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Décisions

CA Nîmes, 2e ch., 21 mai 1992, n° 91-1647

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

O & H Bour (SARL)

Défendeur :

Sodimav (SA), Sovac Entreprise (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Martin

Conseillers :

MM. Testud, Filhouse

Avoués :

SCP Pomies Richaud Astraud, SCP Tardieu, Me Fontaine

Avocats :

SCP Chaptal-Fontaine, SCP Coupon-Billet-Gardien, Me Reinhard

T. com. Avignon, du 22 mars 1991

22 mars 1991

FAITS ET PROCEDURE

Courant janvier 1989 la société Bour, productrice de vin, a acheté d'occasion à la Sodimav du matériel d'embouteillage constitué par un groupe tirage-bouchage-capsulage, et une étiqueteuse rotative, l'ensemble monté et mis en route pour une somme de 213 480 F TTC, avec une garantie de six mois.

L'accusé de réception de la commande, en date du 25 janvier 1989, précise que le groupe tirage-bouchage-capsulage doit assurer un débit de 2 500 bouteilles à l'heure.

L'achat a été financé au moyen d'un contrat de crédit-bail passé le 9 mars 1989 avec la Sovac.

Par lettre recommandée du 16 mars 1989 l'acquéreuse se plaignait auprès de sa venderesse du mauvais fonctionnement du matériel, mis en place le 3 mars 1989, et de la nécessité de faire quotidiennement appel à ses techniciens pour des réglages.

Il lui était répondu le 21 mars 1989 que l'intervention des techniciens était imputable, non pas au matériel, mais à l'incompétence du personnel auquel il était confié et à la mauvaise qualité des bouchons.

A la suite de nouvelles doléances et de vaines tentatives de réglage l'acheteuse sollicitait et obtenait en référé l'institution d'une expertise.

Désigné le 20 juin 1989 en qualité d'expert, Serge Rogier a déposé un rapport duquel il résulte:

- que la tireuse et la boucheuse sont vétustes et mal entretenues, et que leurs défauts existaient à l'époque de la livraison,

- que la sertisseuse et l'étiqueteuse présentent un état satisfaisant, et sont conformes aux dispositions contractuelles,

- que le débit de la chaîne est de 1 800 bouteilles à l'heure au lieu du débit prévu au contrat, et que l'augmentation de cadence se traduit par divers désordres imputables exclusivement à la tireuse et à la boucheuse,

- que la réduction du débit diminue la rentabilité de la chaîne,

- que le coût de la remise en état et de la mise en conformité de la tireuse et de la boucheuse s'élèvent à 53 120 F HT pour la première et à 28 520 F HT pour la seconde,

- que l'acheteuse connaissait le matériel pour l'avoir examiné avec un spécialiste avant son acquisition, mais en ignorait l'état mécanique en l'absence de démontage,

- que la venderesse ne pouvait, elle, en ignorer les défauts qui avaient motivé sa réforme par un précédent utilisateur,

Après dépôt du rapport d'expertise, la société Bour a fait assigner la Sodimav et la Sovac devant le Tribunal de commerce d'Avignon en "résiliation" de la vente et du crédit-bail au motif que la venderesse "n'avait pas respecté les dispositions contractuelles".

Par jugement contradictoire du 22 mars 1991 le tribunal a débouté la demanderesse de son action et l'a condamnée à payer 5 000 F à chacune des défenderesses (article 700 du nouveau Code de procédure civile) en observant, d'une part, que le matériel litigieux avait été acheté en connaissance de cause après avoir subi un examen technique approfondi et que l'acquéreuse ne pouvait ignorer les inconvénients, ni les performances, liés à sa conception vétuste, d'autre part, qu'en cours d'expertise la société Bour s'était opposée à une intervention de la Sodimav dans le cadre de son obligation de garantie et avait même fait procéder au démontage de la chaîne malgré l'avis contraire de l'expert.

Appel de ce jugement a été relevé le 15 mai 1991 par la société Bour qui conclut à la résolution de la vente, à la résiliation du crédit-bail, et à la condamnation de sa venderesse à des dommages-intérêts, et invoquant le défaut de conformité (débit de 1 800 bouteilles/heure au lieu d'un débit de 2 500 bouteilles/heure) du matériel vendu et l'existence de vices affectant la substance même de la chose.

En réponse aux motifs retenus par le tribunal pour prononcer son débouté, l'appelante soutient:

1°) - que si elle connaissait effectivement la conception vétuste du matériel, elle en ignorait les vices cachés qui ne se sont révélés qu'après montage, mise au point et fonctionnement de la chaîne,

2°) - que la venderesse ne pouvait lui imposer des réparations dans le cadre d'une garantie contractuelle, dés lors que ces réparations "dépassent manifestement le cadre de cette garantie" et procèdent de la "substance même de la chose vendue",

3°) - que les exigences de son activité justifiaient la dépose du matériel défectueux et son remplacement.

La Sodimav conclut au débouté de la société Bour en contestant l'existence de vices cachés et en rappelant ses offres d'intervention, conformément à son obligation contractuelle de garantie.

Elle formule un subsidiaire, ci-après reproduit:

"Si par impossible la cour pouvait envisager la résolution du contrat de vente, débouter la société Bour de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la Sodimav, étant irrecevable à agir à son encontre, le matériel étant propriété de la Sovac;

"Dire en tout état de cause la Sovac irrecevable en ses prétentions tendant à une éventuelle condamnation de Sodimav à rembourser les indemnités de résiliation ou autres dues par Bour dans le cadre de la résiliation du contrat de crédit-bail, ce contrat étant inopposable à la société Sodimav."

De son côté, la Sovac conclut à une confirmation et subsidiairement en ces termes:

"Si par impossible la cour d'appel réformait le jugement des premiers juges et faisait droit à la demande de la société O & H Bour, prononçant la résolution du contrat de vente ainsi que la résiliation du contrat de financement avec la société Sovac Entreprise, il conviendrait de condamner solidairement la société O & H Bour ainsi que la société Sodimav à payer à la société Sovac Entreprise une indemnité de réalisation égale à la valeur d'interruption amiable outre les loyers impayés et divers frais et intérêts de retard s'élevant suivant décompte arrêté au 4 octobre 1991 à la somme de 244 005,63 F, outre les intérêts au taux contractuels."

Les parties demandent chacune l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à leur profit.

MOTIFS:

Attendu que nonobstant sa qualité de locataire du matériel la société Bour tire de l'article 3 du contrat de crédit-bail le droit d'ester en justice et de mettre en œuvre l'obligation de garantie du fournisseur, d'où il suit que l'action est recevable;

Attendu que dans ses écritures d'appel la société Bour fonde son action sur l'existence de vices cachés et sur la non-conformité des performances (1 800 bouteilles à l'heure au lieu de 2500), c'est-à-dire sur les articles 1641 et 1604 du Code civil bien que ces textes ne soient pas visés;

Attendu que nonobstant l'examen approfondi du matériel par l'acquéreur avant la commande et une nécessaire connaissance de sa conception vétuste, l'absence de démontage rendait impossible une appréciation de l'état de ses pièces mécaniques essentielles;

Attendu que c'est donc avec raison que l'expert, après avoir observé sur la chaîne des désordres liés à la dégradation de certaines pièces et à une absence de révision dans les ateliers de la Sodimav, a conclut à l'existence de vices cachés;

Attendu que ces désordres apparus dans les six mois de la livraison étaient couverts par la garantie contractuelle;

Attendu que si la Sodimav n'a pas accepté dans un premier temps de mettre en œuvre cette garantie, puisqu'elle a rejeté sur sa co-contractante la responsabilité du mauvais fonctionnement de la chaîne, elle est revenue sur sa position dès que l'expert a rétabli la réalité des faits et s'est alors proposée d'échanger les pièces défectueuses (lettre de la Sodimav à l'expert en date du 1er août 1989, lettre de l'expert à la société Bour en date du 4 août 1989, sommation faite le 11 octobre 1989 à la société Bour), opération que l'expert a reconnu possible;

Attendu que la fin de non-recevoir opposée par la société Bour, la prive de tout recours de ce chef;

Attendu qu'indépendamment de la garantie dûe à l'acquéreur, pour les vices cachés, garantie dont s'est privé ce dernier, l'expert a constaté que la chaîne d'embouteillage ne pouvait assurer correctement, du fait de la tireuse, le débit de 2 500 bouteilles à l'heure prévu au contrat;

Attendu qu'il écrit plus précisément:

"J'ai constaté que le débit de la chaîne était de 1 800 bouteilles/h au lieu de 2 500 bouteilles/h prévu au contrat avec des bouteilles de 75 cl.

"Ce débit ne pouvait être augmenté du fait de l'égalisateur de débit à dépression et du distributeur de capsules monté sur la chaîne et dont le débit maximum admissible est de 1 800 bouteilles/h à cause du principe mesure de l'appareil.

"Rappelons pour mémoire, que ces deux appareils ne sont pas prévus au contrat et n'ont donc pas été livrés par Sodimav.

"J'ai donc fait démonter ceux-ci de façon à mettre la chaîne en conformité avec le contrat et au débit de 2 500 bouteilles/h pour des flacons de 75 cl.

"La tireuse est en effet prévue par le constructeur pour remplir les bouteilles jusqu'au niveau légal avec une tolérance de - 0 + 3 mm à 20°C. Le niveau doit rester à 10 mm du bouchon pour éviter toute coulure par dilatation du liquide."

"Pendant l'essai, les capsules seront placées manuellement, mais il est bien évident qu'un distributeur conforme reste à installer par Mme Bour."

"Dans ces conditions, l'essai a démarré à 2 500 bouteilles/h, et j'ai constaté les désordres ci-après."

1°) LA TIREUSE

"La mise à niveau s'établit entre + 40 mm par rapport au niveau théorique au lieu de - 0 + 30 mm, et j'ai constaté quelques débordements intempestifs de liquide, ce qui prouve que les becs d'égalisation sont hors d'usage."

Attendu que l'expert ajoute au chapitre VI de son rapport, intitulé coût de la remise en état et en conformité", que moyennant le changement de huit pistons et de quinze becs l'égalisateur de débit à dépression pourra être supprimé et la tireuse sera en conformité avec les dispositions contractuelles qui prévoient un débit de 2 500 bouteilles/heure."

Attendu que la mise en conformité dépendant d'une réparation offerte, bien qu'avec retard, dans le cadre de l'obligation de garantie, la société Bour ne peut davantage obtenir une résolution du contrat sur le fondement de l'article 1604 du Code civil;

Attendu que le rejet de l'action en résolution impose le rejet de l'action en résiliation dirigée contre la Sovac;

Attendu que malgré ce double échec, la société Bour a manifestement subi un préjudice dû au retard avec lequel la Sodimav a admis la nécessité de remplir son obligation de garantie et a offert le remplacement des pièces défectueuses;

Attendu que la société Bour s'abstenant, même subsidiairement, de tout recours de ce chef, et concluant exclusivement à la "fixation des conséquences de la résolution et de la résiliation" (conclusions signifiées le 12 septembre 1991 page 6) la cour ne peut que la débouter de sa demande en dommages-intérêts;

Attendu que faisant usage des pouvoirs que lui réservent les articles 696 et 700 du nouveau Code de procédure civile elle estime toutefois devoir mettre l'intégralité des dépens et une somme de 10 000 F à la charge de la Sodimav, eu égard précisément au retard apporté à l'offre de mise en œuvre de la garantie contractuelle et à son absence de bonne foi dans l'exécution du contrat;

Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de la Sovac;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort, En la forme, déclare l'appel recevable; Au fond, confirme le débouté de la société Bour, mais infirmant pour le surplus; Condamne la Sodimav aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec distraction au profit de la SCP d'Avoués Pomies Richaud Astraud et de Maître Fontaine, Avoué, qui affirment y avoir pourvu; Condamne la Sodimav à payer à la société Bour dix mille francs (10 000 F) en remboursement de ses frais irrépétibles.