CA Paris, 13e ch. B, 20 février 1992, n° 7262-91
PARIS
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Le François
Juges :
M. Collas, Mme Saurel
Avocats :
Mes Labey-Guimard, Marc
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
Par jugement en date du 10 juillet 1989, le Tribunal de Paris (31e ch.) a condamné André V, d'une part, à un an d'emprisonnement avec sursis et 20 000 F d'amende pour publicité fausse ou de nature à induire en erreur, d'autre part, à mille quarante cinq amendes de 500 F chacune pour non-respect des règles relatives à l'information du consommateur sur le prix de produits destinés à la vente au détail et exposés à la vue du public et, en outre, a ordonné l'affichage et la publication, par extrait, de la décision.
Appel de ce jugement a été régulièrement interjeté par le prévenu et le Ministère public.
Par arrêt en date du 29 janvier 1990, la Cour d'appel de Paris (13e ch. - Sect. A) a constaté l'extinction de l'action publique par amnistie pour les contraventions à la publicité des prix et, pour le surplus, a confirmé le jugement attaqué en toutes ses dispositions pénales à l'exception, toutefois, de la mesure d'affichage.
Statuant sur les pourvois formés par le Procureur général près la Cour d'appel de Paris et André V, la Cour de cassation, Ch. criminelle, par arrêt en date du 7 mai 1991, a rejeté le pourvoi d'André V mais, sur le pourvoi du Procureur général, a cassé et annulé l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Paris en date du 29 janvier 1990 mais en ses seules dispositions relatives aux infractions aux règles de la publicité des prix, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et, pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation prononcée, a renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.
Les premiers juges ayant exactement rappelé les termes de la prévention et les faits de la cause, la cour s'en rapporte, sur ces points, aux énonciations du jugement attaqué.
Assisté de son conseil, André V, qui ne conteste nullement la matérialité des faits qui lui sont reprochés, demande à la cour, par voie de conclusions, de:
- "à titre principal, confirmer l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 29 janvier 1990 en ce qu'il a constaté l'extinction de l'action publique par amnistie pour les 1045 contraventions à la publicité des prix."
- "subsidiairement, (lui) accorder les plus larges circonstances atténuantes en ce qui concerne la prévention de défaut d'affichage des prix. "
- "constater qu'il n'y a pas lieu à application du principe de cumul des peines et lui faire application du sursis. "
Sur les faits:
Considérant que, le 21 juillet 1987, à 14H00, deux agents des Services extérieurs de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, en résidence administrative à Paris, s'étant présentés au magasin à l'enseigne "Clerc" situé 4 Place de l'Opéra, Paris 9e, ayant une activité de bijouterie-joaillerie au stade de détail et exploité par la Société Anonyme "Clerc et Bourguignon" constataient, aux termes d'un procès-verbal établi le 19 novembre 1987, que, sur un total de 1.344 articles exposés à la vue du public dans les vitrines donnant Place de l'Opéra et Boulevard des Capucines, 1 45 articles, soit 77,75 % du total, étaient dépourvus de toute publicité de prix visible et lisible de l'extérieur de l'établissement, les étiquettes de prix dont ils étaient assortis ayant été occultés sous le support de l'article "de telle sorte que la clientèle était dans l'impossibilité de connaître le prix de vente des articles sans pénétrer dans le magasin"; qu'ils relevaient que ces faits contrevenaient aux dispositions de l'arrêté ministériel n° 25-921 du 16 septembre 1971 qui précise, d'une part, dans son article 2, que " le prix de tout produit de quelque façon que ce soit, notamment en vitrine, à l'étalage ou à l'intérieur de l'établissement, doit faire l'objet d'un marquage par écriteau, d'autre part, dans son article 3, deuxième alinéa, que cet écriteau "doit être parfaitement lisible, soit de l'extérieur, soit de l'intérieur de l'établissement, selon le lieu où sont exposés les produits" l'article 7 dispensant, toutefois, du marquage par écriteau les produits mais d'une étiquette sous réserve que cette dernière réponde aux conditions énoncées au deuxième alinéa de l'article 3;
Que l'arrêté du 3 décembre 1987, relatif à l'information du consommateur sur les prix, a abrogé, par son article 16, l'arrêté précité du 16 septembre 1971, qui avait été pris en application de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, mais a repris, en ses articles 4 et 5, les modalités de l'information du consommateur sur les prix telles qu'elles figuraient aux articles 2, 3 et 7 de l'arrêté du 16 septembre 1971;
Qu'en effet, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 3 décembre 1987, "toute infraction sur les prix de produits ou de services doit faire apparaître, quel que soit le support utilisé, la somme totale, toutes taxes comprises, qui devra être effectivement payée par le consommateur, exprimée en monnaie française";
Qu'il résulte des dispositions des articles 4 et 5 de ce même arrêté que le prix de tout produit destiné à la vente au détail et exposé à la vue du public, notamment en vitrine, doit faire l'objet d'un marquage par écriteau ou d'un étiquetage, que le prix doit être indiqué sur le produit lui-même ou à proximité de celui-ci et qu'il doit être parfaitement lisible;
Que l'arrêté du 3 décembre 1987 a été pris en application de l'article 28 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 aux termes duquel "tout vendeur de produit ou tout prestataire de services doit par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié informer le consommateur sur les prix, les limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle et les conditions particulières de vente, selon des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de l'Economie après consultation du Conseil national de la consommation";
Que l'article 33 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 dispose que les infractions aux arrêtés prévus à l'article 28 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ainsi qu'aux arrêtés ayant le même objet pris en application de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 ce qui est le cas de l'arrêté précité du 16 septembre 1971, sont punies des peines d'amende prévues pour les contraventions de cinquième classe;
Sur l'application de la loi d'amnistie du 20 juillet 1988:
Considérant que l'article 1er de la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 prévoit que sont amnistiées les contraventions de police lorsqu'elles ont été commises avant le 22 mai 1988;
Que, toutefois, aux termes de l'article 29-12, sont exclues du bénéfice de la loi "les infractions prévues par les articles 17, 31, 34, 35 et 52 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence et par les textes pris pour l'application de cette ordonnance".
Considérant que André V fait valoir dans ses écritures que l'article 28 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'est pas expressément visée par l'article 29-12 de la loi d'amnistie du 20 juillet 1988, que "par l'expression "les textes pris pour l'application de cette ordonnance" ..., il faut entendre les textes du décret du 29 décembre 1986 prévoyant la répression des seuls articles 17, 31, 34, 35 et 52 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986" et que, par conséquent, les contraventions relevées à son encontre se trouvent amnistiées;
Mais considérant que les articles 17, 31, 34, 35 et 52 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 énoncent tout à la fois l'incrimination et la peine d'amende qui en est la sanction et qui, par son montant, fait de l'infraction un délit; que, sur ce point, l'argumentation d'André V est donc totalement erronée;
Que le décret précité du 29 décembre 1986, et notamment l'article 33, ainsi que l'arrêté précité du 3 décembre 1987 fixent les conditions d'application de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Que par voie de conséquence, sont exclues du bénéfice de la loi d'amnistie les contraventions ayant fait l'objet des poursuites exercées à l'encontre d'André V puisqu'elles sont prévues par les textes pris pour l'application de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Que le moyen soulevé par celui-ci ne saurait donc prospérer;
Sur l'action publique
Considérant qu'il est constant et n'est d'ailleurs pas discuté que, le 21 juillet 1987, 1045 étiquettes qui se trouvaient apposées sur des articles exposés en vitrine au magasin Clerc, place de l'Opéra Paris (9e) n'étaient pas lisibles de l'extérieur;
Qu'André V, directeur général de la bijouterie exploitée par la société anonyme " Clerc et Bourguignon " et son dirigeant de fait, a ainsi contrevenu aux dispositions de l'aliéna 2 de l'article 5 de l'arrêté du 3 décembre 1987 lesquelles figuraient antérieurement aux articles 3 et 7 de l'arrêté précité du 16 septembre 1971;
Que, le 8 décembre 1988, il devait être constaté par un enquêteur de police que 40 % environ des articles de bijouterie, horlogerie, joaillerie et orfèvrerie exposés en vue de la vente visible et lisible des acheteurs éventuels; Que la règle du nom cumul des peines n'étant pas applicables en matière de contraventions relevées, soit 1045;
Que dès lors, il convient de confirmer le jugement attaqué sur la déclaration de culpabilité d'André V quant aux contraventions qui lui sont reprochées, les premiers juges l'ayant à juste titre retenu, sur ce point, dans les liens de la prévention;
Que, toutefois, il y a lieu de lui faire une application moins sévère de la loi pénale, en lui accordant le bénéfice des circonstances atténuantes et celui du sursis;
Par ces motifs: Statuant publiquement et contradictoirement, comme cour de renvoi, après cassation et dans les limites de celle-ci, Déclare André V coupable de défaut d'affichage lisible du prix de produits destinés à la vente au détail et exposés à la vue du public (mille quarante cinq contraventions). Le condamne à Mille quarante cinq (1045) amendes de trente (30) F chacune dont huit cent cinquante (850) assorties du sursis, Le condamne aux dépens du présent arrêt liquidés à la somme de: 399,72. Le tout par application des articles 28 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, alinéa 2, du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, 1, 2, 5 de l'arrêté du 3 décembre 1987, 463, 472, R 25, alinéa 3-5 ° du Code pénal, 473, 512, 547, 549 du Code de procédure pénale.