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Décisions

CA Pau, 1re ch. corr., 27 septembre 1994, n° 638-94

PAU

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riboulleau

Substitut général :

M. Poque

Avocat :

Me Barnaba

T. corr. Bayonne, du 24 févr. 1994

24 février 1994

Décision :

Vu les appels réguliers interjetés successivement par le prévenu (4 mars 1994) et par le Ministère public (7 mars 1994) à l'encontre du jugement prononcé par le Tribunal correctionnel de Bayonne le 24 février 1994 ;

Le Ministère public requiert la confirmation ;

Pour sa part, Christian L conteste les infractions poursuivies à son encontre et sollicite sa relaxe ;

Sur quoi, LA COUR :

En 1992, Christian L était le directeur des G ;

Le 15 juin 1992, Anne-Marie Descoubes, propriétaire dans la même ville d'un magasin de prêt-à-porter féminin, a saisi la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes d'une réclamation au motif qu'elle s'estimait victime d'une concurrence déloyale de la part des commerçants qui pratiquaient, selon elle, des soldes sans autorisation en dehors de la période légale ;

L'enquête a permis d'établir que les G avaient organisé deux séries de ventes particulières :

- du 10 au 27 juin 1992 " offres privées " qu'un prospectus limitait aux titulaires de la carte de paiement des G ; une réduction de 30 % était accordée sur une large sélection de la collection Eté 92 des grandes marques ;

- du 11 juin au 9 juillet 1992 " manifestation Côte Sud - Prix Coup de Soleil - escompte de caisse de 30 % " ;

La Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes a considéré que les articles vendus au cours des deux périodes étaient des fins de série et que les campagnes constituaient des soldes ;

Or, un arrêté préfectoral fixait le début des soldes à Bayonne au 10 juillet 1992 ; les G n'avaient sollicité aucune dérogation ;

Procès-verbal a été dressé à l'encontre de Christian L, en sa qualité de directeur des G, et celui-ci a été renvoyé devant le Tribunal correctionnel pour avoir :

- à Bayonne, du 10 juin 1992 au 24 juin 1992, procédé à une vente au déballage sans autorisation municipale,

Infraction prévue et réprimée par les articles 1 et 2 de la loi du 30 décembre 1906, l'Arrêté Préfectoral du 10 décembre 1991, l'Ordonnance du 1er décembre 1986 et la Loi du 31 décembre 1989.

- à Bayonne, du 10 juin 1992 au 24 juin 1992, effectué une publicité sur une opération de vente au déballage sans autorisation municipale,

Infraction prévue et réprimée par l'article 8 de la Loi du 31 décembre 1989 et la Loi du 30 décembre 1906.

En vue d'obtenir la réformation du jugement qui l'a déclaré coupable et condamné à deux amendes de 5 000 F chacune, Christian L soutient qu'il s'agit non pas de soldes mais de ventes promotionnelles non soumises à autorisation, argumentation déjà développée sans succès devant le Premier Juge ;

La frontière entre soldes et ventes promotionnelles est certes parfois incertaine, mais la jurisprudence a cependant établi certains critères pour l'application de la Loi du 30 décembre 1906 qui interdit la vente sous forme de soldes sans autorisation municipale ; un décret d'application de la Loi en date du 26 novembre 1962 a fourni, sur le même sujet, des précisions importantes ;

Pour l'accusation, les deux campagnes de vente relèveraient des " soldes " et non de la " vente promotionnelle " parce qu'elles portaient sur un stock non destiné à être renouvelé et d'ailleurs non renouvelable et qu'elles étaient accompagnées d'une publicité tendant à l'écoulement accéléré de la marchandise offerte à la vente ;

Or, d'une part, s'il y a bien eu, du moins pour la première campagne (offres privées) une distribution de prospectus dont le nombre est d'ailleurs inconnu, par contre aucune publicité n'a paru dans les journaux locaux et régionaux ;

La première campagne (offres privées) a fait l'objet de huit panneaux publicitaires apposés sur les vitrines du magasin, la seconde (prix Coup de Soleil - escompte de 30 %) de six panneaux installés de la même façon, ainsi que des panneaux beaucoup plus petits, à fond jaune, placés dans les rayons où se trouvaient les marchandises proposées à la vente ;

Une publicité ainsi réduite ne témoigne pas d'une volonté d'écoulement accéléré d'un stock ;

D'autre part et surtout, contrairement à ce que soutient l'accusation et à ce qu'a retenu le Tribunal correctionnel, les articles concernés par les deux opérations était renouvelables ; il s'agit d'articles de la collection " Eté 1992 " ; les documents versés aux débats par la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes démontrent que ces articles ont été facturés aux G de Bayonne entre le 17 janvier 1992 et le 29 mai suivant ;

La comparaison de cette seconde date avec les deux campagnes de vente, la réclamation en forme de plainte d'une concurrente et la visite du verbalisateur (15 juin 1992) rendait déjà douteuse l'affirmation selon laquelle les articles n'étaient pas réassortissables ;

Mais, le prévenu verse aux débats six attestations de fournisseurs (Canasport, Mexx, Claude Havrey, Intexal, Chevignon, Lévi's) qui affirment que leurs produits étaient disponibles en stock dans leurs entrepôts au moins jusqu'au 30 juin 1992 et souvent jusqu'à fin juillet et même août ;

Les G de Bayonne avaient donc la possibilité de se réapprovisionner, d'offrir à la vente les articles concernés jusqu'à la fin des deux périodes de vente et même de continuer la vente après, mais au prix " normal " ;

En conséquence, les deux campagnes litigieuses - en réalité seule la première fait l'objet des poursuites - doivent s'analyser comme des ventes promotionnelles non soumises à autorisation municipale ;

Réformant le jugement dont appel, la Cour relaxera Christian L.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement par application de l'article 411 du Code de procédure pénale ; Vu les articles 406, 411, 427 et suivants, 458 et suivants, 462, 470, 485, 486, 497, 512 et suivants du Code de procédure pénale ; Déclare les appels réguliers et recevables en la forme ; Au fond : Dit l'appel du prévenu justifié ; Réforme le jugement prononcé par le Tribunal correctionnel de Bayonne le 24 février 1994 ; Relaxe Christian L.