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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 21 novembre 2003, n° 2001-08112

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Amor (SA), Amor

Défendeur :

Groupe Volkswagen France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pezard

Conseillers :

Mme Regniez, M. Marcus

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Monin

Avocats :

Mes Gaultier, d'Arailh, SCP Vogel & Vogel.

TGI Paris, 3e ch., du 26 janv. 2001

26 janvier 2001

LA COUR est saisie des appels interjetés par M. Mohamed Fayçal Amor et par la société anonyme Amor à l'encontre d'un jugement contradictoirement rendu le 26 janvier 2001 par le Tribunal de grande instance de Paris dans un litige les opposant à la société anonyme Groupe Volkswagen France, ci-après dénommée Volkswagen.

M. Mohamed Fayçal Amor, se prévalant de la marque dénominative Plein Sud, déposée le 3 novembre 1991 et enregistrée sous le n° 1 727 849 en renouvellement d'un dépôt du 5 octobre 1982 pour désigner des produits compris dans les classes 9, 14, 18, 24, 25 notamment les vêtements ainsi que d'une licence exclusive d'exploitation de cette marque consentie par actes des 10 juin 1986 et 1er octobre 1998 à la société Amor a constaté que la société Seat France, absorbée par le groupe Volkswagen en 1995, avait déposé la marque Plein Sud n° 92-419 493 le 19 mai 1992 pour protéger sous cette dénomination les véhicules et les services de publicité.

M. Mohamed Fayçal Amor et la société Amor ont fait citer devant le Tribunal de grande instance de Paris Volkswagen sur le fondement de l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle estimant que l'utilisation de la marque Plein Sud pour les véhicules constituait une exploitation injustifiée de la marque de renommée de M. Mohamed Fayçal Amor et causant un préjudice à la société qui l'exploite.

Ils ont, subsidiairement, reproché des actes de parasitisme et ont sollicité, outre des mesures d'interdiction et de publication, le prononcé de la nullité de la marque litigieuse ainsi que la condamnation de la société Volkswagen au paiement de dommages-intérêts, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Par le jugement critiqué, le tribunal les a déboutés de leurs demandes, relevant d'une part, le défaut d'éléments suffisamment pertinents permettant d'apprécier la réalité de la renommée de cette marque au sens de l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle tels que par exemple, la justification de la part de marché détenue par la marque Plein Sud et la production de sondages réalisés de façon indépendante auprès d'un public représentatif et révélant le taux de connaissance de la marque, d'autre part, l'absence de preuve de l'appropriation de leur travail et de leur savoir-faire ainsi que du détournement de leurs investissements publicitaires par Volkswagen.

Le tribunal les a en outre condamnés à verser à Volkswagen la somme de 18 000 F ou sa contre-valeur en euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC et aux dépens.

Par leurs dernières écritures signifiées le 20 février 2003, M. Mohamed Fayçal Amor et la société Amor, appelants, demandent à la cour de:

- Infirmer le jugement dont appel et statuant à nouveau, dire que la société Volkswagen qui a absorbé la société Seat France a porté atteinte, en application de l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle à la marque "Plein Sud" n° 1 727 849 dont est titulaire Amor pour couvrir les produits de la classe 25;

- Subsidiairement, dire qu'à tout le moins la société défenderesse a commis des actes de parasitisme et engagé sa responsabilité en application de l'article 1382 du Code civil;

En conséquence,

- Faire interdiction à la société défenderesse, et ce sous astreinte de 200 euros par infraction constatée un mois à compter de la signification de l'arrêt, de faire usage de la dénomination "Plein Sud" à titre de marque;

- Prononcer la nullité de la marque "Plein Sud" n° 92-429-493;

- Condamner la société Volkswagen à justifier dans le délai d'un mois de la signification du jugement et ce sous astreinte de 1000 euros par jour de retard, de ce qu'elle a procédé à la radiation de la marque n° 92-419-493 "Plein Sud" déposée le 19 mai 1992 par la société Seat France aux droits de laquelle elle se trouve;

- Condamner la société Volkswagen à payer à M. Mohamed Fayçal Amor la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts;

- La condamner à payer à la société Amor la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts sauf à parfaire ou compléter;

- Ordonner l'insertion de l'arrêt à intervenir dans trois publications au choix du demandeur et aux frais de la société défenderesse et ce au besoin à titre de dommages-intérêts;

- Condamner la société intimée à payer à chacun des appelants la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC et aux entiers dépens.

Dans ses écritures récapitulatives, signifiées le 4 juin 2003, la société Groupe Volkswagen France (anciennement dénommée VAG France et venant aux droits de la société Seat France), intimée, demande à la Cour de:

Vu les articles 32 et 122 du NCPC et l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle,

Infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la société Amor était recevable à agir sur le fondement de l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle, alors qu'elle n'est pas le propriétaire de la marque;

Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la marque n° 1 727 849 Plein Sud dont est titulaire M. Mohamed Fayçal Amor pour couvrir les produits de la classe 25 n'est pas une marque de renommée et, en conséquence, débouter M. Mohamed Fayçal Amor et la société Amor de leur demande en réparation pour atteinte à la marque sur le fondement de l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle;

Vu l'article 1382 du Code civil,

Infirmer le jugement en ce qu'il a jugé recevable l'action de M. Mohamed Fayçal Amor et de la société Amor sur le fondement du parasitisme dès lors qu'ils agissent, pour les mêmes faits, sur le fondement de l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle;

Confirmer, en tout état de cause en ce qu'il a jugé que la société Amor et M. Mohamed Fayçal Amor n'apportent aucune preuve pouvant étayer le parasitisme dont ils demandent réparation et, en conséquence, les débouter de leur demande de dommages-intérêts au titre du parasitisme;

Subsidiairement, si la cour d'appel faisait droit aux demandes de M. Mohamed Fayçal Amor et de la société Amor,

Dire et juger que la demande de nullité de la marque Plein Sud 92-419-493 enregistrée par la société Seat France aux droits de laquelle vient la société Groupe Volkswagen le 19 mai 1992 est manifestement disproportionnée et en tout cas injustifiée;

Dire et juger que M. Mohamed Fayçal Amor et la société Amor ne sont pas recevables à demander la nullité de la marque Plein Sud déposée par la société Seat France aux droits de laquelle vient la société Groupe Volkswagen France sur le fondement de l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle et, en conséquence, les débouter de leur demande de nullité de la marque Plein Sud 92 419 493 déposée par la société Seat France aux droits de laquelle vient la société Groupe Volkswagen France le 19 mai 1992;

Dire et juger que la société Amor et M. Mohamed Fayçal Amor ne justifient pas du préjudice qu'ils prétendent subir;

Très subsidiairement,

Débouter M. Mohamed Fayçal Amor et la société Amor de leur demande d'insertion de l'arrêt à intervenir;

Les condamner à payer à la société Groupe Volkswagen France la somme de 7 700 euros HT au titre de l'article 700 du NCPC;

Les condamner aux entiers dépens.

Ceci étant exposé,

Sur la fin de non-recevoir

Considérant que la société intimée prétend que la société Amor est dénuée de qualité à agir sur le fondement de l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle qui ne pourrait être invoqué que par le seul titulaire de la marque;

Considérant que la cour constate comme les premiers juges que la société Amor est recevable, en sa qualité de licenciée exclusive de la marque Plein Sud déposée par Monsieur Amor, à agir aux côtés de ce dernier pour réclamer la réparation du préjudice personnel que l'emploi par la société intimée de la marque qu'elle exploite lui ferait subir dans l'hypothèse, d'une part, où serait reconnu à cette marque le caractère de marque jouissant d'une renommée, et, d'autre part, où cet emploi serait jugé constitutif d'une exploitation injustifiée comme le soutient Monsieur Amor;

Que la fin de non-recevoir doit être, en conséquence, rejetée;

Sur le caractère de marque renommée de la marque Plein Sud n° 1 727 849

Considérant que les appelants, à l'appui de leurs prétentions tendant à l'application à leur profit des dispositions de l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle font valoir que l'utilisation de la marque Plein Sud pour désigner des véhicules porte atteinte à la marque Plein Sud dont est titulaire Monsieur Amor pour les vêtements car cette utilisation banalise et avilit le caractère distinctif de la marque hautement réputée pour les vêtements;

Qu'en outre cet emploi de la marque Plein Sud constitue au profit de Volkswagen une exploitation injustifiée de la marque, en déposant la marque Plein Sud et en l'exploitant pour présenter ses véhicules, Volkswagen s'emparant de la renommée et de la réputation de la marque Plein Sud pour les vêtements en s'affranchissant de tout accord avec le titulaire de la marque;

Considérant toutefois que c'est avec raison et motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont débouté Monsieur Amor et la société Amor de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article susvisé alors que, d'une part, quand bien même l'article L. 713-5 du CPI ne vise-t-il pas uniquement les marques dites de haute renommée, l'allusion au signe de renommée doit évoquer les produits désignés par la marque en cause pour le public qui n'appartient pas nécessairement à la clientèle attachée à ces produits, ce qui n'est pas démontré en l'espèce, d'autre part, qu'il n'y a pas de risque de confusion entre les marques en cause qui aurait pu porter préjudice aux appelants lors de la parution du publi-reportage dans le magazine Elle, la marque automobile Plein Sud n'étant qu'ajoutée à la dénomination "Seat Arosa";

Que dans ces conditions les appelants seront déboutés de leur action au titre de l'article L. 713-5 du CPI;

Sur le parasitisme

Considérant que Monsieur Amor et la société Amor qui à bon droit à titre subsidiaire ainsi que l'a indiqué le tribunal invoquent des actes de parasitisme de la part de Volkswagen;

Mais considérant que la preuve n'est pas rapportée de tels agissements, alors que la marque de vêtements Plein Sud ne jouit pas d'un renom tel que l'emploi de cette même marque pour des véhicules automobiles porte préjudice à son titulaire;

Qu'en conséquence, ils seront également déboutés de ce chef;

Considérant que l'équité commande d'allouer à Volkswagen la somme de 4 000 euros au titre des frais complémentaires d'appel non compris dans les dépens;

Par ces motifs, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne in solidum Monsieur Mohamed Fayçal Amor et la SA Amor à payer à la société Groupe Volkswagen France la somme de 4 000 euros au titre des frais d'appel non compris dans les dépens; Rejette toutes autres demandes; Condamne in solidum Monsieur Mohamed Fayçal Amor et la SA Amor et admet la SCP Monin, avoué, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.