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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 29 janvier 1993, n° 8647-91

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lenormand

Conseillers :

Mmes Magnet, Barbarin

Avocat :

Me Benoliel.

TGI Paris, 31e ch., du 31 oct. 1991

31 octobre 1991

DECISION

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Gino M a été poursuivi devant le Tribunal de Paris (31e chambre) sous la prévention d'avoir à Paris et sur le territoire national, en juillet, septembre, octobre, novembre, décembre 1989, effectué une publicité comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur sur les propriétés d'un bien, les résultats attendus et les qualités prestataire:

1°) en annonçant le résultat d'un sondage effectué sous contrôle d'un huissier de justice attestant 93,49 % de résultats positifs contre les rhumatismes et soulagement rapide et durable dans plus de neuf cas sur dix en utilisant l'électrothérapie alors que le sondage ne permettait pas de faire cette annonce;

2°) En utilisant le terme termes laboratoires alors que la société X n'effectue aucun travail de laboratoire;

3°) En faisant de la publicité en faveur d'un appareil d'électrothérapie malgré interdiction par arrêté du 15 décembre 1988, délits prévus et réprimés par l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 et par la loi du 3 janvier 1972.

Par jugement en date du 31 octobre 1991, le tribunal a déclaré Gino M coupable des faits qui lui étaient reprochés et l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis, à deux cent mille (200 000) F d'amende.

Le tribunal a, en outre, ordonné la publication du jugement, par extraits, aux frais du condamné, dans les journaux France-Soir, Le Figaro et le Parisien et a condamné Gino M à payer à Yvette Llorca, partie civile, la somme de dix mille (10 000) F à titre de réparation.

Appel de cette décision a été régulièrement interjeté tant par le prévenu que par le Ministère public;

Les premiers juges ayant exactement rappelé les faits de la cause, la cour s'en rapporte, sur ce point, aux énonciations du jugement attaqué.

Assisté de son conseil, Gino M, demande à la cour, par voie de conclusions, de:

- Constater que l'utilisation des résultats du sondage ne constitue pas l'infraction de publicité fausse ou de nature à induire en erreur réprimée par l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973;

- Constater que la société X a bien procédé à des examens et études scientifiques de nature à lui conférer le terme des "Laboratoires";

- Infirmer le jugement précité en ce que il l'a condamné à payer à Madame Llorca, la somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts;

- Constater que l'infraction à l'interdiction de l'arrêté du 15 décembre 1988 n'est pas constituée;

- (Le) relaxer du chef de poursuites.

Il résulte d'un acte de l'état-civil de la mairie de Saint Contest (Calvados) qu'Yvette Zabel veuve Llorca, partie civile, est décédée dans cette commune, le 13 mars 1991. Les recherches effectuées n'ont pas permis de savoir si ses héritiers souhaitent poursuivre la procédure et réclamer réparation du préjudice allégué par la défunte.

SUR L'ACTION PUBLIQUE

1°) Sur les résultats du sondage:

Considérant que les premiers juges ont estimé, à juste titre,que Gino M "a, à Paris et sur le territoire national, en juillet, septembre, octobre, novembre, décembre 1989, effectué une publicité comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur sur les propriétés d'un bien, les résultats attendus, en annonçant le résultat d'un sondage effectué sous contrôle d'un huissier de justice attestant 93,49 % de résultats positifs contre les rhumatismes et soulagement rapide et durable dans plus de 9 cas sur 10 en utilisant l'électrothérapie alors que le sondage ne permettait pas de faire cette annonce";

Considérant, en effet, que ce sondage n'était pas significatif; qu'il s'adressait à des personnes en possession de l'appareil d'électrothérapie ayant commandé des pièces de rechange, ce qui en limite singulièrement déjà la portée;

Qu'il y a eu 384 réponses sur 515 demandes et que l'huissier fait état, sur le degré de satisfaction, de 92,70 % de clients satisfaits et, sur les résultats constatés de 93,49 % de résultats positifs;

Que le tribunal a très justement relevé que ni le questionnaire ni le procès-verbal de constat ne mentionne la nature des affections ou maladies dont souffrent les personnes sondées, ni l'efficacité de l'appareil dans le temps, alors que la publicité fait un amalgame habile entre le sondage et les termes "rhumatismes, arthrose, sciatique, loabago", créant ainsi une confusion dans l'esprit du lecteur moyen qui peut croire que 93,49 % des personnes atteintes de ces maux ont eu des résultats positifs grâce à l'appareil concerné et que, de surcroît aucune question n'était posée sur le caractère rapide et durable du soulagement alors qu' il était allégué que, dans 9 cas sur 10, un tel soulagement était apporté.

Qu'un second sondage intitulé "Douleurs opérations, vérité : 86,97 % de satisfaits," effectué sous le nom des "X", ne permet pas de vérifier si la maladie; rhumatisme, arthrose, arthrite, sciatique, toujours évoquée dans la publicité, à côté du sondage est réellement guérie à 86,97 %;

Que, postérieurement aux publicités litigieuses, M, au nom de la C, pour justifier du sérieux de ses produits,a fait établir, le 30 juillet 1991, par deux médecins de l'Hôpital Beaujon à Clichy (92), un rapport d'étude scientifique comparative de l'appareil d'électrothérapie ambulatoire "X" sur 50 patients choisis selon des critères inconnus, concluant que 36 cas sur 47 ont été plus rapidement améliorés,soit 77 % de bons résultats (en fait 70 % si l'on retient 36 cas sur 50);

Qu'ainsi les 93,49 % de résultats positifs mentionnés dans la publicité incriminée ne correspondent même pas aux chiffres du rapport demandé par la C et dont les paramètres scientifiques sont assez succincts, comme le font observer les premiers juges;

Qu'il ne fait donc aucun doute que, tels qu'ils sont présentés, les résultats du sondage, objet de la publicité visée à la prévention et dans laquelle il est fait état de l'indiscutable efficacité de cette méthode scientifique", sont faux;

Que, dans ces conditions, par les termes mensongers ou tout le moins de nature à induire en erreur de la campagne publicitaire par annonces de presse, distribution de tracts dans les boites à lettres et enveloppes de centres de chèques postaux dont il a été l'instigateur, courant 1989, M s'est bien rendu coupable du délit visé au premier chef de la prévention et que c'est, par conséquent, à juste titre, que les premiers juges l'ont pour cela sanctionné;

2°) Sur l'utilisation du terme "Laboratoire X":

Considérant qu'il est reproché à M d'avoir à dessein pris le nom de "X", ce qui ne pouvait avoir pour effet que de conforter le lecteur, en général des personnes âgées, sur le sérieux scientifique de l'appareil et les textes effectués et sur la valeur médicale du produit alors qu'il ne s'agissait pas, en réalité, de laboratoires, au sens commun du terme, ni recherches ni expériences n'y étant effectuées;

Considérant, toutefois, que l'emploi du terme "Laboratoire" ne saurait constituer en l'espèce une publicité fausse ou de nature à induire en erreur au sens de l'article 44 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 dès lors qu'il apparaît qu'il n'est pas de nature à tromper ou à induire en erreur, un consommateur, moyen, normalement intelligent, instruit et attentif, sur l'identité, les qualités ou les aptitudes du revendeur;

Qu'il n'y a donc pas lieu, contrairement à ce que les premiers juges ont estimé, de retenir à l'encontre de M ce second grief de publicité fausse ou de nature à induire en erreur;

3) Sur le non-respect de l'interdiction de publicité par arrêté ministériel du 15 décembre 1988:

Considérant que par arrêté ministériel en date du 15 décembre 1988, le ministre de la Solidarité, de la Santé et de la Protection sociale a interdit au centre de physiothérapie Y, <adresse>, devenue ensuite la SARL "X", toute publicité, sous quelque forme que ce soit, en faveur d'un appareil d'électrothérapie faisant état d'une action bénéfique pour la santé sur l'arthrose, l'arthrite, les rhumatismes, les sciatiques, le torticolis, les maux de tête, les rages de dents,les règles douloureuses, la constipation, les hématomes, les entorses, les crampes, les lombagos, les troubles circulatoires, les douleurs articulaires ou musculaires, les jambes lourdes, les varices, les hémorroïdes;

Que le prévenu a tenté manifestement de tourner l'arrêté d'interdiction en transformant la personne morale concernée, soit le Centre de Physiothérapie "Y", en "X", avec une adresse identique, manœuvre, comme le souligne le tribunal, "d'une particulière mauvaise foi";

Considérant que ce faisant, M s'est rendu coupable de l'infraction prévue et réprimée par les articles 2 et 3 de la loi n° 72-7 du 3 janvier 1972 modifiant les articles L. 552 et L. 556 du Code de la santé publique;qu'il échet de requalifier la prévention en ce sens;

Considérant que, dès lors, il convient de confirmer le jugement attaqué sur la déclaration de culpabilité de Gino M du chef de publicité fausse ou de nature à induire en erreur sur les résultats d'un sondage, de le déclarer coupable du chef de publicité en faveur d'un appareil d'électrothérapie malgré l'interdiction prononcée par arrêté ministériel du 15 décembre 1988 mais de le relaxer du chef de publicité fausse ou de nature à induire en erreur par l'utilisation du terme "Laboratoires".

Que, toutefois, compte tenu des circonstances de l'espèce, il lui sera fait une application moins sévère de la loi pénale, sans qu'il y ait lieu d'ordonner, en outre, la publication du présent arrêt;

SUR L'ACTION CIVILE

Considérant qu'Yvette Llorca, partie civile, étant décédée et ses héritiers ne manifestant pas leur intention de suivre sur sa constitution de partie civile, il n'y a pas lieu de statuer sur l'action civile;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard du prévenu; Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public; Relaxe Gino M du chef de publicité fausse ou de nature à induire en erreur par l'utilisation du terme "Laboratoires"; Confirme le jugement attaqué sur la déclaration de culpabilité de Gino M du chef de publicité fausse ou de nature à induire en erreur sur les résultats d'un sondage; Requalifiant la prévention en tant que de besoin, déclare Gino M coupable de publicité en faveur d'un appareil d'électrothérapie malgré l'interdiction prononcée par arrêté ministériel; Condamne Gino M à dix mille (10 000) F d'amende; Dit n'y avoir lieu à publication du présent arrêt; Constate le décès de Yvette Zabel veuve Llorca, qui s'était constituée partie civile; Dit n'y avoir lieu à statuer sur l'action civile; Condamne Gino M aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers liquidés à la somme de 430,40 F; Le tout par application des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 44 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, L. 552, L. 556 du Code de la santé publique, 55-1 du Code pénal, 473, 512 du Code de procédure pénale.