problème. Je précise que l'unité dans les paragraphes 3 et 4 ne sont pas indiquées. Je ne vois pas ce que peut rapporter ce produit en complément d'une alimentation normalement équilibrée.

L'auxine super n'est pas un médicament. Il existe donc beaucoup de produit de la même famille, qui sont des compléments minéraux et vitaminés. Il y a des centaines de produits de ce type, il est à noter que tous les fabriquants d'aliments produisent de tel complément d'alimentation ayant une composition extrêmement variable,"

* la SA Celtic, spécialisée dans la nutrition animale, à partir de la fibre de composition de l'auxine, a indiqué le 28 novembre 1996 :

"En l'absence de composition exacte du produit nous avons procédé à une reconstitution d'un produit qui présenterait des garanties voisines de celles présentées sur l'étiquette.

Certains constituants étant indiqués en très faibles quantités ne ressortent pas de notre matrice informatique, toutefois cela ne peut avoir une incidence significative sur le prix du produit tel que nous l'avons reconstitué.

Il est bien évident que le produit "Auxine" peut contenir d'autres éléments dont nous n'avons pas eu connaissance et qui pourraient changer son prix de revient. Il est à noter que cette appellation peut prêter à confusion, on fait allusion à une hormone végétale de croissance.

Ce produit n'est :

- ni un aliment minérale L 40 %

- ni un aliment complet

- encore moins un aliment composé (terme interdit à ce jour).

Il s'agit sans doute d'une matière première, vu les teneurs ridicules annoncées.

Il ressort de notre étude que sur un coût matière de 4.04 F, 3.94 F sont représentés par le prix du support qui a été choisi arbitrairement."

* Certes, "V" a communiqué devant la cour un fax adressé le 5 octobre 1998 par 'W Agro Feed BV" indiquant que l'origine de l'Auxine était le Golden Harvest de Taïwan, acheté chez Improve Trading pour le prix de 10 US $.

Cependant, les deux factures présentées à l'appui de ses allégations d'une part comportent en entête la mention "Profarma", d'autre part son établis en langue anglaise, sans traduction. En outre, faute de précision sur la composition du "Golden Harvest", aucun élément objectif ne permet de déduire qu'elle est identique à celle de l'Auxine.

Il y a donc lieu de rejeter des débats lesdits documents au demeurant produits tardivement.

* "V" a également communiqué un fax adressé le 12 octobre 1998 par Maître Jacques Duval, avocat à Poitiers, à son conseil, ainsi rédigé :

..."Au cours de notre entretien téléphonique du 9 octobre, nous vous avons indiqué être intervenus dans le Périgord, en matière fiscale, pour défendre un dossier. L'essentiel du litige portait sur le point suivant :

L'administration fiscale considérait qu'un complément alimentaire, l'Auxine, acheté par la société client sur la base de 360 F le Kilo, ne présentait pas des caractéristiques scientifiques justifiant ce prix. A son analyse, le prix normal était en 1991 pour ce produit, de l'ordre de 34 F.

Il était évident qu'à travers cette intervention fiscale, il était poursuivi d'autres objectifs à l'encontre des dirigeants.

Notre dossier fut soumis à l'examen de la Commission Départementale des Impôts Directs et des Taxes sur le chiffre d'Affaires du département de la Dordogne. Compte tenu des arguments que nous avions développés en séance, les insinuations que contenait une telle démarche ont disparu, puisqu'il a été admis par cet organisme paritaire que le prix normal de marché, s'il ne se situait pas à 360 F, ne pouvait se situer en-dessous de 192 F.

Les contacts ont été poursuivis avec l'administration fiscale, après l'intervention de cette Commission et son avis plutôt favorable.

C'est finalement sur une somme de 240 F le kilo que la société a admis de conclure une transaction avec l'administration fiscale."...

Cependant il n'est apporté, à l'appui de ce courrier, aucune précision quant à la société venderesse et la société cliente, aux caractéristiques du complément alimentaire et aux arguments de la défense, pas plus qu'aucune pièce justificative, en particulier de l'administration fiscale.

S'agissant au surplus d'une pièce établie trois jours avant l'audience (alors que l'enquête a débuté en 1993) et qui n'a pu ainsi faire l'objet de vérifications par le magistrat instructeur, elle ne pourra donc être retenue par la cour à l'appui de la thèse de "V".

* La surfacturation de l'Auxine est donc bien établie, la Sagex l'ayant vendu pour le prix de 360 F HT soit 434,16 F TTC le kilogramme, somme sans commune mesure avec son coût de revient réel.

- La livraison d'Auxine aux Ets X a cessé immédiatement après la révélation des premiers prélèvements positifs de la DDCCRF dans les élevages à la fin de l'aimée 1993.

-"V" a été formellement mis en cause tant par dame "L" que "C" :

* Ainsi, Georgette "C" épouse "L" a affirmé :

(cote D458) ... "En ce qui concerne les anabolisants dans le groupe X, je tiens à m'expliquer. Cela a débuté début 1991 suite à un voyage de "C ", Patrick en Allemagne. A cette époque les résultats du groupe étaient faibles et pour les remonter il a été pris la décision d'utiliser des facteurs de croissance car "C" avait durant son voyage trouvé une filière et pour enclencher le marché, il a écrit une lettre, qui a dû être tapée à la machine par une secrétaire. Par contre il a signé ce document en connaissance de cause. Il n'est pas impossible que de tels produits aient été utilisés avant mais par les techniciens directement. Il y a eu un consensus entre tous les techniciens pour utiliser le produit. J'ai accepté de passer ce produit en comptabilité sous couvert de l'achat d'Auxine.

L'Auxine était vendue par une société W1 de Saulnes (54). Elle était livrée par transporteur à Colayrac. Je n'ai pas souvenance du nom du transporteur car elle était livrée franco départ et que je n'ai pas gardé de document. Elle était conditionnée en sac de 25 ou 50 kgs mis en palette. J'ai vu à plusieurs reprises que des sacs d'Auxine se trouvaient à Colayrac. Je pense que l'Auxine a été ensuite distribuée dans les élevages. Toute livraison a fait l'objet d'une facturation. Je n'avais aucun contrôle de la réalité des livraisons. Je payais les factures qui étaient présentées. Dans l'ensemble, j'effectuais les commandes personnellement, à peu près tous les mois, par fax. La quantité commandée était liée au nombre de veaux se trouvant dans les Y.

A ma connaissance, toute la facturation se faisait sous le couvert de l'Auxine. Toutes les factures étaient payées par traites.

Parallèlement à ces livraisons, pour chaque commande d'Auxine et proportionnellement à la quantité de cette dernière, on recevait une quantité de facteurs de croissance conditionnée dans des emballages qui pouvaient être de différentes contenances. Je ne me souviens plus de la concordance entre Auxine commandée et facteur de croissance livré. Ces facteurs de croissance étaient présentés sous la forme d'un liquide translucide. Ces livraisons étaient effectuées par Antoine "V". Je me souviens que "C" a également effectué des livraisons. Il m'est arrivé de recevoir des produits d'Antoine et de "C", mais il est arrivé que ces produits arrivent sans que je sois présente. Dans ce cas là, c'était "M" qui assurait la réception du produit.

Il me semble que tous les facteurs de croissance étaient fournis par Antoine "V", bien que "C" ait servi quelques fois d'intermédiaire. A ma connaissance, les livraisons se faisaient par véhicule privé, en général, celui d'Antoine. Le jour même de la livraison, voire le lendemain, ces facteurs de croissance étaient distribués dans les Y, répartis au prorata des veaux mis en élevage. La répartition incombait soit à moi, soit aux techniciens.

(...)

Je connais Antoine "V" depuis un certains nombres d'années pour l'avoir vu sur les marchés aux bestiaux."...

(cote D462) ... "Il y avait bien de l'Auxine de livré, mais il y avait un autre produit qui était livré également et qui n'apparaissait pas comme tel mais qui était englobé dans la facture d'Auxine.

(...)

Si : je pense que ces livraisons devaient être mensuelles comme les livraisons d'Auxine.

Si : c'était un "gars" qui amenait les produits.

Si : je le connaissais sous le prénom d'Antoine, je ne savais pas quelles étaient ces activités exactes. Dans ce milieu, tout le monde se connaît plus ou moins et on ne cherche pas à en savoir trop.

Si : Antoine me livrait que le produit, l'auxine était livré par ailleurs par un transporteur.

Si : le produit était conditionné en bidon, il était ensuite transmis aux techniciens.

Si : les livraisons avaient lieu à différents endroits notamment au siège de la société.

(cote D489 confrontation) ... "En fait, en commandant l'Auxine, on recevait une quantité proportionnelle de facteurs de croissance.

Je n'ai pas réceptionné toutes les livraisons mais j'en ai réceptionné un certain nombre, c'est bien M. "V" ici présent qui m'apportait les produits interdits.

(cote E161) ... "Je connaissais "V" de vue, c'était de notoriété publique qu'il vendait des produits. C'est "C" qui m'a mise en contact avec "V", c'était un système vicieux.

(...)

C'est lui ("V") qui me fournissait en produit liquide. Je le connais, je l'ai vu 3 ou 4 fois."...

* De même, Patrick "C" a déclaré

(cote D371) ... "Par contre, je connais le nommé "V" Antoine, responsable de la W1.

En ce qui concerne l'Auxine, commercialisée par la W1, il s'agit d'un produit de substitution. En fait, en commandant de l'Auxine, "V" livrait des anabolisants. En faisant passer les anabolisants pour de l'Auxine cela permettait de les passer en comptabilité. Il n'a jamais été à ma connaissance livré d'Auxine, qui devait être à l'origine un simple complément pour l'alimentation du bétail. En réalité "V" livrait des bidons d'une contenance approximative de 20 litres, contenant les anabolisants, mais dont la composition n'était pas précisée. Ces bidons étaient transparents et le liquide contenu incolore. J'ai assisté à ces livraisons à trois ou quatre reprises, "V" traitait avec Madame "L" et uniquement avec elle."

(cote D 360) "L'achat d'Auxine masquait en réalité la fourniture d'anabolisants. Cela permettait de payer les anabolisants tout en ayant une comptabilité normale. Après février 1991, j'ai su que des anabolisants arrivaient chez X. C'est à la suite du courrier que m'avait fait signer Madame "L", que je lui ai posé la question de savoir s'il s'agissait d'anabolisants. Elle m'a répondu par l'affirmative.

Chaque fois que j'ai vu le nommé Antoine (deux fois), c'est à Madame "L" que le produit conditionné en bidons de 20 litres (deux ou trois) a été remis. A chaque fois que j'ai vu ce manège, il faisait nuit. Ces bidons étaient amenés à Colayrac (47) au siège de la société. Je ne me souviens plus du véhicule qui était utilisé par Antoine pour livrer la marchandise. Il me semble que le produit était sorti du coffre de son véhicule. Les bidons qui étaient livrés étaient transparents et le liquide qui y était contenu avait la couleur de l'eau. Il n'y avait aucune étiquette sur les bidons.

C'est Madame "L" qui prenait possession des bidons qui étaient chargés dans son véhicule j'ignore ensuite ce qu'elle en faisait.

(cote D482)

Si : j'ai rencontré Antoine "V", uniquement à Colayrac et cela peu de temps après l'envoi de la lettre. Auparavant, je ne le connaissais pas. J'ai donc rencontré Antoine en compagnie de Madame "L". Nous avons discuté, de choses banales, du moins pendant ma présence sur les lieux.

J'ai revu Antoine deux ou trois fois à Colayrac, lors de la livraison de bidons. Ces bidons de couleur blanche d'une contenance d'une vingtaine de litres contenant un liquide claire comme de l'eau, au nombre de deux ou trois étaient sortis du coffre du véhicule de Antoine et étaient remis à Madame "L" qui les plaçait dans son coffre.

Je ne me souviens plus de la marque du véhicule de "V". Ces opérations se déroulaient le soir. A chaque reprise j'ai salué "V", mais je n'ai jamais parlé affaire avec lui.

Je savais que le produit qui était livré par Antoine, était un produit interdit. Je savais que la lettre envoyée à la W1 avait un rapport avec les produits interdits, donc quand j'ai vu Antoine, j'ai compris le lien qu'il y avait entre la W1 et lui.

(cote D489 confrontation) ... "C'est bien Mr "V" ici présent qui assurait ces livraisons".

(cote E161) ... "V" livrait la marchandise"...

- la pratique de la livraison d'un produit anabolisant parallèlement à l'Auxine par la société LA W1 résulte des déclarations de responsables de sociétés distincts de la SA Les Anciens Etablissements X.

Ainsi, Noël J, gérant d'une société d'intégration de veaux et mis en examen dans une procédure distincte à la suite de la découverte de méthyl-mabutérol dans un élevage de veaux lui appartenant, a déclaré le 15 octobre 1996 :

..."En 1991, j 'ai rencontré un technicien de la société W2, sur le marché de Chateaugonthier. En discutant nous avons abordé le sujet des activateurs de croissance, il m'a dit qu'il connaissait un produit équivalent à celui de Michaud, qui était vétérinaire à la Guerche. Nous avons discuté, et il m'a dit qu'il y avait un moyen de les facturer. C'était de l'Auxine qui était facturée, il m'a donné un numéro de téléphone et nous nous sommes quittés. J'ai donc appelé le numéro qui m'avait été donné, et là le responsable de la W1 m'a dit que l'Auxine allait être facturé et que je recevrai également du liquide. Le produit Auxine devait être donné au démarrage et le liquide qui lui n'était pas facturé devait être donné à la fin, je ne sais pas quel est le nom du responsable de la W1. Il s'est juste présenté comme étant le directeur de la société.

"J'ai donc effectué une première commande. L'Auxine m'a été livrée par transporteur. Par la suite j'ai fait trois autres commandes. J'ai reçu l'Auxine, mais j'ai reçu également deux bidons de vingt litres d'un liquide transparent. Il me semble qu'il y avait des étiquettes sur les bidons qui étaient également transparent.

"Les sacs d'Auxine ont été livrés par transporteur. Quant aux bidons ils ont été amenés séparément des sacs d'Auxine. J'étais absent de mon domicile lors de la livraison des bidons. Ces bidons ont été amenés séparément, un après la première commande et l'autre entre d'autres commandes d'Auxine. J'ignore qui a amené ces bidons, mais il ne s'agissait pas d'un transporteur.

"Je pensais que ces produits livrés étaient des béta-agonistes. Je pensais également qu'il y avait des activateurs de croissance dans l'Auxine, car le démarrage des veaux était très bon.

"Je tiens à préciser que j'avais demandé au responsable de la W1, s'il s'agissait de Clenbutérol. Il m'a répondu par la négative.

"J'avais également demandé à ce responsable, s'il y avait un risque lors des contrôles. Il m'a également répondu par la négative.

"J'ai utilisé ce type de produit, car je voulais faire face à la concurrence, qui utilisait ces types de produits interdits.

(...)

"En fait pour résumer cette affaire, je recherchais un complément pour bien faire boire les veaux jusqu'à l'abattage. C'est donc en discutant que j'ai eu les coordonnées de la W1, comme je vous l'ai expliqué. J'ai donc commandé de l'Auxine que j'ai donné en complément aux veaux dans les élevages. Quant j'ai reçu les factures j 'ai constaté le prix élevé de l'Auxine. Comme l'on m'avait dit que ce produit pouvait être facturé, je me doutais qu'il devait s'agir d'un activateur de croissance, l'intérêt était justement que ce produit pouvait être facturé, car même si je ne savais pas ce qu'il contenait exactement, cela me permettait de le passer en comptabilité. C'était l'intérêt principal de ce produit. Au départ, j'ai obtenu de bons résultats avec 1'Auxine et je pensais que c'était ce produit qui contenait des produits interdits. Quand j'ai reçu les bidons j 'ai pensé qu'il y en avait également dans ce liquide, je me rends bien compte et je suis conscient, que la somme de 493 740 F, correspondant, au paiement de 1 300 kilogrammes d'Auxine est relativement élevé pour un simple hépato-protecteur.

"Je donnais de l'Auxine pendant huit jours à la dose de cinquante grammes par veaux. Quant au liquide j'en donnais pendant quatre ou cinq jours à raison d'un centi-cube par veau et par jour, un mois avant la sortie pour l'abattage.

"L'avantage de ce produit était le gain en poids de dix kilogrammes environ, car les veaux au moment de l'administration de l'activateur de croissance buvaient mieux. Le but n'était pas une meilleure conformation des veaux. ...

De même, Jean-François F a indiqué le 11juin 1996 :

..."Je vais vous expliquer comment j'ai eu des relations commerciales avec le nommé Antoine "V".

...Pendant les années 1991 et 1992, j'ai exercé la fonction de Directeur salarié de la Société W2 dont le siège social se trouvait à Begrolles en Mauges (49). Cette société avait été créée en fin 1990 suite au dépôt de bilan de W4. Les deux gérants d'W2 étaient les représentants des principaux créanciers de W4 Jacky O du groupe W5 d'une part et de Gert H d'autre part pour le compte du groupe W6, société Hollandaise de production de veaux, dont le siège est à Apeldoorn (Hollande). Ce groupe est un des plus important de Hollande.

Début 1991, j'ai été informé par Gert H de la possibilité d'améliorer le rendement des veaux, donc des performances de la société W2, par l'utilisation d'un produit anabolisant. J'ai été d'accord pour le faire. La marche à suivre était la suivante J'ai été mis en contact avec le prénommé Antoine, par l'intermédiaire de H. La première rencontre a eu lieu à Begrolles en Mauges dans un bar situé à proximité de la société. Là Antoine m'a expliqué la marche à suivre à savoir la commande d'un produit Auxine par W2 à la société W1, qui devait déclencher la livraison de produits anabolisants, par Antoine lui même. La commande d'une tonne d'Auxine, facturé 360 000 F, entraînait la livraison de un litre et demi d'anabolisants. Le mode d'emploi était de 1 ml pour 10 litres d'un support qui pouvait être de préférence selon Antoine le Sodiazote. En fait, le produit utilisé chez W2 était le Protectral (société W7). Ce litre et demi permettait de traiter entre 5 et 10 000 veaux. En 1991 et 1992, environ 35 000 veaux ont été traités de cette manière. Le produit Auxine a été réellement livré, distribué aux veaux en cours d'engraissement. Les livraisons ont été étalées sur une année environ et ont été arrêtées par peur de contrôles en élevage.

A ma connaissance dans l'ouest je ne connaissais pas d'autres élevages utilisant ce système, mais je sais par l'intermédiaire de Gert H que la société W8, traitait les veaux par le même principe.

Etant donné le mode d'utilisation (buvable), les faibles doses utilisées et l'efficacité constatée sur les animaux (gain de 10 kgs de carcasse et une classe de conformation), le produit livré par Antoine était très probablement un béta-agoniste très concentré. La préconisation d'emploi était de commencer la distribution trois semaines avant l'abattage et d'arrêter quelques jours avant cet abattage de façon à limiter les risques de détection du produit à l'abattoir.

Au niveau des livraisons, je pense que Antoine m'a amené ce produit anabolisant quatre ou cinq fois. Les livraisons ne se faisaient pas en même temps que l'Auxine.

Il fallait attendre que les factures aient été payées pour qu'Antoine vienne livrer. Une tonne d'Auxine, entraînait la livraison d'un litre et demi ce qui fait que le total des commandes pour W2 a du entraîner la fourniture de 7 à 8 litres d 'anabolisant.

La facturation d'Auxine masquait la fourniture d'anabolisant et permettait de rentrer cela facilement en comptabilité. Je savais tout à fait que l'Auxine ne pouvait pas coûter ce prix-là car il s'agissait d'un produit tout à fait anodin. Si vous m'annoncez un prix TTC de 2 088 900 F (d'après factures), en règlement de la livraison de 5 500 Kgs d'Auxine. Ce chiffre est tout à fait plausible. Il concerne essentiellement le paiement des facteurs de croissance puisque l'Auxine en tant que tel était loin de valoir 360 F le kilo, son prix était nettement moindre. Je ne me faisais aucune illusion sur les qualités de 1'Auxine. Même si dans le prix total il y avait et les anabolisants et l'Auxine. Le coût du traitement par veau peut être estimé à environ 60 F.

Toutes les livraisons de facteurs de croissances ont été effectuées par Antoine qui venait seul à bord d'un véhicule Mercedes 300 de couleur noire immatriculé au Luxembourg.

(...)

Si : Les anabolisants étaient mis dans les bidons de Protectral soit par moi, soit par les techniciens, mais plus généralement, c'est moi qui m'occupais des mélanges. Je décapsulais les bidons et mettais les anabolisants dedans, les éleveurs n'étaient pas informés de ce que nous faisions."...

Attendu qu'ainsi la preuve est rapportée de ce que "V" a bien commis le délit de vente de béta-agonistes qu'il savait toxiques, avec cette circonstance que la marchandise était nuisible à la santé de l'homme ou des animaux ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il l'a retenu dans les liens de cette prévention;

Attendu que "V" a déjà été condamné depuis 1986 à trois reprises par des juridictions correctionnelles, en particulier, le 16 juin 1989 par la Chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel de Nancy à 6 mois d'emprisonnement et à 70 000 F d'amende des chefs d'administration, détention ou mise sur le marché de produits interdits destinés aux animaux, d'exportation et importation non déclarées de marchandises prohibée, de détention et transport de marchandise dangereuse pour la santé, la sécurité ou la moralité, importée en contrebande, de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, d'exposition ou vente de denrée alimentaire, boisson ou produit agricole falsifié, corrompu ou toxique et de détention de denrée, boisson ou produit agricole falsifié ou corrompu et nuisible à la santé ;

Attendu qu'il y a donc lieu de constater que ce prévenu a commis les faits en état de récidive légale, étant ici observé qu'il a été informé de l'existence de cette circonstance aggravante personnelle au début de l'audience de la cour, en présence de son conseil, par le conseiller rapporteur de sorte qu'il a été en mesure de présenter sa défense sur cette circonstance aggravante personnelle ;

Attendu, quant au prononcé de la peine que commandent de tels agissements, que la cour, prenant en considération tant la nature et la particulière gravité des faits au regard de la santé animale et humaine et de l'ordre économique que de la personnalité de "V", lequel n'a aucunement tenu compte des avertissements qui lui ont été adressés dans le passé, confirmera la peine de 4 ans d'emprisonnement et l'amende de 500 000 F qui lui ont été infligés par les premiers juges;

Attendu par contre que l'interdiction d'exercer une activité liée au commerce et au négoce de la viande ovine, porcine ou bovine n'est pas prévue au titre des sanctions applicables au délit susvisé ; qu'il y a donc lieu de réformer le jugement en ce qu'il a prononcé ladite interdiction à l'encontre de "V";

Attendu qu'au regard de la nécessité de faire exécuter la peine d'emprisonnement susvisée par "V", lequel peut être tenté de sortir du territoire national, il y a lieu d'ordonner son maintien en détention;

Attendu que Patrick "C" a reconnu qu'il était au courant des livraisons et de l'utilisation de facteurs de croissance illicites mais a nié y avoir participé personnellement;

Attendu qu'en 1991 et 1992, "C" était acheteur principal des veaux nourrissons pour le compte de la SA Les Anciens Etablissements X;

Attendu que Georgette "C" épouse "L" a mis en exergue son rôle d'intermédiaire quant à la mise en place du système incriminé en affirmant qu'en 1991, au cours d'un voyage en Allemagne, "C" avait trouvé une filière permettant d'utiliser les facteurs de croissance

Attendu que ce rôle est confirmé par le fax signé par "C" et adressé au nom de son employeur le 20 février 1991 à la société W1, fax ainsi rédigé "Suite à un voyage en Allemagne, j'ai eu l'occasion de rencontrer un représentant de la société W qui m'a présenté un de ces produits, l'Auxine. Vous serait-il possible de nous adresser en retour par fax certains renseignements modalité d'emploi, prix, conditions de paiement, livraison.

Si vos conditions nous conviennent nous vous confirmerons une commande en retour."

Attendu que dame "L" a expliqué que "C" avait signé ledit document en connaissance de cause

(cote D476) Attendu que "V" a précisé que :

- il connaissait Patrick "C" et son père, Jean "C", depuis 15 ou 20 ans,

- c'était à la demande de Patrick "C", qui avait repéré le produit Auxine en Allemagne, qu'il avait pris contact avec Barned W qu'il connaissait depuis de nombreuses années,

- quelques jours après l'envoi du fax signé par "C", il avait été en mesure de fournir à la société X de l'Auxine

(cote D480) ... "Patrick "C" nous a contactés en 1991 ou quelqu'un de la société X et il existe d'ailleurs un fax très clair à ce sujet. Il nous a contacté pour avoir de l'Auxine et rien d'autre, après avoir vu en Allemagne, dans des élevages, les résultats donnés par ce produit."...

(cote D489) ... "Question à Mr "V" le fait que la commande ait été effectuée par Fax semble un peu curieuse. Est-ce qu'on ne peut pas penser que vous aviez eu précédemment un contact avec quelqu'un du groupe X ? Réponse : effectivement, j'avais eu Mr "C" au téléphone à ce sujet puis la maison KACK m'avait confirmé que des commandes d'Auxine risquaient d'arriver.

Attendu que "V" a été trouvé en possession d'un agenda mentionnant le numéro de téléphone personnel de "C" ;

Attendu que dame "L" a précisé (cote D458)

... "Les livraisons étaient effectuées par Antoine "V". Je me souviens que "C" a également effectué des livraisons. Il m'est arrivé de recevoir des produits d'Antoine et de "C" (...).

Il me semble que tous les facteurs de croissance étaient fournis par Antoine "V", bien que "C" ait servi quelques fois d'intermédiaire."...

Attendu que "C" a lui-même déclaré devant les premiers juges (cote E161 p.7)

"J'ai réceptionné avec Madame "L" les anabolisants sans aucun motif précis. La livraison se faisait à Colayrac. J'ai réceptionné les anabolisants, j'étais là à 2 ou 3 reprises donc je le savais, je n'ai pas nié."...

Attendu enfin que Maurice "L" a affirmé devant le tribunal ... "L'instigateur de ce trafic, c'est "C", je le confirme. C'est "C" qui achète les nourrissons, 1 millier par semaine. Tout passait par "C", j'ignore pourquoi il est intéressé à la fin de la chaîne."...

Attendu, en définitive, que "C" par aide ou assistance, a sciemment facilité la préparation et la consommation du délit de vente de denrées falsifiées, nuisibles à la santé de l'homme ou des animaux commis par "V", en prenant les contacts préalables nécessaires à la mise en place du système frauduleux dont s'agit, en signant le faxe du 20 février 1991 à l'origine des commandes de béta-agonistes sous couvert de commandes d'Auxine, en livrant parfois lui-même lesdits produits anabolisants ou en les réceptionnant, et en jouant ainsi un rôle d'intermédiaire ; qu'il y a donc lieu de requalifier le délit d'exposition, de mise en vente ou de vente de denrées falsifiées, corrompues ou toxiques, nuisibles à la santé de l'homme ou des animaux qui lui est reproché en complicité dudit délit et de le déclarer coupable de cette complicité ;

Attendu, par contre, qu'au sein de la SA Les Anciens Etablissements X, "C" était acheteur et non pas vendeur de veaux; que le délit de tromperie pour lequel il est également poursuivi ne paraît pas suffisamment caractérisé ; qu'il y a donc lieu de le relaxer de ce dernier chef;

Attendu, quant au prononcé de la peine que commandent ses agissements, que la cour prenant en considération tant la nature et la particulière gravité des faits au regard de la santé publique et de l'ordre public économique que la personnalité de "C", réformera le jugement entrepris en le condamnant à la peine de 3 ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et une amende de 100 000 F;

Attendu qu'il n'y a pas lieu à confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé à l'encontre de "C" l'interdiction pour une durée de 5 ans d'exercer une activité liée au commerce et au négoce de la viande ovine, porcine ou bovine, non encourue pour la complicité susvisée

Attendu que Gilbert "M" prie la cour de constater que les éléments matériels et intentionnel des délits visés dans l'ordonnance de renvoi ne sont pas établis à son encontre et de le relaxer ; qu'à l'appui de sa demande, il fait essentiellement valoir que :

- s'agissant de la tromperie sur les qualités substantielles de nourriture pour animaux :

* il n'existe aucun contrat portant sur l'aliment pour veaux entre la Y 1 et ses éleveurs. Les seuls interlocuteurs qu'il aurait donc pu tromper sur les qualités de la nourriture pour animaux sont les éleveurs travaillant pour le compte de la Y 1. Or l'aliment leur est remis de façon gratuite à titre de dépôt. Faute d'élément onéreux portant sur le produit incriminé, la prévention n'est pas constituée.

* Il n'est pas davantage établi qu'il aurait utilisé ou remis à ses éleveurs des aliments corrompus en béta-agonistes. Les éleveurs avec lesquels il travaillait dans le cadre de la Y 1 ont tous été régulièrement contrôlés négatif, aucun des élevages contrôlés positif ne dépendaient de sa Y, aucun aliment falsifié n'a été retrouvé chez les éleveurs de la Y 1 et il ne livrait ni D, ni B, ces élevages étant suivis entre 1991 et 1993 par "G", ce qui est confirmé par les éleveurs. Dès qu'il a eu des doutes sur les produits non scellés qu'il pouvait être amené à distribuer aux éleveurs, il a jeté ceux-ci pour ne distribuer que des bidons scellés.

* Le délit prévu par l'article L. 213-1 du Code de la consommation suppose qu'un fait de nature à induire en erreur soit affirmé ou caché au cocontractant. Or il n'est pas établi un mensonge, une dissimulation ou une manœuvre de sa part envers les éleveurs de la Y 1 pour les amener à utiliser un produit interdit.

* L'intention frauduleuse ne se présume pas.

on ne peut déduire sa mauvaise foi du fait qu'il était directeur de la Y 1 dans la mesure où tous les pouvoirs de cette Y, créée en 1990, avaient été attribués, dès l'origine, par dame "L" à elle-même, Président du Conseil d'administration.

Dès sa création, celle-ci a privé tant le directeur que le conseil d'administration de l'ensemble de leurs pouvoirs par procès-verbal du 23 janvier 1990. A cette date, en effet, elle s'est fait déléguer en tant que Président de la Y les pouvoirs de gestion, de fonctionnement des comptes bancaires, de négociation, d'encaissement de règlement, d'endosser, accepter et acquitter tous effets de commerce et de statuer sur tous traités et marchés rentrant dans l'objet de la société.

C'est elle, à cette date, qui a fixé le mode de fonctionnement des Y d'où il ressort que celles-ci n'ont qu'un rôle de paravent, la SA X se retrouvant en début et en fin de chaîne d'intégration. C'est ainsi qu'il a été tenu dans l'ignorance du trafic.

On ne peut davantage déduire sa mauvaise foi d'une absence de vérification on de contrôle dans la mesure où ses veaux ont toujours été sains et où il ne lui appartenait pas de contrôler les élevages dépendant des autres Y et placés sous la responsabilité d'autres techniciens.

Sa responsabilité ne peut être davantage déduite du fait qu'il aurait eu un intérêt financier au trafic, alors qu'il est établi qu'il a toujours, au sein de la SA X, touché des primes équivalentes, voire supérieures, à celles perçues dans la période concernée par le trafic d'anabolisant mis en place par la SA X, qui n'a en conséquence entraîné aucune modification de la situation financière de celle-ci au sein de la société.

- s'agissant de la vente de veaux qu'il savait falsifiés par la présence de bêta- agonistes :

* La Y 1 achetait les veaux à la société X, les faisait engraisser par des éleveurs tous absents des poursuites avec des aliments fournis par les Ets. X, et revendait ensuite les veaux auxdits établissements.

* Il n'a jamais été établi que les veaux de la Y 1 aient été falsifiés pour consommation de béta-agonistes, alors que tous les contrôles ont toujours été négatifs.

* Les veaux n'étaient pas vendus par lui, le directeur des Y n'ayant qu'un rôle de paravent et d'autre fonction que celle de technicien sans aucun pouvoir de gestion ou de contrôle, et étant tenus à l'écart du mode de fonctionnement de la société.

* Il n'était pas au courant de la falsification. Sa participation active au trafic n'est pas démontrée au dossier, ni davantage le fait qu'il aurait sciemment participé à ce trafic.

* Il n'y a jamais eu d'intention frauduleuse de sa part, car il n'avait aucun intérêt à la fraude : technicien en élevage depuis 20 ans, gérant de société, il avait tout à perdre et rien à gagner à la participation à un trafic d'anabolisant, fraude entraînant interdiction automatique d'exercer le commerce.

- seuls en fait "G" et dame "L" l'ont mis en cause en prétendant qu'il aurait soit réceptionné, soit distribué les produits interdits dans les élevages.

Or il est établi au dossier que "G", intéressé aux résultats du groupe X en sa qualité de gendre des époux "L", avait des relations conflictuelles avec lui, de sorte que sa mise en cause par "G" s'inspire du même esprit de vengeance que celui de sa belle-mère à la suite de la déconfiture du groupe provoqué indirectement par son départ.

De plus, les déclarations de dame "L" sont mensongères et contradictoires entre-elles. Sa position n'a été dictée que par un esprit de vengeance à la suite de son départ en décembre 1993 qui a provoqué indirectement la faillite dans un premier temps de la société X puis de la Y 1. Il a effectivement quitté la société X en emportant avec lui la quasi intégralité des éleveurs qui travaillaient pour la Y 1 en décembre 1993.

Les conséquences de ce départ ont été catastrophiques :

- sur la situation financière du groupe, puisqu'il a été licencié "pour faute grave justifiant un renvoi immédiat et sans indemnité" et que, pour éviter un procès, la Y 1 a transigé par procès-verbal du 15 décembre 1993 en lui versant la somme de 200 000 F.

- puis sur l'activité du groupe, puisque sur les 45 éleveurs qui travaillaient avec la Y 1, 35 l'ont suivi dans le cadre de sa nouvelle structure, la société W9.

La SA X a déposé son bilan le 19 septembre 1995.

La Y 1 a déposé son bilan le 21 février 1996, pour être liquidée le 1er mars 1996.

La Y 2 a été en arrêt d'activité à partir du mois de juin 1995, pour être liquidée par la suite.

Ce n'est que postérieurement à ces trois déconfitures que dame "L" l'a mis en cause pour la première fois, le 17 avril 1996

Mais attendu que "M" a reconnu avoir utilisé sciemment des produits anabolisants, en précisant le mode d'opérer ; qu'en effet, il a lui-même déclaré le 3 mai 1996

..."Comme l'ensemble des techniciens du groupe, je savais qu'il y avait utilisation de facteurs de croissance dans certains produits (hépato-protecteurs) qui nous étaient remis pour distribuer dans les élevages de veaux. Je ne me souviens plus des noms des hépato-protecteurs qui existaient à l'époque, mais je sais qu'il y avait du Sodiazote et trois ou quatre autres produits. Ces produits étaient stockés dans le local pharmacie de Fleurance. Dans ce local qui avait été voulu par le Docteur Bouchardeau vétérinaire de la société, étaient entreposés les produits médicamenteux, ainsi que les compléments d'alimentation tel le Sodiazote et autres.

Dans ce local, il y avait donc des bidons de cinq litres de liquide (hépato protecteurs) qui étaient donnés aux veaux en finition, car c'est la période où les veaux ont une progression plus lente. Ce produit est destiné normalement à les faire digérer donc de leur permettre de progresser en poids.

Ces bidons étaient stockés en deux endroits distincts. Un endroit où les bidons neufs étaient rangés en palette sous fils plastique. Une autre palette contenait les bidons qui n'étaient pas sous film et c'est dans cette palette là que nous devions prendre les produits. Comme je vous l'ai dit, nous avions tous compris que dans les bidons, il y avait des produits interdits, car tous les techniciens s'apercevaient que les résultats étaient meilleurs après leur utilisation. Il est arrivé néanmoins que certaines fois, les bidons ne devaient pas contenir de produits interdits, car les résultats étaient alors plus moyens.

(...)

Que j'ai utilisé ce produit, je le reconnais mais que je l'ai reçu, je peux vous jurer que c'est faux.

(...)

Comme je vous l'ai dit également tous les techniciens du groupe savaient que des produits interdits étaient employés que ce soit E Christian, "P" Fernand, moi-même et "G" Jean-Marc. Nous travaillons tous dans les veaux depuis de nombreuses années et il n'est pas possible de ne pas voir à partir des résultats des bandes, qu'il y a emploi d'anabolisants. Comme je vous l'ai dit le produit était mélangé aux hépato-protecteurs qui sont donnés en fin de bande."...

Attendu que ces déclarations sont particulièrement circonstanciées et émanent d'un technicien de l'élevage des veaux ayant 20 ans d'expérience, puisqu'il a commencé à travailler à partir de 1972 aux Ets X, devenus la SA Les Anciens Ets X ; que, si les mots ont un sens, il résulte clairement desdites déclarations qu'il a distribué, dans les élevages de veaux, des produits interdits et ce en toute connaissance de cause, puisqu'il a précisé qu'il n'était pas possible de ne pas voir à partir des résultats des bandes qu'il y avait emploi d'anabolisants

Attendu qu'il est établi que "V" a commencé A fournir des produits anabolisants à dame "L" à partir du fax adressé le 20 février 1991 par "C" ; qu'ainsi, compte tenu de ses propos, "M" a nécessairement été au courant de leur utilisation dès 1991 qu'il a lui-même indiqué le 27 octobre 1994

..."J'ai eu l'occasion un jour que je me trouvais à Colayrac (47), j'ai aperçu un "Fax" qui provenait d'une société W1 située dans le 50 et des poussières. Madame "L" l'a vite retiré et l'a pris pour elle. Surpris de ce comportement, j'ai cherché à savoir ce qu'il y avait derrière cette société et j'ai appris qu'un nommé Antoine vendait du produit sous le nom d'Auxine. Ce nommé Antoine était connu dans le secteur pour trafiquer dans les anabolisants. Il m'a été répété qu'il allait dans le secteur de Fleurance et Mauvezin.

Pour ma part, je n'ai jamais vu ce nommé Antoine.

Selon mes renseignements recueillis sur les marchés, le nommé Antoine a des intérêts dans la W1. .....

Attendu qu'ainsi n'est pas plausible la version ultérieure de "M" devant le juge d'instruction selon laquelle il n'avait pris conscience de l'utilisation de produits anabolisants qu'à la suite des résultats positifs des analyses des prélèvements faits dans certains élevages ;

Attendu en outre que "M" a été mis en cause par Georgette "C" épouse "L" pour être de ceux, avec "C", "P" et elle-même, à avoir décidé de l'utilisation d'anabolisants pour sauver l'entreprise ; qu'elle a même répondu, à la question "une fois le produit réceptionné par vous, que devenait-il ?" "J'appelais principalement M. "M" qui se chargeait de la répartition entre les différentes Y".

Si : "Je ne me souviens pas avoir appelé d'autres personnes "

Si : "Le produit était livré en bidons, de un à trois. "

Si : "Selon les fois, je l'amenais à "M" ou il venait le chercher."

Que, devant les premiers juges, elle a enfin déclaré ... "Je remettais le produit à "M" car c'était le responsable"

Attendu qu'au regard des propres déclarations de "M" rappelées plus haut, et du fait que "M" a été mis en cause comme tous les autres techniciens, la thèse de celui-ci selon laquelle dame "L" l'avait impliqué pour se venger de son départ n'est pas crédible ; qu'elle l'est d'autant moins que Fernand "P" a également déclaré le 17 décembre 1996

... "Si : "Je ne suis pas au courant de toute la mise en place du système, mais au cours d'une réunion où tous les techniciens se trouvaient, il s'agit en fait d'une réunion qui avait lieu tous les vendredis et où nous épluchions les résultats et faisions les prévisions pour la semaine à venir, l'usage de produits interdits a été évoqué par Madame "L". Celle-ci était présente à la réunion, car elle gérait tout ce qui était administratif. En fait il a été discuté de cela lors de plusieurs réunions. Au cours de la première réunion, il nous a été dit "on a quelque chose sous la main, il va falloir l'essayer", sous entendu qu'il s'agissait de produits interdits. Au cours de cette même réunion, il nous a été indiqué la posologie à donner aux veaux. A chaque fois les produits interdits devaient être mis dans la buvée. Les éleveurs devaient ignorer l'usage des facteurs de croissance qui étaient introduits dans les hépato-protecteurs, principalement le Sodiazote. Le Sodiazote ne coûtait pas trop cher et de plus ce n'était pas un produit vétérinaire. De plus, ce produit correspondait en quantité d'administration à la quantité de produit interdit qu'il fallait donner aux veaux. La seule différence est qu'en cas normal il est donné pendant deux ou trois jours à plus forte dose, alors que là il était donné pendant le dernier mois et arrêté dix jours avant l'abattage, car c'est un produit qui disparaît rapidement. Quand nous étions en rupture de stock, de facteurs de croissance je constatais une chute dans les résultats des bandes.

Si : "Au cours des autres réunions hebdomadaires nous discutions des résultats des bandes, pour ma part je n'avais pas toujours de bons résultats, ce qui me pousse à croire, que je n'ai pas utilisé à chaque fois des facteurs de croissance. Madame "L" demandait si le Sodiazote avait été utilisé, car pour elle, si ce produit avait été utilisé, les résultats devaient être linéaires, du moins constants. En fait il y avait des pics avec de très bons résultats, mais aussi des creux avec des résultats médiocres. C'est pour cette raison que lors de ma première déposition, je vous ai déclaré que je n'étais pas dupe.

Si : "Le but de ces réunions était également de créer une compétition entre tous les techniciens puisque tous nos résultats étaient confrontés. Les résultats de chaque techniciens passaient sur un rétroprojecteur et étaient discutés. Au cours de ces réunions étaient présents tous les techniciens, "M", E, "G" moi-même et Madame "L" et son fils Thierry. A mon souvenir, "M" et "G" avaient les meilleurs résultats mais je précise que l'achat de leurs nourrissons étaient également plus élevés.

Si : "Tous les techniciens, que ce soit "G", E et "M" et moi-même, nous étions au courant du système.

Si : "Je pense que "M" était mieux servi que moi, car ses bilans de fin de bande étaient constants en bons résultats."

Que "M" a reconnu devant les premiers juges qu'il n'avait "pas eu de mauvais rapport avec "P", de sorte que ce dernier ne peut être suspecté de l'accuser par vengeance ;

Attendu que, devant les premiers juges, l'éleveur Claude D a déclaré avoir eu affaire à "M" et à "G"; que, de même, l'éleveur Michel B leur a indiqué qu'il travaillait avec "M" et "G" ; qu'ainsi, "M" ne peut sérieusement alléguer qu'il ne s' occupait pas de leurs élevages;

Attendu qu'il est établi que "M" a distribué des produits anabolisants aux Y dépendant de la SA Les Anciens Bts X ; que, directeur et technicien de la Y 1, il ne pouvait lui échapper, quel qu'ait été le rôle réel de dame "L", que la Y 1 avait été facturée entre le 20 février 1991 et le 31janvier 1993 de 18,6 tonnes d'Auxine pour 7,2 millions de francs TTC, alors que cette facturation masquait la livraison de facteurs de croissance interdits dans le cadre d'un système dont il avait parfaitement connaissance ;

Attendu, quant au délit de tromperie qui lui est reproché, que l'article L. 213-1 incrimine le fait pour quiconque, qu'il soit ou non partie au contrat, de tromper le contractant par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers sur les qualités substantielles de toutes marchandises ;

Attendu que "M" a, même s'il n'était pas contractant avec les acquéreurs de la viande de veau vendue par la SA Les Anciens Ets X, dirigé la Y 1 qui vendait à la première des veaux dont l'alimentation comprenait des béta-agonistes ; que lesdits acquéreurs ont été trompés sur les qualités substantielles des aliments consommés par les veaux, dès lors qu'ils ignoraient que cette alimentation n'était pas naturelle mais avait comporté l'adjonction de produits anabolisants de synthèse, dangereux pour l'homme et que, s'ils avaient connu cette fraude, ils n'auraient pas contracté ; qu'ils ont été d'autant plus trompés que le groupe X vendait cette viande sous la marque déposée "Le veau des abattoirs de Fleurance", marque prétendant garantir sa qualité naturelle ;

Attendu qu'en cas de ventes successives, le délit de tromperie peut être commis par le premier vendeur, même site premier acheteur est informé de la fraude, du moment que celui-ci a lui-même acheté pour revendre et que ses propres acheteurs sont susceptibles d'être trompés

Attendu, dans ces conditions, que "M" a bien commis le délit de tromperie qui lui est reproché, son intention frauduleuse ressortant suffisamment de sa participation active au système frauduleux mis en place au sein du groupe X, participation récompensée par les primes importantes et le "prêt" non remboursé d'une somme de 200 000 F dont il a bénéficié ;

Attendu qu'en utilisant des béta-agonistes dans l'alimentation destinée à des veaux, "M" a falsifié des denrées servant à l'alimentation d'animaux destinées à être vendues, avec cette circonstance que ces substances étaient nuisibles à la santé de l'homme ou de l'animal; qu'il est cependant renvoyé du chef délit d'exposition, mise en vente ou vente de denrées falsifiées prévu par l'article L. 213-3 (2°) du Code de la consommation, non caractérisé dans la mesure où "M" n'a pas exposé ni mis en vente ou vendu les produits anabolisants qu'il y a donc lieu de le relaxer de dernier chef;

Attendu, quant au prononcé de la peine que commandent ses agissements, que la cour, prenant en considération tant la nature et la particulière gravité des faits au regard de la santé publique et de l'ordre public économique que la personnalité de "M", ses ressources et ses charges :

- confirmera le jugement entrepris en ce qu'il lui a infligé une peine de 2 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis,

- mais le réformera quant au montant de l'amende, qui sera fixée à 100 000 F

Attendu qu'il n'y a pas lieu à confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé à l'encontre de "M" l'interdiction pour une durée de 5 ans d'exercer une activité liée au commerce et au négoce de la viande ovine, porcine ou bovine, non encourue pour le délit de tromperie susvisé ;

Attendu que Fernand "P", comme devant les premiers juges, a reconnu avoir utilisé en toute connaissance de cause des produits anabolisants dans les élevages intégrés dépendant de la Y 3 dont il était le directeur et le technicien depuis 1985 ;

Attendu que, comme "M", "P" s'est bien rendu coupable du délit de tromperie qui lui est reproché ; qu'il est en outre renvoyé du chef d'exposition, mise en vente ou vente de denrées falsifiées, délit non caractérisé dans la mesure où il n'a pas exposé, mis en vente ou vendu les produits anabolisants qu'il y a donc lieu de le relaxer de ce dernier chef;

Attendu, quant au prononcé de la peine que commandent de tels agissements, que la Cour, prenant en considération tant la nature et la particulière gravité des faits au regard de la santé publique et de l'ordre public économique que de la personnalité de "P", lequel a fait preuve de bonne foi à l'audience, confirmera le jugement en ce qu'il l'a condamné à la peine de 2 ans d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 100 000 F

Attendu, par contre, qu'il n'y a pas lieu à confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé à l'encontre de "P" l'interdiction pour une durée de 5 ans d'exercer une activité liée au commerce et au négoce de la viande ovine, porcine ou bovine, non encourue pour les deux délits susvisés

Attendu que Jean-Marc "G" prie la cour de le renvoyer des fins de la poursuite ; qu'à l'appui de sa demande, il fait valoir en particulier que :

- pour le délit de tromperie, on ne voit pas par quel moyen il pourrait être poursuivi sur le fondement de la loi de 1905 dans la mesure où, en sa qualité de simple technicien, qualité qui n'est pas contestée, il n'a fait que remettre aux éleveurs dans le cadre de prestations effectuées avec eux, à titre gratuit, des produits destinés à l'élevage des veaux,

- il n'existe donc pas de contrat à titre onéreux au sens de la loi de 1905 ni de prestation de service entre lui et les éleveurs concernés et à fortiori entre lui et des acquéreurs potentiels des veaux objet du litige,

- pour le délit de falsification, il n'a jamais personnellement participé aux falsifications retenues par le tribunal,

- en effet, il n'a jamais commandé lui-même les produits interdits,

- tous les éléments du dossier et plus particulièrement la déclaration des divers intervenants démontrent qu'il n'a jamais été impliqué ni directement ni indirectement dans les livraisons des produits pour qu'ils soient ensuite acheminés vers les différents élevages,

- il n'est jamais intervenu pour réceptionner les produits et pour effectuer les mélanges ou manipulation;

Mais attendu qu'en sa qualité de technicien de la Y 1, "G" participait à toutes les réunions du vendredi organisées par dame "L", réunions au cours desquelles ont été évoqués la mise en place puis le fonctionnement du système frauduleux, mis en place pour utiliser des facteurs de croissance;

Attendu que dame "L", alors que "G" était le concubin de sa fille, a cependant mis en cause celui-ci en déclarant le 17 avril 1996 :

... "Tous les techniciens du groupe ont utilisé ce produit systématiquement. Il n'y a que "G" qui s'est un peu désolidarisé des autres techniciens en arrêtant d'utiliser ce produit. D'ailleurs c'est le seul qui soit resté avec nous et aujourd'hui, il travaille dans la plus complète légalité."... ;

Attendu que "G" était technicien des élevages D, A et B dans lesquels ont été découverts, à la suite d'analyses, des béta-agonistes ;

Attendu enfin que dans le véhicule de "V" a été saisi un plan permettant de se rendre au domicile de "G";

Attendu qu'ainsi les dénégations de ce prévenu sont démenties par les charges susvisées;

Attendu que "G" n'était pas directeur de la Y 1 mais simplement technicien ; qu'en utilisant des béta-agonistes dans l'alimentation des veaux des élevages dont il avait la charge et assurait le suivi, il s'est rendu complice du délit de tromperie commis en particulier par "M", par aide et assistance dans les faits qui l'ont préparé et consommé, et ce en toute connaissance de cause, étant observé qu'il a bénéficié, comme les autres techniciens, de primes de fin d'année particulièrement importantes;

Attendu qu'il y a donc lieu de requalifier le délit de tromperie qui lui est reproché en délit de complicité de tromperie et de l'en déclarer coupable; que, par contre, il y a lieu de le relaxer pour le délit d'exposition, mise en vente ou vente de denrées falsifiées, corrompues ou toxiques, non caractérisé;

Attendu, quant au prononcé de la peine que commandent pareils agissements, que la Cour, prenant en considération tant la nature et la particulière gravité des faits au regard de la santé publique et de l'ordre public économique, que de la personnalité de "G", dont la mauvaise foi est manifeste, confirmera le jugement entrepris en ce qu'il lui a infligé une peine de prison de 2 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis mais le réformera sur le montant de l'amende qui sera fixée à 100 000 F ;

Attendu, par contre, qu'il n'y a pas lieu à confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé à l'encontre de "G" l'interdiction pour une durée de 5 ans d'exercer une activité liée au commerce et au négoce de la viande ovine, porcine ou bovine, non encourue pour les deux délits susvisés;

Attendu que Maurice "L" sollicite sa relaxe, en faisant valoir qu'en sa qualité de chef d'entreprise, il n'a pris aucune forme de part active aux délits pour lesquels il a été renvoyé devant la juridiction correctionnelle ;

Attendu qu'aucun témoin et aucun des prévenus n'a fait état de constatations permettant d'établir de manière certaine que Maurice "L" était au courant du système frauduleux mis en place et y a personnellement participé;

Qu'au contraire, son épouse Georgette "C", dont il dit être séparé de fait depuis 1985, lui-même demeurant à Fleurance (32) tandis qu'elle est domiciliée à Roquefort (47), l'a mis hors de cause en déclarant le 17 avril 1996 :

... "Honnêtement mon mari n'avait pas l'envergure pour tenir le poste de PDG du groupe X. Il aimait l'honneur attaché à ce titre mais il n'avait aucun contrôle sur ce qui se passait et de ce fait il n'a pu le savoir qu'à la fin. Il faut dire que depuis 1988, je n'étais plus d'accord avec mon mari et les techniciens qui avaient tous une très forte personnalité se servaient de cet antagonisme pour faire ce qu'ils voulaient et s'enrichir sur le dos de X."...

Que, de même, elle a indiqué le 18 avril 1996 au magistrat instructeur qu' "il n'était pas au fait de ce qui se passait dans la société" ; qu'enfin, devant les premiers juges, elle a affirmé "Mon mari ne sait rien. Il y avait des divergences entre nous. Ma vie privée avait des conséquences dans ma vie professionnelle."...

Attendu, en outre, que "M" a indiqué le 3 mai 1996 :

... "Quant au rôle joué par Monsieur "L" Maurice dans cette affaire, je ne suis pas certain qu'il soit au courant de tout ce qui s'est passé. Maurice était un peu sur son nuage. Il était directeur, mais en réalité ce n'est pas lui qui commandait tout le temps. Son épouse avait plus la tête sur les épaules que lui. Il était occupé par son poste de Président du Rugby et par ses chevaux de course qui ont dû coûter cher."...

Attendu certes que "P" a déclaré le 17 décembre 1996 :

..."Si : Mon sentiment et cela n'engage que moi, c'est que Maurice "L" ne pouvait être qu'au courant de ce qui se passait. Il fermait peut être les yeux, mais au vu des résultats cela se voyait que les bilans étaient trop bons. ... ;

Attendu cependant que "P" n'apporte aucun élément objectif à l'appui de son allégation;

Attendu, dans ces conditions, qu'il existe en faveur de Maurice "L" un doute qui doit lui profiter ; qu'il y a donc lieu de réformer le jugement en prononçant sa relaxe ;

Attendu qu'il convient enfin d'ordonner, aux frais des condamnés, la publication par extraits du présent arrêt dans trois quotidiens nationaux et deux quotidiens régionaux;

Attendu, sur l'action civile, que sur le vu de la constitution de partie civile de l'Union Fédérale des Consommateurs (UFC), Maître Dupuy de Goyne, avocat au barreau d'Auch, a prié la cour de réformer le jugement et :

- de condamner les prévenus solidairement et conjointement à verser à l'UFC à titre de dommages-intérêts une somme de 1 000 000 F,

- d'ordonner en outre la publication du dispositif de l'arrêt,

- d'ordonner de surcroît la lecture du dispositif de cet arrêt pendant le journal de 20 H sur la chaîne de télévision FR3,

- de condamner les prévenus au paiement d'une somme de 30 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, sur le vu de la constitution de partie civile du Syndicat de la Vitellerie Française (SVF), Maître Adrian (SCP de Nesle), avocat au barreau de Rouen, a sollicité la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement Jean-Marc "G", Georgette "C" épouse "L", Maurice "L", Antonius "V", Patrick "C" et Gilbert "M" à payer au SVF la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts et d'y ajouter en condamnant les susnommés au paiement de la somme de 25 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'en raison de la disjonction opérée par la cour, il ne peut être statué sur les demandes dirigées contre dame "L";

Attendu qu'en raison de la relaxe de Maurice "L", il y a lieu de réformer le jugement en ce qu'il a reçu l'UFC et le SVP en leur constitution de partie civile à l'égard du susnommé et de déclarer lesdites constitutions irrecevables à son égard ;

Attendu que "V" a demandé à la cour de déclarer l'UFC et le SVF tant irrecevables que mal fondés qu'il fait en effet valoir que :

- l'UFC, disant agir par sa présidente en exercice "habilitée à agir en justice par procès-verbal du Conseil d'administration de ladite association, en date du 18 mai 1997, ne justifie pas, par pièces versées aux débats, de son existence statutaire à la date des faits, objet des poursuites en 1991, 1992, 1993 : en outre, elle ne rapporte pas la preuve d'un préjudice financier pour les consommateurs et d'un danger incontestable pour leur santé;

- le SVP n'existait pas avant les faits puisqu'il a été créé en 1998 en outre, il fonde ses demandes sur une 'distorsion des règles de la concurrence", alors qu'il n'est pas fondé à poursuivre la réparation d'un préjudice résultant de l'atteinte portée aux règles de la concurrence, les prévenus n'étant poursuivis que pour des infractions au droit de la consommation et non du droit de la concurrence;

Mais attendu que l'UFC justifie d'une part de son existence légale par la production de ses statuts, d'autre part du procès-verbal de son Conseil d'administration du 18 mai 1997 autorisant sa présidente, Marie-José Daret épouse Nicoli, à agir en justice, enfin de l'arrêté du 13 août 1996 renouvelant pour une période de cinq ans à compter du 21 septembre 1996 son agrément pour exercer sur le plan national les droits reconnus aux associations agréées de consommateurs par les articles L. 411-1 et L. 412-1 du Code de la consommation ;

Attendu que, selon les dispositions de l'article L. 421-1 du Code de la consommation, les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent, si elles ont été agréées à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs;

Attendu qu'il n'est pas sérieusement contestable que les agissements de "V", "C", "M", "P" et "G" ont causé à de nombreux consommateurs un préjudice certain et direct dès lors que ceux-ci ont été trompés sur les qualités substantielles de la viande de veau acquise auprès de la SA Les Anciens Ets X et ont ingéré une viande devenue, du fait de ces agissements, dangereuse pour leur santé ; qu'ainsi, les premiers juges ont, à bon droit, reçu l'UFC en sa constitution de partie civile à l'égard des susnommés, décision qui doit être confirmée ;

Attendu qu'au regard des circonstances de la cause, en particulier du nombre très élevé de veaux ayant absorbé les produits litigieux, et partant des très grandes quantités de viande falsifiée ainsi mises sur le marché, les premiers juges ont, à bon droit, évalué à la somme de 200 000 F le préjudice indirect subi par l'UFC, décision qui doit être confirmée;

Attendu qu'il y a lieu de débouter l'UFC de ses demandes de publication et de lecture du dispositif de l'arrêt à la télévision, dès lors qu'il s'agit de mesures pénales et non pas civiles, au demeurant en partie ordonnées par la cour;

Attendu que le SVF a expliqué qu'il existait à l'origine différents syndicats professionnels, savoir :

- en amont, pour représenter la production, l'IFAA (Intersyndicale des Fabricants d'aliments d'allaitement),

- en aval, le syndicat des Producteurs Abatteurs de Veaux de boucherie (ARNISVO);

Qu'entre ces deux syndicats, il avait été constitué en 1987, une structure fédérative dénommée Fédération de la Vitellerie Française ;

Que cette dernière était à l'origine constituée en qualité de partie civile dans le cadre de l'information engagée contre "G" et autres ;

Qu'à l'occasion de l'Assemblée générale extraordinaire du 10 décembre 1997, la Fédération de la Vitellerie Française a pris acte de la dissolution de ses membres adhérents (IFAA et CARNISVO);

Que l'objet de la deuxième résolution était de rappeler les instances en cours et de proposer que le Syndicat de la Vitellerie Française intervienne désormais aux lieu et place de la Fédération en qualité de partie civile dans le cadre de toutes les informations et instances en cours, ledit syndicat ayant été constitué entre l'ensemble des adhérents des anciens syndicats (professionnels de la production ou de l'abattage) dont l'objet, plus général, reprenait ceux, respectifs, des anciens syndicats;

Attendu qu'en tout état de cause, l'objet du SVP, indépendamment de toutes références aux structures préexistantes, lui permet de se constituer partie civile, étant, selon son objet défini à l'article 5 des statuts, "spécialement habilité à intervenir et exercer les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des professions qu'il représente en particulier en cas de violation des réglementations applicables"

Attendu que le SVF est un syndicat professionnel immatriculé sous le N° 980045, soumis aux dispositions des articles L. 410-1 et suivants du Code du travail, en particulier de l'article L. 411-11 qui dispose que les syndicats professionnels ont le droit d'ester en justice et peuvent devant toutes les juridictions exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'il représentait ;

Attendu que l'objet du SVT est l'information, l'étude, la représentation, la défense et la promotion des intérêts économiques, commerciaux, industriels, agricoles communs aux associations adhérentes dont les membres concourent à la production de veaux de boucherie en France ;

Attendu qu'il n'est pas sérieusement contestable que les agissements de "V", de "C", de "M", de "P" et de "G" ont causé en premier lieu un préjudice indirect à l'intérêt collectif susvisé en jetant un discrédit sur la viande de veau dans l'esprit du consommateur, étant observé que la viande de veau est un sujet particulièrement sensible dans l'esprit du consommateur et que les informations sur les veaux ainsi traités concourent à la baisse de la consommation de leur viande ; que les comportements réprimés en l'espèce ne peuvent que nuire à l'effort de qualité fait par le SVT dont les membres concourent à une production soumise à certification ;

Attendu qu'en outre, l'utilisation des facteurs de croissance illicites est contraire à une concurrence loyale, dès lors, d'une part, qu'ils procurent artificiellement un gain de poids, d'autre part, que leur emploi diminue le coût de l'aliment et de l'élevage, la durée de l'engraissement étant raccourcie, qu'enfin, les veaux "traités" présentent un meilleur aspect et trouvent preneurs à des prix supérieurs aux veaux élevés licitement ;

Attendu qu'ainsi les agissements commis par les susnommés ont causé un préjudice indirect à l'intérêt collectif des professions représentées par le SVT ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a reçu le SVT en sa constitution de partie civile à l'encontre des susnommés ;

Attendu qu'au regard des circonstances de la cause, en particulier des très grandes quantités de viande de veau ainsi mises sur le marché, les premiers juges ont, à bon droit, évalué à la somme de 100 000 F le préjudice ainsi subi par le SVT, décision qui doit être confirmée ;

Attendu qu'en ce qui concerne les demandes de l'UFC et du SVT sur les frais irrépétibles, il y sera fait droit pour des motifs tirés de l'équité qui commandent la prise en compte de tels frais et leur mise à la charge des responsables ; que toutefois le montant demandé par chacun d'eux apparaît exagéré et sera réduit à la somme de 20 000 F ;

Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard d'Antonius "V", de Patrick "C", de Gilbert "M", de Fernand "P", de Jean-Marc "G" et de Maurice "L", par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de Georgette "C" épouse "L", par arrêt contradictoire à l'égard des parties civiles et en dernier ressort, prononce la disjonction des poursuites à l'égard de Georgette "C" épouse "L", laquelle sera jugée à une date ultérieure compte tenu de son état de santé. En la forme, reçoit en leurs appels Gilbert "M", Maurice "L". Patrick "C", Antonius "V", Fernand "P". L'Union Fédérale des Consommateurs "Que Choisir', Jean-Marc "G" et le Ministère public, au fond, sur l'action publique : Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a : * déclaré Antonius "V" coupable du délit de tromperie, Maurice "L", Patrick "C" et Jean-Marc "G" coupables des délits de tromperie et d'exposition, mise en vente ou vente de denrées falsifiées, Gilbert "M" et Fernand "P" coupables du délit d'exposition, mise en vente ou vente de denrées falsifiées * condamné Patrick "C" à la peine de 4 ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et à une amende de 300 000 F * condamné Gilbert "M" et Jean-Marc "G" chacun à une amende de 300 000 F. Prononcé à l'encontre d'Antonius "V", de Patrick "C", de Gilbert "M", de Fernand "P" et de Jean-Marc "G" l'interdiction pour une durée de 5 ans d'exercer une activité liée au commerce et au négoce de la viande ovine, porcine ou bovine, et, statuant à nouveau, sur ces chefs, Prononce la relaxe de Maurice "L", Prononce la relaxe partielle d'Antonius "V" du chef de tromperie, Prononce la relaxe partielle de Patrick "C" du chef de tromperie et requalifie le délit d'exposition, mise en vente ou vente de denrées falsifiées corrompues ou toxiques, nuisibles à la santé de l'homme ou de l'animal qui lui est reproché en complicité de vente de denrées falsifiées, corrompues ou toxiques, nuisibles à la santé de l'homme ou de l'animal, Déclare Patrick "C" coupable de ce dernier délit de complicité, En répression, condamne Patrick "C" à la peine de 3 ans d'emprisonnement dont 2 ans avec sursis et à une amende de 100 000 F. Dit que l'avertissement prévu par les dispositions de l'article 132-29 du Code pénal n'a pu être donné au condamné absent par le président, Prononce la relaxe partielle de Gilbert "M ", de Fernand "P" et de Jean-Marc "G" du chef d'exposition, mise en vente ou vente de denrées falsifiées, corrompues ou toxiques, nuisibles à la santé de l'homme ou de l'animal, Requalifie le délit de tromperie sur la nature et les qualités substantielles d'aliments pour animaux, ayant eu pour effet de rendre la marchandise dangereuse pour l'homme et l'animal reproché à Jean-Marc "G" en complicité de tromperie sur la nature et les qualités substantielles d'aliments pour animaux, ayant eu pour effet de rendre la marchandise dangereuse pour l'homme et l'animal, Déclare Jean-Marc "G" coupable de ce dernier délit de complicité, condamne Gilbert "M" et Jean-Marc "G" à une amende de 100 000 F chacun, dit n'y avoir lieu à prononcer à l'encontre d'Antonius "V", de Patrick "C", de Gilbert "M", de Fernand "P" et de Jean-Marc "G" l'interdiction pour une durée de 5 ans d'exercer une activité liée au commerce et au négoce de la viande ovine, porcine ou bovine, Confirme le jugement en ce qu'il a : * déclaré Antonius "V" coupable du délit d'exposition, mise en vente ou vente de denrées falsifiées, corrompues ou toxiques, nuisibles à la santé de l'homme et de l'animal et l'a condamné à la peine de 4 ans d'emprisonnement et à une amende de 500 000 F, * déclaré Gilbert "M" et Fernand "P" coupables du délit de tromperie sur la nature et les qualités substantielles d'aliments pour animaux, ayant eu pour effet de rendre la marchandise dangereuse pour l'homme et l'animal, * condamné Gilbert "M" et Jean-Marc "G" à la peine de 2 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis, * condamné Fernand "P" à la peine de 2 ans d' emprisonnement avec sursis et à une amende de 100 000 F, Y ajoutant, Dit qu'Antonius "V" se trouve en état de récidive légale, Ordonne le maintien en détention d'Antonius "V". Sur l'action civile : Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a reçu l'Union Fédérale des Consommateurs "Que Choisir" et le Syndicat de la Vitellerie Française en leurs constitutions de partie civile à l'égard de Maurice "L" et, statuant à nouveau, Les déclare irrecevables en leurs constitutions de partie civile à l'égard de Maurice "L", Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a reçu les autres constitutions de partie civile à l'égard d'Antonius "V", Patrick "C", Giibert "M", Fernand "P" et Jean Marc "G" et les a condamnés solidairement à payer : *à l'Union Fédérale des Consommateurs "Que Choisir" la somme de 200 000 F à titre de dommages et intérêts, outre celle de 15 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, * au Syndicat de la Vitellerie Française la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts, outre celle de 15 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de la procédure pénale, Y ajoutant, condamne solidairement Antonius "V", Patrick "C", Gilbert "M", Fernand "P" et Jean-Marc "G" à payer, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel : - la somme de 20 000 F à l'Union Fédérale des Consommateurs "Que Choisir", - celle de 20 000 F au Syndicat de la Vitellerie Française. Le tout en application des susvisés, 512 et suivants du Code de procédure pénale.