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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. corr., 18 octobre 2000, n° 00-00345

GRENOBLE

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Robin

Conseillers :

MM. Vigny, Balmain

Avocats :

Mes Benichou, Saul-Guibert, Detroyat, Bally.

TGI Grenoble, ch. corr., du 5 oct. 1999

5 octobre 1999

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement pour G, L, M, C, O épouse H, S et la société G, par défaut pour les autres parties,

Par jugement en date du 5 octobre 1999, le Tribunal correctionnel de Grenoble, statuant:

Sur l'action publique:

a déclaré notamment:

François dit Franck L coupable d'avoir du 1er janvier 1992 au 11 mai 1994, dans l'agglomération grenobloise et plus généralement sur l'ensemble du territoire national

1°) sciemment détenu les véhicules suivants qu'il savait provenir de vols:

- un véhicule Renault 21 TD rouge immatriculé 644 ACB 38 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Renault 21 TD bordeaux immatriculé 979 AFF 38 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Renault Clio gris immatriculé 145 AAS 38 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Nissan Patrol gris immatriculé 4112 WT 34 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Opel Vectra D blanc immatriculé 159 ADJ 38 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Audi 80 immatriculé BTH 210 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule BMW 524 TD immatriculé 4462 RR 66 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Golf cabriolet noir immatriculé KKP 426 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Renault 19 GTD vert immatriculé 16 ABR 38 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Renault 21 Nevada vert immatriculé 915 ACB 38 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Volkswagen Golf cabriolet blanc immatriculé 595 ADN 38 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule BMW 524 noir immatriculé 289 ADB 38 au préjudice de la société BMW de Zolder (Belgique),

- un véhicule Renault Clio vert immatriculé LTB 909 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Opel Astra gris métallisé immatriculé KHB 316 au préjudice d'une victime non identifiée,

avec cette circonstance que les recels ont été commis de façon habituelle,

2°) sciemment mis en circulation ou fait circuler lesdits véhicules munis de fausses plaques ou inscriptions,

3°) trompé:

- M. Albert Rosin sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Renault 21 TD rouge immatriculé 644 ACB 38,

- M. Salvatore Gianforcarlo sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Renault 21 TDC bordeaux immatriculé 979 AFF 38,

- M. Armand Levy sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Nissan Patrol gris immatriculé 4112 WT 38,

- Mme Violaine Rivasi sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Opel Vectra D blanc immatriculé 159 ADJ 38,

- M. Benoît Bertrand sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Renault 19 GTD vert immatriculé 16 ABR 38,

- M. Jean-Philippe Marchand sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule BMW 524 TD immatriculé 4462 RR 66,

- M. Dale Losche sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Renault 21 Nevada vert immatriculé 915 ACB 38,

- M. Jean-Pierre Piquais sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Renault 19 TD gris immatriculé 2260 TK 26,

- Mme Geneviève Colonel sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Volkswagen Golf cabriolet blanc immatriculé 595 ADN 38,

- M. Franck Petiot sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule BMW 524 noir immatriculé 289 ABD 38,

- Mme Nicole Gaude sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Renault Clio vert immatriculé LTB 909,

- Mme Sylvana L sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Opel Astra gris métallisé, immatriculé KHB 316,

- M. Laurent Sanchez sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule du véhicule Audi 80 immatriculé BTM 210,

4°) effectué un travail clandestin, en l'espèce en exerçant l'activité de vendeur de véhicules d'occasion sans requérir son immatriculation au registre du commerce, alors qu'elle était obligatoire, et sans procéder aux déclarations fiscales et sociales obligatoires,

faits prévus et réprimés par les articles 321-1, 321-2, 311-1, 321-9, 321-10 du Code pénal, 213-1, 213-2, 216-1, 216-2, 216-3 du Code de la consommation, L. 9, L. 13, L. 14, L. 16 du Code de la route, L. 324-9, L. 324-10, L. 324-11, L. 362-3, L. 362-6 du Code du travail,

Pascal G coupable d'avoir, du 1er janvier 1992 au 25 mars 1994, dans le ressort du Tribunal de grande instance de Grenoble:

1°) sciemment détenu ou transmis les véhicules suivants qu'il savait provenir de vols:

- un véhicule Renault 21 GTD immatriculé JSA 251 (1373 W 38) au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Renault 19 D immatriculé LTD 724 (1180 W 38) au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Volkswagen Audi 80 TDI immatriculé 486 ADL 38 au préjudice de Mlle Lise,

- un véhicule Renault 21 GTD immatriculé 747 ADF 38 au préjudice de la fromagerie Maredsous sise à Anhee Belgique,

- un véhicule Volkswagen Golf GTI immatriculé 820 ADE 38 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Volkswagen Vento immatriculé 239 ADE 38 au préjudice de la société de leasing "Lease Place Management" sise à Zavertem Belgique,

- un véhicule Renault Clio immatriculé 8442 ZZ 38 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Renault 19 TDE immatriculé 6150 ZW 38 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Volkswagen Golf GTI immatriculé 3955 WW 38 au préjudice de la société Mariette BVBA Textiel Handel sise à Ternat Belgique,

- un véhicule Opel Kadett immatriculé 4260 ZW 38 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Volkswagen Polo Fox immatriculé 319 ADB 38 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Renault 21 Nevada immatriculé 856 ACH 38 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Renault 19 TD immatriculé 804 ABP 38 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Volkswagen Golf cabriolet immatriculé 6625 TZ 84 au préjudice de Frédérique Dehaene demeurant à Grimbergen Belgique,

- un véhicule Renault 21 Nevada GTD immatriculé 13-15209 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Volkswagen Vento CL immatriculé 889 ACD 38 au préjudice de M. Jean-Pierre Huart,

- un véhicule Renault 19 TDE immatriculé 589 ABM 38 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Renault Clio immatriculé 697 ABA 38 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Renault Clio immatriculé 8818 ZY 38 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Opel Vectra immatriculé 5905 WW 30 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule BMW 524 TD immatriculé 3578 VD 74 au préjudice d'une victime non identifiée,

- un véhicule Renault 19 TDE immatriculé 690 ABA 38 au préjudice de M. François Debruyne demeurant à Bruxelles,

- un véhicule Renault 19 immatriculé 217 AAG 38 au préjudice d'une victime non identifiée,

avec cette circonstance que lesdits recels ont été commis en utilisant les facilités que procure l'exercice d'une activité professionnelle, en l'espèce l'activité de garagiste, vendeur de véhicules neufs ou d'occasion,

2°) sciemment mis en circulation ou fait circuler lesdits véhicules munis de fausses plaques ou inscriptions,

3°) trompé:

- M. Pierre Barthalay sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Volkswagen Audi 80 TDI immatriculé 486 ADL 38,

- M. Laurent ARNALJD sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Renault 21 GTD immatriculé 747 ADF 38,

- M. Laurent Arnaud sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Volkswagen Golf GTI immatriculé 820 ADE 38,

- M. Marc Repellin sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Volkswagen Vento immatriculé 239 ADE 38,

- M. Franck Fontaine sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Renault Clio immatriculé 8442 ZZ 38,

- M. Lionel Servonnet sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Renault 19 TDE immatriculé 6150 ZW 38,

- Mme Elisabeth Mazet sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Volkswagen Golf GTI immatriculé 3955 WW 38,

- Mme Brigitte Lagneau-Tréguer sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Opel Kadett immatriculé 4260 ZW 38,

- M. Antoine Caporale sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Volkswagen Polo Fox immatriculé 319 ADB 38,

- M. Pierre Chabot sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Renault 21 Nevada immatriculé 856 ACH 38,

- Mme Martine Plantier sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Renault 19 TD immatriculé 804 ABP 38,

- M. José Gonzales sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Volkswagen Golf cabriolet immatriculé 6625 TZ 84,

- M. Amor Ghiloufi sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Renault 21 Nevada GTD immatriculé 13/15209,

- Mme Karine OROSCO sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Volkswagen Vento CL immatriculé 889 ADC 38,

- M. José Rozados-Marino sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Renault 19 TDE immatriculé 589 AMB 38,

- Mlle Gilda Suriano sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Renault Clio immatriculé 697 ABA 38,

- Mlle Yasmina Sahraoui sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Renault Clio immatriculé 8818 ZY 38,

- M. Jésus ROS sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Opel Vectra immatriculé 5905 WW 30,

- Mme Géraldine Peyraud sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule BMW 524 TD immatriculé 3578 VD 74,

- M. Marc Laidebeur sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Renault 19 TDE immatriculé 690 ABA 38,

- Mme Rose Larroutis sur la nature, l'origine, les qualités substantielles du véhicule Renault 19 immatriculé 217 AAG 38,

faits prévus et réprimés par les articles 321-1, 321-2, 311-1, 321-9, 321-10 du Code pénal, 213-1, 213-2, 216-1, 216-2, 216-3 du Code de la consommation, L. 9, L. 13, L. 14 et L. 16 du Code de la route,

en répression les a condamnés:

François dit Franck L à la peine de deux ans d'emprisonnement,

Pascal G à la peine de deux ans d'emprisonnement et à une amende de 100 000 F,

a également prononcé la confiscation des objets mis sous scellés et dont les propriétaires ont été identifiés et a ordonné la restitution d'office des scellés dont les propriétaires sont identifiés,

Sur l'action civile:

a débouté la société G de sa constitution de partie civile, a débouté Christian Samyn de sa demande,

a rejeté les demandes des sociétés Vis Lease Pian Management et Vis Lease Concept,

a donné acte à Laurent Arnaud de son intervention,

a notamment reçu les constitutions de partie civile de Lionel Servonnet, de Marc Laidebeur, de Jésus Ros y Torres, d'Antoine Caporale, de José Rozados-Marino, des époux Pierre Chabot, de Marc Repellin et de Nicole Metral épouse Gaude,

a condamné Pascal G à payer:

- à Lionel Servonnet la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- à Marc Laidebeur la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- à Jésus Ros y Torres la somme de 82 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- à Antoine Caporale la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts,

- aux époux Pierre Chabot la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts,

- à Marc Repellin la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts,

- à José Rozados-Marino la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts,

a condamné François L à payer à Nicole Metral épouse Gaude la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts.

Il a été régulièrement et successivement relevé appel de cette décision par Pascal G, par François dit Franck L, par Lionel Servonnet, par Marc Laidebeur et par le Procureur de la République.

Suivant conclusions auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions:

- François dit Franck L fait plaider sa relaxe et par conséquence l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de Madame Gaude,

- Pascal G fait également plaider sa relaxe.

Monsieur l'Avocat général requiert la confirmation du jugement.

Suivant conclusions auxquelles il est expréssement renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions:

- Lionel Servonnet sollicite une somme de 60 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 12 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- Marc Laidebeur sollicite une somme de 60 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 12 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Antoine Caporale et Nicole Gaude présents à l'audience sollicitent la confirmation du jugement.

Suivant lettres recommandées reçues au greffe, Marc Repellin sollicite la confirmation du jugement ainsi qu'une somme complémentaire de 10 000 F et José Rozados-Marino sollicite la confirmation pure et simple du jugement.

Suivant lettre recommandée du 22 juin 2000, Claude Plantier, qui ne s'était pas constitué devant le tribunal sollicite une somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts.

Jésus Ros y Torres cité à Parquet Général et les époux Chabot, cités à personne, n'ont pas comparu.

MOTIFS DE L'ARRET:

A. L'action publique:

a) les faits

Dans le courant du mois de mars 1994, Interpol Bruxelles signalait que plusieurs individus impliqués dans un trafic de voitures volées en Belgique avaient écoulé des véhicules en France et plus particulièrement dans la région grenobloise notamment par l'intermédiaire des établissements G, concessionnaire Audi-Volkswagen.

Les premières vérifications effectuées auprès de la Préfecture de l'Isère et le service des Mines de Grenoble confirmaient le message d'Interpol.

Les différentes investigations menées auprès des établissements G permettaient d'identifier 42 véhicules provenant de Belgique. Sur ces 42 véhicules, 29 étaient retrouvés et faisaient l'objet d'un examen technique par des fonctionnaires spécialisés du SRPJ. Sur ces 29 véhicules, 19 s'avéraient être maquillés, les numéros de série ayant été meulés et refrappés.

Pascal G, chargé au sein de l'entreprise familiale du marché des véhicules d'occasion, interrogé sur l'origine de ces 19 véhicules expliquait qu'au début de l'année 1992, il avait été "branché" sur l'avantage des exportations de véhicules belges, vendus à un prix inférieur à ceux du marché français par Franck L, qu'il connaissait pour être plus ou moins négociant en véhicules d'occasion.

Il indiquait que Franck L lui avait donné les coordonnées d'un établissement belge, le garage Avenida Car situé à Bruxelles et exploité par un certain Teflo et son associé dénommé Christian. Il avait, dans un premier temps, acheté 8 véhicules à ce garage d'outre quiévrain par l'intermédiaire de Franck L, puis avait acheté d'autres véhicules soit en traitant directement avec le garage bruxellois soit en passant par l'intermédiaire de Franck L.

Franck L, entendu à la suite des déclarations de Pascal G, confirmait des faits, ajoutant s'être installé à son compte dans la vente des véhicules d'occasion d'origine belge quelques mois auparavant. C'est ainsi que, se rendant au marché de l'occasion de Bruxelles, il avait fait connaissance des responsables du garage Avenida Car qui lui avaient proposé de vendre en France, moyennant commission, des véhicules d'occasion provenant de leur garage. Il avait acheté pour son compte plusieurs véhicules, en prenant soin de ne jamais faire apparaître son nom et d'avoir servi d'intermédiaire pour l'achat de 15 véhicules environ pour le compte du garage G.

Par la suite, il avait envisagé une association avec Gaetano Vancheri vendeur de véhicules belges d'occasion, louant même, en novembre 1993, un local à Saint-Egrève et commençant les démarches administratives. Cette association n'avait pas été concrétisée.

Une grande partie des véhicules étaient pourvus de faux certificats d'immatriculation belges établis à partir de titres vierges provenant d'un lot de 8 000 titres dérobés en 1992.

Tous les acheteurs des véhicules, soit au garage G, soit à Franck L ou à ses intermédiaires avaient payé par chèques bancaires ou en espèces, ces véhicules dont les prix étaient conformes à ceux du marché français. Leur bonne foi ne pouvait être mise en doute.

b) la culpabilité:

1°) Franck L:

Sur le trafic des véhicules:

Franck L, s'il a toujours reconnu avoir acheté pour son compte personnel des véhicules d'occasion en Belgique et notamment au garage Avenida Car, persiste à affirmer qu'il n'avait jamais rien su de l'origine frauduleuse des véhicules qu'il achetait pour les revendre avec un bénéfice substantiel à des particuliers de la région grenobloise. Or, ses affirmations ne sont aucunement convaincantes. Face aux éléments du dossier et notamment des constatations faites par les enquêteurs:

- en premier lieu, les circonstances dans lesquelles Franck L a fait connaissance des gérants du garage Avenida Car, Abdelatif Azeebal dit Téflo et Christian Pierrard (dont il a été établi qu'ils faisaient tous deux partie de l'équipe impliquée dans le trafic évoqué dans le message d'Interpol Bruxelles) sur un marché de véhicules d'occasion à Bruxelles et s'était rendu dans leur officine, garage d'aspect piteux situé dans un quartier tout aussi piteux,

- en second lieu, les conditions dans lesquelles il revendait ces véhicules en France, en prenant soin de ne jamais faire apparaître son nom sur aucun document, en espérant des paiements en argent liquide ou des chèques libellés à d'autres noms que le sien,

- en troisième lieu, ses dénégations étaient tout à fait contraires aux déclarations recueillies dans le cadre de la commission rogatoire internationale du 16 mai 1994. En effet, dans le cadre de cette commission rogatoire internationale, Abdelatif Azeebal dit Téflo et Christian Pierrard déclaraient clairement que Franck L était tout à fait au courant de l'origine frauduleuse des véhicules qu'ils lui fournissaient, rajoutant que Franck L s'approvisionnait également auprès des voleurs, notamment auprès de Jos Van Ranst.

Enfin, il ressort également que le prévenu était en train de mettre en place et de développer avec Gaétano Vancheri une organisation visant à écouler en France des véhicules maquillés ou volés en Belgique.

Quant à son argument relatif aux contrôles divers et variés auxquels étaient soumis les véhicules, il est tout aussi inopérant que ses dénégations sur la connaissance de l'origine des véhicules. En effet, les contrôles se font pour la plupart à partir des documents accompagnant le véhicule ; le contrôle des mines a pour finalités non de vérifier le numéro de châssis ou autre numéro constructeur, mais de vérifier si le véhicule présenté est conforme à la législation française. Quant au contrôle technique obligatoire pour la vente des véhicules d'occasion, il porte sur des points mécaniques, de sécurité ou de pollution, l'identification du véhicule se faisant au moyen des documents présentés.

Or, les véhicules avaient une apparence de régularité dans la mesure où ils étaient pourvus de certificats d'immatriculation belges falsifiés à partir d'un lot de 8 000 titres dérobés en 1992 et de numéros d'immatriculation conformes aux certificats d'immatriculation.

Il est donc suffisamment établi que Franck L connaissait la provenance frauduleuse des véhicules qu'il achetait en Belgique, au garage Avenida Car, et qu'il les revendait en tout connaissance de cause sur le marché grenoblois de l'occasion.

Les faits de recel de véhicules volés, d'usage de fausses plaques d'immatriculation et de tromperie reprochés à François dit Franck L sont établis.

C'est donc à bon droit que le premier juge l'a retenu pour ces délits dans les liens de la prévention. La déclaration de culpabilité sera confirmée.

- sur le travail clandestin:

C'est à tort que Franck L soutient devant la cour que le fait d'avoir mis en œuvre, peu avant son interpellation par le SRPJ, les démarches réglementaires et administratives pour ouvrir un garage à Saint-Egrève rend caduque l'incrimination de travail clandestin.

En effet, il est établi et non contesté par ailleurs, que Franck L a, depuis au moins l'année 1992 et jusqu'à son interpellation le 11 mai 1994, exercé de manière habituelle une activité de vendeur de véhicules d'occasion sans requérir son immatriculation au registre du commerce, alors qu'elle était obligatoire, et sans procéder aux déclarations fiscales et sociales tout aussi obligatoires. Il a donc bien commis le délit d'exécution d'un travail dissimulé qui lui est reproché.

C'est donc à bon droit que le tribunal l'a retenu dans les liens de la prévention. La déclaration de culpabilité sera confirmée.

2°) Pascal G:

- l'article 6 de la Convention européenne:

Pascal G conclut pour sa défense à une procédure conduite contrairement aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'Homme.

En effet soutient-il, outre le fait que placé en garde à vue dès le début de l'enquête, le 23 mars 1994, mais mis en examen que le 21 novembre 1997, il lui a été refusé, par le magistrat instructeur, les mesures d'investigations complémentaires, audition de témoins et confrontations.

Il reproche également les "expertises" ordonnées par le juge d'instruction et confiées à des gendarmes ou fonctionnaires du SRPJ.

En premier lieu et en application du dernier alinéa de l'article 179 du Code de procédure pénale, l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction a couvert, s'il en a existé, les vices de procédure.

En second lieu, ainsi que le rappelle à très juste titre le premier juge, Pascal G a eu, dès sa mise en examen, accès à toutes les pièces de la procédure, il a ainsi pu disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. Il a pu à tout moment de la procédure présenter ses moyens de défense, ainsi que le montrent les nombreux courriers et pièces adressés au magistrat instructeur après sa mise en examen. Il a eu la faculté de faire citer les témoins devant le tribunal, faculté dont il a usé. Les témoignages qu'il conteste, ceux de Messieurs Azeebal et Pierrard, ne sont qu'un élément parmi d'autres. Il avait d'ailleurs la possibilité de faire citer ces deux personnes devant le tribunal.

En dernier lieu, les constatations qui ont été faites par les fonctionnaires spécialisés du SRPJ de Lyon en mars 1994 sur les 29 véhicules retrouvés sont des constatations matérielles entrant dans la mission de la police judiciaire (article 14 CPP "elle est chargée (...) de constater les infractions, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs tant qu'une information n'est pas ouverte.")

Point n'était donc besoin de faire appel à des experts inscrits sur la liste, dès lors qu'il s'agissait de constatations relevant de la police technique qui pouvaient être faites par des fonctionnaires des services de police ou de gendarmerie spécialisés.

Dès lors, Pascal G n'est pas fondé à invoquer une violation de la Convention européenne des droits de l'Homme.

Sur la culpabilité:

Pascal G conteste les préventions de recel, usage de fausses plaques d'immatriculation et tromperie, affirmant avoir ignoré la provenance frauduleuse des véhicules achetés au garage Avenida Car.

Cependant, il ressort des pièces de la procédure que la manière même dont se sont nouées et déroulées les relations commerciales entre Pascal G et les "garagistes" belges contredit son affirmation.

En effet, Pascal G, professionnel de l'automobile, chef des ventes des véhicules d'occasion au sein d'un établissement important à la réputation de sérieux avéré, s'est, sur les "conseils" de Franck L, vendeur de véhicules d'occasion marginal, rendu à Bruxelles pour y rencontrer un homme qu'il ne connaissait alors que sous le surnom de Téflo (son identité a été connue du prévenu que grâce à l'enquête) pour y négocier, dans un salon de thé, l'achat de véhicules d'occasion fournis par le garage de Téflo.

Contrairement à ce que prétend Pascal G dans ses conclusions, il ne s'agissait ni d'un immense café salon de thé au coeur de Bruxelles, ni d'un garage soigné. En effet, les enquêteurs belges exécutants se sont rendus au garage Avenida Car, voisin selon Pascal G du salon de thé, et ont pris soin d'indiquer, après avoir pris des photos, que ce garage, petit et mal entretenu, était situé dans un quartier et une rue bien connus pour être le repère de marchands véreux où, selon eux, aucun homme honnête n'aurait pu acheter un véhicule.

Il apparaît donc peu probable que Pascal G, garagiste installé sur la place grenobloise, ne se soit pas rendu compte du lieu où il se fourvoyait lequel ne ressemblait en rien au standing des Etablissements G.

Dans leur audition, les "animateurs" du garage Avenida Car, Abdellatif Azeebal et Christian Pierrard, qui avaient, à plusieurs reprises, traité directement avec Pascal G, déclaraient que pour eux, il ne faisait aucun doute que Pascal G avait compris qu'il s'agissait d'un trafic de véhicules volés et maquillés.

Le fait que les véhicules achetés au garage Avenida Car aient été payés selon des moyens de paiements bancaires ne peut démontrer la bonne foi de Pascal G qui se devait, ne serait-ce que vis-à-vis des Etablissements G, de donner à ses achats belges, une apparence de régularité et de sérieux. D'ailleurs, ainsi que le relève le premier juge, il apparaît que certains des véhicules achetés en Belgique ont été réglés de manière douteuse (chèques sans ordre, chèques encaissés par un tiers).

Quant aux contrôles divers, Pascal G, professionnel de l'automobile, savait que l'ensemble des contrôles effectués à l'occasion de l'importation de véhicules de Belgique et plus généralement des véhicules provenant de la Communauté européenne, porte sur la conformité du véhicule aux normes françaises légales et techniques. Il n'entre pas dans les compétences des services dépendant de la Direction régionale du contrôle des véhicules de vérifier la provenance frauduleuse ou non des véhicules contrôlés, ces services faisant appel à la police ou à la gendarmerie en cas de doute.

Or, en l'espèce, ces véhicules arrivaient en France parfaitement maquillés, avec des papiers d'apparence régulière, de sorte que leur origine frauduleuse ne pouvait être décelée lors des contrôles normaux, qu'il s'agisse des contrôles administratifs, douaniers ou même mécaniques. Pascal G, professionnel de l'automobile averti, savait pertinemment qu'en présence de véhicules volés et maquillés présentant l'apparence d'une parfaite légalité, les contrôles étaient totalement inopérants.

Dès lors, il ressort de ces éléments que les faits reprochés à Pascal G sont établis.

C'est donc à bon droit que le premier juge l'a retenu dans les liens de la prévention. La déclaration de culpabilité sera confirmée.

c°) la sanction:

Eu égard à la nature et à la gravité des faits reprochés, il y a lieu de condamner chacun des prévenus à la peine de 18 mois d'emprisonnement dont un an assorti du sursis avec mise à l'épreuve pendant 18 mois avec obligation d'indemniser les victimes. Il y a également lieu de prononcer à l'encontre de Pascal G une peine d'amende d'un montant de 250 000 F et à l'encontre de François dit Franck L une peine d'amende de 140 000 F.

d°) les restitutions:

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la restitution des véhicules sous scellés aux propriétaires identifiés, en l'espèce les acquéreurs des véhicules. En effet, aucun des véhicules volés, retrouvés dans le cadre de cette présente procédure n'a été revendiqué dans les conditions prévues par l'article 2279 du Code civil. Dès lors, les acheteurs, qui sont tous de bonne foi, en sont devenus possesseurs à part entière. Les véhicules saisis doivent donc leur être restitués d'office de sorte qu'ils puissent dorénavant en jouir ou en disposer librement.

Les Etablissements G qui, en qualité de personne morale n'ont pas fait l'objet de poursuites pénales, doivent également être considérés comme possesseurs de bonne foi. Il doit donc être fait droit à leur demande de restitution.

B. L'action civile:

En allouant à titre de dommages-intérêts les sommes de 82 000 F à Jésus Ros y Torres, de 10 000 F à Antoine Caporale, de 10 000 F à Monsieur et Madame Chabot, de 10 000 F à Marc Repellin et de 5 000 F José Rozados-Marino, le premier juge a exactement apprécié le préjudice subi par ces victimes du fait des infractions reprochées à Pascal G.

Ces dispositions civiles du jugement seront confirmées, y compris celle allouant une somme de 3 000 F à Jésus Ros y Torres au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Au vu des pièces justificatives produites et des explications des parties, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer les préjudices de Lionel Servonnet et de Marc Laidebeur, subis du fait des infractions commises à leur encontre par Pascal G, à la somme de 35 000 F chacun.

Il sera également alloué à chacun d'eux une somme de 7 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

François L est mal fondé à solliciter le débouté de la partie civile Madame Gaude. En effet, il ressort des pièces du dossier et des explications de la partie civile, que c'est lui qui a vendu le véhicule à Madame Gaude. La somme de 50 000 F allouée à cette victime apparaît, au vu des pièces produites, exactement évaluée par rapport au préjudice qu'a subi cette victime privée de la libre disposition de ce véhicule pendant plusieurs années.

Cette disposition civile du jugement sera confirmée.

Par ces motifs, Reçoit les appels comme réguliers en la forme, Au fond, Sur l'action publique, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré Pascal G et François L coupable des faits qui leurs étaient reprochés; Réformant quant à la peine; Condamne Pascal G à la peine de 18 mois d'emprisonnement dont 12 mois d'emprisonnement assorti du sursis avec mise à l'épreuve pendant 18 mois avec obligation d'indemniser les victimes des infractions dont il a été déclaré coupable; Le condamne également à la peine de 250 000 F d'amende; Condamne François dit Franck L à la peine de 18 mois d'emprisonnement dont 12 mois d'emprisonnement assorti du sursis avec mise à l'épreuve pendant 18 mois avec obligation d'indemniser les victimes; Le condamne également à la peine de 140 000 F d'amende; Ordonne la restitution à la société G des véhicules suivants: Renault R.19 RTD n° châssis : 115 687; Renault R.21 n° châssis : 425 252; Renault R.21 Nevada GTD n° châssis : 265 496; VW Golf 3 GTI n° châssis : 504 886; Confirme le jugement en ce qu'il a ordonné d'office la restitution des véhicules placés sous scellés à leurs propriétaires identifiés, possesseurs de bonne foi; Sur l'action civile, Confirme les dispositions civiles du jugement déférées à la cour relatives aux parties civiles suivantes: Monsieur Caporale (10 000 F), Monsieur Ros y Torres (82 000 F et 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale), Monsieur et Madame Chabot (10 000 F), Monsieur Repellin (10 000 F), Monsieur Rozados-Marino (5 000 F), Madame Metral épouse Gaude (50 000 F); Réformant pour le surplus les dispositions civiles déférées, Condamne Pascal G à payer à: Lionel Servonnet la somme de 35 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 7 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; Marc Laidebeur la somme de 35 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 7 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; Constate que le présent arrêt est assujetti au droit fixe de 800 F résultant de l'article 1018 A du Code général des impôts, et dit que la contrainte par corps s'exercera conformément aux dispositions des articles 749 à 751 du Code de procédure pénale; Le tout par application des dispositions des articles susvisés.