CA Paris, 4e ch. B, 7 février 2003, n° 2001-14045
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Pschent Music (EURL)
Défendeur :
Ultimate Sound Productions (Sté), Pichat, Verdier, Universel Music (SA), Josse (ès qual.), Eurostar Production (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
e: Mme Pezard
Conseillers :
Mmes Schoendoerffer, Regniez
Avoués :
Mes Bolling, Pamart, Teytaud
Avocats :
Mes Bironne, Hugon, Boesfflug.
LA COUR statue sur l'appel interjeté par l'EURL Pschent Music d'un jugement contradictoirement rendu le 4 mai 2001 par le Tribunal de grande instance de Paris qui a dit que cette société, ainsi que la société anonyme Universal Music, anciennement dénommée Polygram, avaient commis des actes de contrefaçon et usurpé le nom commercial de la société Ultimate Sound Productions en faisant usage de la dénomination Ultimate Sound pour désigner un phonogramme du commerce, sans l'accord de Messieurs Pichat et Verdier, titulaires de la marque Ultimate Sound Productions, et sans celui de la société Ultimate Sound Productions; tout en rejetant le surplus des demandes, il les a condamnées en conséquence in solidum à payer à Messieurs Pichat et Verdier la somme de 40 000 F en réparation de leurs droits sur leur marque, à la société Ultimate Sound Productions la somme de 70 000 F au titre de la concurrence déloyale.
Messieurs Alain Pichat et Antoine Verdier sont titulaires de la marque semi-figurative Ultimate Sound Productions déposée le 10 mai 1994 et enregistrée sous le n° 94 519702 pour désigner dans les produits et les services des classes 40, 41 et 42 les créations musicales et sonores, et les studios d'enregistrement.
Par acte du 1er août 1994, ils ont constitué la société Ultimate Sound Productions, lui concédant, le 15 décembre 1994, une licence d'exploitation de leur marque.
En octobre 1998, ils ont constaté qu'un phonogramme et une cassette audio intitulés "London Ultimate Sound" étaient commercialisés par la société Polygram et ont relevé que ces enregistrements étaient produits par la société Pschent Music et que mention était faite, sur la pochette du disque, de l'intervention de la société Eurostar Production.
Invoquant l'utilisation frauduleuse de la marque qu'elle exploitait et de son nom commercial, la société Ultimate Sound Productions a, par acte du 30 décembre 1999, assigné les sociétés Polygram et Pschent Music, ainsi que Maître Josse en qualité de mandataire liquidateur de la société Eurostar Production aux fins de constatation judiciaire d'acte de contrefaçon de marque et de concurrence déloyale et parasitaire.
Par conclusions du 29 juin 2000, Messieurs Pichat et Verdier sont volontairement intervenus à la procédure.
La société Pschent Music, appelante, prie la cour dans ses dernières conclusions signifiées le 19 novembre 2001, de:
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré la société Ultimate Sound Productions irrecevable en l'intégralité des demandes formées au titre de la contrefaçon;
Statuant à nouveau,
- prononcer sa mise hors de cause pure et simple;
- débouter Messieurs Pichat et Verdier et la société Ultimate Sound Productions de l'ensemble de leurs demandes;
Subsidiairement,
- déclarer que le préjudice subi de la part de Messieurs Pichat et Verdier du fait de la contrefaçon de leur marque doit être ramené à 1 F symbolique;
- déclarer que le préjudice subi de la part de la société Ultimate Sound Productions du fait de la concurrence déloyale doit être ramené à 1 F symbolique;
- condamner la société Ultimate Sound Productions à lui payer la somme de 30 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Messieurs Pichat et Verdier et la société Ultimate Sound Productions, intimés, ont conclu le 22 octobre 2002 et demandent à la cour de:
- déclarer recevable et bien fondée la demande formée par la société Ultimate Sound Productions au titre de la contrefaçon de sa dénomination sociale;
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a:
* "dit qu'en faisant usage de la dénomination Ultimate Sound pour désigner un phonogramme du commerce, sans l'accord de Messieurs Pichat et Verdier, titulaires de la marque Ultimate Sound Productions, la société Universal Music, anciennement Polygram et la société Pschent ont commis des actes de contrefaçon";
* "dit qu'en faisant usage de la dénomination Ultimate Sound pour désigner un phonogramme du commerce, sans l'accord de la société Ultimate Sound Productions, la société Universal Music et la société Pschent ont usurpé le nom commercial de cette société";
Ce faisant:
- réformer le montant de l'indemnité octroyée tant à Messieurs Pichat et Verdier en réparation de leurs droits sur leur marque, qu'à la société Ultimate Sound Productions en réparation de ses droits sur sa dénomination sociale;
Statuant à nouveau:
- condamner in solidum les sociétés Universal Music et Pschent à payer à:
* Messieurs Pichat et Verdier la somme de 15 244,90 euros en réparation de leurs droits sur la marque Ultimate Sound Productions n° 94 519702;
* La société Ultimate Sound Productions les sommes de:
- 15 244,90 euros au titre de l'usurpation de son nom commercial,
- 7 622,45 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l'image;
* Messieurs Pichat et Verdier et la société Ultimate Sound Productions la somme de 7 500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- condamner les sociétés Universal Music et Pschent aux entiers dépens.
La société Universal Music, intimée et appelante incidente, a conclu le 28 mai 2002 et demande à la cour de:
- la dire recevable et bien fondée en son appel incident;
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
- dire que la société Ultimate Sound Productions et Messieurs Alain Pichat et Antoine Verdier irrecevables et mal fondés en leurs demandes à toutes fins qu'elles comportent et les en débouter;
- les condamner in solidum à lui payer une indemnité de 5 000 euros en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Ceci exposé, LA COUR,
Sur la contrefaçon de la marque "Ultimate Sound Productions"
Considérant que pour s'opposer à tout grief en contrefaçon de la marque "Ultimate Sound Productions" n° 94 519 702 déposée le 10 mai 1994 dans les classes 40, 41 et 42 par Messieurs Alain Pichat et Antoine Verdier, la société Universal Music, intimée et appelante à titre incident, fait valoir que le phonogramme litigieux est une œuvre de l'esprit en tant que compilation d'œuvres musicales, que la dénomination en cause "London Ultimate Sound" est le titre de cette œuvre, et ne désigne dès lors ni un produit ni un service des classes couvertes par la marque; qu'au surplus l'adjonction du mot "London" à la dénomination "Ultimate Sound" fait perdre à cette dernière son caractère distinctif dès lors qu'elle donne naissance à une expression perçue comme descriptive du contenu du phonogramme litigieux qui est constitué d'enregistrements correspondant à la dernière mode musicale londonienne;
Mais considérant que la création susceptible de protection au sens de l'article L. 111-1 du CPI ne peut se réduire à un travail de compilation de titres musicaux "techno" qui ne saurait être protégé en soi;
Qu'ainsi que l'a relevé le tribunal, les termes London Ultimate Sound ont été arbitrairement choisis pour distinguer le phonogramme litigieux parmi les produits du même genre;
Qu'il convient dès lors d'apprécier s'ils ne contreviennent pas aux dispositions de l'article L. 713-3 du CPI;
Que la marque semi-figurative n° 94 519702 comprend les termes Ultimate Sound dans une ellipse avec en dessous, en plus petit, le terme productions, avec ainsi en exergue les mots Ultimate et Sound par le choix des caractères et l'ellipse les soulignant; que contrairement à ce qu'affirme la société Universal Music, l'adjonction du terme London aux termes Ultimate Sound ne fait pas perdre à la marque son pouvoir distinctif et son individualité, et ne confère pas un pouvoir évocateur propre; que le consommateur d'attention moyenne est susceptible de confondre les deux phonogrammes en cause, que le risque de confusion étant certain, les premiers juges ont avec raison retenu les actes de contrefaçon;
Que la cour confirmera de ce chef;
Sur l'usurpation du nom commercial
Considérant que les sociétés Pschent Music et Universal Music n'avancent aucun argument à l'appui de leur recours contre la condamnation pour usurpation du nom commercial alors que la société intimée démontre que la dénomination Ultimate Sound Productions est sa dénomination commerciale depuis le 20 août 1998, ayant pour activité la distribution de matériels de musique, l'organisation de concerts et la vente de créations et de productions musicales;
Qu'en l'espèce, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que la reproduction partielle de ce nom pour désigner le disque litigieux peut, compte tenu de son activité, amener le consommateur à se tromper sur l'origine du produit commercialisé par la société intimée;
Que la cour confirmera la condamnation pour concurrence déloyale du fait de l'usurpation de nom commercial;
Sur la mise en cause de la société Pschent Music
Considérant que la société Pschent Music, appelante, fait valoir que n'étant pas propriétaire de la marque du phonogramme, elle ne saurait être partie au litige qui oppose les sociétés Ultimate Productions et Polygram;
Considérant toutefois, ainsi que l'a retenu le tribunal qu'en sa qualité de productrice du phonogramme litigieux, elle se devait de s'assurer que le titre de l'œuvre choisi ne portait pas atteinte à des droits antérieurs; que dans ces conditions sa responsabilité est engagée au même titre que la société Universal Music;
Sur les mesures réparatrices
Considérant que la société Ultimate Sound Productions réclame à titre reconventionnel des dommages-intérêts supplémentaires en réparation de ses préjudices, que toutefois elle ne produit pas en cause d'appel des justificatifs permettant d'augmenter les sommes allouées par les premiers juges, compte tenu des éléments qui leur ont été fournis;
Considérant que, dans ces conditions, le jugement déféré mérite confirmation en toutes ses dispositions;
Considérant que les sociétés Pschent et Universal Music, qui succombent devront supporter les dépens de première instance et d'appel, ce qui entraîne le rejet de leur demande fondée sur l'article 700 du NCPC;
Qu'il est équitable de les condamner in solidum en application de ce texte, à payer à Messieurs Pichat et Verdier, et à la société Ultimate Sound Productions la somme de 6 000 euros;
Par ces motifs, Confirme le jugement déféré, Déboute les parties de toutes autres demandes, Condamne in solidum la société Universal Music, anciennement Polygram, et la société Pschent à payer à Messieurs Pichat et Verdier et à la société Ultimate Sound Productions la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du NCPC; Les condamne in solidum aux dépens dont distraction au profit de Maître Pamart, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.