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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 3 octobre 1991, n° 4046-88

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

La Concorde (Sté)

Défendeur :

Regent Services (Sté), CIAM (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bensoussan

Conseillers :

M. Lebreuil, Mme Gache

Avoués :

Mes Cantaloube-Ferrieu, de Lamy, SCP Rives

Avocats :

Mes Bellaiche, Mellichzon, Fossat Glock

TGI Toulouse, du 8 nov. 1988

8 novembre 1988

LA COUR,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 11 juillet 1991.

Le 2 mai 1986 M. Jean-Paul Lacoste, propriétaire de l'immeuble du 17, Grand Rue Nazareth était victime d'un sinistre provoqué par une fuite à l'intérieur d'un chauffe-eau électrique Saunier Duval installé dans le studio du deuxième étage occupé par sa locataire Mme Piantoni.

Son assureur La Concorde désignait un expert amiable M. Bretech lequel dans son rapport daté du 16 septembre 1986 établissait que "le dégât des eaux s'était produit par suite d'une fuite à l'intérieur du chauffe-eau électrique Saunier Duval" et évaluait le montant de l'indemnité due à M. Lacoste à la somme de 285 692,13 F, tout en émettant des réserves sur le bien-fondé de la réclamation présentée par la locataire, faute de vérification et en laissant toutefois le soin à la Concorde de proposer une transaction éventuelle: celle-ci a réglé à M. Lacoste la somme de 285 157,94 F et à Mme Piantoni la somme de 9 000 F.

Par acte du 1er avril 1987, la Concorde assignait en référé devant le président du Tribunal de grande instance de Toulouse aux fins de désignation d'expert la société Saunier Duval, les Etablissements CDC, M. Marty et M. Capus, toutes personnes qui étaient intervenues à l'occasion des travaux de rénovation de l'immeuble au cours desquels le chauffe-eau litigieux avait été installé et mis à eau.

Dans son rapport déposé le 23 juillet 1987, l'expert judiciaire M. Cambefort établissait que le sinistre provenait d'un "défaut de fabrication du chauffe-eau ou, plus exactement, de montage ou de serrage (peut être les deux à la fois) du joint en usine", et indiquait que ce chauffe-eau était fabriqué par la société Regent Services, intervenue volontairement au cours des opérations d'expertise.

Par acte du 7 décembre l987, la Concorde a fait assigner la société Regent Services et l'assureur de celle-ci la CIAM devant le Tribunal de grande instance de Toulouse qui par jugement du 8 novembre 1988 a déclaré son action irrecevable pour non-respect du bref délai imposé par les dispositions de l'article 1648 du Code civil et dit sans objet le recours en garantie de Regent Services contre la Compagnie CIAM.

Appel, dont la régularité n'est pas contestée, a été interjeté par La Concorde qui, critiquant la motivation du premier juge soutient que l'article 1648 du Code civil n'est pas applicable, et s'appuie sur le défaut de conformité du chauffe-eau pour réclamer à la société Regent Services, fabricant du chauffe-eau litigieux, le paiement des sommes versées à son assureur à Mme Piantoni, aux droits desquels elle est subrogée, ainsi que le versement d'une somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA MTS, venant aux droits et obligations de la société Regent Services en raison d'une fusion-absorption intervenue le 15 décembre 1988, conclut au principal à la confirmation du jugement attaqué, subsidiairement au débouté de La Concorde pour défaut de preuve du préjudice allégué et très subsidiairement à la condamnation de son assureur la CIAM, appelé en garantie, à la relever des condamnations qui seraient prononcées contre elle, réclamant en outre la condamnation de La Concorde au paiement d'une somme de 15 000 F au titre des frais irrépétibles.

La CIAM qui reproche à son assuré des négligences et carences consistant en des silences opposés à ces nombreuses lettres de demandes de renseignements, notamment ceux relatifs à l'identité et à l'adresse du fabricant hongrois du chauffe-eau litigieux, se prévaut des stipulations contractuelles faisant obligation à l'assuré de collaborer avec son assureur à la mise au point de son système de défense pour conclure au principal à l'irrecevabilité de l'appel en garantie dirigé contre elle, en tout état de cause à la condamnation de la société Regent Services à la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle et à titre subsidiaire à la confirmation du jugement attaqué, réclamant une somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée et une somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles à la société Regent Services et, en cas de confirmation, à la Concorde.

La société MTS réplique à son assureur que la société Regent Services a communiqué les informations réclamées et notamment l'identité du fabricant par lettre du 13 juillet 1987 avant le 23 juillet 1987 date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire et qu'en tous cas les stipulations contractuelles invoquées par l'assureur ne prévoient pas l'exclusion ou la déchéance de garantie et en conséquence conclut au débouté des demandes de déchéance de garantie et de dommages et intérêts formulés par la CIAM.

La CIAM rétorque que la société Regent Service avait connaissance des opérations d'expertise judiciaire en cours, l'expert lui ayant adressé le 16 juin 1987 une lettre laissant entendre qu'une action en garantie pour vice caché serait intentée à son encontre; elle ajoute que les pièces contractuelles réclamées n'ont jamais été communiquées et qu'il a fallu attendre jusqu'au 13 juillet 1987 pour obtenir les précisions d'identité du fabricant étranger, soit 10 jours avant le dépôt du rapport, ce qui l'a privée de la possibilité de rendre opposable à ce fabricant ledit rapport.

La Concorde répond à la société MTS d'une part que l'assignation en référé a été délivrée 11 mois après le sinistre, ce qui, compte tenu du délai moyen jurisprudentiel de 14 mois, est un bref délai; elle ajoute que, quoiqu'il en soit, son action "est fondée sur la non-conformité", que le chauffe-eau est à l'origine du dommage et celui-ci doit être réparé, étant observé que la société MTS ne démontre pas que l'assuré de la Concorde avait commandé le chauffe-eau.

Sur quoi,

Attendu que l'action de l'assureur, subrogé dans les droits de son assuré victime d'un dégât des eaux provoqué par un chauffe-eau ne peut avoir qu'un fondement contractuel dès lors qu'elle est dirigée contre le vendeur du chauffe-eau litigieux;

que tel est le cas en l'espèce, La Concorde ayant agi contre la société Regent Services importateur vendeur du chauffe-eau litigieux;

qu'en cette qualité, la société Regent Services est tenue d'une obligation de délivrance et d'une obligation de garantie des vices cachés;

qu'aux termes du rapport d'expertise judiciaire la défectuosité du chauffe-eau litigieux consistant en "un défaut de fabrication du chauffe-eau ou, plus exactement, de montage ou de serrage, peut-être les deux à la fois, du joint en usine, " est bien un vice caché qui "ne s'est révélé qu'après mise en chauffe de l'appareil dans la nuit du 1er au 2 mai 1986, alors que l'installation était pleine d'eau lors de la réception des travaux et de la remise des clefs depuis le 30 avril 1987 et que le chauffe-eau ne payait pas" (page 9 du rapport);

que dans ces conditions l'action de La Concorde ne peut se fonder que sur l'obligation du vendeur de garantir les vices cachés et non sur l'obligation de délivrance;

qu'aux termes des dispositions de l'article 1648 du Code civil l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée dans un bref délai suivant la nature des vices rédhibitoires et l'usage du lieu où la vente a été faite;

qu'en attendant jusqu'au 7 décembre 1987 avant d'assigner la société Regent Services, alors que le sinistre était survenu le 2 mai 1986, qu'un premier rapport d'expertise amiable daté du 16 septembre 1986 établissait que le dégât des eaux s'était produit par suite d'une fuite à l'intérieur du chauffe-eau litigieux, que l'assignation en référé-expertise a été lancée que le 10 avril 1987, sans d'ailleurs viser la société Regent Services, et que le rapport judiciaire était déposé le 23 juillet 1987, le professionnel qu'est la Compagnie La Concorde n'a pas respecté le bref délai légal compte-tenu de la nature du vice et des usages en la matière;

que l'action de La Concorde est donc irrecevable et qu'il convient en conséquence de confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué;

que les dépens seront laissés à la charge de La Concorde qui succombe dans ses prétentions, ce qui la prive du droit de réclamer une quelconque somme au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, titre en vertu duquel il apparaît en revanche équitable d'allouer à chacun des intimés une somme de 5 000 F pour leur permettre de faire face aux frais irrépétibles engagés dans cette procédure;

qu'enfin faute de spécification et, portant, de justification du caractère prétendument abusif de l'appel, la société MTS sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts;

Par ces motifs, LA COUR, Reçoit l'appel jugé régulier; Le dit mal fondé; Et jugeant que l'action intentée par La Concorde ne peut avoir qu'un fondement contractuel tenant aux vices rédhibitoires; Confirme en toutes ses dispositions le jugement attaqué du 8 novembre 1988; Dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts; et rejette comme non fondées toutes prétentions contraires ou plus amples des parties; Condamne la SA La Concorde: 1°) aux dépens d'appel, et autorise Me de Lamy et la SCP Rives, avoués, à recouvrer directement contre elle ceux de ces dépens avancés sans avoir reçu provision suffisante; 2°) à verser à chacune des parties intimées la SA MTS venue aux droits de la société Regent Services, et la SA CIAM, la somme de 5 000 F (cinq mille francs) au titre des frais irrépétibles.