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Décisions

CA Riom, ch. civ. et com., 14 avril 1993, n° 377-93

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Française des Nouvelles Galeries Réunies (SA)

Défendeur :

Chambre Syndicale des Commerces de l'Habillement Textiles Nouveautés Accessoires du Puy-de-Dôme et Région

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bardel

Conseillers :

MM. Despierres, Gabin

Avoués :

Mes Tixier, Gutton

Avocats :

SCP Reboul-Salze- Meyzonnade, Mes Hoeltgen, Rodriguez.

CA Riom n° 377-93

14 avril 1993

Le litige :

Par jugement du 14 mai 1992 le Tribunal de commerce de Clermont-Ferrand condamnait la société Française des Nouvelles Galeries à payer à la CHAM Syndicale des Commerces de l'Habillement Textile Nouveautés Accessoires du Puy-de-Dôme et Région, la somme de 20 000 F à titre de dommages-intérêts pour avoir pratiqué des actes de concurrence déloyale caractérisés par des ventes en solde hors période autorisée ;

La société des Nouvelles Galeries formait appel. Elle conteste la recevabilité de l'action, estimant que la CHAM Syndicale ne justifie pas de son existence légale. Elle demande nullité du jugement qui n'aurait pas répondu à ce titre, et nullité de l'assignation faute de droit à agir. Sur le fond, elle conteste le fondement invoqué résultant de la loi du 30 décembre 1906, et du décret du 26 novembre 1962, relative aux soldes. Elle soutient que la vente litigieuse était promotionnelle.

Elle conteste l'existence de l'arrêté municipal invoqué et invoque un arrêt du Conseil d'Etat du 22 mars 1991. Elle conteste enfin la notion d'usage, relative aux dates des soldes saisonniers à Clermont-Ferrand et conclut au débouté des demandes.

Elle réclame en outre le paiement des sommes de :

- 10 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC et demande publication de l'arrêt dans deux journaux régionaux.

Intimée la CHAM Syndicale susnommée expose ses titres à agir et la recevabilité de son action.

Sur le fond, rappelant les condamnations antérieures, elle soutient que l'appelante a anticipé les soldes d'hiver. Elle conclut à confirmation du jugement et demande en outre une somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Motivation :

I - Attendu qu'un PV du 28 décembre 1989 constatait que des ventes étaient pratiquées par les Nouvelles Galeries, annoncées par affiches dans le magasin, portant sur des vêtements des collections homme-femme, junior, enfant, bébé, avec réductions de prix de 50 à 20 % ; qu'aucune autorisation municipale préalable n'était obtenue ; que la CHAM Syndicale soutient que la période des soldes saisonniers à Clermont-Ferrand s'étend, pour l'hiver, du 1er janvier au 15 février ;

II - Attendu que l'action de ladite CHAM est recevable, d'une part parce que l'article 33 des statuts stipule que le Président représente le Syndicat en justice, sans délibération préalable du Conseil d'Administration, d'autre part parce que les éléments de contestation de l'existence légale dudit Syndicat ne sont pas fondés, et n'ont d'ailleurs pas été contestés à l'occasion de procédures antérieures de même nature entre les parties, tels que l'arrêt cité de la Cour de céans, du 4 juillet 1990, définitif, qu'enfin la CHAM Syndicale tient de son objet un droit à agie pour la défense des intérêts collectifs de la profession ;

III - Attendu que la vente en question a été analysée suffisamment par les premiers juges comme constituant non une vente en promotion mais des soldes ; qu'était annoncée la vente des affaires de fin d'année, ce qui exclut tout renouvellement des marchandises après vente et établit que l'opération portait sur un stock préexistant et intangible de marchandises à écouler ; que des affiches caractérisant la publicité et l'aspect occasionnel de la vente ; que les remises importantes sur les stocks manifestaient la volonté d'écoulement accéléré de ceux-ci ;

IV - Attendu qu'à Clermont-Ferrand les soldes saisonniers, seuls autorisés sans autorisations municipales préalables, sont dit pratiqués licitement du 1er janvier au 15 février ; que la contestation de la validité des actes juridiques tendant à fixer cette règle est sans effet dès lors que, comme l'a exposé complètement l'arrêt de la cour du 4 juillet 1990, invoqué en l'espèce et rendu entre les mêmes parties, l'usage peut permettre de rapporter la preuve de cette pratique ;

Attendu que cet arrêt statuait ainsi :

Attendu qu'il est prétendu qu'à Clermont-Ferrand la saison d'hiver permettant aux soldes d'être pratiquées licitement dans les conditions ci-dessus rappelées, s'étend du 1er janvier au 15 février ;

Attendu qu'il se pose donc une question de preuve de cette affirmation ; que cette preuve peut être établie :

1) par une décision commerciale fixant la durée et les dates de cette "saison" ;

2) par un accord entre commerçants tel que celui invoqué du 7 janvier 1966 ;

3) par l'usage ;

Or, attendu en premier lieu que l'arrêté municipal du 19 décembre 1978 contesté dans son caractère exécutoire comme dans sa légalité ; qu'en effet il résulte des pièces versées que le 27 décembre 1978, le Préfet du Puy-de-Dôme a refusé l'approbation de l'arrêté municipal, ce qui constitue nécessairement une décision administrative d'opposition rendue par ailleurs dans les délais légaux, et privant ledit arrêté municipal de son caractère exécutoire de plein droit ;

Attendu dès lors que la période de la saison des soldes à Clermont-Ferrand ne saurait être définie par cet arrêté municipal ;

Attendu en second lieu que l'accord interprofessionnel du 7 janvier 1966 est effectivement privé de toute valeur juridique, et donc de toute capacité à définir lui aussi la période en cause, dès lors que l'une des parties censée représenter la société anonyme des Nouvelles Galeries, était privée de la personnalité juridique, et que cette dernière société n'était pas par ailleurs directement partie à l'accord ;

Attendu en troisième lieu que l'usage local en la matière peut être prouvé par tous moyens ;

Attendu que la preuve de cet usage est en l'espèce parfaitement établie par les deux documents ci-dessus discutés, privés certes d'une valeur juridique de définition d'une norme, mais conservant un caractère de document constituant un élément de fait dans lequel la preuve de l'usage peut être trouvée ;

Attendu en effet que l'arrêté du 19 décembre 1978 est motivé par "l'intérêt général du commerce local" et par "la demande présentée par le Secrétaire Général du Groupement Interprofessionnel des Commerçants" ; qu'ainsi il apparaît que les commerçants de Clermont-Ferrand ont demandé que la saison des soldes soit ainsi fixée, ce qui constitue la reconnaissance d'une pratique ou d'un accord entre eux ;

Attendu également que le procès-verbal du 7 janvier 1966 porte que les parties "déclarent loyal et coutumier de considérer que la notion de fin de saison doit s'entendre comme suit : Automne-Hiver du 1er janvier au 15 février..." ; que cette référence à la coutume confirme l'existence locale de l'usage ;

Attendu qu'ainsi c'est par l'effet d'un usage local établi, source de droit au même titre qu'un texte légal ou qu'un accord contractuel, que la SA des Nouvelles Galeries était tenue de ne pratiquer des soldes saisonniers d'hiver que durant la période du 1er janvier au 15 février ;

Or attendu qu'à ce jour, et bien que les faits de la présente procédure soient antérieurs, cet usage est conforté, voir renforcé par ledit arrêt, acte public qui en reconnaît l'existence ; que cet arrêt est définitif ;

V - Attendu qu'en pratiquant des soldes en dehors de cette période les Nouvelles Galeries ont commis un acte de concurrence déloyale, causant à l'ensemble des commerçants que représente la CHAM Syndicale un préjudice dont il est dû réparation ;

Attendu qu'en période de forte vente, à l'occasion des fêtes de fin d'année, de tels soldes ont un effet de concurrence important ; que le montant du préjudice fixé par les premiers juges est justifié ;

VI - Attendu qu'au titre de l'article 700 du NCPC il est équitable d'allouer à l'intimée en cause d'appel, outre confirmation du jugement à ce titre, une somme de 3 000 F ;

Décision :

Par ces motifs : La Cour, Statuant publiquement et contradictoirement ; Rejette les demandes de nullité du jugement et de l'assignation ; Dit la CHAM Syndicale des Commerces de l'Habillement Textiles Nouveautés Accessoires du Puy-de-Dôme et Région recevable à agir ; Au fond : Confirme le jugement ; Y ajoutant : Condamne la société des Nouvelles Galeries à payer à la CHAM Syndicale de 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne la société des Nouvelles Galeries aux dépens et autorise Me Gutton avoué associé à recouvrer directement ceux dont il a pu faire l'avance.