CA Douai, 6e ch., 15 octobre 1996, n° 96-00936
DOUAI
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bouly de Lesdain
Substitut général :
M. Chaillet
Conseillers :
M. Lambret, Mme Lefebvre
Avocats :
Mes Nouel, Laraize
DÉCISION:
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu l'arrêt suivant:
Par jugement en date du 9 janvier 1996 le Tribunal correctionnel d'Arras a relaxé du délit de remise d'un contrat ne comportant pas mention de la faculté de renonciation et obtention d'une contrepartie ou d'un engagement immédiat, lors d'un démarchage à domicile;
Le tribunal a également condamné la partie civile Jeanine Delavacque épouse Delahaye à lui payer la somme de 8 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
Cette décision a été régulièrement frappée d'appel par le Ministère public le 11 janvier 1996 par la partie civile Jeanine Delahaye, sur ses dispositions civiles le 18 janvier 1996.
Le prévenu comparaît personnellement devant la cour, assisté de son conseil de même que la partie civile;
Il sera rappelé les faits suivants:
Le 10 décembre 1991, après contact pris par téléphone l'informant du but de sa visite, Christophe A, généalogiste, se rendait au domicile de Jeanine Delavacque épouse Delahaye à Arras, où était signé un contrat de révélation de la succession de Pierre Hauquet décédé le 16 octobre 1990.
Le contrat prévoyait une rémunération correspondant à 60 % du montant de l'héritage;
Par acte séparé, Jeanine Delahaye constituait pour mandataire MM. A et Delcros, avec mission de recueillir la succession de Pierre Hauquet et de faire toutes les démarches utiles à cet effet.
Le 11 décembre 1991, Jeanine Delahaye écrivait à l'étude généalogiste pour l'informer qu'elle renonçait au contrat et dénonçait le pouvoir.
Christophe A refusait de faire droit à cette demande et poursuivait le recouvrement de ses honoraires devant la juridiction civile.
Sur l'élément matériel:
Est notamment soumis aux dispositions de la loi du 22 décembre 1972 modifiée par la loi du 23 juin 1989, depuis article L. 121-21 et suivants du Code de la consommation, quiconque pratique le démarchage au domicile d'une personne physique, même à sa demande, afin de lui proposer la fourniture de services;
Dès lors le caractère spontané de la visite du démarcheur n'est pas une condition d'application de la loi. Il importe donc peu que le généalogiste ait "pré-révélé" la succession du cousin de la plaignante ou que le service offert ne puisse l'être qu'à une personne déterminée;
De même l'activité du généalogiste ne peut être assimilée à une prestation de services liée à une vente de produits de la production personnelle du démarcheur et effectuée immédiatement ce qui l'exclurait du champ d'application de la loi. En effet non seulement - comme l'a retenu le tribunal - le généalogiste avait déjà effectué des recherches, mais il s'obligeait à effectuer - pour l'avenir - diverses formalités (cf. côte D 2);
Soumis aux dispositions de la loi de 1972, le contrat devait comporter un formulaire de renonciation et ne pouvait fixer la part d'honoraires.
Il est constant que le contrat ne remplissait pas ces conditions de forme.
Sur l'élément intentionnel:
La cour tire de ce que le contrat e été faussement déclaré établi à Paris, le 9 décembre 1991, la preuve que le prévenu avait conscience de ne pas respecter les dispositions d'ordre public de la loi.
Le jugement sera en conséquence infirmé et le prévenu condamné à une amende.
Sur l'action civile:
La cour, au vu des pièces versées aux débats, a les éléments suffisants d'appréciation pour fixer à la somme de 3 000 F le montant des dommages-intérêts à même de permettre une entière réparation du préjudice direct, actuel et personnel causé à la partie civile Jeanine Delavacque épouse Delahaye par les agissements délictueux,
En application de l'article 6 alinéa 3 de la loi du 22 décembre 1972, depuis article L. 121-31 du Code de la consommation,
Jeanine Delavacque est également recevable à demander une somme égale au montant des effets souscrits soit la somme de 135 954,92 F;
Il sera alloué, en l'état des éléments de la cause, au titre des procédures de première instance et d'appel une indemnité procédurale de 5 000 F à la partie civile;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme la décision déférée en toutes ses dispositions; Déclare Christophe A coupable des faits objets de la poursuite; Le condamne à une amende de dix mille francs (10 000 F); Recevant Jeanine Delavacque épouse Delahaye en sa constitution; Condamne Christophe A à lui payer avec intérêts de ce jour la somme de cent trente cinq mille neuf cent cinquante-quatre francs quatre-vingt-douze centimes (135 954,92 F) montant de l'engagement, la somme de trois mille francs (3 000 F) à titre de dommages et intérêts, la somme de cinq mille francs (5 000 F) au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; Constate que la décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F (huit cents francs) dont est redevable chaque condamné.