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Décisions

CCE, 12 juillet 2000, n° 2002-14

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Aide d'État mise à exécution par la France en faveur de Scott Paper SA/Kimberly-Clark

CCE n° 2002-14

12 juillet 2000

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément audit article (1) et vu ces observations, considérant ce qui suit:

1. PROCÉDURE

(1) À la suite de la publication par la Cour des comptes française, en novembre 1996, du rapport public sur "Les interventions des collectivités territoriales en faveur des entreprises" (2), la Commission a reçu une plainte par lettre du 23 décembre 1996, concernant des conditions préférentielles auxquelles la ville d'Orléans (ci-après dénommée "la ville") et le Conseil général du Loiret (ci-après dénommé "le Conseil général") - ci-après dénommées conjointement "les collectivités" - auraient vendu 48 hectares de la zone industrielle de La Saussaye à la société américaine Scott Paper Company, producteur de papier à usage sanitaire et domestique.

(2) Par lettre du 17 janvier 1997, la Commission a demandé des informations complémentaires aux autorités françaises. Par lettre du 14 février 1997, les autorités françaises ont sollicité l'octroi d'un délai supplémentaire de quinze jours, qui leur a été accordé par la Commission le 3 mars 1997. Par lettre du 19 mars 1997, les autorités françaises ont fourni partiellement les informations demandées. Cependant, en l'absence d'informations complètes, la Commission a renouvelé sa demande aux autorités françaises par lettre du 26 mars 1997, à laquelle les autorités françaises ont partiellement répondu par lettre du 21 avril 1997. Dans la même lettre, les autorités françaises ont de nouveau sollicité l'octroi d'un délai supplémentaire de vingt jours, qui leur a été accordé par la Commission le 2 mai 1997.

(3) Le 3 juin 1997, la Commission a reçu les informations complémentaires demandées. Le 8 août 1997, la Commission a de nouveau demandé des précisions aux autorités françaises. Elle leur a envoyé des rappels le 24 septembre 1997 et le 24 octobre 1997. Le 3 novembre 1997, les autorités françaises ont fourni des informations complémentaires, qui ont été communiquées au plaignant le 17 novembre 1997. Le plaignant a fourni, par lettre du 8 décembre 1997, des informations complémentaires, auxquelles la Commission a répondu le 6 janvier 1998. Les dernières informations complémentaires du plaignant sont parvenues à la Commission le 29 janvier 1998 et le 1er avril 1998.

(4) Le 20 mai 1998, la Commission a décidé d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE à l'encontre des ces mesures, compte tenu des doutes qui subsistaient sur les conditions dans lesquelles les autorités françaises avaient agi vis-à-vis de l'entreprise Scott Paper Company et sur leur compatibilité avec le traité. Par lettre SG (98) D-5663 du 10 juillet 1998, la Commission a informé les autorités françaises de cette décision.

(5) Par lettre du 31 juillet 1998, les autorités françaises ont sollicité l'octroi d'un délai supplémentaire d'un mois, qui leur a été accordé par la Commission le 5 août 1998. Par lettre du 18 septembre 1998, les autorités françaises ont sollicité l'octroi d'un délai supplémentaire de vingt jours, qui leur a été accordé par la Commission le 25 septembre 1998. Par lettre du 25 novembre 1998, les autorités françaises ont répondu à l'ouverture de ladite procédure.

(6) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (3). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur les mesures en cause.

(7) La Commission a reçu des observations à ce sujet de la part des intéressés. Après avoir traduit ces observations en français et demandé à un tiers, par lettre du 16 février 1999, de retirer sa demande de confidentialité, ces observations ont été communiquées aux autorités françaises par lettre du 2 mars 1999. Suite aux observations des autorités françaises et des tiers, de nombreux éléments restaient encore à clarifier afin de clôture l'affaire. Par conséquent, dans la lettre susvisée, la Commission a également demandé des informations détaillées.

(8) Par lettre du 18 mars 1999, les autorités françaises ont sollicité l'octroi d'un délai supplémentaire de dix jours, qui leur a été accordé par la Commission par lettre du 24 mars 1998. Les autorités françaises ont partiellement répondu à la demande de la Commission par lettre du 30 avril 1999.

(9) Les réponses des autorités françaises, après un retard considérable, étant encore insuffisantes, la Commission leur a enjoint, le 8 juillet 1999, de lui fournir les informations nécessaires. Cette décision a été notifiée aux autorités françaises par lettre SG (99) D-5459 du 20 juillet 1999, qui les invitait à transmettre leurs observations dans un délai de quinze jours ouvrables à compter de la date de notification de la décision, c'est-à-dire avant le 11 août 1999.

(10) Par lettre du 9 août 1999, les autorités françaises ont demandé que ce délai soit prolongé de trente jours ouvrables, prolongation que la Commission a accordée le 12 août 1999. Le 15 octobre 1999, les autorités françaises ont répondu en partie à l'injonction de fournir des informations.

(11) À la demande des autorités françaises, une réunion a eu lieu avec la Commission le 7 décembre 1999. Au cours de cette réunion, la Commission a autorisé les autorités françaises, à titre exceptionnel, et dans l'intérêt de la procédure, à fournir des renseignements complémentaires avant la fin décembre 1999. Ces renseignements ont finalement été transmis les 10 janvier et 21 février 2000.

2. Description détaillée de l'aide

2.1. Bénéficiaire de l'aide

(12) En 1969, la société Scott Paper Company a racheté l'entreprise française Bouton Brochard et créé ensuite une société distincte, Bouton Brochard Scott, qui a repris les activités de Bouton Brochard. Bouton Brochard Scott a été rebaptisée Scott SA en novembre 1987 (4).

(13) Scott SA, dont les actions ont été rachetées par Kimberly-Clark Corporation (ci-après dénommée "KC") en janvier 1996, était propriétaire d'une usine de production de papier à usage sanitaire et domestique située sur le site industriel d'Orléans-Sologne, dans la municipalité de Saint-Cyr-en-Val, Loiret. Cette usine employait quelque 170 personnes. KC a annoncé la fermeture de l'usine en janvier 1998. Les actifs de l'usine, à savoir le terrain et la papeterie, ont été rachetés par Procter & Gamble (ci-après dénommé "P & G") en juin 1998 (5).

2.2. Vente du terrain

(14) En vue de permettre l'implantation d'une usine de fabrication de papier à usage domestique par la société Bouton Brochard Scott SA (ci-après dénommée "Scott"), la filiale française de Scott Paper Company, le Conseil général et la ville ont, le 12 septembre 1987, confié à la Société d'économie mixte pour l'équipement du Loiret (ci-après dénommée "la Sempel") la mission de réaliser l'ensemble des études et des travaux nécessaires à l'aménagement des terrains, d'une superficie d'environ 68 hectares (ha), situés, d'une part, sur la zone industrielle dite de "La Saussaye" et, d'autre part, sur le secteur dit de "La Planche" (ci-après dénommé "site industriel de La Saussaye" (6).

(15) À ce titre, la ville a cédé les 68 ha concernés à la Sempel pour un franc symbolique (7). Ces terrains, à l'époque des terrains agricoles, avaient déjà été acquis entre 1975 et 1987 par la ville pour un prix de 16 francs français (FRF)/m2 (2,4 euros/m2), soit au total 10,9 millions de FRF (1,7 million d'euros) (8).

(16) La Sempel est une société d'économie mixte locale, soumise au droit privé et régie par la loi 83-597 du 7 juillet 1983. Les sociétés relevant de cette législation sont des personnes morales de droit privé associant des collectivités territoriales (régions, départements et communes) et leur groupement à des personnes privées et éventuellement à d'autres personnes publiques pour réaliser des opérations d'aménagement et de construction, pour exploiter des services publics industriels et commerciaux ou pour toute autre activité d'intérêt général. Bien que contrôlées par des personnes publiques, en l'occurrence des collectivités locales puisqu'elles doivent détenir au moins la moitié du capital dans la limite de 80 % de celui-ci, elles sont soumises aux dispositions du droit privé, en particulier la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales (9).

(17) Aux termes de l'article 2 de la convention Sempel, cette société était chargée de réaliser notamment les travaux suivants sur des terrains destinés à l'implantation des installations prévues par Scott: "- toutes études et mises au point d'avant-projets,

- l'ensemble des VRD (voies et réseaux divers) et tous ouvrages destinés à alimenter en fluides (eau, gaz, électricité) la zone faisant l'objet de la présente convention,

- les parcs de stationnement poids lourds et véhicules légers,

- la desserte ferroviaire de la zone objet de la présente convention,

- les ouvrages d'éclairage sur les voies et parcs de stationnement,

- les espaces verts,

- la plate-forme destinée à recevoir l'usine-entrepôt ainsi que sa superstructure, ces constructions devant être réalisées suivant contrat à intervenir avec l'industriel, la société Scott Paper,

- tous les équipements d'infrastructure primaires, secondaires et tertiaires situés à l'intérieur de la zone à aménager ou nécessaires à son raccordement immédiat avec les réseaux extérieurs,

- et tous les aménagements rendus nécessaires par l'affectation des terrains."

(18) À l'époque où l'accord Scott a été conclu, à savoir en 1987, la ville et le département se sont engagés à financer ces coûts d'aménagement du site "pour un montant maximal de 80 millions de francs français" (10). Ce montant était réparti "sur deux tranches, dont 50 millions de francs français pour la ville d'Orléans et 30 millions de francs français pour le département du Loiret" (11).

(19) Il ressort toutefois du bilan de liquidation dressé par la Sempel en ce qui concerne l'aménagement du site industriel de La Saussaye et daté du 26 juillet 1993 (12) (ci-après dénommé "bilan de liquidation de la Sempel") et des délibérations du Conseil municipal que le coût total d'aménagement du site a dû être beaucoup plus élevé. D'après le bilan de liquidation de la Sempel, il a atteint quelque 140 millions de FRF (21,4 millions d'euros), répartis comme suit:

<EMPLACEMENT TABLEAU>

(20) Selon le point 2.2 des délibérations du Conseil municipal, le coût total de l'opération pour le département se serait élevé à environ 37,2 millions de FRF (5,7 millions d'euros) et pour la ville à quelque 92,5 millions de FRF (14,1 millions d'euros), dont 65,85 millions de FRF (10 millions d'euros) au titre de l'amortissement d'un prêt de 34,2 millions de FRF (5,2 millions d'euros) accordé à la Sempel, 10,9 millions de FRF (1,7 million d'euros) pour le prix d'achat du terrain et 13,6 millions de FRF (2,1 millions d'euros) pour les travaux d'assainissement réalisés.

(21) En 1987, la Sempel a vendu à Scott 48 ha des 68 ha disponibles au prix de 65 FRF/m2 (9,9 euros/m2), soit au total 31 millions de FRF (4,7 millions d'euros) (13). Ce prix était déjà prévu dans la convention Sempel (point 12.3): "[...] le prix de cession de l'usine-entrepôt et des terrains d'assiette à la société Scott Paper d'un montant de 31 millions de FRF toutes taxes comprises (TTC)". Les 20 ha restants ont été rétrocédés aux autorités municipales de la ville d'Orléans pour un franc symbolique en 1989 et 1992 (14), après quoi la Sempel a été dissoute (15).

(22) La zone industrielle de La Saussaye s'étendait en 1998 sur quelque 200 ha et 70 entreprises employant 2000 personnes y étaient implantées (16).

2.3. Tarif préférentiel de la redevance d'assainissement

(23) Une redevance d'assainissement exprimée en FRF/m3 est prélevée sur la quantité d'eau consommée par une entreprise. Dans son calcul de l'assiette de la redevance d'assainissement, la ville d'Orléans applique les modalités de la circulaire interministérielle du 12 décembre 1978 (17). Cette circulaire précise les modalités de calcul de l'assiette (nombre de m3 prélevés × coefficient de rejet × coefficient de dégressivité × coefficient de pollution) pour les usagers dont les consommations sont supérieures à 6000 m3/an (18). La fixation du montant de la redevance d'assainissement est librement décidée par l'assemblée délibérante de la ville depuis le 1er janvier 1986 (19).

(24) Cependant, lorsque la consommation d'eau dépasse certains seuils, l'article R. 372 du code des communes (20) dispose que "le nombre de mètres cubes prélevés qui sert de base à la redevance d'assainissement est corrigé en hausse ou en baisse pour tenir compte des charges particulières imposées au service de l'assainissement, notamment par le degré ou la forme de la pollution créée par l'entreprise". C'est ce que l'on appelle le "coefficient de dégressivité", également fixé par le Conseil municipal de la ville d'Orléans.

(25) L'article 7 de l'accord Scott prévoit un tarif préférentiel en faveur de Scott au titre de la redevance d'assainissement: "La ville d'Orléans s'engage à modifier les tarifs de la redevance d'assainissement applicable aux usagers industriels placés en situation exceptionnelle, et à prévoir pour ces derniers un tarif qui n'excédera pas 25 % du meilleur tarif actuel. Sous réserve du respect par Scott des normes techniques et de la législation en vigueur, la ville d'Orléans lui appliquera ce tarif préférentiel."

(26) Le 1er janvier 1989, le Conseil municipal de la ville d'Orléans a fixé un nouveau montant pour la redevance d'assainissement (21) et un nouveau coefficient de dégressivité (22). Pour les volumes compris entre 0 et 50000 m3, le coefficient de dégressivité est ramené de 1 à 0,5 proportionnellement au volume. Entre 50 001 et 150 000 m3, il passe de 0,6 à 0,8. D'après les délibérations du Conseil municipal de 1988, l'objectif est d'encourager les gros consommateurs d'eau à réduire leurs rejets (23). Toutefois, lorsque la consommation est supérieure à 150 000 m3, le coefficient est ramené à 0,25 sans justification. Les coefficients de dégressivité sont présentés dans le tableau ci-dessous:

<EMPLACEMENT TABLEAU>

(27) En 1996, la consommation de Scott s'est élevée à quelque [...] (24) m3 (25). Scott a donc bénéficié du tarif préférentiel de 0,25 sur [une partie substantielle] (26) de sa consommation, c'est-à-dire pour la fraction dépassant 150 000 m3. Cependant, d'après les autorités françaises, Scott n'est pas la seule à bénéficier de ce tarif préférentiel. L'hôpital de la Source en bénéficie également. En 1996, avec une consommation de l'ordre de 155 000 m3 (27), cet hôpital s'est vu appliquer un coefficient de 0,25 pour la partie de sa consommation dépassant 150 000 m3, soit 3 % de sa consommation totale.

3. Raisons ayant conduits à l'ouverture de la procédure

(28) En 1997, la Commission a publié une communication concernant les éléments d'aide d'État contenus dans des ventes de terrains et de bâtiments par les pouvoirs publics (28) (ci-après dénommée "la communication"). Cette communication clarifie une politique qui s'est dégagée sur une période de plus de dix ans. Elle décrit une procédure de vente de terrains et de bâtiments qui exclut automatiquement tout élément d'aide d'État (vente dans le cadre d'une procédure d'offre inconditionnelle ou sur la base d'une évaluation du bien par un expert indépendant préalablement aux négociations afin d'en fixer la valeur marchande) et indique les transactions qui doivent être notifiées à la Commission.

(29) Étant donné que, en l'espèce, aucune procédure d'offre inconditionnelle ni aucune évaluation par un expert indépendant n'a eu lieu, la Commission a estimé, dans sa décision d'ouverture de la procédure, que le prix auquel le terrain s'était vendu, pourrait être justifié dans le cas où: i) il couvre au moins les coûts du terrain supportés par les autorités ou, en présence d'un excès d'offre de terrains similaires qui fait baisser les prix, ii) il correspond au moins au prix du marché (29).

(30) Sur la base des informations dont elle avait alors connaissance, la Commission a conclu qu'il n'était pas possible d'établir avec certitude que le prix de vente du terrain à Scott: i) couvrait les coûts supportés par les autorités françaises, ou ii) correspondait au prix du marché. En dernier lieu, la Commission se demandait si le tarif de la redevance d'assainissement ne contenait pas des éléments d'aide d'État.

4. Motifs de l'injonction de fournir des informations

(31) Les autorités françaises n'ayant pas donné de réponse satisfaisante aux questions posées dans sa décision d'ouverture de la procédure, la Commission leur a enjoint de fournir les renseignements demandés. Les questions étaient pratiquement identiques à celles contenues dans la lettre qu'elle leur avait adressée le 2 mars 1999.

(32) La Commission considérait la réponse française comme insuffisante dans la mesure où aucune des informations suivantes n'était fournie:

- une description détaillée ainsi que des preuves de la publicité donnée à la vente en France et en Europe,

- une ventilation détaillée des travaux effectués par la Sempel sur le terrain occupé par Scott par nature (nivellement, électricité, infrastructure, constructions, etc.) ainsi que le coût réel de ceux-ci, une ventilation de l'utilisation des fonds correspondant aux emprunts contractés par la Sempel et une copie de la convention tripartite entre la ville d'Orléans, le Conseil général du Loiret et la Sempel,

- les différents contrats de vente passés, incluant en particulier les prix de cession entre la ville d'Orléans et les six autres entreprises ayant acheté des terrains sur les 20 ha restants (30),

- l'explication de la façon dont le décret 77-241 du 7 mars 1977 peut constituer la base juridique du "rabais" sur la redevance d'assainissement accordée sur la base de la quantité consommée, étant donné que ledit décret prévoit une correction de la redevance d'assainissement basée sur le degré de pollution créé par l'entreprise,

- des factures et des détails concernant toutes les autres entreprises de la région qui profitent ou auraient profité du même "rabais" sur la redevance d'assainissement que celui offert à Scott Paper.

(33) Enfin, à la lumière des observations transmises par les tiers à la suite de sa décision d'engager la procédure, la Commission enjoignait aux autorités françaises de lui communiquer en particulier les documents suivants:

- une copie des conventions, conclues en 1987, entre la société Scott Paper, la ville d'Orléans et le département du Loiret,

- une copie de la convention de garanties solidaires avec la ville d'Orléans, des emprunts contractés par la Sempel en application de la Convention ville/département/Sempel.

5. Observations des intéressés

(34) Tant le plaignant que l'entreprise bénéficiaire de l'aide, à savoir Scott, en sa qualité de tiers, ont présenté leurs observations sur l'ouverture de la procédure.

5.1. Observations du plaignant

(35) Dans sa lettre du 28 octobre 1998, le plaignant confirme et soutient, dans l'ensemble, la position de la Commission exprimée dans sa décision d'ouverture de la procédure. À cet égard, il insiste en particulier (considérants 36 à 43) sur la nécessaire clarification des relations entre les collectivités locales, la Sempel et la société Scott Paper et (considérants 44 et 45) sur les contributions respectives des différentes collectivités du Loiret. En outre, le plaignant commente (considérants 46, 47 et 48) les conditions de la cession du site de Saint-Cyr-en-Val à P & G et la nouvelle implantation de KC dans le Loiret.

5.1.1. Nécessaire clarification des relations entre les collectivités locales, la Sempel et la société Scott Paper

(36) En ce qui concerne l'opacité des relations entre les collectivités locales et la Sempel, le plaignant demande une clarification de la manière dont la Sempel a utilisé les fonds correspondant aux emprunts contractés. Il attire aussi l'attention de la Commission sur le fait que la Sempel a été liquidée à la suite d'un redressement judiciaire, peu après l'expiration de la convention tripartite ville d'Orléans/Conseil général du Loiret/Sempel du 12 septembre 1987 portant sur la période 1987-1993 et que sa mission consistait à "réaliser l'ensemble des études et des travaux nécessaires à l'aménagement des terrains sur la zone industrielle de La Saussaye".

(37) Sur ce point, le plaignant rappelle en outre que, dans son jugement de redressement judiciaire de la société Sempel du 19 mars 1996, le Tribunal de commerce d'Orléans relevait qu'un rapport d'audit de janvier 1995 sur la société prévoyait "un déficit de 4 à 5 millions de francs pour 1994 et pour 1995". Il invite la Commission à demander aux collectivités locales françaises concernées, communication de la convention tripartite Sempel/Conseil général du Loiret/municipalité d'Orléans.

(38) Pour ce qui est des travaux effectués par la Sempel au profit de Scott Paper sur le site de Saint-Cyr-en-Val, le plaignant maintient que les emprunts contractés par la Sempel se justifient en réalité par le financement masqué, au bénéfice exclusif de la société Scott Paper, d'un certain nombre de travaux qui auraient dû être financés, dans un régime de concurrence non faussé, par la seule société Scott Paper.

(39) D'ailleurs, d'après le plaignant, le Journal de Gien du 17 septembre 1987 (31) dévoile très clairement ce que fut à partir de 1987 la politique menée par les collectivités locales pour obtenir l'implantation de Scott Paper dans le Loiret: "Tandis qu'Orléans pavoise, on découvre aujourd'hui les éléments qui, au terme d'un an de négociations, ont permis de remporter le challenge. Les collectivités ont dévoilé les moyens qu'elles mettaient en œuvre pour recevoir le géant américain et leur coût: 80 millions de francs."

(40) Le plaignant ajoute que l'article met clairement en évidence que l'essentiel des aides accordées par les collectivités locales a consisté à aménager les terrains liés au site d'implantation de Scott Paper mais également à réaliser divers travaux d'infrastructure qui ont bénéficié exclusivement à Scott Paper: "Dans le cas présent, les collectivités mettent dans la corbeille les équipements publics nécessaires pour rendre la zone de La Saussaye conforme aux voeux de Scott Paper qui bénéficie également de la cession gratuite, par le biais de la Sempel, de 50 ha de terrain."

(41) D'après le plaignant, l'article précise surtout que: "La Sempel est d'ailleurs chargée de l'ensemble des travaux à réaliser: viabilisations; aménagements divers et construction d'une usine-entrepôt. Montant de la facture: 80 millions de francs français que se partagent le département (35 millions) et Orléans (45 millions). En février prochain, les deux collectivités retrouveront une partie de leur mise lorsque Bouton-Brochard-Scott, filiale de Scott Paper, rachètera le bâtiment pour 31 millions de francs français. Tout cet ensemble correspond à la première tranche, la seule qui verra la participation financière des collectivités locales."

(42) Le plaignant conclut que ces éléments confirment ainsi les informations contenues dans le rapport de la Cour des comptes française de novembre 1996: "Pour contourner la réglementation sur le zonage, certaines collectivités n'hésitent pas à masquer la destination des aides qu'elles collectent ou attribuent. Il en est ainsi pour des installations dans le département du Loiret, non éligible à la prime d'aménagement du territoire. Les protocoles passés avec les entreprises stipulent que l'aide est relative au terrain et à son aménagement; mais celle-ci est, pour quelques dossiers importants, très supérieure au coût du terrain aménagé et elle est utilisée pour financer en toute irrégularité une partie substantielle de la construction des bâtiments. L'intensité des aides peut aller, dans certains cas, jusqu'à 40 à 50 % du coût déclaré du projet d'investissement immobilier."

(43) Le plaignant soutient que la proposition faite par les collectivités du Loiret de financer une telle infrastructure a donc été déterminante dans le choix de Scott Paper de s'implanter à Saint-Cyr-en-Val par rapport aux offres "concurrentes" des autres collectivités locales françaises. Ainsi, La Nouvelle République (32) en juillet 1987 a fait état des hésitations de Scott Paper au moment du choix de son implantation en France: "Si bien que le dossier Scott Paper chemine lentement entre les hésitations du Gouvernement à ouvrir les débouchés nationaux à un géant étranger et les villes candidates, [rivalité dont joue Scott Paper] pour obtenir les meilleures conditions d'implantation."

[...] "Côté villes, Orléans paraissait avoir éliminé ses adversaires l'un après l'autre, quand la disponibilité d'un entrepôt de 25000 m2 au sud de Sens a retenu l'attention de Scott Paper."

[...] "Le challenge orléanais consiste donc désormais à trouver les arguments pour lutter contre la montre. Le premier est l'engagement d'édifier des locaux en un délai maximal de cinq mois. Perspective apparemment satisfaisante puis qu'elle permettrait à Scott Paper d'être opérationnelle au terme des cinq mois, dans la mesure où les ambitions initiales de la multinationale américaine se limitent à l'usage d'un entrepôt et d'une chaîne de transformation qu'elle alimenterait en papier depuis ses usines belges (Anvers) et italienne (Turin)."

5.1.2. Contributions respectives des différentes collectivités du Loiret

(44) En ce qui concerne les contributions des différentes collectivités locales, il convient par ailleurs de noter que Le Canard enchaîné (33) a fait état en janvier 1998 de l'existence d'une convention entre la société Scott Paper et les collectivités locales:

(45) "Quant à la ville d'Orléans et au département du Loiret, ils ne peuvent guère espérer récupérer leur mise. Rien, en effet, dans le contrat signé avec Scott ne prévoit le moindre remboursement en cas de non-respect de ses obligations par l'industriel. Seul espoir: Bruxelles [...]".

5.1.3. Conditions de la cession du site de Saint-Cyr-En-Val à Procter & Gamble et nouvelle implantation de Kimberly-Clark dans le Loiret

(46) La société KC/Scott Paper a procédé, au début le l'année 1998, à la cession à la société P & G du site de Saint-Cyr-en-Val. Le journal La République du Centre du 19 septembre 1998 (34) laissait entendre que "la prise de possession du site de Saint-Cyr-en-Val (ex-Scott Paper)" par P & G s'était effectuée à des conditions avantageuses pour cette dernière société en relevant notamment que le site en question aurait été acheté "au prix de 200 millions de francs français alors qu'il en vaut 600".

(47) Le 22 octobre 1998, soit à peine 10 mois après l'annonce de la fermeture de l'usine KC de Saint-Cyr-en-Val, le quotidien Les Échos faisait état de la nouvelle implantation de cette société dans le Loiret (35).

(48) Enfin, pour que la Commission vérifie les informations fournies par les autorités françaises, le plaignant souligne qu'il est important pour elle d'avoir accès à "la convention tripartite conclue entre la Sempel et les collectivités locales du 12 septembre 1987" et "la convention conclue initialement par la société Scott Paper et les collectivités locales".

5.2. Observations du bénéficiaire présumé de l'aide

(49) Dans sa lettre du 23 novembre 1998, Scott commente l'ouverture de la procédure en ce qui concerne (considérants 50 à 59) le prix d'acquisition du terrain d'Orléans, (considérant 60) l'octroi à Scott d'un tarif préférentiel pour l'assainissement des eaux et (considérant 61) le remboursement des aides par Scott.

5.2.1. Prix d'acquisition du terrain d'Orléans

5.2.1.1. Le prix payé par Scott correspondait à celui du marché

(50) Afin d'accroître sa part de marché en France, Scott a annoncé en juin 1986 qu'elle envisageait, à moyen terme, d'implanter une usine dans ce pays, pour un investissement prévu d'un montant maximal de 80 à 100 millions de dollars des État-Unis. À l'époque, Scott approvisionnait la France depuis ses usines situées en Italie et en Belgique. Selon Scott, l'entreprise s'est ensuite mise à chercher des sites qui, en France, répondaient à ses diverses exigences (situation géographique, afin de tenir compte des coûts de transport, taille du terrain, avec prise en compte des possibilités d'expansion future, infrastructures, main-d'œuvre qualifiée et approvisionnement suffisant en eau et en énergie). À la suite de ces démarches, de nombreuses régions ont transmis à l'entreprise des renseignements sur les terrains disponibles et les conditions financières d'installation. Scott indique d'ailleurs que malgré l'ampleur des actions de marketing et du budget alloué, les consultants n'ont pas "trouvé" Scott, mais ont "répondu" à son annonce où elle se déclarait intéressée par une installation en France.

(51) Au cours des mois qui ont suivi, Scott a examiné attentivement un grande nombre de propositions de terrains différents. Finalement, elle a sélectionné huit sites, qu'elle a ensuite ramenés à quatre (en mars 1987), dont celui de La Saussaye. Scott explique toutefois qu'aucune décision définitive n'a été prise à ce moment-là, puisque d'autres collectivités locales en France semblaient envisager de proposer des terrains à l'entreprise.

(52) À cet égard, Scott souligne que le prix du marché est simplement le prix qu'un acheteur et un vendeur conviennent mutuellement de considérer comme acceptable pour chacun. L'évaluation qu'il convient de réaliser consiste donc à déterminer le prix du marché auquel un propriétaire et promoteur du parc industriel de Sologne issu du secteur privé aurait lui-même traité l'affaire, et les conditions auxquelles cet investisseur aurait vendu le terrain.

(53) Scott fait remarquer que, à l'époque, nombre de collectivités locales recherchaient sur le marché des investisseurs industriels, tels que Scott, disposés à acheter le terrain pour y investir et l'exploiter. Les entreprises de ce type étaient cependant en nombre limité à ce moment-là, de sorte que le prix du marché devait refléter le fait que le demande de ce type d'entreprises dépassait le nombre de ces entreprises, renforçant ainsi le pouvoir de négociation des entreprises concernées.

(54) D'ailleurs, le prix acquitté par Scott (31 millions de FRF, soit 4,7 millions d'euros) était le prix qu'elle était disposée à payer pour le terrain en question en mettant en balance, d'une part, i) les recherches importantes menées les mois précédents sur le coût net d'acquisition de terrains concurrents disponibles, et ii) sa propre analyse de l'investissement total qu'elle était prête à consentir, et, d'autre part, le fait a) qu'elle pouvait très facilement continuer à approvisionner le marché français depuis un autre endroit de la Communauté, et b) que le nouvel établissement français serait déficitaire pendant cinq ans.

(55) Outre le fait qu'elle aurait agi comme un aimant pour attirer d'autres entreprises vers ce parc d'activité, Scott fait valoir que le prix d'achat et les recettes directes générées par ses activités auraient à terme remboursé largement les coûts supportés par les collectivités locales, qui auraient bien sûr continué par la suite à disposer de cette source de revenu. À cet égard, Scott renvoie à la décision de la Commission dans l'affaire Daimler-Benz (36) qui, selon elle, montre que la taxe professionnelle et d'autres formes d'impôts locaux peuvent être intégrées dans les recettes d'une collectivité locale, afin de déterminer si le prix qui lui a été versé est correct.

(56) En ce qui concerne l'écart de prix entre le terrain qui lui a été vendu et les terrains voisins, Scott souligne que la différence de taille entre un terrain de 48 ha et un terrain de quelques milliers de mètres carrés seulement se répercute forcément sur le prix de vente obtenu. En outre, Scott rappelle que les ventes des terrains voisins ont été réalisées quelques années après la cession du terrain à Scott, de sorte que de nombreux facteurs ont pu influer sur leur prix, notamment bien sûr le renchérissement du terrain dans la région consécutif à l'installation de Scott elle-même.

5.2.1.2. Le terrain a été vendu après d'importantes campagnes de marketing

(57) Scott pense que toutes les actions commerciales et promotionnelles entreprises par les collectivités locales ou, en leur nom, par Recherche et Développement International (ci-après dénommé "RDI") par exemple, passent largement le test de la "publicité suffisante", tel qu'on pouvait l'entendre en 1986/1987 en l'absence de clarification ou d'orientations données par la Commission. Par conséquent, Scott estime que, au regard de la communication invoquée par la Commission, même si elle n'a été publiée qu'en 1997, l'entreprise ne peut, en l'espèce, avoir reçu d'aide.

5.2.1.3. Application rétrospective des principes de la communication de 1997

(58) Scott n'accepte pas l'application de la communication de 1997 à la vente d'un terrain public qui a eu lieu en 1987. Elle fait valoir que la Commission tente d'appliquer une politique qu'elle a développée au cours des dix années et plus qui ont suivi et qui, d'après ses propres déclarations, nécessitait d'être clarifiée par la publication de la communication de 1997, même si pendant ces dix ans, elle a arrêté un certain nombre de décisions concernant la vente de terrrains par les pouvoirs publics. Scott constate également que le texte juridique (la communication de 1997) que semble invoquer la Commission est un texte non codifié ("soft law") et qu'il n'a donc aucun effet juridique contraignant.

5.2.1.4. La base juridique des aides accordées à Scott a été notifiée

(59) D'après Scott, la France lui a fait savoir que si une aide, quelle qu'elle soit, avait été attribuée par l'une ou l'autre des collectivités locales, elle aurait été accordée en tant qu'aide indirecte sur la base de la loi 82-6 et qu'il ne faisait aucun doute que cette loi 82-6 avait été communiquée à la Commission en 1982. Elle allègue que, même si la loi 82-6 ne lui a pas été officiellement notifiée en 1982, la Commission en a reçu copie, de sorte qu'elle était dans l'obligation d'intervenir avec diligence, en ce qui concerne aussi bien la constitution du dossier que l'examen provisoire de celui-ci (37), faute de quoi la loi 82-6 pouvait être mise en application par la France au motif que, conformément aux principes définis dans l'arrêt rendu dans l'affaire Lorenz (38), elle était devenue une aide existante.

5.2.2. Octroi à Scott d'un tarif préférentiel pour l'assainissement des eaux

(60) En dernier lieu, en qui concerne le tarif préférentiel appliqué à Scott, l'entreprise croit savoir qu'il s'agit d'un tarif applicable à tous les clients qui consomment la même quantité d'eau que Scott et que d'autres entreprises ou institutions paient le même tarif que Scott. Par conséquent, Scott se contente d'acquitter un tarif prévu par la loi et accessible à toutes les entreprises se trouvant dans la même catégorie qu'elle-même.

5.2.3. Remboursement des aides par Scott

(61) Scott fait remarquer que, selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, le bénéficiaire d'aides octroyées illégalement à la possibilité d'invoquer des circonstances exceptionnelles à partir desquelles il a légitimement supposé que les aides étaient légales. Les raisons pour lesquelles les aides accordées illégalement ne devraient pas, en l'espèce, être remboursées sont les suivantes: a) l'achat du terrain et de l'usine par P & G à leur valeur marchande intégrale a neutralisé tout avantage dont aurait éventuellement bénéficié Scott lorsqu'elle exploitait l'usine, b) Scott ne conserve actuellement aucun avantage de l'octroi d'aides incompatibles avec le Marché commun puisque, lors de la cession du terrain et de l'usine à P & G, leur valeur comptable était beaucoup moins élevée que le coût total de ces actifs pour Scott, et que ces actifs ont été cédés à P & G pour un prix inférieur à la moitié de leur valeur comptable, et c) du fait du manque de transparence avec lequel la Commission a traité les différentes lois qui lui ont été notifiées ou communiquées par la France en 1982 en ce qui concerne les aides pouvant être octroyées par les collectivités locales et régionales françaises, il était quasiment impossible pour une entreprise d'obtenir des renseignements sur le statut juridique de ces textes législatifs du point de vue communautaire.

6. Observations des autorités françaises

(62) Les autorités françaises ont répondu à la décision prise par la Commission d'ouvrir la procédure en vertu de l'article 88, paragraphe 2, ainsi qu'à sa demande de renseignements, par cinq courriers différents (du 25 novembre 1998, du 30 avril 1999, du 6 octobre 1999, du 7 janvier 2000 et du 21 février 2000), qui sont résumés ci-après:

(63) D'après les autorités françaises, Scott n'a reçu aucune aide pour les raisons suivantes: (considérant 64) l'absence de marché pour les terrains industriels situés en zone rurale à l'époque de la vente du terrain, (considérants 65 à 72) au cas où la Commission concluerait à l'existence d'un marché, le terrain a été vendu au prix du marché, (considérants 73 à 88) le terrain a fait l'objet d'une publicité suffisante au sens de la communication, (considérants 89, 90 et 91) si la Commission estime que la vente du terrain constitue une aide, les coûts suivants devraient être soustraits du montant, (considérants 92, 93 et 94) le tarif préférentiel de la redevance d'assainissement, (considérant 95) le délai de prescription et (considérant 96) le statut de KC dans ce dossier.

6.1. Absence de marché pour les terrains industriels situés en zone rurale

(64) À la date de la vente du terrain, il n'y avait absolument pas de marché pour les terrains industriels situés en zone rurale (39). D'ailleurs, d'après les autorités françaises, en 1987, il n'existait pas dans la région orléanaise d'aménageurs privés réalisant ce type d'opérations. L'absence de marché en matière de terrains industriels rendait difficile la fixation d'un prix de marché au sens de la communication. Les autorités françaises font valoir que, pour créer un tel marché et afin de stimuler et de développer l'économie locale, des autorités locales devaient aménager les terrains et les vendre à des entreprises. Elles rappellent que la première entreprise à s'être installée dans cette zone, à savoir Scott, a exercé un effet d'appel sur d'autres entreprises. La taille du parc d'activité en 1998 ne permet en aucune façon de conclure à l'existence d'un marché en 1987 pour ce type de terrains.

6.2. La vente du terrain a été réalisée au prix du marché

(65) Même si la Commission devait conclure à l'existence d'un marché, le terrain a bien été vendu au prix du marché, et ce pour trois raisons (40).

6.2.1. L'écart entre le prix du terrain vendu à Scott et celui des terrains restants s'explique par les économies d'échelle

(66) La Sempel a vendu 48 ha de terrain à Scott en 1987 pour un montant de 31 millions de FRF (4,7 millions d'euros), soit 65 FRF/m2 (9,9 euros/m2). Des 20 ha restants qui ont été rétrocédés à la ville, seuls 2,8 ha ont été vendus à des entreprises au prix moyen de 72 FRF/m2 (11 euros/m2) entre 1990 et 1994. En vendant une parcelle de cette taille (48 ha) à Scott, la ville a réalisé des économies d'échelle (41) de l'ordre de 11 FRF/m2, qui ont justifié un prix de vente d'environ 65 FRF/m2 (9,9 euros/m2) au lieu de 72 FRF/m2 (11 euros/m2). Les différentes opérations sont résumées dans le tableau suivant:

<EMPLACEMENT TABLEAU>

6.2.2. Le prix d'achat ne couvrait pas tous les frais (42)

(67) La vente par Scott du site à P & G montre très clairement que les vendeurs du secteur privé du papier ne rentrent pas nécessairement dans tous leurs frais, même sur la base du coût après amortissement. Scott et KC ont vendu l'usine d'Orléans à P & G en mai 1998, au prix de [...]. La transaction a été conclue dans les conditions normales du marché. Le coût de revient total, pour Scott et KC, de l'usine vendue s'élevait à [...]. Le coût de revient après amortissement (ou valeur nette) de l'usine était de [...].

(68) L'usine vendue à P & G appartenait en partie à Scott et en partie à KC. Les actifs que Scott a vendus à P & G étaient le terrain acheté à la Sempel en 1987, le bâtiment du terrain compris dans le prix de vente de la Sempel, ainsi que d'autres bâtiments que la société Scott avait elle-même fait construire et payés. Le coût de revient total pour Scott de ce qu'elle a vendu à P & G s'élevait à [...] [soit les 31 millions de FRF (4,7 millions d'euros) versés à la Sempel et les [...] payés pour d'autres bâtiments]. Au moment de la vente, le coût de revient après amortissement de ces actifs était de [...]. Scott a reçu de P & G [...] pour les actifs qu'elle lui a vendus. Scott a donc subi une perte de [...] (ou de 38 %) sur le coût d'acquisition et réalisé un petit profit de [...] (ou de 5 %) sur la valeur après amortissement.

(69) Dans sa communication sur la décision d'ouvrir la procédure, la Commission a laissé entendre que Scott avait peut-être reçu une aide se situant entre 59,3 millions de FRF (9 millions d'euros) et 98,7 millions de FRF (15 millions d'euros). Si l'on ajoute ces sommes au prix auquel la société Scott a effectivement payé les actifs qu'elle a vendus à P & G, le coût de revient de ceux-ci passe de [...] à [...] ou [...]. Les pertes que Scott aurait alors subies sur la vente à P & G auraient été les suivantes:

Coût d'acquisition de [...]:

- sur une base non amortie, la perte sur le coût d'acquisition se serait élevée à [...] ou 59 %,

- sur une base amortie, la perte sur le coût d'acquisition se serait élevée à [...] ou 25 %.

Coût d'acquisition de [...]:

- sur une base non amortie, la perte sur le coût d'acquisition se serait élevée à [...] ou 66 %,

- sur une base amortie, la perte sur le coût d'acquisition se serait élevée à [...] ou 38 %.

(70) Selon les autorités françaises, l'expérience que Scott et KC ont acquise avec le site d'Orléans leur a également appris que les évaluations des experts doivent être traitées avec beaucoup de prudence, les évaluations données ne pouvant souvent pas être réalisées sur le marché. Le cabinet Galtier a évalué les actifs appartenant à Scott et à KC et vendus à P & G comme suit: Scott [...] KC [...], ce qui donne un total de [...].

(71) Les autorités françaises ont conclu que l'évaluation professionnelle aboutissait donc à des chiffres inférieurs de quelque 22 % au coût après amortissement des actifs [...], mais les deux sociétés ne sont même pas parvenues à obtenir un prix proche de celui indiqué dans l'évaluation: Scott et KC n'ont en fait trouvé qu'un acheteur prêt à payer [...]. Elles ont donc dû accepter une perte lors de la vente de leurs actifs à P & G de [...] (ou de 30 %) sur l'évaluation professionnelle de Galtier et de [...] sur le coût après amortissement des actifs.

6.2.3. Valeur de 1987 en fonction du prix du marché réel de 1998 (43)

(72) Les autorités françaises font valoir que la valeur marchande du terrain en question devait probablement être de 31 millions de FRF (4,7 millions d'euros) pour deux raisons: d'une part, Scott a vendu à P & G en 1998 au prix de [...] ce qu'elle avait acheté à la Sempel en 1987 au prix de 31 millions de FRF (4,7 millions d'euros), et ce malgré l'appréciation à l'époque du prix du terrain. D'autre part, Scott a appliqué de façon inversée le concept de la valeur temporelle utilisé par la Commission pour le terrain et les bâtiments qu'elle a vendus à P & G afin de calculer la valeur actuelle de l'aide accordée par le passé. Sur un taux d'intérêt moyen de 6 %, la valeur marchande en 1987 de ce que Scott a vendu en 1998 à P & G [...] aurait été de [...], et rapportée aux seuls terrain et bâtiment achetés à la Sempel elle aurait été de [...].

6.3. Le terrain a fait l'objet d'une publicité suffisante au sens de la communication

(73) En ce qui concerne la publicité donnée à la vente en France et dans la Communauté, les autorités françaises rappellent que l'implantation de Scott Paper s'est faite en 1987, et qu'il est aujourd'hui difficile d'apporter des preuves de la publicité faite à l'époque (44).

(74) Les autorités françaises soulignent tout d'abord que pour trouver un investisseur potentiel, il ne suffit pas de "publier" dans la presse un avis annonçant la disponibilité d'un terrain. Cette prospection implique: a) l'identification d'entreprises cibles, susceptibles de s'implanter de manière durable et conséquente en Europe ou en France, b) l'approche directe ou indirecte, par le biais d'un consultant ou d'un intermédiaire spécialisé, de ces entreprises, c) la présentation de la région, d) la sélection, après les premiers contacts, des entreprises susceptibles de donner suite à l'offre, et e) les discussions liées à l'implantation finale (45).

(75) En effet, ce travail de prospection ne peut, sous peine de clore trop rapidement les négociations avec les investisseurs potentiels, se faire sur la base d'un seul site disponible: plusieurs sites sont généralement proposés aux investisseurs potentiels et, dans le cas où la création d'une zone industrielle est envisagée, leur aménagement n'est souvent pas réalisé, ou il n'est qu'ébauché. Les collectivités locales sont en effet peu enclines à effectuer des dépenses lourdes d'aménagement sans être certaines de l'aboutissement de leurs efforts de prospection (46).

(76) En l'espèce, les autorités françaises soutiennent (47) que le département et la ville se sont engagés de manière importante en matière de marketing au cours des années, par l'établissement d'une agence pour le développement économique (ADEL) au niveau du département et, entre autres, par l'intermédiaire d'un consultant en placement d'affaires aux États-Unis d'Amérique, RDI, pour favoriser l'implantation de nouvelles activités économiques dans la ville, incluant bien sûr le site d'Orléans-Sologne. En 1986, un cabinet de Conseil français, DML et Associés, a été recruté par le département pour mener la même démarche auprès d'investisseurs potentiels européens et extra-européens situés dans la région parisienne (48).

(77) D'après les autorités françaises (49), les activités de marketing se sont originellement concentrées en 1986 et 1987 sur l'État du Michigan. Elles ont notamment pris les formes suivantes: a) stands à l'occasion d'expositions industrielles pour montrer aux sociétés américaines les possibilités d'investissement dans le département (par exemple, à Détroit en septembre 1986), b) recherche d'investisseurs désirant venir dans le Loiret et/ou à Orléans, c) réunion à Orléans d'agences locales pour le développement, à laquelle étaient spécifiquement invités des représentants d'agences du Michigan et de Hanovre; d) en mai 1987, une visite officielle de quinze jours a été organisée aux États-Unis entre les agences de développement économique de la ville et du département, et e) des contrats importants ont été maintenus aux États-Unis avec des chambres de commerce locales, des cabinets d'avocats, des comptables, des sociétés et des banques françaises, des agences de développement et la DATAR. Grâce à ces activités, RDI a pu identifier un certain nombre de sociétés américaines (telles que Symplex Inc., Saturn Inc. ou ICB) intéressées dans un premier temps par un investissement dans le Loiret ou à Orléans.

(78) ADEL a également créé un atlas professionnel intitulé "Orléans, environnement pour hommes d'affaires" (50). ADEL a joué à Orléans le rôle de chambre de commerce et d'industrie pour trouver des acheteurs, ayant été spécialement créée et engagée pour trouver des investisseurs potentiels. Dans le cadre de son programme, ADEL a été en contact avec d'autres chambres de commerce et d'industrie locales (51).

(79) Les autorités françaises ont également communiqué (52) une lettre du cabinet DML à Scott, datée du 17 décembre 1999, décrivant les modalités de recherche des investisseurs potentiels pour les sites disponibles dans le Loiret en 1985-1986. D'après les termes de la lettre, DML est spécialisé dans l'assistance dans le cadre de la restructuration de sociétés et de groupes industriels et dans l'assistance aux collectivités locales et aux agences de développement régional pour identifier des investisseurs industriels.

(80) Dans la lettre, DML explique sa méthode de travail. Tout d'abord, DML identifie des activités à rechercher pour la région concernée et des sociétés de ces secteurs dans la zone ciblée. Dans un deuxième temps, une fois que DML a identifié un intérêt potentiel, les consultants de DML rencontrent la société afin de comprendre ses besoins et l'investissement envisagé. ADEL examine alors les sites disponibles dans la région afin d'identifier ceux qui sont les plus susceptibles de satisfaire aux exigences de l'investisseur potentiel. Elle présente ces sites à l'investisseur qui sélectionne lui-même ceux qu'il souhaite visiter. En dernier lieu, ADEL présente des études techniques et économiques qui permettent à l'investisseur de décider si le projet qu'il se propose de réaliser est viable dans la région choisie et sur le site particulier proposé.

(81) En l'occurrence, DML écrit: "[à] titre d'exemple de notre travail pour le compte d'ADEL, commencé en juillet 1986, nous avons initialement identifié plus de 500 sociétés à contacter dans le sud de la région parisienne. Au cours des trois premiers mois, 150 sociétés ont été contactées, avec les résultats suivants: 130 n'étaient pas intéressées du tout, 12 souhaitaient davantage d'informations sur le Loiret et 5 requéraient des contacts. [...] Au cours des mois suivants, DML a pris contact avec les 350 sociétés restantes afin de déterminer leur intérêt, identifier de nouvelles pistes et suivre les projets identifiés."

(82) Selon DML, l'identification d'investisseurs potentiels ne s'obtient généralement pas par la publication d'annonces dans la presse et par l'attente de réponses de la part des sociétés. Elle s'obtient par un contact direct avec les responsables des entreprises contactées.

(83) DML explique que "la méthode de travail de DML s'est développée en prenant conscience que les investisseurs potentiels ne peuvent être trouvés qu'après avoir effectué un important travail de préparation, établi des contacts personnels et fourni une assistance sur une longue période. Nous devons persuader l'investisseur potentiel de choisir, d'abord, la région concernée et, ensuite, un site particulier. La décision finale de son lieu d'établissement ou de réimplantation appartient naturellement à l'investisseur. Le rôle des sociétés comme la nôtre, engagées par les agences de développement locales, est plus d'orienter l'investisseur potentiel vers la région concernée que sur un site donné. Le choix du site lui-même est déterminé en fonction des exigences techniques et financières de l'investisseur."

(84) DML conclut en disant: "enfin, nous vous confirmons que DML n'a pas été impliqué et n'est pas intervenu dans l'identification et l'implantation du projet d'investissement Scott Paper à Orléans."

(85) Les autorités françaises estiment que, étant donné que la Commission n'avait pas clarifié sa politique en 1987, les initiatives décrites ci-dessus doivent être considérées comme remplissant la condition suivant laquelle la procédure d'offre doit avoir fait l'objet d'une "publicité suffisante" au sens de la communication, telle qu'elle aurait pu être appréciée à l'époque (53).

(86) En réponse à la position de la Commission selon laquelle les circonstances de la vente de la société Scott ne rentraient pas dans le cadre de cette communication dans la mesure où la publicité effectuée par ou pour le compte des autorités publiques ne concernait pas assez spécifiquement le site, les autorités françaises soulignent que la Commission a appliqué d'une manière souple la communication de 1997 dans sa décision sur l'affaire Fresenius (54).

(87) Les autorités françaises font valoir que dans l'affaire Fresenius, les conditions prévues dans la communication n'étaient pas satisfaites à deux égards. D'abord, la communication autorise la vente de terrain pour un prix allant jusqu'à 5 % en dessous du prix évalué si aucun acquéreur ne peut être trouvé après un délai raisonnable. Dans le cas de la société Fresenius, le terrain a été vendu pour un prix inférieur de plus de 10 % au montant de l'évaluation. En second lieu, la communication prévoit en outre que, si le terrain ne peut être vendu après un délai raisonnable pour un prix égal ou supérieur à 95 % du prix auquel il a été évalué, une autre évaluation devra être réalisée, afin de fixer une nouvelle valeur de marché plus réaliste. Aucune nouvelle évaluation n'a été réalisée dans l'affaire Fresenius (55).

(88) Les autorités françaises concluent que l'affaire Fresenius montre que, en 1994, la Commission n'appliquait pas d'une manière stricte et inflexible le critère qu'elle devait établir de manière plus claire trois ans plus tard dans la communication. La même approche doit être adoptée concernant la société Scott, particulièrement dans la mesure où les événements dans cette affaire précèdent de sept ans la décision rendue dans l'affaire Fresenius, de telle sorte que, en 1987, le choix des procédures que les autorités locales devaient mettre en œuvre pour disposer d'un terrain non aménagé était d'autant moins clair.

6.4. Si la commission concluait que la vente du terrain constitue une aide, les coûts suivants devraient être soustraits du montant

(89) En ce qui concerne le coût total du projet supporté par la ville, les sommes suivantes devraient être déduites du total (56):

- 31,7 millions de FRF (4,8 millions d'euros) (65,85 millions de FRF - 34,2 millions de FRF) représentant l'amortissement du prêt de 37,2 millions de FRF (5,7 millions d'euros). Seule la valeur nominale du prêt doit être comprise dans le calcul du coût,

- 13,6 millions de FRF (2,1 millions d'euros) correspondant au coût d'un collecteur public d'eaux usées qui n'est pas destiné exclusivement à Scott mais bénéficie à l'ensemble de la collectivité, à savoir 25000 habitants ainsi qu'à d'autres entreprises. Avant l'implantation de cet équipement collectif, les eaux usées étaient épurées et rejetées directement dans la rivière. Les pressions environnementales conduisaient depuis un certain temps les collectivités locales à envisager un tel équipement. La décision a sans aucun doute été accélérée par l'implantation de Scott, mais cette implantation n'en est pas le fondement,

- 8,3 millions de FRF (1,3 million d'euros) concernant le remboursement de la TVA sur les diverses opérations d'aménagement du terrain,

- d'une manière générale, il convient de rappeler que ces coûts concernent 68 ha de terrain et pas seulement les 48 ha vendus à Scott.

(90) Les autorités françaises rappellent que, conformément à la décision de la Commission dans l'affaire Daimler-Benz (57), "le paiement de taxes locales par l'acquéreur d'un site devrait être pris en compte au titre du prix payé pour ce site". Le dix-septième rapport note explicitement que les frais engagés par le Land de Bade-Wurtemberg et les autorités de Ratstatt pour i) le dégagement du site, et ii) la connexion de ce dernier aux réseaux publics tels que l'eau, etc., n'ont pas été considérés comme constituant une aide, dès lors que l'acquéreur devait payer ces frais au travers des taxes locales. Il résulte clairement du rapport que ces frais ont été engagés spécifiquement au profit de Daimler-Benz.

(91) La Commission, lors de la réunion du 7 décembre 1999, a adopté une position selon laquelle le paiement de taxes locales ne pouvait être pris en compte pour évaluer le prix payé par l'acquéreur du site. Ce n'était clairement là ni la position ni la pratique de la Commission à la date à laquelle la société Scott a acheté le site à la ville d'Orléans (fin 1987), comme le montre l'affaire Daimler-Benz, qui a eu lieu également en 1987.

6.5. Tarif privilégié de la redevance d'assainissement

(92) Les autorités françaises soutiennent que le tarif de la redevance d'assainissement appliqué à Scott fait partie d'une mesure générale, de sorte qu'il ne constitue pas un avantage sélectif au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE (58). D'ailleurs, l'Hôpital de la Source bénéficie du même tarif que Scott pour la redevance d'assainissement.

(93) Les autorités françaises font valoir que la mention dans les délibérations du Conseil municipal de 1994 d'un "tarif privilégié de redevance d'assainissement" est liée à la prise en compte, dans le bilan financier global de l'aménagement de la zone de La Saussaye, des pertes de recettes consécutives à une délibération du 16 décembre 1988, mettant en place un tarif dégressif de redevance en fonction de la consommation d'eau. L'implantation de Scott Paper a sans aucun doute été le catalyseur d'une telle décision, mais celle-ci est une mesure générale qui bénéficie et bénéficiera à tous les établissements remplissant les mêmes conditions (59).

(94) Selon des autorités françaises, les assujettis ayant une consommation d'eau de plus de 6000 m3 peuvent bénéficier d'un coefficient de dégressivité dans le calcul de leur redevance d'assainissement, pour tenir compte de cette consommation. La ville d'Orléans a souhaité, pour sa part, encourager les gros consommateurs - au-delà de 50000 m3 - à limiter leurs rejets (d'où la remontée du coefficient de 0,5 à 0,8 dans la délibération), et ce afin de tenir compte des charges du service d'assainissement. Ce raisonnement n'est pas poursuivi pour les assujettis ayant une consommation de plus de 150000 m3, dans la mesure où l'importance de la consommation d'eau permet de couvrir les charges d'assainissement qui s'y rapportent. Par ailleurs, le caractère incitatif d'une hausse du coefficient de dégressivité de la redevance devient mineur, voire nul pour une très grosse consommation (d'où la baisse à 0,25 dans la délibération) (60).

6.6. Délai de prescription

(95) Les autorités françaises attirent l'attention de la Commission sur le fait que l'implantation de Scott dans le Loiret remonte à 1987 et que les premières demandes d'information de la Commission datent de janvier 1997. Les autorités françaises notent que le nouveau règlement de procédure prévoit un délai de prescription de dix ans et espèrent que, en l'espèce, l'écoulement presque total d'un tel délai sera pris en compte par la Commission. Elles pensent en effet que le temps que le plaignant a mis à faire connaître les faits à la Commission prouve que le préjudice subi par la concurrence est probablement inexistant (61).

6.7. Le statut de Kimberly-Clark dans ce dossier

(96) D'après les autorités françaises (62), KC a une confiance légitime dans le fait qu'elle n'est pas tenue de rembourser l'aide et ce pour les raisons suivantes:

a) la société KC n'a bénéficié d'aucune aide de la France. Toute aide éventuelle a été versée à la société Scott quelque sept années avant que KC n'acquière une participation dans Scott;

b) toute mesure diligente prise par la société KC concernant Scott à l'époque de l'acquisition n'aurait pas, conformément à la pratique commerciale et légale normale, été prise jusqu'à 1987 et n'aurait pas révélé l'éventualité de l'octroi d'une aide à la société Scott en 1987;

c) en outre, les comptes de la société Scott entre la date de leur première publication et 1995, l'année où KC a acquis la société Scott, ne révélaient pas que la société avait reçu une assistance quelconque de quelque source que ce soit en France;

d) le seul moyen dont disposait KC pour découvrir si Scott avait reçu une aide quelconque en France aurait été, soit d'examiner la presse locale ou nationale pertinente ou les minutes des réunions des autorités locales, soit de contacter les autorités compétentes. Il est très peu probable que ces autorités auraient informé la société KC qu'une aide avait été versée à Scott, si tel était le cas, et dans quelles conditions.

7. Appréciation des mesures d'aide

7.1. Appréciation des mesures d'aide à la lumière de l'injonction de fournir des informations

(97) Bien que la Commission ait adressé aux autorités françaises une injonction de fournir des informations, elle ne possède toujours aucun renseignement ou ne dispose que de renseignements insuffisants sur les différents points suivants:

- une ventilation détaillée des travaux effectués par la Sempel sur le terrain occupé par Scott par nature (nivellement, électricité, infrastructure, constructions, etc.) ainsi que le coût réel de ceux-ci, une ventilation de l'utilisation des fonds correspondant aux emprunts contractés par la Sempel,

- les différents contrats de vente passés, incluant en particulier les prix de cession entre la ville d'Orléans et les six autres entreprises ayant acheté des terrains sur les 20 ha restants. À cet égard, la Commission rappelle que, dans leur lettre du 2 juin 1999, les autorités françaises ont expressément déclaré qu'"[elles] ne sont pas disposées à communiquer à la Commission les documents qu'elle demande (convention collectivités locales - Sempel, contrats de vente des autres entreprises) dans la mesure où il s'agit de documents extérieurs au dossier, et pour certaines d'entre eux de nature privée",

- des factures et des détails concernant toutes les autres entreprises de la région qui profitent ou auraient profité du même "rabais" sur la redevance d'assainissement que celui offert à Scott Paper.

(98) Conformément à la jurisprudence Pleuger, "[c]'est seulement lorsque l'État membre omet, nonobstant l'injonction de la Commission, de fournir les renseignements sollicités, que celle-ci a le pouvoir de mettre fin à la procédure et de prendre la décision constatant la compatibilité ou l'incompatibilité des aides avec le Marché commun sur la base des éléments dont elle dispose" (63). Cette possibilité pour la Commission de prendre une décision sur la base des renseignements disponibles si un État membre omet de se conformer à une injonction de fournir des informations a ensuite été codifiée dans l'article 13, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 (devenu article 88) du traité CE (64) (règlement de procédure sur les aides d'État ci-après dénommé "règlement de procédure").

(99) C'est pourquoi la Commission doit fonder son appréciation sur les renseignements disponibles, en particulier en ce qui concerne l'estimation de la valeur des mesures d'aide, le prix du marché pour des terrains comparables et le tarif préférentiel de la redevance d'assainissement.

7.2. Base juridique

7.2.1. Prix préférentiel du terrain

(100) Scott fait valoir que le prix préférentiel du terrain a été accordé en tant qu'aide indirecte sur la base de la loi 82-6 et qu'il ne fait aucun doute que cette loi a été envoyée à la Commission en 1982. Scott ajoute, en faisant référence à l'affaire C-312-90, Espagne contre Commission (65), que même si la loi 82-6 ne lui a pas été officiellement notifiée en 1982, la Commission en a reçu copie, de sorte qu'elle était dans l'obligation d'intervenir avec diligence, aussi bien en ce qui concerne la constitution du dossier que l'examen provisoire de celui-ci, faute de quoi la loi 82-6 pouvait être mise en application par la France au motif que, conformément aux principes définis dans l'arrêt rendu dans l'affaire Lorenz (66), elle était devenue une aide existante.

(101) Cette position doit être rejetée, notamment pour les trois raisons suivantes:

(102) Premièrement, en effet, les autorités françaises n'ont jamais invoqué cette loi comme étant la base juridique de la mesure en cause. Bien que les observations des tiers, y compris celles de Scott, aient été communiquées dans leur intégralité aux autorités françaises, ces dernières n'ont jamais fait référence à cette loi dans leur correspondance avec la Commission. Les collectivités n'ont pas non plus cité cette loi dans l'accord qu'elles ont conclu avec Scott mais elles ont déclaré, d'une manière générale, que "[l]e présent protocole est conclu conformément aux dispositions légales et réglementaires régissant les pouvoirs des collectivités territoriales" (67). En outre, les collectivités n'ont jamais fait référence à cette loi dans les délibérations du Conseil municipal de 1994.

(103) Deuxièmement, même en supposant que la mesure concernée ait été accordée sur la base de la loi 82-6, il n'en reste pas mois que cette loi ne constitue pas une aide existante au sens de l'arrêt dans l'affaire Lorenz, comme le prétend Scott.

(104) En vertu de l'arrêt dans l'affaire Lorenz, l'article 88, paragraphe 3, a pour effet que, si la Commission, après avoir été informée par un État membre d'un projet tendant à instituer une aide, a omis de prendre position, cet État peut, à l'expiration d'un délai de deux mois, mettre l'aide projetée à exécution à condition qu'il en ait été donné préavis à la Commission, cette aide relevant ensuite du régime des aides existantes (ci-après dénommée "la règle Lorenz" (68).

(105) En l'espèce, les autorités françaises n'ont jamais soutenu devant la Commission que cette loi aurait dû être notifiée. Scott ne prétend pas non plus que l'aide a été officiellement notifiée, mais elle précise que "[l]a France a fait savoir à Scott que [...] cette loi 82-6 a été adressée à la Commission en 1982" (69). Or, ni les autorités françaises ni Scott n'ont fourni à la Commission de preuves écrites que cette loi lui avait bien été envoyée. Quoi qu'il en soit, et contrairement à ce que soutient Scott, la règle Lorenz ne s'applique pas lorsqu'une mesure n'a pas été notifiée officiellement.

(106) À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à sa pratique telle qu'elle est fixée dans l'article 2 du règlement de procédure, la Commission informe aussitôt l'État membre concerné de la réception d'une notification. Faute de recevoir cette information, les autorités françaises auraient dû prendre à nouveau contact avec la Commission afin de vérifier que celle-ci avait bien reçu ladite notification.

(107) Il convient également de faire observer que la citation rapportée par Scott (70), selon laquelle, même si une mesure d'aide n'a pas été officiellement notifiée à la Commission, celle-ci est dans l'obligation d'intervenir avec diligence, tant en ce qui concerne la constitution du dossier qu'en ce qui concerne l'examen provisoire de celui-ci, faute de quoi la mesure est régie par la règle Lorenz, est sortie de son contexte. D'une part, en effet, cette citation est extraite des conclusions de l'Avocat général Van Gerven et non de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes. D'autre part, cette déclaration est faite dans une note de bas de page commentant le délai dans lequel la Commission doit examiner une aide qu'elle a elle-même découverte ou à la suite des plaintes déposées par des entreprises intéressées.

(108) L'Avocat général Van Gerven souligne en effet que, "[e]n ce qui concerne les nouvelles aides non notifiées, la Commission n'est pas tenue de clôturer son enquête préalable dans un délai de deux mois. [...] Cela n'empêche évidemment pas que la Commission doive alors également intervenir avec diligence, aussi bien en ce qui concerne la constitution du dossier que l'examen provisoire de celui-ci." Cette phrase signifie que, lorsque la Commission enquête effectivement sur un dossier d'aide, soit à la suite d'une plainte, soit d'office, elle doit intervenir avec diligence, mais elle n'implique nullement que, en l'absence de notification, la règle Lorenz s'applique dans tous les cas.

(109) À cet égard, il convient de rappeler que, à la suite de la plainte déposée en décembre 1996, la Commission a constitué le présent dossier et procédé à son examen provisoire, à l'issue duquel elle a décidé, en mai 1998, d'ouvrir une enquête approfondie.

(110) En dernier lieu, pour ce qui est de la règle Lorenz, ni les autorités françaises ni Scott n'ont fait valoir que les premières avaient donné préavis à la Commission avant de mettre à exécution la loi 82-6. Sans ce préavis, une mesure d'aide ne relève pas du système applicable aux aides existantes en vertu de la règle Lorenz.

(111) Troisièmement, même si la Commission a traité le décret 82-809 (71), qui est basé sur l'article 4, quatrième alinéa, de la loi 82-6 (72), en tant qu'aide existante sans notification préalable, cela n'implique pas que l'article 4, sixième alinéa, constitue une aide existante (73).

(112) En effet, au moment où la mesure a été accordée, l'article 4 de la loi 82-6 approuvant le plan intérimaire 1982-1983 du 7 janvier 1982 (74) disposait que: "Les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que les régions peuvent, lorsque leur intervention a pour objet la création ou l'extension d'activité économique accorder des aides directes ou indirectes à des entreprises dans les conditions ci-après:

Les aides directives revêtent la forme de primes régionales à la création d'entreprises, de primes régionales à l'emploi, de bonifications d'intérêt ou de prêts et avances à des conditions plus favorables que celles du taux moyen des obligations. Les aides directes sont attribuées par la région dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'État: ce décret déterminera notamment les règles de plafonds et de zones indispensables à la mise en œuvre de la politique nationale d'aménagement du territoire et compatibles avec les engagements internationaux de la France.

Ces différentes formes d'aides directes peuvent être complétées par le département, les communes ou leurs groupements, lorsque l'intervention de la région n'atteint pas le plafond fixé par le décret mentionné à l'alinéa précédent.

Les aides indirectes peuvent être attribuées par les collectivités territoriales ou leurs groupements, ainsi que par les régions, seuls ou conjointement.

La revente ou la location de bâtiments par les collectivités locales, leurs groupements et les régions doit se faire aux conditions du marché. Toutefois, il peut être consenti des rabais sur ces conditions, ainsi que des abattements sur les charges de rénovation de bâtiments industriels anciens, suivant les règles de plafond et de zones prévues par le décret mentionné au deuxième alinéa.

Les autres aides indirectes sont libres.

Les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que les régions déterminent la nature et le montant des garanties imposées, le cas échéant, aux entreprises bénéficiaires de l'aide ainsi qu'à leurs dirigeants.

En outre, des actions de politique agricole, industrielles peuvent être entreprises par les collectivités territoriales, leurs groupements ainsi que par les régions dans le cadre de conventions conclues par eux avec l'État et fixant les modalités des aides qu'ils peuvent consentir.

La présente loi sera exécutée comme loi de l'État."

(113) En vertu de l'article 4 de la loi 82-6 et de la doctrine française (75), le droit national français semble distinguer trois types d'aides. Il y a d'abord les mesures d'aide directes, dont les conditions doivent être fixées par un décret en Conseil d'État (ci-après dénommées "aides directes") (76) et dont seules peuvent bénéficier les régions assistées. Viennent ensuite les mesures d'aide indirectes concernant l'immobilier d'entreprise (ci-après dénommées "aides indirectes de type I" (77), pour lesquelles des règles de plafonds et de zones doivent être prévues par le même décret, autrement dit, seules les régions assistées peuvent y prétendre. Arrivent enfin les "autres aides indirectes", qui n'exigent pas de mesures d'exécution supplémentaires et qui sont "libres" (ci-après dénommées "aides indirectes de type II"), c'est-à-dire indépendantes du fait que la région est ou non assistée (78).

(114) Le décret 82-379 fixe les modalités de mise en œuvre des aides directes. Il a été notifié en tant que base juridique du régime français de subvention à l'aménagement régional. Ce régime a été autorisé par la décision 85-18-CEE de la Commission du 10 octobre 1984 concernant la délimitation des zones pouvant bénéficier du régime de la prime d'aménagement du territoire en France (79). Le décret 82-379 cite l'article 4 de la loi 82-6 comme base juridique. Or, l'article 4 de la loi 82-6 n'a pas été notifié directement à la Commission.

(115) Le décret 82-809 fixe les modalités de mise en œuvre des aides indirectes de type I, c'est-à-dire les aides à l'immobilier. Il cite l'article 4 de la loi 82-6 comme étant sa base juridique. Même si ce décret n'a jamais été notifié à la Commission (80), celle-ci a considéré jusqu'à ce jour que ce régime constituait une aide existante.

(116) En l'espèce, les mesures concernées, à savoir: a) la création d'une usine-entrepôt, et b) l'aménagement du terrain, doivent être considérées comme des aides indirectes au sens de l'article 4, cinquième et sixième alinéas, de la loi 82-6. À cet égard, il y a lieu de noter que la distinction entre aides directes et aides indirectes demeure étrangère au droit communautaire. Le présent exercice de classification de mesures concernées n'est destiné qu'à déterminer si ces mesures peuvent être considérées comme relevant de la loi 82-6.

(117) En ce qui concerne la mesure a), à savoir les coûts liés à la création d'une usine-entrepôt, celle-ci doit être considérée comme constituant une aide indirecte de type I au sens du droit français, autrement dit une mesure dont les modalités de mise en œuvre doivent être fixées par le décret 82-809 et à laquelle ne peuvent prétendre que les régions assistées.

(118) Indépendamment du fait que la Commission, à la date de la création de l'usine-entrepôt, a estimé que le décret 82-809 constituait une aide existante, la mesure a) ne relève pas, de toute façon, dudit décret étant donné que le Loiret n'est pas une région assistée. D'ailleurs, l'article 2 du décret 82-809 dispose que: "En sus de l'aide accordée en vertu de l'article précédent, dans les zones énumérées à l'annexe I du décret du 6 mai 1982 susvisé [décret 82-379] et afin de favoriser la création ou l'extension d'activités économiques, les collectivités territoriales, leurs groupements ou les régions peuvent, seuls ou conjointement, accorder des rabais sur le prix de vente ou de location des immeubles, qu'elles cèdent ou louent aux entreprises, dans la limite de 25 pour cent de la valeur vénale des bâtiments ou des loyers correspondant à cette valeur évaluée aux conditions du marché."

(119) L'annexe I du décret 82-379 énumère les zones classées pour les projets industriels. Toutefois, d'après l'annexe II dudit décret, le département du Loiret est exclu du bénéfice de la prime en totalité. Dès lors, les coûts liés à la création d'une usine-entrepôt ne relèvent pas du décret 82-809. La mesure a) doit donc être considérée comme une aide nouvelle, que les autorités françaises auraient dû notifier à la Commission conformément à l'article 88, paragraphe 3.

(120) Pour ce qui est de la mesure b), à savoir l'aménagement du terrain, cette mesure doit être considérée comme une aide indirecte de type II au regard du droit français. Cette mesure est basée directement sur l'article 4, sixième alinéa, de la loi 82-6. Il convient de rappeler sur ce point que cette base juridique n'exige aucune modalité de mise en œuvre supplémentaire et s'applique dans toutes les régions.

(121) Comme il est dit dans le considérant 105, l'article 4 de la loi 82-6 n'a jamais été notifié. On ne saurait déduire que l'article 4, sixième alinéa, doit constituer une aide existante du seul fait que la Commission a autorisé le régime français de subventions à l'aménagement régional, basé sur le décret 82-379, qui renvoie, à son tour, à l'article 4, deuxième alinéa, non notifié. On ne saurait non plus prétendre que l'article 4, sixième alinéa, doit constituer une aide existante au seul motif que la Commission a estimé que le décret n° 82-809, qui est basé sur l'article 4, cinquième alinéa, était une aide existante. La mesure b) doit donc être considérée comme une aide nouvelle, que les autorités françaises auraient dû notifier à la Commission conformément à l'article 88, paragraphe 3.

7.2.2. Tarif préférentiel de la redevance d'assainissement

(122) Le calcul de l'assiette de la redevance d'assainissement est basé sur la circulaire interministérielle du 12 décembre 1978 (81). La fixation du montant de la redevance d'assainissement est librement décidée par l'assemblée délibérante de la ville depuis le 1er janvier 1986 (82). Le coefficient de dégressivité est basé sur l'article R. 372 du code des communes (83). Aucune de ces bases juridiques n'a été notifiée à la Commission comme le prévoit l'article 88, paragraphe 3, du traité CE.

7.3. Aide au sens de l'article 87, paragraphe 1

7.3.1. Prix préférentiel du terrain

(123) La question se pose de savoir si le prix du terrain accordé à Scott constitue un prix préférentiel qui tombe sous le coup de l'intervention de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

(124) Aux termes dudit article, une aide est incompatible avec le Marché commun, dans la mesure où elle affecte les échanges entre les États membres, si elle est accordée par l'État ou au moyen de ressources d'État - sous quelque forme que ce soit - et qu'elle fausse ou menace de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

(125) Ainsi, le prix préférentiel d'un terrain tombe sous le coup de l'interdiction de l'article 87, paragraphe 1, lorsqu'il réunit les trois éléments suivants:

a) il a été accordé par l'État ou au moyen de ressources d'État;

b) il est à l'avantage de certaines entreprises et/ou de certaines productions;

c) il fausse la concurrence entre les entreprises favorisées et des entreprises et/ou des productions similaires, les produits concernés faisant l'objet d'échanges intracommunautaires.

7.3.1.1. Aide accordée par l'État ou au moyen de ressources d'État

(126) En ce qui concerne le premier critère, c'est-à-dire l'octroi de la mesure par l'État ou au moyen de ressources d'État, sont visés les avantages consentis tant directement, c'est-à-dire par les pouvoirs publics eux-mêmes, qu'indirectement, par l'entremise d'organismes ne relevant pas à proprement parler de la structure étatique. Dans la première hypothèse, le concept d'État doit être pris dans son sens le plus large, comprenant les organes du pouvoir central mais également ceux des collectivités territoriales décentralisées à quelque niveau que celles-ci se situent (84). Dans la seconde hypothèse, des organismes publics ou même parfois privés sont chargés de mettre en œuvre l'octroi d'aides d'État, l'important étant que les aides en question soient imputables à l'État.

(127) Le critère de l'imputabilité vise à déterminer si les organismes en question agissent de manière autonome ou si leur conduite est au contraire dictée par l'État en vertu d'un pouvoir de contrôle ou d'une influence déterminante qu'il exercerait à leur égard (85). Le second critère permet quant à lui de vérifier si l'aide a effectivement été financée, que ce soit directement ou même indirectement, au moyen de ressources d'État (86).

(128) Dans le cas présent, c'est la Sempel qui a vendu le terrain en question à Scott à un prix préférentiel. La question se pose donc de savoir si a) ce prix préférentiel est imputable à l'État, c'est à dire aux collectivités dans le sens le plus large de l'État, et b) s'il a été financé par celles-ci.

(129) Le prix préférentiel doit être considéré comme imputable aux collectivités pour les raisons suivantes:

(130) Premièrement, le protocole d'accord a été conclu entre Scott et les collectivités. Il découle de l'article 2 dudit protocole que ce sont les collectivités, par l'intermédiaire de la Sempel, qui ont réalisé les aménagements du terrain (87). À cette fin, la ville a vendu à la Sempel les terrains, objet de l'opération d'aménagement pour la somme de un franc (88).

(131) Deuxièmement, la Sempel est une entreprise contrôlée par les collectivités locales et régie par le droit privé. En effet, les collectivités doivent détenir au moins la moitié du capital dans la limite de 80 % de celui-ci (89). Il résulte de la loi 83-597 du 7 juillet 1983 que les sociétés relevant de cette législation sont des personnes morales de droit privé associant des collectivités territoriales (régions, départements et communes) et leurs groupements à des personnes privées et éventuellement à d'autres personnes publiques pour réaliser des opérations d'aménagement et de construction, pour exploiter des services publics industriels et commerciaux ou pour toute autre activité d'intérêt général.

(132) En troisième et dernier lieu, le prix du terrain et de l'usine-entrepôt a été fixé par les collectivités. C'est ce qui ressort de deux documents. D'une part, en effet, l'article 4 du protocole d'accord entre Scott et les collectivités fixe le prix de cession de l'usine-entrepôt et des terrains d'assiette à Scott à un montant de 31 millions de FRF (90). D'autre part, le point 12.3 de la convention Sempel fixe le même prix (91).

(133) Le prix préférentiel doit aussi être considéré comme financé par les collectivités. En effet, selon le point 12.1 de la convention Sempel, le projet est financé par les collectivités par le paiement des annuités des emprunts contractés par la Sempel pour cette fin (92).

(134) Par conséquent, il résulte de ce qui précède que la conduite de la Sempel doit être considérée comme dictée par les collectivités en vertu d'une influence déterminante qu'elles exerceraient à son égard et que les prix préférentiels ont été financés par les collectivités. Ainsi la première condition de l'article 87, paragraphe 1, est remplie.

7.3.1.2. À l'avantage de Scott

7.3.1.2.1. Communication de la Commission concernant les éléments d'aide d'État contenus dans des ventes de terrains et de bâtiments par les pouvoirs publics

(135) En ce qui concerne le deuxième critère, c'est-à-dire un avantage pour certaines entreprises ou certaines productions, la Commission estime qu'une vente de terrain ne constitue pas un avantage sélectif au sens de l'article 87, paragraphe 1, si le terrain est vendu à la valeur du marché. La Commission a publié la communication à cet effet (93). Bien que la vente du terrain en cause dans la présente affaire remonte à 1987, soit dix ans avant la publication de cette communication, ce sont les mêmes principes qui s'appliquent puisque la communication était une clarification d'une politique qui, à l'époque, s'était dégagée sur une période de plus de dix ans. Il faut néanmoins garder présent à l'esprit le fait que, au moment de cette vente, la jurisprudence en la matière était encore limitée.

(136) La communication décrit deux procédures de vente qui excluent automatiquement tout élément d'aide d'État (vente dans le cadre d'une procédure d'offre inconditionnelle ou sur base d'une évaluation du bien par un expert indépendant préalablement aux négociations afin d'en fixer la valeur marchande) et indique les transactions qui doivent être notifiées à la Commission. En l'espèce, aucune évaluation du terrain n'a été réalisée lors de la vente à Scott. La question se pose toutefois de savoir si la manière dont la parcelle a été vendue remplit les critères de la vente dans le cadre d'une procédure d'offre inconditionnelle.

(137) Les autorités françaises allèguent que, dans la mesure où, en 1987, la Commission n'avait pas encore clarifié sa politique, leur désignation d'un consultant en France et aux États-Unis pour faire la promotion de la région (considérants 73 à 88) doit être considérée comme remplissant la condition suivant laquelle la procédure d'offre doit avoir fait l'objet d'une "publicité suffisante" au sens de la communication, telle qu'elle aurait pu être appréciée à l'époque. Scott soutient cette position (considérant 57).

(138) Cette thèse ne saurait être retenue.

(139) Aux termes de la communication, une offre a fait l'objet d'une "publicité suffisante" lorsqu'elle a paru à plusieurs reprises pendant suffisamment longtemps (au moins deux mois) dans la presse nationale, les revues immobilières ou d'autres publications appropriées (les projets de vente de terrains et de bâtiments d'une valeur élevée doivent être annoncés dans des publications ayant une diffusion au niveau international) et qu'elle a été annoncée par des agents immobiliers s'adressant à un large éventail d'acquéreurs potentiels, de telle sorte que tous ces acheteurs potentiels ont ainsi pu être informés (94).

(140) Même si on ne peut s'attendre à ce que la publicité faite à l'époque de cette vente ait respecté à la lettre la communication, les principes de base tels qu'ils ont été énoncés dans la jurisprudence doivent être respectés, autrement dit l'offre d'achat d'un site industriel et d'une usine-entrepôt doit avoir fait l'objet d'une large diffusion a) dans la presse nationale et internationale, et b) par l'intermédiaire d'agents immobiliers. À cet égard, la Commission souligne que le recours à un seul des deux modes de publicité d'une vente de terrain ne suffit pas et qu'il faut une combinaison des deux pour que tous les acheteurs potentiels puissent être informés de cette offre.

(141) À titre liminaire, il y a lieu de faire remarquer que les principes dégagés dans l'affaire Fresenius évoquée par les autorités françaises ne sont pas applicables. Dans cette affaire, en effet, le terrain en cause avait fait l'objet d'une évaluation, alors que tel n'est pas le cas en l'espèce. Si la communication n'a pas été suivie à la lettre dans l'affaire Fresenius, c'est parce que les faits se sont déroulés en 1994 et que la communication n'a été publiée qu'en 1997. Toutefois, et c'est l'une des conditions requises dans la présente affaire, le principe de base posé par la communication en ce qui concerne les ventes dans le cadre d'une procédure d'offre inconditionnelle a été respecté, à savoir la réalisation d'une évaluation par un expert indépendant, un certain écart par rapport au prix ayant été jugé conforme aux conditions de marché.

(142) Les autorités françaises ont fait une longue description des mesures de publicité prétendument prises par ADEL et RDI (considérants 73 à 88). Pourtant, malgré l'injonction de fournir des informations qui exigeait expressément une description détaillée ainsi que des preuves de la publicité donnée à la vente en France et en Europe, les autorités françaises n'ont produit que deux documents à l'appui de leurs allégations.

(143) Le premier document, intitulé "Orléans, environnement pour hommes d'affaires" (95), présente le Loiret dans les termes suivants: (I) French government and Development of the Free-enterprise system; (II) Political risk and union activity in Loiret; (III) Infrastructure; (IV) Industrial network et (V) Orleans Economic Policy. Or, nulle part dans ce document ne sont mentionnés la création du parc d'activité de La Saussaye ni le fait qu'un terrain et une usine-entrepôt sont à vendre. Ce document ne peut donc être considéré comme remplissant les critères d'une offre ayant fait l'objet d'une "publicité suffisante" au sens où la Commission l'entend dans sa pratique constante, telle que codifiée par la communication.

(144) Le second document est une lettre du cabinet DML à Scott, datée du 17 décembre 1999. Cette lettre décrit les modalités de recherche des investisseurs potentiels pour les sites disponibles dans le Loiret en 1985-1986 (considérants 79 à 84). Il n'est néanmoins pas nécessaire d'examiner si les modalités décrites réunissent les critères d'une offre ayant fait l'objet d'une "publicité suffisante" au sens de la communication, étant donné que, à la fin de sa lettre, DML confirme expressément qu'il n'a pas été impliqué dans l'établissement de Scott dans la région en 1987: "enfin, nous vous confirmons que DML n'a pas été impliqué et n'est pas intervenu dans l'identification et l'implantation du projet d'investissement Scott Paper à Orléans". La description qui figure dans cette lettre est donc sans intérêt et son auteur incompétent pour se prononcer sur la question de savoir si le terrain et l'usine-entrepôt vendus à Scott ont fait l'objet d'une "publicité suffisante" avant leur vente à cette entreprise.

(145) En ce qui concerne la description des mesures de publicité prises par ADEL et RDI (considérants 73 à 88), au sujet desquelles aucune preuve n'a été produite, la Commission remarque que la parcelle de terrain n'a fait l'objet d'aucune publicité dans la presse nationale ou internationale comme l'exige la communication [condition a) telle qu'énoncée au considérant 140]. Pour ce qui est de la condition b), à savoir des agents immobiliers s'adressant à un large éventail d'acquéreurs potentiels, les efforts du consultant RDI ont surtout été axés sur le marché américain, en particulier l'État du Michigan (considérant 77). L'allégation selon laquelle DML et Associés a été recruté par le département "pour mener la même démarche auprès d'investisseurs potentiels européens et extra-européens situés dans la région parisienne" est en contradiction totale avec la déclaration de DML suivant laquelle ce cabinet n'a jamais été impliqué dans l'implantation de Scott sur le site considéré.

(146) La Commission manque également d'informations quant à ce qui a réellement fait l'objet d'une publicité. Il semble ressortir du document intitulé "Orléans environnement pour hommes d'affaires", que les activités de marketing des collectivités visaient à promouvoir la région du Loiret en général et non le site et l'usine-entrepôt en particulier. Or, pour que les conditions prévues dans la communication soient respectées, la publicité aurait dû préciser le site, notamment les aménagements et la construction de l'usine-entrepôt. Le site et l'usine-entrepôt auraient alors été vendus, conformément à la pratique constante de la Commission, telle que codifiée par la communication, à la suite d'une procédure d'offre ouverte et inconditionnelle, qui s'apparente à une vente publique et s'effectue, par définition, à la valeur du marché et, partant, ne recèle pas d'aide d'État.

(147) En l'espèce, au contraire, il ressort de l'accord conclu entre Scott et les collectivités que l'opération a été conçue "sur mesure", pour répondre aux souhaits de Scott. En effet, l'article 2 du protocole d'accord en question dispose que les aménagements nécessaires du terrain doivent être réalisés selon le cahier des charges de Scott et qu'un atelier de transformation et entrepôt de 30 000 m2 doit être construit (96).

(148) Il découle des considérations qui précèdent que les mesures de marketing prises par les collectivités ne sauraient être considérées comme remplissant les conditions d'une vente réalisée dans le cadre d'une procédure d'offre inconditionnelle au sens où la Commission l'entend dans sa pratique constante, telle que codifiée par la communication. Par conséquent, étant donné qu'aucune des deux procédures de vente n'a été appliquée à la vente du terrain en cause, on ne peut exclure le fait que la vente recèle des éléments d'aide d'État en faveur de Scott.

7.3.1.2.2. Principe de l'investisseur privé

(149) La Commission estime que la vente d'un terrain public ne constitue pas un avantage sélectif au sens de l'article 87, paragraphe 1, si un opérateur privé, se basant sur les possibilités de rentabilité prévisibles, abstraction faite de toute considération de caractère social ou de politique régionale ou sectorielle, avait investi dans ce terrain puis revendu la parcelle au même prix que celui demandé par les collectivités locales (97).

(150) En conséquence, et contrairement à la thèse défendue par les autorités françaises, la Commission, dans son appréciation visant à déterminer si, dans le cas présent, les pouvoirs publics se sont comportés comme un bailleur de fonds agissant dans des conditions économiques normales, ne peut prendre en considération l'importance que revêtent pour les autorités locales, la promotion et le développement de l'économie locale. Des recettes fiscales éventuelles ne sauraient non plus être prises en compte à cet effet ainsi qu'il découle de la décision 96-631-CE de la Commission (98).

(151) Cette conclusion n'est pas en contradiction avec la décision de la Commission dans l'affaire Daimler-Benz (99), contrairement à ce que prétendent les autorités françaises (considérant 72). Il découle clairement de cette décision que la Commission a conclu que le prix proposé pour la vente du site ne contenait aucun élément d'aide étant donné que Daimler-Benz devait acquérir des terrains agricoles inutilisables au prix du marché pour ce type de terrains dans la région et que l'entreprise supporterait ensuite seule les dépenses d'aménagement de ces terrains (100).

(152) Dans sa décision Daimler-Benz, la Commission a estimé que certaines dépenses de raccordement (égouts, électricité, eau, etc.) ne constituaient pas une aide puisque l'entreprise y contribuerait par le biais des impôts locaux. Ces dépenses de raccordement sont des exemples d'infrastructures générales qui sont normalement financées sur les budgets de l'État ou des collectivités locales. Elles constituent donc des mesures générales, sous réserve que les infrastructures ne soient pas réalisées exclusivement dans l'intérêt d'une ou de plusieurs entreprises. Contrairement à la thèse des autorités françaises, rien n'indique dans la décision que ces dépenses de raccordement étaient supportées spécifiquement dans l'intérêt de Daimler-Benz et perdaient dès lors leur caractère général. En ce qui concerne le coût de démolition mentionné dans la décision Daimler-Benz, la Commission a conclu que cette mesure ne constituait pas une aide, parce qu'il s'agissait d'une dépense que tous les propriétaires fonciers devaient supporter avant de pouvoir vendre un terrain (101).

(153) Conformément à son raisonnement dans la décision Daimler-Benz, la Commission exclut de l'évaluation de l'aide en l'espèce le coût d'un collecteur public d'eaux usées. Les autorités françaises ont en effet démontré que ce collecteur n'est pas destiné exclusivement à Scott, mais bénéficie à l'ensemble de la collectivité (considérants 168 à 172).

(154) L'argument des autorités françaises suivant lequel il n'y avait pas de marché pour les terrains industriels situés en zone rurale à l'époque de la vente du terrain doit être rejeté. Il résulte, sans ambiguïté possible, des observations présentées par Scott, en sa qualité de tiers, que la zone industrielle de La Saussaye était en concurrence directe, dans un premier temps, avec au moins huit autres sites, puis avec quatre sites présélectionnés (voir notamment le considérant 51).

(155) À cet égard, il convient de rappeler que seuls les projets pour lesquels la Commission considère qu'il n'existait pas de raisons objectives ou de bonne foi d'escompter raisonnablement un taux de rendement approprié au moment où la décision d'investissement a été prise peuvent être traités comme aides d'État (102).

(156) Il résulte de l'accord conclu entre les collectivités et Scott (article 4) que, au moment de la vente, les collectivités savaient que les opérations d'aménagement du terrain et la construction d'une usine-entrepôt coûteraient au moins 80 millions de FRF (12,2 millions d'euros) et que Scott verserait 31 millions de FRF (4,7 millions d'euros) pour l'achat de la parcelle: "Pour permettre l'implantation de Scott dans le cadre de ce projet devant se dérouler en plusieurs phases, les collectivités s'engagent à aménager les terrains d'assiette de la zone industrielle de La Saussaye et de La Planche, pour un montant maximal de 80 millions de francs français.

Dans une première phase, ces aménagements sont estimés à 50 millions de francs français, étant entendu que Scott réalisera dans les conditions visées à l'article 2 ci-dessus, une usine (atelier de transformation et entrepôt) d'environ 30000 m2 qui fera l'objet d'un achat à la Sempel pour un montant de 31 millions de francs français [...]".

(157) Si on inclut le coût du terrain, soit 10,9 millions de FRF (1,7 million d'euros), les collectivités savaient à la date de le conclusion de leur contrat avec Scott que la perte s'élèverait à au moins 60 millions de FRF (9,2 millions d'euros) (10,9 + 80 - 31) (considérants 168 à 172). En conséquence, il doit être hors de doute que la mise à disposition de ressources publiques n'a d'autre explication plausible que l'octroi d'une aide d'État. L'autre solution offerte aux collectivités aurait été de ne pas vendre la parcelle et de perdre dès lors les 10,9 millions de FRF (1,7 million d'euros) investis au départ. Sur ce point, il convient de rappeler qu'un investisseur privé cherche non seulement à maximiser son profit mais aussi à limiter ses pertes.

(158) À cet égard, les autorités françaises font valoir que le terrain vendu à Scott l'a été aux prix du marché. Selon elles, l'écart entre le prix payé par Scott pour 48 ha, soit 65 FRF/m2 (9,9 euros/m2), et le prix moyen de 72 FRF/m2 (11 euros/m2), que la ville a obtenu entre 1990 et 1994 pour la vente de 2,8 ha sur les 20 ha restants, était justifié par des économies d'échelle.

(159) La Commission ne partage pas ce point de vue.

(160) D'une part, en effet, malgré l'injonction de fournir des informations qui leur a été adressée, les autorités françaises ont refusé de justifier le prix payé pour le reste du terrain en produisant une copie des contrats de vente. Faute de disposer de ces contrats, la Commission ne peut vérifier l'exactitude des prix allégués.

(161) D'autre part, il y a lieu de rappeler que la situation dans laquelle se trouvaient les collectivités au moment de la vente du terrain restant et déjà aménagé n'était pas la même qu'à la date de la vente à Scott. En ce qui concerne la première, les coûts d'aménagement du terrain étaient déjà des dépenses à fonds perdu, et un investisseur privé pourrait très bien arguer qu'il valait mieux vendre les 2,8 ha que de ne pas les vendre du tout. Ce raisonnement ne s'applique toutefois pas à la situation des collectivités lorsqu'elles ont pris la décision d'investir 80 millions de FRF (12,2 millions d'euros) dans des opérations d'aménagement du terrain en ayant connaissance du prix que Scott était disposé à payer, soit 31 millions de FRF (4,7 millions d'euros), sans oublier le coût initial du terrain, c'est-à-dire 10,9 millions de FRF (1,7 million d'euros).

(162) Les autorités françaises objectent (considérants 67 à 71) qu'un prix qui ne couvre pas tous les frais peut néanmoins constituer le prix du marché. C'est ainsi qu'elles indiquent que le prix auquel KC a vendu le site industriel de La Saussaye et les usines à P & G en 1998 ne lui a pas permis de couvrir tous les coûts. Pourtant ce prix doit être considéré comme le prix du marché. Les autorités françaises ajoutent (considérant 72) que la valeur marchande du terrain et de l'usine-entrepôt en question devait probablement être de 31 millions de FRF (4,7 millions d'euros), parce que: a) Scott a vendu à P & G en 1998 au prix [...] ce qu'elle avait acheté à la Sempel en 1987 au prix de 31 millions de FRF (4,7 millions d'euros), et b) en appliquant un taux d'intérêt de 6 % pour calculer la valeur en 1987 de l'achat réalisé en 1998, la valeur du terrain en 1987 était de 15,4 millions de FRF (2,4 millions d'euros).

(163) Sans qu'il y ait lieu de vérifier l'exactitude des chiffres fournis par les autorités françaises en ce qui concerne les coûts supportés par KC pour le site de La Saussaye et le prix obtenu de P & G pour ce site (considérants 67 à 72), le raisonnement des autorités françaises doit être réfuté.

(164) D'une part, en effet, pour ce qui est de l'argument suivant lequel le prix du marché n'est pas tenu de couvrir tous les frais, la Commission souligne que KC se trouvait, en 1998, dans une situation très différente de celle des collectivités en 1987. En 1998, KC avait déjà investi dans le site en question, de sorte que ces coûts doivent être considérés comme à fonds perdu. Avant que P & G ne rachète ce terrain, KC avait déjà décidé de le fermer dans le cadre de ses opérations de restructuration mondiale. Tout porte à croire que l'exploitation du site en cause entraînait de très lourdes pertes pour KC (103). D'autre part, en 1998, le secteur du papier à usage domestique et sanitaire souffrait de surcapacités en Europe (104), et en France en particulier (105), alors qu'en 1987 il s'agissait d'un secteur en pleine croissance (considérant 182). Pour ces raisons, le prix payé par P & G pour ce terrain était probablement le meilleur prix que KC aurait pu obtenir pour une papeterie non rentable sur un marché souffrant de surcapacités, quelles qu'aient été les dépenses d'investissement. La question n'était donc pas de savoir si KC devait investir dans le site de La Saussaye mais ce qu'elle pouvait en obtenir compte tenu des investissements qu'elle avait déjà réalisés.

(165) En 1987, en revanche, les collectivités se trouvaient dans une situation où aucun investissement n'avait été réalisé, à l'exception de l'achat initial du terrain en question pour 10,9 millions de FRF (1,7 million d'euros). Conformément à ce qui est au considérant 157, lorsque les collectivités ont décidé d'aménager le terrain et de construire l'usine-entrepôt, elles savaient déjà que leur investissement se ferait au prix d'une perte de quelque 60 millions de FRF (9,2 millions d'euros). Un investisseur privé n'aurait pas donné suite à pareil investissement.

(166) Le même raisonnement s'applique au second argument des autorités françaises, à savoir que le prix du marché en 1987 était probablement celui que Scott a effectivement payé, soit 31 millions de FRF (4,7 millions d'euros), vu ce que P & G a payé en 1998 et ce même prix actualisé à sa valeur de 1987. Indépendamment du fait de savoir si [...] est un prix correct (les autorités françaises n'ont pas communiqué d'éléments de preuve attestant que cette somme correspond au terrain et au site que Scott a réellement achetés en 1987 et qu'il s'agit là du prix réellement payé pour ce site par P & G), la Commission renvoie à nouveau aux conditions qui prévalaient sur le marché en 1998 et qui ont été déterminantes pour le prix d'achat payé par P & G, par rapport à celles de 1987. Ces dernières conditions du marché sont confirmées par le fait que Scott était prête en 1987 à augmenter ses capacités en France. En dernier lieu, la Commission rejette l'argument suivant lequel le calcul d'actualisation simple consistant à ramener une valeur du marché en 1998 à sa valeur de 1987 donnerait une indication du prix du marché tel qu'il s'établissait en 1987.

(167) Il n'existait donc pas de raisons objectives ou de bonne foi pour que les collectivités escomptent raisonnablement de leur investissement, à savoir la transformation d'un terrain agricole en site industriel et la construction d'une usine-entrepôt avant la vente de la parcelle à Scott, un taux de rendement approprié au moyen du prix payé par Scott pour ce site. Le prix préférentiel auquel les collectivités ont vendu le site en question à Scott doit par conséquent être considéré comme constituant un avantage en faveur de cette entreprise.

7.3.1.2.3. Valeur de l'avantage

(168) Le problème qui se pose en l'espèce est d'établir avec certitude le coût lié à la cession du terrain concerné et ce que ce coût recouvre. En effet, en dépit de l'injonction de fournir des informations qui leur a été adressée, les autorités françaises n'ont pas fourni, comme la Commission de leur demandait, une ventilation et le détail: a) des travaux réellement effectués par la Sempel sur le site (nivellement, électricité, infrastructure, constructions, etc.), b) les coûts réels de ces travaux, et c) leur mode de financement effectif. La Commission doit donc limiter son appréciation aux seules informations dont elle a connaissance (106).

(169) Faute de disposer de ces informations détaillées, la Commission n'est pas à même de déterminer si, comme le prétend Scott, une partie de l'infrastructure pourrait relever des infrastructures qui sont normalement fournies sur le budget de l'État ou des collectivités locales et ne pas constituer, dès lors, une aide. Or, une telle infrastructure est susceptible de reveler de l'article 87, paragraphe 1, si des travaux sont réalisés dans l'intérêt d'une ou de plusieurs entreprises ou d'un certain type de produits. En l'espèce, l'aménagement du site doit être considéré comme bénéficiant à Scott exclusivement parce que cette entreprise est propriétaire et seule exploitante de l'infrastructure ainsi mise en place (107). Cela vaut en particulier pour l'usine-entrepôt, qui a été construite selon les instructions données par Scott (108).

(170) Il ressort du document intitulé Le bilan de liquidation: ZI La Saussaye & La Planche, en date du 26 juillet 1993, qui est le plus détaillé que les autorités françaises aient fourni, que le coût total supporté par la Sempel pour les opérations d'aménagement du terrain s'élève à quelque 140,4 millions de FRF (21,4 millions d'euros). À ce montant, il convient d'ajouter le coût du terrain initial, soit 10,9 millions de FRF (1,7 million d'euros).

(171) Il faut ensuite retrancher de ce montant 29,4 millions de FRF (4,5 millions d'euros) correspondant au coût financier des emprunts contractés par la Sempel (109), plus 8,3 millions de FRF (1,3 million d'euros), qui portent sur le remboursement de la TVA sur les opérations d'aménagement du terrain, ainsi que 13,6 millions de FRF (2,1 millions d'euros) représentant le coût d'un collecteur public d'eaux usées, dont les autorités françaises ont démontré qu'il n'était pas destiné exclusivement à Scott mais bénéficiait à l'ensemble de la collectivité, à savoir 25000 habitants ainsi qu'à d'autres entreprises (considérant 89).

(172) Le coût de l'opération de vente du terrain s'élève par conséquent à quelque 100 millions de FRF (15,2 millions d'euros). Le coût de l'opération qui se rapporte directement à Scott est de 48/68 du montant de 100 millions de FRF (15,2 millions d'euros), soit 70,588 millions de FRF (10,76 millions d'euros). Ce dernier montant, diminué des 31 millions de FRF (4,7 millions d'euros) que la Sempel a reçu de la part de Scott, donne une perte nette d'environ 39,58 millions de FRF (6,03 millions d'euros), ou en valeur actualisée, 80,77 millions de FRF (12,3 millions d'euros). En l'absence de ventilation détaillée des travaux effectués par la Sempel sur le terrain occupé par Scott par nature (nivellement, électricité, infrastructure, constructions, etc.) ainsi que d'indication du coût réel de ceux-ci, informations que les autorités françaises ont été invitées à fournir en vertu de l'injonction qu'elle leur a adressée, la Commission a considéré comme raisonnable et approprié de retenir le prorata de 48-68 sans tenir compte des éventuelles économies d'échelle. La valeur actualisée tient compte de l'application d'un taux d'intérêt à compter de la date d'octroi de l'aide illégale, c'est-à-dire à compter de la date de signature de l'accord Scott, jusqu'à son remboursement. Le taux de référence que la Commission utilise pour mesurer l'élément d'aide des subventions publiques en France est de 5,7 % depuis le 1er janvier 2000 (110).

7.3.1.3. Fausse la concurrence et affecte les échanges entre États membres

(173) Pour qu'une mesure tombe sous le coup de l'article 87, paragraphe 1, il faut aussi qu'elle fausse la concurrence et affecte les échanges entre États membres. Dans son arrêt dans l'affaire Philip Morris (111), la Cour de justice a défini ce critère de la manière suivante: "[l]orsqu'une aide financière accordée par l'État renforce la position d'une entreprise par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l'aide."

Dès lors, le produit en cause doit faire l'objet d'échanges entre les États membres, et l'aide doit renforcer la position du bénéficiaire de cette aide par rapport à ses concurrents.

(174) Dans la présente affaire, Scott produit en particulier des produits en papier à usage sanitaire (112). En 1987, la consommation apparente des articles de toilette et d'hygiène dans la Communauté s'élevait à 2427 milliers de tonnes, les exportations nettes à -132 milliers de tonnes et la production communautaire à 2295 milliers de tonnes (113). Le produit en cause fait donc l'objet d'échanges au moins à l'échelle de la Communauté. Cette conclusion est également étayée par le fait qu'avant l'implantation de l'usine sur le site de La Saussaye dans le Loiret, Scott approvisionnait la France à partir de ses usines d'Italie et de Belgique (considérant 50).

(175) Même si la production de papier à usage sanitaire dans l'usine de La Saussaye était destinée principalement au marché français et, partant, ne s'exportait pas, l'aide n'en fausserait pas moins la concurrence et affecterait quand même le commerce entre États membres, puisque Scott se trouve en concurrence avec des produits en provenance d'autres États membres (114). Une telle situation peut également se présenter lorsqu'il n'y a pas de surcapacité dans le secteur en cause (115). D'ailleurs, d'après le Panorama de l'industrie communautaire 1990 (116), le secteur en question était un des plus dynamiques de l'industrie communautaire au cours de la décennie 1980 à 1990 (croissance de production d'environ 5 % par an).

(176) Le fait que Scott ait pu acheter le site à un prix préférentiel a renforcé sa position par rapport à ses concurrents. L'aide en question était d'ailleurs destinée à aider Scott à s'implanter dans le Loiret et, partant, à augmenter sa part du marché français (considérant 50). Elle a donc diminué les coûts supportés par Scott pour cet investissement et lui a par conséquent conféré un avantage concurrentiel par rapport aux fabricants qui ont réalisé ou envisagent de réaliser un investissement similaire à leurs propres frais.

(177) Les autorités françaises font valoir que le temps que le plaignant a mis à faire connaître les faits à la Commission prouve que le préjudice subi par la concurrence est probablement inexistant (considérant 95).

(178) Cet argument doit être réfuté.

(179) D'une part, en effet, le renforcement possible de la position de Scott grâce au prix préférentiel qui lui a été appliqué pour l'achat du site doit être apprécié par rapport à la position détenue par tous ses concurrents d'une manière générale et pas seulement par rapport à celle du plaignant.

(180) D'autre part, le fait que le plaignant n'ait déposé sa plainte qu'en décembre 1996 ne prouve pas que le préjudice subi par la concurrence soit inexistant. La Commission rappelle que cette plainte a été déposée en décembre 1996 à la suite du rapport dans lequel la Cour des comptes française traitait des mesures d'aide alléguées et qui n'a été publié qu'en novembre 1996 (considérant 1).

(181) Il découle de ce qui précède que le prix préférentiel du terrain était susceptible d'affecter la concurrence à l'intérieur de la Communauté.

(182) En conclusion, étant donné que le prix préférentiel du terrain remplit les trois conditions prévues à l'article 87, paragraphe 1, puisque: i) a été accordé par l'État ou au moyen de ressources d'État, ii) il est à l'avantage de Scott, et iii) il fausse la concurrence entre Scott et des entreprises et/ou des productions similaires, le papier à usage sanitaire et domestique faisant l'objet d'échanges intracommunautaires, l'aide tombe sous le coup de l'interdiction énoncée à cet article.

7.3.2. Tarif préférentiel de la redevance d'assainissement

(183) Comme dans le cas du prix préférentiel du terrain, la question se pose de savoir si le tarif préférentiel de la redevance d'assainissement appliqué à Scott constitue un prix préférentiel qui tombe sous le coup de l'article 87, paragraphe 1.

(184) La Commission rappelle que, aux termes dudit article, une aide est incompatible avec le Marché commun, dans la mesure où elle affecte les échanges entre États membres, si elle est accordée par l'État ou au moyen de ressources d'État - sous quelque forme que ce soit - et qu'elle fausse ou menace de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

(185) Ainsi, le tarif préférentiel de la redevance d'assainissement tombe sous le coup de l'article 87, paragraphe 1, s'il réunit les trois éléments suivants:

a) il a été accordé par l'État ou au moyen de ressources d'État;

b) il est à l'avantage de certaines entreprises et/ou de certaines productions;

c) il fausse la concurrence entre les entreprises favorisées et des entreprises et/ou des procutions similaires, les produits concernés faisant l'objet d'échanges intracommunautaires.

7.3.2.1. Aide accordée par l'État ou au moyen de ressources d'État

(186) Il convient de rappeler que le concept d'État comprend les organes du pouvoir central mais également ceux des collectivités territoriales décentralisées à quelque niveau que celles-ci se situent (117) (considérants 125 à 134).

(187) Le tarif préférentiel de la redevance d'assainissement a été accordé par la ville en deux étapes.

(188) Dans un premier temps, à l'article 7 de l'accord Scott, la ville s'est expressément engagée à appliquer à Scott un tarif préférentiel pour la redevance d'assainissement (considérants 191 à 203).

(189) Dans un second temps, conformément à cet accord, la ville a adopté le 16 décembre 1988, une décision concernant les nouveaux tarifs de la redevance d'assainissement pour 1989.

(190) Dès lors, le tarif préférentiel de la redevance d'assainissement doit être considéré comme accordé par l'État. Ainsi, la première condition prévue à l'article 87, paragraphe 1, est remplie.

7.3.2.2. Aide à l'avantage de Scott

(191) Outre son caractère étatique, l'aide doit, toujours aux termes de l'article 87, paragraphe 1, avoir un caractère sélectif, et ne favoriser par conséquent que certaines entreprises ou certaines productions seulement, affectant ainsi l'équilibre qui existe entre les entreprises bénéficiaires de l'aide et leurs concurrentes. Ce caractère sélectif différencie les aides l'État de ce qu'il convient d'appeler des mesures général de soutien économique, susceptibles de s'appliquer à toutes les entreprises de l'ensemble des secteurs d'activité de l'économie d'un État membre.

(192) Dans son arrêt dans l'affaire Kimberly-Clark (118), la Cour de justice a conclu que lorsque l'organisme qui octroie l'aide dispose d'un pouvoir discrétionnaire qui lui permet de moduler l'intervention financière en fonction de diverses considérations telles que le choix des bénéficiaires, le montant de l'intervention financière et les conditions de l'intervention, le système est susceptible de placer certaines entreprises dans une situation plus favorable que d'autres et de remplir ainsi les conditions d'une aide au sens de l'article 87, paragraphe 1.

(193) À l'issue d'un examen approfondi du dossier, et en particulier à la lumière des renseignements limités communiqués en dépit de l'injonction de fournir des informations, la Commission estime que la fixation du coefficient de dégressivité à 0,25 pour une consommation dépassant 150 000 m3 doit être considérée comme constituant un avantage sélectif en faveur de Scott Paper, sans que cet avantage soit justifié par des raisons commerciales ou des considérations de politique fiscale en général, et ce, pour les raisons suivantes:

(194) D'une part, en effet, la ville s'est engagée expressément à accorder à Scott un tarif préférentiel pour la redevance d'assainissement. C'est ainsi que l'article 7 de l'accord Scott conclu entre cette entreprise et les collectivités le 31 août 1987 dispose que: "La ville d'Orléans s'engage à modifier les tarifs de la redevance d'assainissement applicable aux usagers industriels placés en situation exceptionnelle, et à prévoir pour ces derniers un tarif qui n'excédera pas 25 % du meilleur tarif actuel. Sous réserve du respect par Scott des normes techniques et de la législation en vigueur, la ville d'Orléans lui appliquera ce tarif préférentiel."

(195) D'autre part, conformément à cet accord, la ville a adopté le 16 décembre 1988, une décision concernant un nouveau tarif de la redevance d'assainissement et un nouveau coefficient de dégressivité.

(196) Comme indiqué aux considérants 23 à 27, le coefficient de dégressivité (ramené de 1 à 0,5) pour les volumes compris entre 0 et 50 000 m3 est justifié comme étant une sorte de remise de quantité. D'après les délibérations du Conseil municipal, le coefficient remonte (il passe de 0,6 à 0,8) pour les volumes compris entre 50 001 et 150 000 m3 de manière à inciter les gros consommateurs d'eau à réduire leurs rejets (décision du Conseil municipal du 19 décembre 1980). Le coefficient applicable aux volumes supérieurs à 150 000 m3 est ensuite fixé à 0,25 sans justification. Dans leur lettre du 10 janvier 2000, les autorités françaises justifient ce tarif par le fait que "l'importance de la consommation d'eau permet de couvrir les charges d'assainissement". Or, malgré l'injonction de fournir des informations qui leur a été adressée, la "justification" des autorités françaises se limite à cette seule phrase, de sorte que la Commission ne dispose d'aucun élément permettant de considérer qu'une telle assertion a le moindre fondement.

(197) La justification avancée par les autorités françaises semble avoir été élaborée a posteriori. D'une part, elle est en contradiction totale avec l'objectif de réduction des rejets, qui sert de justification au coefficient applicable aux volumes dépassant 50 000 m3. D'autre part, il y a lieu de rappeler sur ce point que non seulement l'industrie papetière est un secteur "gros consommateur d'eau", mais également que les effluents liquides résultant des opérations de blanchiment nécessitent un lourd traitement avant d'être rejetés dans l'environnement. Ainsi, même si logiquement de grandes quantités d'eau génèrent davantage de recettes, ce n'est pas en soi une raison suffisante pour réduire autant le tarif de la redevance puisque ces quantités créent plus de pollution, étant donné en particulier les caractéristiques de l'industrie papetière.

(198) Du reste, en fixant à 150 000 m3 le seuil à atteindre pour pouvoir bénéficier du tarif préférentiel, ce sont seulement les secteurs gros consommateurs d'eau tels que l'industrie papetière et en particulier l'entreprise Scott Paper qui en bénéficient de fait. Malgré l'injonction de fournir des informations que la Commission a adressée aux autorités françaises, par laquelle elle leur demandait entre autres de fournir des factures d'eau et des détails concernant toutes les autres entreprises de la région qui profitent du même "rabais" sur la redevance d'assainissement, les autorités françaises n'ont communiqué qu'une seule facture, celle de l'Hôpital de La Source en 1996. Il ressort de cette facture que l'Hôpital de La Source, pour une consommation d'eau de près de 150 000 m3, a bénéficié du coefficient de 0,25 pour la partie de sa consommation qui dépasse 150 000 m3, soit 3 % de sa consommation totale. Or, la même année, Scott a consommée presque [...] m3, de sorte que cette entreprise a bénéficié du tarif préférentiel de 0,25 sur [une partie substantielle] da sa consommation totale.

(199) La Commission estime que le fait que pour la période allant de 1989, date de l'entrée en vigueur du tarif préférentiel, jusqu'à ce jour, les autorités françaises aient pu démontrer, pour une seule année, qu'un hôpital avait bénéficié de ce tarif sur 3 % de sa consommation totale alors que Scott Paper avait bénéficié de ce même tarif sur [une partie substantielle] de sa consommation totale, et à la lumière des éléments de fait décrits aux considérants 192 à 198, n'ôte pas à la mesure en cause son caractère sélectif.

(200) Par conséquent, en fixant un coefficient de dégressivité de 0,25 pour les volumes supérieurs à 150 000 m3, qui a profité de fait essentiellement à Scott, la ville a placé Scott dans une situation plus favorable que les autres, ce qui doit être considéré comme constituant un avantage sélectif au sens de l'article 87, paragraphe 1.

(201) En dernier lieu, le calcul de la valeur de l'avantage devrait s'effectuer en multipliant les facteurs suivants: a) l'écart entre un coefficient de dégressivité "raisonnable" pour une consommation dépassant 150 000 m3 et le tarif préférentiel, b) le coefficient de rejet de Scott pour chaque année, c) le coefficient de pollution pour chaque année, et d) le nombre de m3 prélevés annuellement par Scott. Ce calcul devrait s'effectuer pour chacune des années écoulées depuis 1989. Les produits obtenus seraient ensuite additionnés.

(202) Toutefois, la Commission n'est pas en mesure de déterminer la valeur de cet avantage puisque, malgré son injonction de fournir des informations (119), les autorités françaises ne lui ont pas communiqué les informations nécessaires pour ces calculs. En ce qui concerne le coefficient de dégressivité "raisonnable" pour les consommations supérieures à 150000 m3, c'est aux autorités françaises qu'il incombera de le déterminer dans le cadre de la procédure de récupération de l'aide. Pour ce faire, les autorités françaises devront démontrer que le coefficient est raisonnable en produisant des éléments de preuve sur les tarifs applicables à des entreprises établies dans d'autres départements français et comparables sous l'angle de leur consommation et de leurs rejets. Quoi qu'il soit, le coefficient de dégressivité ne devrait pas tomber en dessous de 0,5 puisque c'est le tarif le plus préférentiel, quelle que soit la quantité d'eau consommée.

(203) Dès lors, c'est aux autorités françaises qu'il appartiendra de calculer la valeur de cet avantage dans le cadre de la procédure de récupération de l'aide. C'est d'ailleurs une conclusion que consacre le Tribunal de première instance dans son arrêt dans l'affaire Ladbroke (120), lorsqu'il dit que "ni la jurisprudence ni aucune disposition du droit communautaire n'exige que la Commission, lorsqu'elle ordonne la restitution d'une aide déclarée incompatible avec le Marché commun, détermine le montant de l'aide à restituer".

7.3.2.3. Fausse la concurrence et affecte les échanges entre États membres

(204) La Commission rappelle (considérants 173 à 182) que, pour qu'un avantage fausse la concurrence et affecte les échanges entre États membres: a) le produit en cause doit faire l'objet d'échanges entre les États membres, et b) l'aide doit renforcer la position du bénéficiaire de cette aide par rapport à ses concurrents (121). En ce qui concerne la première condition, à savoir que le produit en cause doit faire l'objet d'échanges entre les États membres, la Commission renvoie à son appréciation exposée aux considérants 173 à 182, qui s'applique également au tarif préférentiel de la redevance d'assainissement. Pour ce qui est de la seconde condition, ce tarif préférentiel renforce la position de Scott vis-à-vis de ses concurrents étant donné qu'il diminue les coûts que cette entreprise aurait à supporter dans le cadre de ses activités courantes.

(205) Il découle des considérations qui précèdent que le tarif préférentiel de la redevance d'assainissement était susceptible d'affecter la concurrence à l'intérieur de la Communauté.

(206) En conclusion, étant donné que ce tarif préférentiel remplit les trois conditions prévues à l'article 87, paragraphe 1, autrement dit: i) a été accordé par l'État ou au moyen de ressources d'État, ii) il est à l'avantage de Scott, et iii) il fausse la concurrence entre Scott et des entreprises et/ou des productions similaires, le papier à usage sanitaire et domestique faisant l'objet d'échanges intracommunautaires, l'aide tombe sous le coup de l'interdiction posée par cet article.

7.4. Compatibilité de l'aide

(207) L'article 87, paragraphe 3, énumère les types d'aide qui peuvent être considérés comme compatibles avec le Marché commun. Cette compatibilité doit être appréciée en se référant à la Communauté dans son ensemble, et non à un seul État membre - ou à une région à l'intérieur de cet État membre - considéré séparément. Pour garantir le bon fonctionnement du Marché commun et à la lumière du principe consacré à l'article 3, point g), du traité, les exceptions énumérées à l'article 87, paragraphe 3, doivent être interprétées strictement lors de l'examen d'un régime d'aide ou d'une mesure d'aide individuelle. En particulier, on ne peut se prévaloir de ces exceptions qui si la preuve peut être faite que, sans l'aide en cause, les mécanismes du marché ne suffiraient pas à eux seuls à amener les bénéficiaires à adopter des comportements correspondant aux objectifs mentionnés dans la disposition en question.

(208) La mesure d'aide en cause ne remplit pas les conditions prévues pour relever des exceptions visées à l'article 87, paragraphe 2, points a), b) et c). Il ne s'agit pas en effet d'une aide à caractère social accordée à certains consommateurs, mais de mesures d'aide conçues pour attirer un investisseur dans une ville déterminée. Elle n'est pas non plus liée à des calamités naturelles ou à d'autres événements extraordinaires ni à la division de l'Allemagne.

(209) En ce qui concerne les exceptions prévues à l'article 87, paragraphe 3, points b) et d), l'aide en question n'est pas destinée à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun. Le fait qu'un producteur de papier à usage sanitaire et domestique soit installé dans une ville déterminée ne revêt pas un intérêt européen commun. Cette mesure d'aide n'est pas non plus destinée à remédier à une perturbation grave de l'économie française et ne présente pas les caractéristiques d'un projet de ce type. La dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point b), ne s'applique donc pas. La mesure n'est pas non plus destinée à promouvoir la culture ou des activités culturelles ni à promouvoir la conservation du patrimoine [article 87, paragraphe 3, point d)].

(210) Pour ce qui est de la dérogation visée par l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE, en faveur des aides destinées à faciliter le développement de certaines activités, il est manifeste que les mesures sous examen n'ont pas pour objet le développement d'actions en faveur de petites et moyennes entreprises, la recherche et le développement, la protection de l'environnement, la création d'emploi ou la formation conformément aux encadrements et aux lignes directrices communautaires des aides d'État.

(211) Pour mener à bien l'examen de la compatibilité éventuelle des aides en cause au titre des dérogations régionales prévues par le traité, une distinction doit être établie entre l'aide à l'investissement (prix préférentiel du terrain) et l'aide au fonctionnement (tarif préférentiel de la redevance d'assainissement).

7.4.1. Prix préférentiel du terrain

(212) Le prix préférentiel du terrain doit être considéré comme une aide ad hoc à l'investissement, visant à réduire les coûts d'implantation de Scott sur le site d'Orléans-Sologne (considérant 182). Cette aide a été octroyée en dehors du cadre d'un régime d'aide à l'investissement autorisé (considérants 100 à 121). Indépendamment du point de savoir si cette aide ad hoc peut être considérée comme contribuant au développement du département du Loiret, il convient de faire observer que le site d'Orléans-Sologne n'est pas situé dans une région reconnue comme relevant de l'article 87, paragraphe 3, point a) ou c), de sorte que l'aide ne peut être considérée comme compatible avec le Marché commun en tant qu'aide régionale à l'investissement (considérants 100 à 121).

(213) Par conséquent, l'aide accordée sous forme de prix préférentiel du terrain en faveur de Scott ne remplit pas les conditions requises pour ouvrir droit à l'une des dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 2 ou 3, et doit dès lors être déclarée illégale et incompatible avec le Marché commun.

7.4.2. Tarif préférentiel de la redevance d'assainissement

(214) La Commission rappelle (considérant 206) que le tarif préférentiel de la redevance d'assainissement constitue une aide au fonctionnement parce qu'il est destiné à réduire les coûts que Scott aurait à supporter dans le cadre de ses activités courantes.

(215) En l'absence de tout effet de compensation, une aide au fonctionnement peut être octroyée à titre exceptionnel et provisoire pour composer des pertes d'exploitation dans les régions relevant de l'article 87, paragraphe 3, point a), à condition qu'elle soit justifiée par sa contribution au développement régional et sa nature et que son niveau soit proportionnel aux handicaps qu'elle vise à pallier. Or, la dérogation prévue à cet article n'est pas applicable en l'espèce étant donné que le département du Loiret n'est pas reconnu comme région dans laquelle le niveau de vie est anormalement bas ou dans laquelle sévit un grave sous-emploi.

(216) Dès lors, l'aide consentie sous forme de tarif préférentiel de la redevance d'assainissement en faveur de Scott ne remplit pas les conditions requises pour ouvrir droit à l'une des dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 2 ou 3, et doit dès lors être déclarée illégale et incompatible avec le Marché commun.

7.5. Récupération des aides illégales et incompatibles

7.5.1. Prix préférentiel du terrain

(217) Il y a lieu de conclure que la somme de 39,58 millions de FRF (6,03 millions d'euros) ou, en valeur actualisée 80,77 millions de FRF (12,3 millions d'euros), qui correspond à la perte nette supportée par les collectivités du fait de la cession du site de La Saussaye, y compris l'usine-entrepôt, à Scott, doit être déclarée illégale et incompatible avec le Marché commun.

(218) Lorsqu'une aide accordée illégalement est déclarée incompatible avec le Marché commun, l'article 88, paragraphe 2, fait obligation à la Commission de réclamer à l'État membre concerné de récupérer cette aide auprès du bénéficiaire, ainsi que la Cour de justice l'a confirmé à plusieurs reprises (122). Cette pratique est également consacrée par l'article 14 du règlement de procédure, aux termes duquel la Commission décide que l'État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide auprès de son bénéficiaire. La logique qui sous-tend la récupération des aides d'État illégales et incompatibles est le rétablissement de la concurrence effective (123).

7.5.1.1. Délai de prescription

(219) Aux termes de l'article 15 du règlement de procédure, les pouvoirs de la Commission en matière de récupération d'une aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans, qui commence à courir le jour où l'aide illégale est accordée au bénéficiaire. Cependant, toute mesure prise par la Commission à l'égard de l'aide illégale interrompt le délai de prescription.

(220) En l'espèce, l'aide sous forme d'un prix préférentiel pour le terrain a été octroyée le 31 août 1987, lorsque l'accord Scott a été signé par Scott et les collectivités. La première mesure prise par la Commission, suite à la plainte du 23 décembre 1996, remonte au 16 janvier 1997. Cette mesure a pris la forme d'une demande formelle de renseignements aux autorités françaises. Le délai de prescription a donc été interrompu avant l'expiration des dix ans prévus, de sorte que la Commission a le pouvoir de récupérer l'aide en cause.

(221) Scott allègue que le délai de prescription vise à protéger le bénéficiaire d'une aide et que, par conséquent, il n'est interrompu que lorsque le bénéficiaire est informé de l'enquête que mène la Commission. Scott soutient en outre qu'elle n'a eu connaissance de l'enquête en cours que par la voie de la publication de la décision d'ouverture de la procédure, soit le 30 septembre 1998. À cette date, plus de onze années s'étaient écoulées depuis la conclusion par Scott de l'accord avec les collectivités. Dès lors, la Commission n'aurait plus de pouvoir de récupérer l'aide.

(222) Cet argument doit être réfuté.

(223) L'objet du délai de prescription est la sécurité juridique (124). Tant le destinataire des décisions de la Commission, à savoir les États membres, que la collectivité dans son ensemble et le bénéficiaire de l'aide en particulier bénéficient de cette sécurité juridique. Cependant, la question de savoir qui, en définitive, bénéficie de ce délai de prescription est indépendante ce celle de son mode de calcul, qui est fixé par l'article 15 du règlement de procédure. Cet article ne vise pas les tiers; il se limite à la relation entre la Commission et les États membres. Il ne confère aucun droit spécifique au bénéficiaire et n'impose aucune obligation à la Commission vis-à-vis des tiers. Le bénéficiaire de l'aide n'est mentionné qu'afin de déterminer la date à compter de laquelle le délai de prescription commence à courir, c'est-à-dire "le jour où l'aide illégale est accordée au bénéficiaire". L'article 15 ne déroge donc nullement à la procédure normale, qui se déroule exclusivement entre l'État membre concerné et la Commission. Dans cette procédure, les droits reconnus aux tiers sont les droits procéduraux découlant de l'article 88, paragraphe 2.

(224) La Commission rappelle que le bénéficiaire d'une aide doit vérifier si l'aide qui lui est octroyée a été notifiée (125). Faute d'une telle notification et en l'absence d'autorisation, il n'existe aucune sécurité juridique. La Commission ne doit être tenue par aucune obligation d'information visant à protéger le bénéficiaire d'une aide qui ne se trouve pas dans une situation devant faire l'objet d'une telle protection.

7.5.1.2. Circonstances exceptionnelles

(225) Scott fait valoir que le bénéficiaire d'une aide octroyée illégalement a la possibilité d'invoquer des circonstances exceptionnelles qui l'ont conduit à légitimement supposer que l'aide était légale.

(226) D'après Scott, les raisons pour lesquelles les aides accordées illégalement ne devraient pas, en l'espèce, être remboursées sont les suivantes:

a) [...] a été neutralisé par l'achat du terrain et de l'usine par P & G à leur valeur marchande intégrale (tout avantage dont aurait éventuellement bénéficié Scott lorsqu'elle exploitait l'usine), de sorte qu'aucun avantage concurrentiel consécutif à l'octroi de l'aide n'affecte plus la concurrence. Par conséquent, il n'existe actuellement pas de distorsion de concurrence qu'il serait nécessaire de supprimer par le biais du remboursement des aides;

b) [...] puisque lors de la cession du terrain et de l'usine à P & G, leur valeur comptable était beaucoup moins élevée que le coût total de ces actifs pour Scott. Or, ces actifs ont été cédés à P & G pour un prix inférieur à la moitié de leur valeur comptable (Scott ne conserve actuellement aucun avantage de l'octroi d'aides incompatibles avec le Marché commun), et

c) du fait du manque de transparence avec lequel la Commission a traité les différentes lois qui lui ont été notifiées ou communiquées par la France en 1982 en ce qui concerne les aides pouvant être octroyées par les collectivités locales et régionales françaises, il était quasiment impossible pour une entreprise d'obtenir des renseignements sur le statut juridique de ces textes législatifs du point de vue communautaire.

(227) Aucun de ces arguments ne saurait être retenu.

(228) Les premier et deuxième arguments ne sont pas pertinents. La Commission rappelle que, selon une jurisprudence constante, l'absence d'avantage résiduel pour l'acquéreur final (plusieurs années après l'octroi de l'aide) est sans importance puisque l'activité économique de l'entreprise cible initiale qui a ensuite été absorbée, en l'occurrence Scott, s'est poursuivie sans interruption. Aussi longtemps que l'aide illégale n'est pas récupérée, la distorsion de concurrence subsiste. La distorsion est imputable à la personne morale qui est restée, même si Scott ne travaille plus dans ce secteur du papier. À cet égard, la Commission rappelle que, contrairement à l'acquisition de l'entreprise Scott par KC, P & G n'a acquis que les actifs du site de La Saussaye. L'aide doit donc être récupérée auprès de Scott et non de P & G (126). Le fait que Scott ait changé de propriétaire depuis l'octroi de l'aide est sans importance.

(229) Pour ce qui est du troisième argument, la Commission renvoie à son argumentation développée aux considérants 100 à 121.

(230) Selon les autorités françaises, KC peut se prévaloir de la confiance légitime qu'elle n'est pas tenue de rembourser l'aide, en particulier parce que toute mesure diligente effectuée par KC concernant Scott à l'époque de l'acquisition n'aurait pas révélé l'éventualité de l'octroi d'une aide à la société Scott. La seule manière dont KC aurait pu déceler cette aide aurait été soit d'examiner la presse locale ou nationale ou les minutes de réunions des autorités locales, soit de contacter les autorités compétentes (considérant 96).

(231) Cet argument ne saurait être retenu, même si la Commission considère que, en l'espèce, c'est à Scott en sa qualité de bénéficiaire qu'il appartient de rembourser l'aide reçue.

(232) La Commission rappelle que les entreprises bénéficiaires d'une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l'aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue par l'article 88. En effet, un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s'assurer que cette procédure a été respectée (127). KC aurait pu établir, avant de racheter les actions de Scott, si cette dernière s'était ou non assurée du respect de la procédure.

(233) À aucun moment les autorités françaises n'ont démontré en quoi la confiance légitime alléguée de KC était imputable à un acte quelconque de la Commission. Ni Scott, lorsqu'elle a reçu l'aide ni KC, lorsqu'elle a racheté Scott, n'ont demandé à la Commission, ou ne prétendent avoir demandé à la Commission, si l'aide avait été notifiée et autorisée. Le fait que la diligence dont a fait preuve KC ne lui a pas permis de détecter l'existence des problèmes liés à des aides d'État au moment de son rachat de Scott n'est pas une raison légitime pour ne pas exiger la récupération de l'aide. À cet égard, la Commission ne peut que souligner toute l'importance qu'il y a, pour une entreprise intéressée par l'acquisition d'une autre entreprise, à faire preuve de toute la diligence nécessaire en ce qui concerne aussi les problèmes posés par d'éventuelles aides d'État.

(234) Pour ce qui est de la possibilité qu'avait KC de découvrir la présence d'une aide d'État dans le prix préférentiel du terrain, la Commission rappelle que l'avantage accordé par les collectivités en faveur de Scott découle clairement de l'accord Scott conclu entre cette entreprise et les collectivités (considérants 191 à 203). Normalement, Scott devait avoir une copie de cet accord.

(235) La Commission conclut par conséquent que les arguments avancés respectivement par Scott et par les autorités françaises ne lui donnent aucune raison de ne pas faire procéder à la récupération de l'aide incompatible.

7.5.2. Tarif préférentiel de la redevance d'assainissement

(236) De même, l'avantage octroyé sous forme de tarif préférentiel de la redevance d'assainissement, dont il incombe aux autorités françaises de déterminer la valeur dans le cadre de la procédure de récupération de l'aide (considérants 191 à 203), doit être déclaré illégal et incompatible avec le Marché commun. La Commission rappelle (considérants 217 à 218) que lorsqu'une aide octroyée illégalement est déclarée incompatible avec le Marché commun, la Commission est tenue, en vertu de l'article 14 du règlement de procédure, de demander à l'État membre concerné de récupérer l'aide auprès du bénéficiaire.

(237) La question de savoir si le délai de prescription a été ou non interrompu ne se pose pas en ce qui concerne le tarif préférentiel de la redevance d'assainissement, puisque cette mesure est appliquée de façon continue depuis 1989, année de son introduction. Étant donné le caractère continu de l'application du tarif préférentiel de la redevance d'assainissement, aucun des arguments présentés par Scott ne s'applique. En effet, non seulement Scott mais aussi KC ont bénéficié de cet avantage.

(238) La Commission conclut par conséquent que les arguments avancés respectivement par Scott et par les autorités françaises ne lui donnent aucune raison de ne pas faire procéder à la récupération de l'aide incompatible.

8. Conclusions

(239) Eu égard à ce qui précède, et en particulier pour les raisons suivantes:

a) il n'existe pas de raisons objectives ou de bonne foi pour que les collectivités aient escompté raisonnablement de leur investissement, à savoir la transformation d'un terrain agricole en site industriel et la construction d'une usine-entrepôt avant la vente de la parcelle à Scott, un taux de rendement approprié sous forme du prix payé par Scott pour ce site, et

b) la fixation du coefficient de dégressivité de 0,25 pour une consommation dépassant 150000 m3, dont Scott a été de fait le principal bénéficiaire, sans que cet avantage soit justifié par des raisons commerciales ou des considérations de politique fiscale en général, la Commission constate que la France a illégalement mis à exécution en violation de l'article 88, paragraphe 3, l'aide suivante en faveur de Scott:

a) le prix préférentiel ad hoc d'un site industriel de 48 ha situé dans le parc industriel de La Saussaye, pour une valeur de 39,58 millions de FRF (6,03 millions d'euros) ou, en valeur actualisée, 80,77 millions de FRF (12,3 millions d'euros), et

b) le tarif préférentiel de la redevance d'assainissement pour toute consommation d'eau dépassant 150 000 m3, en application de l'article R. 372 du code des communes, dont la valeur devra être déterminée par les autorités françaises dans le cadre de la procédure de récupération de l'aide.

L'aide visée aux points a) et b) doit être considérée comme incompatible avec le Marché commun.

Par conséquent, afin de rétablir les conditions économiques auxquelles l'entreprise aurait dû faire face si l'aide incompatible ne lui avait pas été accordée, les autorités françaises doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour supprimer les avantages qui découlent de l'aide et pour récupérer celle-ci auprès du bénéficiaire.

L'aide doit être récupérée conformément aux procédures du droit français. L'aide à récupérer inclut des intérêts qui courent à compter de la date à laquelle l'aide a été accordée jusqu'à la date de son remboursement effectif, calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention net dans le cadre des aides à finalité régionale en France (128),

A arrêté la présente décision:

Article premier

L'aide d'État sous forme du prix préférentiel d'un terrain et d'un tarif préférentiel de la redevance d'assainissement, que la France a mise à exécution en faveur de Scott, pour un montant de 39,58 millions de FRF (6,03 millions d'euros) ou, en valeur actualisée, de 80,77 millions de FRF (12,3 millions d'euros), en ce qui concerne le prix préférentiel du terrain, et pour un montant que les autorités françaises devront déterminer, pour ce qui est du second avantage, conformément au mode de calcul fixé par la Commission, est incompatible avec le Marché commun.

Article 2

1. La France prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de son bénéficiaire l'aide visée à l'article 1er et déjà illégalement mise à sa disposition.

2. La récupération a lieu sans délai conformément aux procédures du droit national, pour autant qu'elles permettent l'exécution immédiate et effective de la présente décision. L'aide à récupérer inclut des intérêts à partir de la date à laquelle elle a été mise à la disposition du bénéficiaire, jusqu'à la date de sa récupération. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.

Article 3

La France informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures qu'elle a prise pour s'y conformer.

Article 4

La République française est destinataire de la présente décision.

(1) JO C 301 du 30.9.1998, p. 4.

(2) "Les interventions des collectivités territoriales en faveur des entreprises", rapport public particulier de la Cour des comptes, novembre 1996, Paris.

(3) JO C 301 du 30.9.1998, p. 4.

(4) Observations de Scott en date du 23 novembre 1998, point B1.

(5) Observations de Scott en date du 23 novembre 1998, point B1.

(6) Préamble du protocole d'accord du 31 août 1987 conclu entre Bouton Brochard Scott SA, la ville d'Orléans et le département du Loiret (ci-après dénommé "l'accord Scott"); préambule de la convention d'aménagement des terrains de La Saussaye et de La Planche du 12 septembre 1987 conclue entre le département du Loiret, la ville d'Orléans et la Sempel (ci-après dénommée "la convention Sempel"); extrait du registre des délibérations du Conseil municipal de la ville d'Orléans, séance du vendredi 27 mai 1994 (ci-après dénommées "délibérations du Conseil municipal de 1994"), p. 1.

(7) Point 3.1 de la convention Sempel et délibérations du Conseil municipal de 1994, p. 1.

(8) Par lettres du 17 mars 1997 et du 29 mai 1997, les autorités françaises ont informé la Commission que les terrains avaient été acquis par la ville au prix de 15 FRF/m2. Or, selon le point 2.2 des délibérations du Conseil municipal de 1994, la valeur initiale des terrains s'établit à 10,9 millions de FRF, soit 16 FRF/m2.

(9) D'après la lettre des autorités françaises du 21 avril 1997, p. 3.

(10) Article 4 de l'accord Scott.

(11) Point 1.1 des déliberations du Conseil municipal de 1994.

(12) Le bilan de liquidation de la Sempel, adressé au département du Loiret et à la ville d'Orléans, ZI La Saussaye et La Planche du 26 juillet 1993, p. 1.

(13) Point 2.1 des délibérations du Conseil municipal de 1994; lettre des autorités françaises du 23 juin 1997, p. 2. Dans sa lettre du 23 novembre 1998, point B2, Scott soutient toutefois qu'elle a acheté le site d'Orléans en mars 1988.

(14) Point 2.1 des délibérations du Conseil municipal de 1994.

(15) Lettre des autorités françaises du 21 avril 1997, p. 3.

(16) Lettre des autorités françaises du 26 novembre 1998, p. 1.

(17) Lettre des autorités françaises du 6 octobre 1999, p. 5.

(18) Idem.

(19) Extrait du registre des délibérations du Conseil municipal de la ville d'Orléans, séance du 16 décembre 1988 (ci-après dénommées "délibérations du Conseil municipal de 1988"), p. 2.

(20) Décret 77-241 du 7 mars 1977.

(21) Les délibérations du Conseil municipal de 1988 (p. 2) indiquent que, "[p]our assurer l'équilibre du budget primitif 1989 de l'assainissement, il s'avère nécessaire d'augmenter le tarif de l'ordre de 5 % par rapport au tarif en vigueur, soit de le porter de 2,40 francs français à 2,52 francs français."

(22) Délibérations du Conseil municipal de 1988, p. 3.

(23) Les délibérations du Conseil municipal de 1988 (p. 2) précisent que, "[...] afin d'inciter les activités grosses consommatrices à assurer une réduction de leurs rejets, une progression de la dégressivité a été décidée pour la partie supérieure à 50000 m3, par délibération du Conseil municipal du 19 décembre 1980".

(24) Secret d'affaires. (25) D'après la facture relative à la redevance d'assainissement due par Kimberly-Clark au titre de l'année 1996.

(26) Secret d'affaires.

(27) D'après la facture relative à la redevance d'assainissement due par par l'Hôpital de la Source au titre de l'année 1996.

(28) JO C 209 du 10.7.1997, p. 3.

(29) Pour de plus amples informations, se reporter au JO C 301 du 30.9.1998, p 4.

(30) Dans ce contexte, la Commission rappelle que dans leur lettre du 2 juin 1999, les autorités françaises ont expressément déclaré qu'"[elles] ne sont pas disposées à communiquer à la Commission les documents qu'elle demande (convention collectivités locales - Sempel, contrats de vente des autres entreprises) dans la mesure où il s'agit de documents extérieurs au dossier, et pour certains d'entre eux de nature privée".

(31) "Scott Paper. Les collectivités locales approuvent massivement".

(32) "Scott Paper: 1000 emplois à emballer", La Nouvelle République, 18-19 juillet 1987.

(33) Le Canard enchaîné, 14 janvier 1998, "Le papier hygiénique américain a absorbé 550 000 FRF de subventions par emploi créé".

(34) "Procter & Gamble Ex-Scott Paper: premiers nuages sur le site de Saint-Cyr".

(35) Les Échos, "Kimberly-Clark: nouvelle implantation dans le Loiret", 22 octobre 1998.

(36) Dix-septième rapport sur la politique de concurrence 1987, point 220.

(37) Affaire C-312-90, Espagne contre Commission, Recueil 1992, p. 4131.

(38) Affaire 120-73, Lorenz, Recueil 1973, p. 1471.

(39) Lettre des autorités françaises du 25 novembre 1998, p. 2 et 3; lettre des autorités françaises du 30 avril 1999, p. 1 et lettre des autorités françaises du 15 octobre 1999, p. 1 et 2.

(40) Lettre des autorités françaises du 25 novembre 1998, p. 3; lettre des autorités françaises du 30 avril 1999, p. 2 et lettre des autorités françaises du 21 février 2000, p. 2 à 4.

(41) Dans leur lettre du 30 avril 1999, p. 2, les autorités françaises ont fourni l'explication suivante sur la différence entre le prix par m2 payé par Scott et celui payé par les autres investisseurs sur la zone: "- la taille des parcelles d'une part, puisque la vente d'une parcelle de grande taille diminue les frais financiers de portage du foncier par rapport à une situation théorique de ventes multiples de parcelles plus petites. [...] Les frais liés à la viabilisation du terrain ne sont en effet pas à prendre en compte dans le cas présent, puisque la Sempel a aménagé les 68 ha,

- la valorisation de l'ensemble de la zone suite à l'implantation de Scott,

- la vente du terrain à Scott a eu lieu en 1987, les autres ventes se sont déroulées de 1990 à 1994".

(42) Lettre des autorités françaises du 21 février 2000, p. 2 à 4.

(43) Lettre des autorités françaises du 21 février 2000, p. 4.

(44) Lettre du 6 octobre 1999, p. 1.

(45) Lettre du 7 janvier 2000, p. 1.

(46) Lettre du 7 janvier 2000, p. 1.

(47) Lettre des autorités françaises du 25 novembre 1998, p. 3 et 4 et lettre des autorités françaises du 6 octobre 1999, p. 2 et 3.

(48) Lettre du 7 janvier 2000, p. 1.

(49) Lettre des autorités françaises du 25 novembre 1998, p. 3 et 4 et lettre des autorités françaises du 6 octobre 1999, p. 2 et 3.

(50) Lettre des autorités françaises du 7 octobre 2000, p. 4.

(51) Idem.

(52) Lettre des autorités françaises du 21 février 2000, annexe 1.

(53) Lettre des autorités françaises du 25 novembre 1998, p. 3; lettre des autorités françaises du 30 avril 1999, p. 1; lettre des autorités françaises du 6 octobre 1999, p. 2 et lettre des autorités françaises du 7 janvier 2000, p. 1 et 2.

(54) Lettre des autorités françaises du 10 janvier 2000, p. 3 et 5; communication C 36-92 (ex NN 108-92) concernant les clauses d'un contrat passé entre la ville de Friedberg (Hesse) et Fresenius AG pour la vente d'un terrain (JO C 21 du 25.1.1994, p. 4).

(55) Lettre des autorités françaises du 7 janvier 2000, p. 3.

(56) Lettre des autorités françaises du 25 novembre 1998, p. 5 et 6; lettre des autorités françaises du 30 avril 1999, p. 2 et lettre des autorités françaises du 6 octobre 1999, p. 4.

(57) Lettre des autorités françaises du 10 janvier 2000, p. 3; voir note 34 de bas de page.

(58) Lettre des autorités françaises du 25 novembre 1998, p. 5; lettre des autorités françaises du 30 avril 1999, p. 3; lettre des autorités françaises du 6 octobre 1999, p. 5 et lettre des autorités françaises du 10 janvier 2000, p. 1 et 2.

(59) Lettre des autorités françaises du 6 octobre 1999, p. 5.

(60) Lettre des autorités françaises du 7 janvier 2000, p. 2.

(61) Lettre des autorités françaises du 6 octobre 1999, p. 6.

(62) Lettre des autorités françaises du 7 janvier 2000, p. 4.

(63) Affaires jointes C-324-90 et C-342-90, Pleuger, Recueil 1994, p. I-1773, point 26 des motifs.

(64) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.

(65) Voir note 35 de bas de page.

(66) Voir note 36 de bas de page.

(67) Accord Scott, article 11, p. 4.

(68) Voir note 36 de bas de page.

(69) Lettre de Scott du 23 novembre 1998, p. 11.

(70) Affaire C-312-90, Espagne contre Commission, Recueil 1992, p. I-4117.

(71) Décret 82-809 du 22 septembre 1982 relatif aux aides à l'achat ou à la location de bâtiments accordées par les collectivités territoriales, leurs groupements ou les régions, Journal officiel de la République française du 24 septembre 1982 (ci-après dénommé "décret 82-809"), p. 2853.

(72) L'article 4 de la loi 82-6 a été abrogé par la loi 96-142 du 21 février 1996.

(73) Affaire C-295-97, Piaggio contre Dornier (ci-après dénommée "Piaggio"), Recueil 1999, p. I-3735, points 45 à 49 des motifs.

(74) Journal officiel de la République française du 8 janvier 1982, p. 222.

(75) "L'action économique des collectivités locales", ministère de l'Intérieur (direction générale des Collectivités locales), Paris 1992 (ci-après dénommé "rapport du ministère de l'Intérieur"), "Droit administratif: L'encadrement juridique des aides des collectivités territoriales aux entreprises", n° 1 supplément à La Semaine Juridique n° 5 du 29 janvier 1998 (ci-après dénommé "article de La Semaine Juridique") et "Les interventions des collectivités territoriales en faveur des entreprises", rapport public particulier de la Cour des comptes, novembre 1996, Paris (ci-après dénommé "rapport de la Cour des comptes").

(76) Décret 82-379 du 6 mai 1982 relatif à la prime d'aménagement du territoire (ci-après dénommé "décret 82-379"), Journal officiel de la République française du 7 mai 1982, p. 1294; voir le rapport de la Cour des comptes, p. 16 et 62 et le rapport du ministère de l'Intérieur, p. 94.

(77) Rapport de la Cour des comptes, p. 19, 31, 37 et 62; article de La Semaine Juridique, p. 24 et rapport du ministère de l'Intérieur, p. 94.

(78) Rapport de la Cour des comptes, p. 16, 62 et 126, article de La Semaine Juridique, p. 41 et 42 et rapport du ministère de l'Intérieur, p. 14 et 94. Dans ce dernier rapport (p. 94), il est précisé que: "Les aides indirectes, en dehors des aides aux bâtiments industriels, étant libres, elles n'ont pas fait l'objet d'une réglementation spécifique. Elles ne relèvent donc pas de régimes notifiés ou à notifier à la Commission, puisqu'en effet elles permettent en général des interventions sur l'environnement économique de la zone concernée, et donc, à ce titre, ne tombent pas sous le coup de l'article 92."

(79) JO L 11 du 12.1.1985, p. 28.

(80) Contrairement à ce qui est indiqué dans la décision 93-193-CEE de la Commission du 23 décembre 1992 concernant les aides à l'établissement d'entreprises industrielles à Modane (Savoie) (JO L 85 du 6.4.1993, p. 22) selon laquelle "[l]es collectivités locales peuvent intervenir dans ce canton, dans le cadre de l'article 1er du décret 82-809 du 22.9.1982, approuvé par la Commission, simultanément avec le régime de la prime d'aménagement du territoire [...]", ledit décret n'a jamais été notifié à la Commission.

(81) Lettre des autorités françaises du 6 octobre 1999, p. 5.

(82) Délibérations du Conseil municipal de 1988, p. 2.

(83) Décret 77-241 du 7 mars 1977.

(84) Affaire 323-82, Intermills contre Commission, Recueil 1984, p. 3809 et affaire 248-84, Allemagne contre Commission, Recueil 1987, p. 4013.

(85) Affaire 290-83, Commission contre France, Recueil 1985, p. 439; affaires jointes 67, 68 et 70-85, Van der Kooy, Recueil 1988, p. 219 et affaire C-305-89, Italie contre Commission, Recueil 1991, p. I-1603.

(86) Affaire 82-77, Van Tiggele, Recueil 1978, p. 25 et affaires jointes C-72-91 et C-73-91, Sloman Neptun, Recueil 1993, p. I-887.

(87) L'article 2 dispose que: "[les] collectivités par l'intermédiaire d'une société spécialisée, la Sempel (Société d'économie mixte pour l'Équipement du Loiret, dont les collectivités sont actionnaires majoritaires), réaliseront les aménagements nécesssaires, tels qu'ils ont été définis: parking - voiries - réseaux divers - aménagement du terrain, etc., selon le cahier des charges de Scott, de l'atelier de transformation et entrepôt (30000 m2 sur le terrain d'environ 25 ha)".

(88) Le point 3.1 de la convention d'aménagement des terrains de La Saussaye et de La Planche prévoit que "[l]a ville s'engage à vendre à la Sempel les terrains objet de l'opération d'aménagement, selon les plans et références joints en annexe, pour la somme de 1 franc (un franc)".

(89) Lettre des autorités françaises du 17 avril 1997, p. 1.

(90) L'article 4, deuxième alinéa, du protocole précise que "[dans] une première phase, ces aménagements sont estimés à 50 millions de francs français, étant entendu que Scott réalisera dans les conditions visées à l'article 2 ci-dessus, une usine (atelier de transformation et entrepôt) d'environ 30000 m2 qui fera l'objet d'un achat à la Sempel pour un montant de 31 millions de francs français. [...]".

(91) Le point 12.3 de la convention dispose que "[...] le prix de cession de l'usine-entrepôt et des terrains d'assiette à la société Scott Paper d'un montant de 31 millions de francs français TTC".

(92) Le point 12.1 de la convention prévoit que "[l]es collectivités locales s'engagent à apporter leur concours financier à la Sempel, à raison de la somme globale de 20 millions de francs français TTC pour le département du Loiret et de 30 millions de francs français TTC pour la ville d'Orléans. Ces sommes seront versées annuellement par les collectivités locales à la Sempel, afin d'assurer le paiement des annuités des emprunts nécessaires à la réalisation des opérations qui auront été contractés par la Sempel, dans la limite maximale de 50 millions de francs français, et au prorata de la participation de chacune des collectivités."

(93) Voir note 26 de bas de page.

(94) Communication, II Principes, I Vente dans le cadre d'une procédure d'offre inconditionnelle, point a) consacré à la définition de l'expression "publicité suffisante".

(95) Lettre des autorités françaises du 7 janvier 2000, annexe I.

(96) L'article 2 du protocole d'accord entre Scott et les collectivités locales prévoit: "Les collectivités par l'intermédiaire d'une société spécialisée, la Sempel (Société d'économie mixte pour l'équipement du Loiret, dont les collectivités sont actionnaires majoritaires), réaliseront les aménagements nécessaires, tels qu'ils ont été définis: parking - voiries - réseaux divers - aménagement du terrain, etc., selon le cahier des charges de Scott, de l'atelier de transformation et entrepôt (30000 m2 sur le terrain d'environ 25 ha)."

(97) Même principe que celui que la Cour de justice a consacré dans l'affaire 40-85, Belgique contre Commission ("Boch"), Recueil 1986, p. 2321.

(98) Décision de la Commission du 17 juillet 1996 relative à une aide d'État octroyée par la ville de Mayence à la société Grundstücksverwaltungsgesellschaft Fort Malakoff Mainz mbH & Co. KG (JO L 283 du 5.11.1996, p. 43), point IV: "Des recettes fiscales éventuelles ne sauraient être prises en compte pour déterminer si, dans le cas présent, les pouvoirs publics se sont comportés comme un bailleur de fonds agissant dans des conditions économiques normales. Même lorsque les pouvoirs publics vendent une propriété foncière, les conditions de l'opération doivent être compatibles avec le comportement normal d'un bailleur de fonds privé, qui ne se trouve pas dans la situation de l'État, lequel assure des obligations d'intérêt général et peut, à cette fin, prélever des impôts". Voir également les affaires jointes C-278-92, C-275-92 et C-2780-92, Espagne contre Commission, Recueil 1994, p. I-4103, point 22 des motifs.

(99) Voir note 34 de bas de page.

(100) Le dix-septième rapport indique que "contrairement au projet initial, Daimler-Benz AG va maintenant acquérir des terrains agricoles inutilisables, en l'état, par des industries et supporter les dépenses d'aménagement actuellement estimées à 132 millions de marks allemands (DEM) environ (63,6 millions d'écus)". La décision elle-même précise (au point 2, Appréciation) que l'entreprise va maintenant supporter à elle seule tous les coûts d'aménagement.

(101) La décision elle-même précise (au point 2, Appréciation) que, en tant que propriétaires du terrain, les autorités du Land et les autorités locales supporteront également le coût normal de la démolition, conformément à la pratique habituelle avant la vente d'un terrain.

(102) Communication de la Commission aux États membres (JO C 307 du 13.11.1993, p. 3), point 28.

(103) Extrait de la Tribune Desfossés du 20 janvier 1998: "Kimberly ferme ses portes" "[...] Par ailleurs, l'usine occupée depuis plusieurs jours par les 175 salariés venait d'être libérée hier en fin de journée. La surproduction de papier domestique en France et les pertes colossales accumulées par l'usine depuis son démarrage - on dépasserait les 500 millions de francs - rendaient cette décision apparemment inéluctable."

(104) Extrait du Monde du 9 janvier 1998: "Dans le cadre de sa restructuration mondiale, Kimberly-Clark ferme son usine d'Orléans". "[...] Alors que le marché connaît une croissance très lente (2-3 % par an), les surcapacités se sont multipliées pour atteindre plus 90000 tonnes en Europe".

(105) Extrait du Figaro du 9 janvier 1998: "Dans le cadre de sa restructuration mondiale, Kimberly-Clark ferme son usine d'Orléans". "[...] La fermeture du site s'inscrit dans un plan de restructuration mondiale du géant du papier domestique (mouchoirs, papier toilette, essuie-tout). En France, Kimberly est victime de la stagnation du marché du papier domestique (+ 2 % l'an) avec une surcapacité de 50000 tonnes par an et des pertes cumulées proches de 4 milliards de francs en dix ans [...]".

Extrait du Courrier Val de Loire-Sologne (16-22 janvier 1998): "Le Président du Conseil général du Loiret Éric Doligé réagit à l'annonce de la fermeture prévue du site Kimberly-Clark à Saint-Cyr-en-Val": "[...] Cette situation est justifiée par le groupe par une situation de surcapacité de production qui en France est de l'ordre de 49 %".

(106) Voir note 61 de bas de page, point 26 des motifs. Règle codifiée ultérieurement par l'article 13, paragraphe 1, du règlement de procédure.

(107) Décision de la Commission dans l'affaire C 20-94 (NN 27-94) concernant des aides à l'aménagement du site d'implantation de la société Kimberly-Clark-Industries à Toul/Villey-Saint-Étienne (Meurthe-et-Moselle), communication publiée au JO C 283 du 27.10.1995.

(108) Le point 2.1 de l'accord Sempel prévoit notamment que "la plate-forme destinée à recevoir l'usine-entrepôt ainsi que sa superstructure, ces constructions devant être réalisées suivant contrat à intervenir avec l'industriel, la société Scott Paper".

(109) La valeur actualisée est alors calculée en prenant les années 1987 et 2000.

(110) Voir le site http://europa.eu.int/comm/dg04/aid/tauxref.htm.

(111) Affaire 730-79, Philip Morris contre Commission, Recueil 1980, p. 2671, point 11 des motifs.

(112) Scott Paper Company Annual Report 1987, p. 1.

(113) Panorama de l'industrie communautaire 1990, section 19-18.

(114) Affaire 102-87, France contre Commission, Recueil 1988, p. 4067, point 19 des motifs.

(115) Idem.

(116) Voir note 113 de bas de page.

(117) Voir note 84 de bas de page.

(118) Affaire C-241-94, France contre Commission ("Kimberly-Clark"), Recueil 1996, p. I-4551, points 23 et 24 des motifs.

(119) Voir note 61 de bas de page. Règle codifiée par l'article 13, paragraphe 1, du règlement de procédure.

(120) Affaire T-67-94, Ladbroke Racing Ltd contre Commission, Recueil 1998, p. II-1, point 187 des motifs.

(121) Voir note 111 de bas de page.

(122) Voir affaire 70-72, Commission contre Allemagne, Recueil 1973, p. 813; affaire 310-85, Deufil contre Commission, Recueil 1987, p. 901 et affaire C-5-89, Commission contre Allemagne ("BUG-Alutechnik"), Recueil 1990, p. I-3437.

(123) Considérant 13 du règlement de procédure.

(124) Voir considérant 14 du règlement de procédure.

(125) Affaire C-5-89, Commission contre Allemagne ("BUG-Alutechnik"), Recueil 1990, p. I-3437, point 14 des motifs et affaire C-24-95, Land Rheinland-Pfalz contre Alcan, Recueil 1997, p. I-1591, point 25 des motifs.

(126) Affaire C-305-89, Italie contre Commission ("Alfa Romeo/Finmeccanica"), Recueil 1991, p. I-1603.

(127) Affaire C-5-89, Commission contre Allemagne ("BUG-Alutechnik"), Recueil 1990, p. I-3437, point 14 des motifs.

(128) Lettre de la Commission aux États membres SG (91) D-4577 du 4 mars 1991. Voir aussi l'affaire C-142-87, Belgique contre Commission, Recueil 1990, p. I-959, règle codifiée par l'article 14, paragraphe 2, du règlement de procédure.