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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 5 février 1997, n° 96-02653

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Petit

Avocat général :

Mme Auclair

Conseillers :

MM. Guilbaud, Paris

Avocat :

Me Cornevaux

TGI Bobigny, 15e ch., du 29 févr. 1996

29 février 1996

RAPPEL DE LA PROCÉDURE:

LA PREVENTION:

T Claude est poursuivi pour avoir à Noisy le Sec le 5 septembre 1994 enfreint les dispositions de l'article L. 551 du Code de la santé publique en diffusant sans autorisation préalable du ministère de la Santé, des publicités concernant des produits autres que des médicaments présentés comme favorisant le diagnostic, la présentation ou le traitement des maladies, des affections relevant de la pathologie chirurgicale et des dérèglements physiologiques, le diagnostic ou la modification de l'état physique ou physiologique, la restauration, la correction ou la modification des fonctions organiques,

faits constituant l'infraction aux règles sur la publicité pharmaceutique ou médicale,

infraction prévue par les articles L. 551, L. 552, L. 556, R. 5045 AR. 5054-3 Code de la santé publique et réprimée par l'article L. 556 al. 1 Code de la santé publique,

LE JUGEMENT:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a:

rejeté la procédure en ce qui concerne T Claude pour les faits qualifiés de:

Infraction aux règles sur la publicité pharmaceutique ou médicale,

en raison de l'extinction de l'action publique, les faits étant amnistiés.

LES APPELS:

Appel a été interjeté par:

M. le Procureur de la République, le 1er mars 1996 contre Monsieur T Claude.

DÉCISION:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur l'appel relevé par le seul Ministère public à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé de la prévention;

Monsieur l'Avocat général estime que le délit reproché, pour lequel des mesures autres que l'amende sont encourues, ne peut être considéré comme amnistié;

Il requiert la cour d'annuler le jugement déféré et d'évoquer, tout en s'en remettant à son appréciation sur la culpabilité du prévenu, l'élément intentionnel ne lui paraissant pas véritablement caractérisé en l'espèce;

Par voie de conclusions Claude T sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'extinction de l'action publique en raison de l'amnistie et, subsidiairement, son renvoi des fins de la poursuite;

Il fait valoir que les faits qui lui sont reprochés sont réprimés par les dispositions de l'article L. 556 du Code de la santé publique qui ne prévoient que des peines d'amende;

Il affirme que la mesure de confiscation, prévue par le même texte, s'analyse en une peine complémentaire facultative et ne doit donc pas être prise en considération;

Subsidiairement au fond il soutient que les produits incriminés ne sont pas présentés comme des médicaments possédant, en tant que tels, des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies et que les allégations litigieuses, de nature nutritionnelle, se limitent à indiquer le mode d'emploi des produits conformément aux obligations résultant du Décret du 7 décembre 1984;

Il fait observer, très subsidiairement, que la société X a effectué des efforts importants pour ne plus courir de risque de subir des poursuites:

- les étiquettes ont été toutes modifiées;

- certains produits "suspects" ont été supprimés;

- les dépliants publicitaires critiqués n'ont pas été diffusés; la saisie a été faite sur un stand d'une exposition destinée à l'exportation;

- le catalogue de l'entreprise a été totalement modifié;

- la société X soumet ses nouvelles étiquettes au contrôle de son syndicat;

Qu'ainsi, à supposer même que certains termes aient été maladroitement utilisés, il n'existe plus aujourd'hui de source de critique;

Sur l'amnistie:

Considérant qu'à tort le tribunal a "rejeté la procédure" (sic) en ce qui concerne Claude T pour des faits qualifiés d'infraction aux règles sur la publicité pharmaceutique ou médicale, en raison de l'extinction de l'action publique, les faits étant amnistiés;

Considérant en effet que si l'article 2 de la loi du 3 août 1995 dispose que sont amnistiés les délits pour lesquels seule une peine d'amende est encourue, à l'exception de toute autre peine ou mesure, lorsqu'ils ont été commis avant le 18 mai 1995, l'article L. 556 al. 4 visé dans la citation délivrée au prévenu stipule "dans tous les cas, le tribunal pourra interdire la vente et ordonner la saisie et la confiscation des médicaments, produits, objets et appareils susvisés, ainsi que la saisie et la destruction des documents et objets publicitaires les concernant ou concernant les méthodes susvisées";

Qu'il apparaît donc que le délit reproché, pour lequel des mesures autres que l'amende sont encourues, ne peut être considéré comme amnistié, de droit;

Qu'il convient dans ces conditions d'annuler le jugement entrepris, d'évoquer et de statuer sur le fond;

Sur le fond:

Considérant que le 28 mars 1994 deux agents de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes procédaient à un contrôle au siège social de la SA X, dont le prévenu est le président directeur général, aux fins de vérification des mentions d'étiquetage et de la composition des spécialités alimentaires mises sur le marché par cette entreprise;

Que l'examen des étiquetages permettait à l'administration de constater que neuf compléments alimentaires présentaient des allégations de santé (étiquetage et/ou dépliants publicitaires) au sens de l'article L. 511 du Code de la santé publique qui définit le médicament;

Qu'il s'avérait par ailleurs qu'aucune demande de visa n'avait été sollicitée pour l'ensemble de ces spécialités alimentaires;

Considérant que la cour ne saurait suivre le prévenu en son argumentation;

Considérant que la cour observeen effet que les allégations thérapeutiques suivantes ont notamment été relevées par les fonctionnaires lors du contrôle du 28 mars 1994;

- Spécialités X

- "Stimule les performances physiques ... renforce les défenses naturelles permet de lutter contre la fatigue

- "Applications: terrains déficients

- "aliments des cellules nerveuses ... convient à toutes personnes souhaitant renforcer son potentiel cérébral"

- "... accélère la perte de surcharges graisseuses"

- "[produit A]: stimule le métabolisme général en accélérant l'élimination des déchets"

- "... effet laxatif incontestable"

- Ligne Y :

- [produit B]: "élimination des surcharges hydriques"

- [produit C]: "circulation"

- [produit D]: "articulation"

Considérant que la cour relève que ces allégations vont bien au-delà des précisions sur le mode d'emploi et les conditions d'utilisation exigées en matière de denrées alimentaires par le Décret 84-1147 du 7 décembre 1984;

Considérant qu'en ce qui concerne l'aspect curatif des produits concernés, il est patent qu'il ne s'agit pas de "médicaments par composition" mais que leur présentation, tant en ce qui concerne l'étiquetage que les publicités qui les accompagnent, les soumet aux dispositions de l'article L. 551 du Code de la santé publique dans la mesure où il s'agit d'allégation favorisant le diagnostic, la prévention ou la modification de l'état physique ou physiologique, la restauration, la correction ou la modification des fonctions organiques;

Considérant que dans ces conditions, leur commercialisation était soumise à l'obtention d'un visa de publicité;

Considérant qu'en raison des multiples contrôles effectués au sein de la société X, Claude T ne peut utilement exciper de sa bonne foi, des rappels de réglementation lui ayant été maintes fois adressés tant par courrier qu'au cours des contrôles (janvier 1992, avril 1992, février 1993...);

Considérant que la cour retiendra le prévenu dans les liens de la prévention et le condamnera à 5 000 F d'amende, cette application modérée de la loi pénale se justifiant par les efforts consentis par la société X, postérieurement au contrôle, pour se mettre en conformité;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Annule le jugement dont appel; Evoque; Statuant à nouveau, Rejette les conclusions de relaxe du prévenu; Déclare Claude T coupable d'avoir à Noisy le Sec le 5 septembre 1994, en tous cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, enfreint les dispositions de l'article L. 551 du Code de la santé publique en diffusant sans autorisation préalable du ministère de la Santé, des publicités concernant des produits autres que des médicaments présentés comme favorisant le diagnostic, la présentation ou le traitement des maladies, des affections relevant de la pathologie chirurgicale et des dérèglements physiologiques, le diagnostic ou la modification de l'état physique ou physiologique, la restauration, la correction ou la modification des fonctions organiques; infraction prévue et réprimée par les articles L. 551, L. 551-1, L. 551-2, L. 551-3, L. 551-5, L. 551-9, L. 552, R. 5045 à R. 5052-3 L. 556 al. 1 du Code de la santé publique; Condamne Claude T à 5 000 F d'amende, Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné.