CA Montpellier, 2e ch., 28 mars 1996, n° 94-0007295
MONTPELLIER
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Casino France (SNC)
Défendeur :
Chambre Syndicale de l'Habillement et du Textile
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ottavy
Conseillers :
MM. Derdeyn, Thibault-Laurent
Avoués :
Me Garrigue, SCP Estival-Divisia
Avocats :
Mes Scotet, Bellotti.
Faits et procédure :
Le 12 décembre 1992 paraissait dans le journal "l'indépendant" un encart publicitaire portant mention d'une réduction de 20 % sur tout le rayon textile, sauf sous-vêtements et chaussants, au magasin Rallye à Carcassonne, le samedi 12 décembre 1995.
Me Hadjadj huissier de justice, à la requête du Syndicat des Textiles de l'Aude, constatait que le 12 décembre 1992 à 17 heures sur les portes vitrées de l'hypermarché Rallye à Carcassonne se trouvaient des affiches portant la mention "Aujourd'hui seulement - 20 % sur tous les textiles sauf sous-vêtements et chaussants".
L'huissier de justice constatait en outre qu'à l'intérieur du magasin existaient d'autres affiches reprenant ces mentions.
Arguant qu'il s'agissait d'une vente de soldes hors des périodes autorisées la CHAM Syndicale de l'Habillement et Accessoire de l'Aude saisissait le Tribunal de commerce de Carcassonne d'une demande en paiement de dommages et intérêts à l'encontre de la société Casino France.
Par jugement, en date du 17 octobre 1994 le Tribunal de commerce de Carcassonne a, condamné la société Casino France à payer à la CHAM Syndicale de l'Habillement et Accessoires de l'Aude la somme de 25 000 F à titre de dommages et intérêts outre celle de 2 500 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le 18 novembre 1994 la société Casino France a relevé appel de cette décision.
Prétentions et moyens des parties :
La société Casino France demande à la cour de réformer la décision déférée, de dire la CHAM Syndicale de l'Habillement irrecevable en son action, de dire cette action mal fondée, de débouter la CHAM Syndicale de l'Habillement de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 5 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 7 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
A l'appui de ses demandes la société Casino France soutient que la demande de la CHAM Syndicale de l'Habillement était irrecevable parce que ses statuts ne prévoient pas la possibilité pour son Président d'ester en justice et que, de plus, aucune décision de l'assemblée générale n'a autorisé son Président à intenter l'action en justice.
Elle soutient, en outre que la demande est injustifiée parce que la vente en cause était une vente promotionnelle et non pas une vente de soldes.
Subsidiairement la société Casino France soutient que les dommages et intérêts ne correspondent pas au préjudice subi.
La CHAM Syndicale du Textile Chaussure Maroquinerie et Accessoires de l'Aude demande à la Cour de confirmer la décision déférée et de condamner la société Casino France à lui payer une somme de 5 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 7 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions la CHAM Syndicale du Textile, Chaussure Maroquinerie et Accessoires de l'Aude fait valoir qu'elle est un syndicat bénéficiant de la personnalité juridique et donc du droit d'ester en justice, que de surcroît l'article 12 de ses statuts donne pouvoir au Président de la représenter dans tous ces actes de la vie civile et qu'en conséquence il n'a pas à obtenir de pouvoir spécial de l'assemblée pour ester en justice.
Quant au fond, la CHAM Syndicale du Textile Chaussure Maroquinerie et Accessoires de l'Aude fait valoir que la vente en cause était une vente de soldes hors des périodes autorisées et que cette vente est une pratique illégale qui lui cause un préjudice.
Discussion :
Il résulte des statuts de la CHAM Syndicale du Textile Chaussure Maroquinerie et Accessoire de l'Aude, régulièrement déposés à la mairie de Carcassonne le 28 août 1992 que cette CHAM Syndicale relève du statut des syndicats professionnels et jouit donc, à ce titre, légalement de la personnalité civile conformément aux dispositions aux dispositions de l'article L. 410-10 du Code du travail.
Il est sans importance juridique que les statuts précisent ou non que le Président peut ester en justice car, le président puisse dans son rôle de dirigeant le pouvoir suffisant pour agir en justice à partir du moment où sa nomination a été régulièrement déposée en mairie et est donc opposable aux tiers.
En l'espèce la nomination de M. Rivière en qualité de Président de la CHAM Syndicale a bien été régulièrement déposée et ce point n'est d'ailleurs pas contesté par la société Casino France. Il pouvait donc agir en justice au nom de la CHAM Syndicale du Textile - Chaussure Maroquinerie et Accessoires de l'Aude.
En conséquence les moyens présentés par la société Casino France tirés de l'irrecevabilité de l'action doivent être rejetés.
Au fond, il y a lieu tout d'abord d'observer qu'il n'est pas contesté par les parties que la vente litigieuse a eu lieu hors de la période autorisée pour les soldes d'hivers.
La CHAM Syndicale du Textile Chaussure Maroquinerie et Accessoires de l'Aude soutient que cette vente était une vente de soldes illégale alors que la société Casino France, au contraire, soutient qu'il s'agissait d'une vente promotionnelle qui ne peut être considérée comme un acte de concurrence déloyale.
Il résulte du constat de Me Hadjadj, huissier de justice, que le 12 Décembre 1992 étaient apposées sur les portes et à l'intérieur du magasin Rallye à Carcassonne des affiches portant les mentions "aujourd'hui seulement - 20 % sur tous les textiles sauf sous-vêtements et chaussants" et "Promotion - 20 % sur tous les textiles sauf sous-vêtements et chaussants, remise à la Cabine d'essayage."
Ce constat ne permet d'établir que l'existence d'un rabais, par elle même insuffisante pour caractériser des soldes par rapport à d'autres types de vente, notamment la vente promotionnelle.
Une vente est promotionnelle que si elle a pour but, dans un temps limité, d'offrir des articles nouveaux, sans limitation de quantité avec au besoin réassortiment, à un prix inférieur à celui qui sera ensuite pratiqué, le rabais et la publicité ayant pour but de provoquer un premier achat et de créer une habitude d'achat. Une telle opération ne se conçoit que si elle porte sur quelques articles nouveaux d'un magasin déjà installé, soit sur l'ensemble des articles d'un magasin, généralement nouvellement installé, et qui entend se créer ou fidéliser une clientèle.
Au contraire, les soldes se font sur un stock déterminé non destiné a être renouvelé et dont le commerçant entend se libérer rapidement.
Il ne résulte pas du constat de Me Hadjadj du 12 décembre 1992, ni d'aucun autre élément de preuve versé au débat, que l'opération en cause avait pour but de liquider rapidement un stock déterminé et intangible de marchandises dont il n'est d'ailleurs pas précisé qu'il s'agissait de vêtements d'hiver, de demi saison ou même d'été ou encore pouvant être portés en toutes saisons.
Il apparaît ainsi qu'il n'existe pas d'éléments suffisants de preuve pour considérer que la vente était une vente de soldes et il convient de réformer le jugement déféré et de débouter la CHAM Syndicale des Textiles Chaussure Maroquinerie et Accessoires de l'Aude de ses demandes.
La société Casino France ne justifie d'aucun préjudice permettant de lui allouer les dommages et intérêts qu'elle sollicite.
Ni l'équité ni la situation économique des parties ne commandent de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, En la forme reçoit l'appel. Dit recevable l'action de la CHAM Syndicale du Textile Chaussure Maroquinerie et Accessoires de l'Aude. Au fond, Réforme le jugement déféré et statuant à nouveau, Déboute la CHAM Syndicale du Textile Chaussure Maroquinerie et Accessoires de l'Aude de ses demandes. Déboute la société Casino France de sa demande en paiement de dommages et intérêts et d'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne la CHAM Syndicale du Textile, Chaussures Maroquinerie et Accessoires de l'Aude aux entiers dépens de première instance et d'appel. Dit que ces derniers pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.