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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. A, 3 avril 1990, n° 87-6124

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Musmeci

Défendeur :

Tharin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vincensini

Conseillers :

Mme Fayolle, M. Roudil

Avoués :

SCP Blanc, Me Latil

Avocats :

Mes Aguila, Mouton.

TGI Grasse, du 5 févr. 1987

5 février 1987

RESUME DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 27 juillet 1979, Alfio Musmeci a acheté à Jean-Claude Tharin un camion de marque Mercédès type L 406 D, moyennant le prix de 25 000 F, alors que le véhicule n'avait été à l'argus que pour 11 000 F, le vendeur ayant, dans l'annonce parue dans les journaux, précisé qu'il s'agissait d'un véhicule "en excellent état";

Musmeci ayant immédiatement remarqué que le moteur du véhicule n'était pas dans l'état qui lui avait été décrit, obtenait, par ordonnance de référé du 5 septembre 1979, la désignation d'un expert.

Au vu du rapport déposé par l'expert le 6 avril 1982, Musmeci a, par acte du 17 février 1983, fait assigner Tharin devant le Tribunal de grande instance de Draguignan, en vue d'obtenir la résolution de la vente, la restitution de la somme de 25 000 F versée à titre de prix avec intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 1979, outre les sommes de 20 000 F à titre de dommages-intérêts et de 6 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Tharin ayant soulevé l'incompétence du Tribunal de Draguignan, Musmeci lui délivrait le 29 novembre 1983, assignation aux mêmes fins devant le Tribunal de grande instance de Grasse.

Par jugement du 5 février 1987, ce tribunal déclarait irrecevable comme tardive la demande de Musmeci, le condamnait à payer 3 000 F à Tharin en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et le condamnait aux dépens.

Suivant déclaration du 25 mars 1987, Musmeci a interjeté appel de cette décision.

Il fait valoir qu'il avait fondé sa demande sur l'erreur ou le dol pour demander la nullité de la vente et qu'il avait répondu sur le fondement de l'action prévue par l'article 1641 du Code civil sur lequel l'avait entraîné son adversaire. Il demande à la cour de réformer le jugement, de prononcer, à titre principal, la nullité de la vente pour dol et subsidiairement, la résolution pour vices cachés.

Au soutien de son appel, il expose que Tharin, dans l'annonce qu'il avait fait insérer dans la presse, présentait le véhicule comme étant en "excellent état", ce qui justifiait un prix supérieur à la cotation argus, alors qu'il résulte des investigations de l'expert que le véhicule litigieux avait été gravement accidenté le 31 janvier 1977 et "mis en épave", puis revendu en l'état à un tiers; que le moteur présente un état d'usure avancée; que le 15 novembre 1977, Tharin a acquis ce véhicule d'une société Stram pour le prix de 22 000 F en connaissance de cause après avoir signé une décharge de responsabilité au profit de sa venderesse; qu'en faisant, malgré ce, paraître une annonce décrivant un véhicule en excellent état, Tharin a commis des manœuvres dolosives à l'égard de son co-contractant qui justifient l'annulation de la vente.

Subsidiairement, il demande à la cour de prononcer la résolution de la vente pour vices cachés.

Dans l'un ou l'autre cas, il sollicite la restitution du prix et l'allocation de 20 000 F à titre de dommages-intérêts, ainsi que 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Jean-Claude Tharin conclut à la confirmation du jugement, et au débouté de Musmeci en ce qu'il fonde sa demande sur un dol dont il ne fait pas la preuve.

Il sollicite 10 000 F à titre de dommages-intérêts pour préjudice matériel et moral, et 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu qu'il n'est pas contesté que Musmeci a acquis le véhicule litigieux au vu d'une annonce qu'avait fait paraître Tharin dans la presse, ainsi libellée "Particulier vend Fourgon Mercédès 406 D rallongé, excellent état"; qu'il est également constant que ce véhicule, mis en circulation le 20 mars 1974, a été vendu à Musmeci avec un kilométrage d'environ 158 000 kilomètres, moyennant un prix très supérieur à sa cotation argus;

Attendu que l'expert a constaté que le "moteur du véhicule se trouve dans un état d'usure très avancée", nécessitant une révision importante qu'il évalue à 14 000 F; que l'expert a découvert que ce véhicule avait été gravement accidenté mais qu'il n'est pas établi que Tharin avait eu connaissance de cet accident; que, cependant, le véhicule a été vendu par Tharin en "excellent état", alors que, dès la livraison, Musmeci s'est rendu compte que le véhicule n'était pas dans l'état annoncé par le vendeur;

Attendu qu'il résulte des éléments ainsi déterminés par l'expert que le véhicule, objet de la vente n'était pas conforme au véhicule qui avait été proposé à la vente; qu'il appartient à la cour de requalifier les éléments de fait soumis au débat; qu'il s'agit en l'espèce d'une action fondée sur la non-conformité de l'objet vendu; que cette non-conformité est établie par l'expertise; qu'il justifie l'annulation de la vente, et la restitution par Tharin à Musmeci de la somme de 25 000 F versée à titre de prix, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation (29 novembre 1983);

Attendu que Musmeci ne produit aucune justification à l'appui de sa demande de dommages-intérêts; qu'aucune considération d'équité ne conduit d'autre part à faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu l'article 696 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Déclare l'appel recevable; Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau; Prononce l'annulation de la vente du véhicule Mercédès par Tharin à Musmeci; Condamne Tharin à restituer à Musmeci la somme de 25 000 F (vingt-cinq mille francs) avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 1983; Déboute Musmeci de sa demande de dommage-intérêts; Dit n'y avoir lieu à appliquer l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne Tharin aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés directement contre lui par la SCP d'avoués Blanc si elle en a fait l'avance sans provision.