CA Grenoble, 1re ch. corr., 29 mars 2000, n° 99-00833
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Union fédérale des consommateurs de l'Isère
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Robin
Substitut :
M. Rancoule
Conseillers :
MM. Garrabos, Balmain
Avocats :
Mes Clement-Cuzin, Brasseur.
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
- a relaxé Jean-Robert C des fins de la poursuite;
Par jugement en date du 30 novembre 1998, le Tribunal correctionnel de Grenoble statuant:
* Sur l'action publique:
- a déclaré Jean-Claude M coupable d'avoir à Echirolles, le 10 octobre 1997, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur en annonçant par voie d'étiquetage des caractéristiques, en l'espèce le type racial, race à viande, alors qu'en réalité, seulement 41 % des 950,65 kg mis en vente et conditionnés, provenait de troupeaux "race à viande"
Faits prévus par art. L. 121-1, art. L. 121-5, art. L. 121-6 al.1 du Code de la consommation et réprimés par art. L. 121-6, art. L. 121-4, art. L. 213-1 du Code de la consommation;
en répression:
- l'a condamné à une amende de 50 000 F;
- a ordonné la publication du jugement, aux frais de Monsieur M, dans la limite du montant de l'amende encourrue dans l'édition du soir du journal télévisé de la région Rhône-Alpes, de la société FR3 et sur l'antenne radiophonique "Radio France Isère" un jour ouvrable entre 6 heures et 8 heures par la diffusion du communiqué suivant:
"Par jugement du Tribunal de grande instance de Grenoble en date du 30 novembre 1998, Monsieur Jean-Claude M, PDG de la société X" exploitant un hypermarché à l'enseigne "Y" situé dans la zone d'activité de Comboire à Echirolles (Isère) a été reconnu coupable du délit de publicité mensongère en faisant figurer sur les étiquettes des barquettes de viande bovine proposées à la vente en libre service au Y d'Echirolles des mentions relatives à la catégorie de l'animal et au type racial majoritairement non conformes aux caractéristiques réelles de la viande ainsi commercialisée. Les faits ont été constatés le 10 octobre 1997.
A titre de sanction, le tribunal l'a condamné à une peine d'amende de 50 000 F et a ordonné la diffusion à ses frais du présent message;"
* Sur l'action civile:
- a reçu la Fédération des consommateurs de l'Isère - Que Choisir (UFC 38) en sa constitution de partie civile, dit qu'elle est recevable et régulière en la forme;
- a condamné Jean-Claude M à lui payer:
* la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts,
* la somme de 2 500 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Il a été régulièrement et successivement relevé appel par Jean-Paul M, puis par le Procureur contre Jean-Claude M et Jean-Robert C et enfin par l'UFC 38.
Jean-Claude M qui prétend avoir délégué ses pouvoirs à Jean-Robert C fait plaider sa relaxe.
Jean-Robert C sollicite la plus grande indulgence de la cour.
Monsieur l'Avocat général demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qui concerne la publication par voie de l'audiovisuel laquelle n'est pas prévue à l'article L. 121-4 du Code de la consommation.
Suivant conclusions auxquelles il est renvoyé L'UFC 38 demande à la cour de condamner le prévenu à lui payer la somme de 80 000 F au titre du préjudice collectif, la somme de 20 000 F au titre du préjudice associatif ainsi que la somme de 20 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
L'UFC 38 sollicite exactement à titre de dommages-intérêts la publication et l'affichage pendant un mois à chaque porte de l'établissement concerné.
- MOTIFS DE L'ARRET:
I - Les faits
Le 10 octobre 1997, les agents de contrôle de la DGCCRF ont procédé à une vérification de l'application de la nouvelle réglementation en matière d'étiquetage applicable aux viandes bovines préemballées, telle que résultant de l'accord interprofessionnel du 17 Février 1997 étendu par l'arrêté interministériel du 18 février 1997, dans l'hypermarché à l'enseigne Y, à Echirolles, exploité par la société "X" dont le PDG est Jean-Claude M.
L'accord interprofessionnel du 17 février 1997 s'applique à la vente au détail et permet au consommateur d'être informé sur les caractéristiques de la viande à partir de 3 critères:
- le pays d'origine de l'animal,
- la catégorie (jeune bovin - taureau - boeuf - génisse - jeune vache et vache adulte),
- le type racial (laitier - mixte - à viande).
Les contrôleurs de la DGCCRF ont constaté que l'ensemble des barquettes de viande bovine conditionnées par l'hypermarché Y étaient pourvues d'un étiquetage relatif à l'origine, à la catégorie et au type racial des animaux et que l'ensemble des étiquettes mentionnaient comme origine France, comme catégorie soit vache adulte, soit jeune bovin et comme type racial à viande.
Un premier contrôle de la viande en stock dans la chambre froide permettait aux contrôleurs de constater qu'elle ne correspondait pas uniquement aux critères type racial à viande et catégorie vache adulte ou jeune bovin.
La vérification exhaustive des viandes en stock permettait aux contrôleurs de la DGCCRF de déterminer que les caractéristiques figurant sur les étiquettes ne correspondait qu'à 35,08 % de la viande en stock le 10 octobre 1997 de sorte que 64,92 % de la viande bovine détenue en vue de la vente ne correspondait pas aux qualités annoncées sur l'étiquetage, le type racial laitier ou mixte qui ne pouvait en pratique y être mentionné représentant en fait 62,10 % des quantités de viandes en stock destinées à être conditionnées en vue de la vente.
Les caractéristiques des animaux figurant sur les étiquettes destinées à l'information du consommateur en lui permettant notamment d'exercer son choix entre les produits de qualité différente et dont les risques d'infection par le prion de l'encéphalite spongiforme bovine ne sont pas de même niveau, constituent des publicités au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation.
Les constatations effectuées par les contrôleurs de la DGCCRF ont fait apparaître une grave et importante discordance entre les mentions portées sur les étiquettes et les caractéristiques réelles des produits offerts à la vente de sorte que l'infraction de publicité mensongère est constituée en tous ses éléments.
C'est donc à bon droit que le tribunal a déclaré la prévention établie.
II - L'imputabilité:
Jean-Claude M, PDG de la société X et Jean-Robert C responsable du rayon Boucherie ont tous deux été renvoyés devant le tribunal correctionnel. Celui-ci a relaxé Jean-Robert C aux motifs que la délégation de pouvoirs en matière de publicité devait être tenue pour inefficace.
Jean-Claude M critique l'analyse faite par le tribunal affirmant qu'aux termes du contrat de travail de Jean-Robert C, la délégation de pouvoirs, acceptée par le salarié, lui donnait notamment pour attribution de respecter et de faire respecter la législation applicable à la profession à savoir la conformité d'une part des produits (qualité - quantité et disponibilité) d'autre part des prix et enfin de l'étiquetage de l'affichage ainsi que de tout texte publicitaire.
C'est par des motifs très pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal correctionnel a jugé inefficace, en ce qui concerne la publicité, la délégation de pouvoir alléguée.
En effet après avoir examiné très minutieusement le cursus de Jean-Robert C dans l'entreprise, sa qualification et son expérience, ses attributions ainsi que le contenu de la délégation de pouvoir figurant aux contrat de travail, constatant que cette délégation de pouvoir était conçue en termes généraux et portait sur l'ensemble des prérogatives du chef d'entreprise pour les domaines visés dans le cadre de l'activité propre à ce salarié, le tribunal a relevé que les constatations opérées relatives à la programmation de l'étiqueteuse apportait la démonstration d'une part que Jean-Robert C n'avait compris ni le sens et ni la portée de la réglementation et d'autre part de ce que sa compétence, non vérifiée dans les premiers mois de l'exercice de ses fonctions avant de l'investir d'une délégation de pouvoirs particulièrement étendue, non étayée et renforcée par une action de formation appropriée était insuffisante pour lui permettre d'assurer efficacement le respect de la règlementation résultant de l'accord interprofessionnel du 17 février 1997, en matière d'étiquetage des viandes bovines préemballées.
C'est donc à bon droit que Jean-Robert C a été relaxé et Jean-Claude M, en sa qualité de chef d'entreprise, annonceur au sens des dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, été retenu dans les liens de la prévention.
Le jugement sera donc confirmé sur ces deux points.
- En condamnant Jean-Claude M à une peine de 50 000 F d'amende, le tribunal a fait une exacte application de la loi pénale.
Par contre, en ordonnant la publication par voie audiovisuelle, le premier juge a outrepassé les dispositions de l'article L. 121-4 du Code de la consommation. En effet la diffusion n'est possible que pour des annonces respectives.
La cour ordonnera donc la publication du jugement par extraits, aux frais du condamné dans l'Edition de Grenoble du Dauphiné Libéré et dans les Affiches de Grenoble et du Dauphiné.
III - L'action civile:
L'Union fédérale des consommateurs de l'Isère est bien fondée à réclamer à Jean- Claude M réparation du préjudice subi.
En l'état des justifications produites, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer à 30 000 F le préjudice collectif et à 5 000 F le préjudice purement associatif.
Il n'y a pas lieu à ordonner l'affichage du présent arrêt aux portes de l'établissement.
Il est en outre équitable d'allouer à l'UFC 38 une somme de 6 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Par ces motifs, Recevant les appels comme réguliers en la forme, Confirme le jugement déféré: - en ce qu'il a relaxé Jean-Robert C, - en ce qu'il a déclaré Jean- Claude M coupable des faits reprochés et l'a condamné à la peine de 50 000 F d'amende; Réformant pour le surplus: Ordonne la publication par extraits, aux frais du condamné, du présent arrêt dans l'Edition de Grenoble du Dauphiné Libéré ainsi que dans les Affiches de Grenoble et du Dauphiné; Condamne Jean-Claude M à payer à l'UFC 38 les sommes de: - 30 000 F au titre du préjudice collectif, - 5 000 F au titre du préjudice associatif, - 6 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; Condamne en outre Jean-Claude M aux dépens de l'action civile; Constate que le présent arrêt est assujetti au droit fixe de 800 F résultant de l'article 1018 A du Code général des impôts, et dit que la contrainte par corps s'exercera conformément aux dispositions des articles 749 à 751 du Code de procédure pénale, Le tout par application des dispositions des articles susvisés.