Livv
Décisions

CA Paris, 9e ch., 26 février 1991, n° 90-0768

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Castres

Avocat général :

M. Fodin

Conseillers :

MM. Collomb-Clerc, Launay

Avocat :

Me Bonoliel

TGI Paris, 31e ch. corr., du 1er déc. 19…

1 décembre 1989

Appel a été interjeté, le 8 décembre 1989 par M. le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris contre M Gino.

Arrêt de défaut du 10 avril 1990.

La 9e Chambre de la cour, statuant par défaut à l'égard du prévenu, l'a déclaré coupable de publicité, sous quelque forme que ce soit, relative à un appareil présenté comme favorisant le traitement des maladies qu'il énumérait sans qu'il ait été établi que ledit appareil possédait les propriétés annoncées dans la publicité en cause et ce, en infraction à un arrêté ministériel d'interdiction de publicité (faits commis à Paris courant 1988) et l'a condamné à la peine de 30 000 F d'amende ainsi qu'aux dépens envers l'Etat, liquidés à 669,22 F.

Opposition à arrêt de défaut.

Le 27 septembre 1990, Gino M a formé opposition à l'exécution dudit arrêt de défaut du 10 avril 1990.

DECISION

Après en avoir délibéré conformément à la Loi.

I. En la forme

Considérant que M Gino, prévenu, a régulièrement formé opposition à l'arrêt du 10 avril 1990, par lequel la cour, statuant par défaut, l'avait déclaré coupable des faits tels que visés par la prévention et l'avait condamné à la peine de 30 000 F d'amende.

Que cette opposition doit, par suite, être déclarée recevable.

Que la cour se trouve ainsi à nouveau saisie de l'appel, régulièrement formé par le Ministère public contre le jugement du Tribunal de grande instance de Paris (31e chambre) en date du 1er décembre 1989 qui avait renvoyé le prévenu des fins de la poursuite, appel dont il y a lieu, en conséquence, de constater la recevabilité.

II. Au fond et sur l'action publique

a) Sur les faits reprochés au prévenu

Considérant que les premiers juges ont exactement rappelé la procédure, les termes de la prévention et les faits de la cause et qu'il y a lieu de s'en rapporter, à cet égard, aux énonciations du jugement déféré.

Considérant que, par arrêté du ministre des Affaires Sociales du 7 mai 1986, il était indiqué que la société X, sise <adresse>à Paris (10e), avait fait paraître une publicité sur l'électrothérapie mentionnant une action sur les douleurs de l'arthrose, arthrite, rhumatismes, sciatique, etc. et affirmant: "chassez définitivement les douleurs et les maladies de votre organisme" alors qu'aucune preuve n'avait été apportée établissant l'efficacité de l'électrothérapie sur les propriétés bénéfiques pour la santé revendiquées.

Que ledit arrêté faisait donc interdiction à la société X de procéder à "toute publicité, sous quelque forme que ce soit", en faveur de l'appareil d'électrothérapie commercialisé par elle "mentionnant les indications et les allégations ci-dessous énoncées".

Considérant que, le 5 juillet 1988, les services de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes devaient constater que la société X persistait à se livrer à une publicité de l'appareil en cause, l'enquête ayant fait ressortir qu'un document publicitaire, relatif au même appareil, avait été diffusé, entre juin et novembre 1988, dans diverses régions de France et que ce document comportait, notamment, les mentions ci-après: "votre passeport pour la santé l'électrothérapie, vos douleurs enfin soulagées... si vous souffrez beaucoup de douleurs musculaires, articulaires ou de troubles circulatoires provoqués par Arthrose, Arthrite, Rhumatismes, Sciatique, Lumbago, etc."

Considérant que M, cité pour ces nouveaux faits devant le tribunal, déclarait avoir cru comprendre que ce dont il lui avait été initialement fait grief était l'utilisation du terme "définitivement" et qu'il pensait donc avoir régularisé la situation de la société au regard de l'arrêté d'interdiction en faisant disparaître ce terme dans le libellé de la publicité.

Considérant que les premiers juges ont estimé que le prévenu avait apporté des modifications à la publicité critiquée en ce que les allégations et affirmations publicitaires y figurant étaient différentes de celles visées par l'arrêté d'interdiction en ne faisant plus état, en particulier, du caractère définitif de l'amélioration apportée par l'appareil et que, dans ces conditions, la nouvelle publicité ne pouvait être regardée comme contrevenant aux termes exprès et limitatifs de l'arrêté sus mentionné du 7 mai 1986.

Considérant que le Ministère public demande à la cour, dans son rapport d'appel, de réformer ledit jugement et de retenir la culpabilité de M dans les termes dénoncés par la poursuite.

Considérant que, dans ses écritures d'appel, le prévenu fait valoir, au soutien de sa demande de relaxe, que l'arrêté d'interdiction du 7 mai 1986 a bien été respecté puisqu'il est indiqué, dans la publicité incriminée, "vos douleurs enfin soulagées" et que l'expression "chassez définitivement les maladies de votre organisme" a été supprimée.

Que le prévenu insiste, en outre, sur le fait que "depuis lors, et notamment le 13 avril 1990, le ministère de la Solidarité, de la Santé et de la Protection sociale - Direction de la Pharmacie et du Médicament - a donné son accord aux publicités proposées" par lui "concernant l'exploitation de ce fameux appareil Y".

Considérant, toutefois, que l'arrêté du 7 mai 1986 n'avait nullement limité l'interdiction qu'il édictait à l'utilisation de l'adverbe "définitivement" mais qu'il avait explicitement spécifié prohiber toute publicité en faveur de l'appareil faisant notamment, ressortir, dans les termes sus rappelés, une action bénéfique sur les douleurs de l'arthrose, de l'arthrite, des rhumatismes et de la sciatique.

Que les énonciations de la publicité en question n'ont pas été substantiellement modifiées par rapport à celles de la précédente.

Que, par ailleurs, l'argument tiré par le prévenu de l'accord donné par le ministère de la Santé, courant 1990, à la nouvelle publicité proposée par le prévenu ne peut qu'être écarté comme totalement extérieur à la cause dès lors que la publicité dont il se prévaut ainsi n'a fait l'objet d'une autorisation du ministère de la Santé que bien après la diffusion de la publicité qui lui est reprochée et qu'au demeurant, les termes en sont très différents de ceux utilisés dans celle ayant motivé les poursuites à son encontre dans la présente procédure.

Que, de surcroît, l'accord du ministère de la Santé, en date du 13 avril 1990, était relatif aux "visuels définitif devant figurer au verso des enveloppes CCP" concernant les sociétés "A" et "B" et a été donné non pas à la société X elle-même mais à la société "C, à l'attention de M. D", à Boulogne-Billancourt.

Qu'il apparaît, en définitive, que le prévenu n'a fourni ni au tribunal ni à la cour aucun élément de nature à démontrer, de manière objective et péremptoire, l'efficacité de l'appareil en question dans le traitement des affections énumérées dans la publicité à laquelle il s'est de nouveau livré en faveur de cet appareil.

Que le fait de diffuser auprès du public, en dépit d'un arrêté d'interdiction dont les termes étaient dépourvus de toute ambiguïté, les documents publicitaires relatifs aux bienfaits susceptibles d'être procurés par l'usage de l'appareil vendu par la société X, alors qu'il n'a pas été établi que l'appareil dont s'agit possède les propriétés annoncées, constitue l'infraction, telle que dénoncée par la poursuite, aux lois des 3 janvier 1972 et 10 janvier 1978, codifiées sous les articles L. 552 et L. 556 du Code de la santé publique.

Qu'il échet, dès lors et contrairement à l'appréciation des premiers juges, de déclarer M Gino coupable de ladite infraction.

b) Sur l'application des peines

Considérant que le caractère pernicieux des agissements de M, compte tenu de la particulière vulnérabilité des personnes souffrant, comme en l'espèce, d'affections douloureuses et difficiles à soigner, justifie, en l'occurrence, que lui soit infligée une amende d'un montant significatif.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en second ressort; En la forme, Reçoit M Gino en son opposition à l'arrêt de défaut de la cour de céans du 10 avril 1990; Dit cet arrêt non avenu en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, reçoit l'appel du Ministère public; Au fond: Réformant le jugement dont appel; Déclare M Gino coupable d'infraction à la réglementation relative à la publicité concernant les appareils présentés comme favorisant le traitement des affections annoncées et ce en infraction à un arrêté ministériel d'interdiction de publicité (faits commis à Paris courant 1988); Le condamne à la peine de quinze mille (15 000) francs d'amende; Dit inopérants, mal fondés ou extérieurs à la cause tous autres moyens, fins ou conclusions et les rejette comme contraires à la motivation retenue; Condamne M Gino aux entiers dépens envers l'Etat, de première instance et d'appel, liquidés à la somme de 961,92 F; Dit que la contrainte par corps pourra s'exercer à son encontre, dans les formes de droit, pour le recouvrement de l'amende et des frais de justice; Le tout par application de la loi n° 72-7 du 3 janvier 1972, de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, des articles L. 552 et L. 556 du Code de la santé publique et des articles 412, 473, 489, 512, 515, 749 et suivants du Code de procédure pénale.