CA Rennes, 2e ch. com., 27 mai 2003, n° 02-04153
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Rockplast (SARL)
Défendeur :
Comptoir de l'ouest (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Letouze
Conseillers :
Mme Nivelle, M. Patte
Avoués :
SCP Castres Colleu & Perot, SCP Bazille & Genicon
Avocats :
SCP Thevenet-Nougaret-Tour-Pomes, Me Pages.
Exposé des faits - procédure - objet du recours:
La société "Rockplast" a interjeté appel d'un jugement rendu le 6 juin 2002 par le Tribunal de commerce de Rennes qui l'a déboutée de toutes ses demandes fins et conclusions dirigées contre la société "Comptoirs de l'ouest" et l'a condamnée à payer à cette dernière la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Elle demande à la cour, réformant la décision déférée, de dire et juger la rupture du contrat d'agent commercial du 17 novembre 1998 imputable à la société "Comptoirs de l'ouest" et de condamner celle-ci à payer à la société "Rockplast":
- 853 euros HT à titre de rappel de commissions
- 40 473 euros HT au titre de l'indemnité de rupture;
- 5 000 euros au titre des frais irrépétibles;
La société "Comptoirs de l'ouest" conclut à la confirmation de la décision attaquée et demande la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Moyens proposés par les parties:
Considérant qu'au soutien de son recours la société "Rockplast" expose les faits suivants;
Par contrat en date du 1er décembre 1994 la société "Comptoirs de l'ouest", qui commercialise des emballages et de la papeterie spécialisée, a confié un mandat d'agent commercial à Franck Solignac, qui y a renoncé sans indemnité le 17 novembre 1998 au profit le la société "Rockplast" dont il est le gérant;
Ce contrat concernait plusieurs départements du sud-est de la France;
Dès la fin de l'année 1998 l'attitude de la société "Comptoirs de l'ouest", qui avait entrepris d'évincer son agent commercial, a été telle que Rockplast n'a pu que constater la rupture du contrat à l'initiative du mandant par courrier en date du 16 février 2000;
Considérant qu'elle fait valoir pour sa défense que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la société "Comptoirs de l'ouest" n'a jamais fait aucun reproche à son agent concernant un manque de travail ou une insuffisance de chiffre d'affaires;
Qu'elle estime fondées ses réclamations concernant diverses factures pour un montant total en euros de 853,50 HT;
Considérant sur l'imputabilité de la rupture qu'elle rappelle que le mandat d'agent commercial, qui est un mandat d'intérêt commun, doit être exécuté de bonne foi;
Qu'en l'espèce outre le retard ou le défaut dans le paiement des commissions, la société "Rockplast" fait valoir que la société "Comptoirs de l'ouest" a multiplié les pressions sur Frank Solignac afin de le pousser à la démission; qu'elle l'a privé de matériel et d'outils de vente (catalogues, bons de commandes, tarifs), a rejeté ses factures et ne lui a pas communiqué les résultats des ventes et les commandes sur les ventes et les salons;
Que sa demande d'indemnité de rupture est ainsi parfaitement justifiée;
Considérant que la société "Comptoirs de l'ouest" fait valoir de son côté que dès 1999 son agent commercial a multiplié les griefs à son égard;
Qu'en ce qui concerne les commissions impayées l'appelante n'est pas fondée à les réclamer dans la mesure où elles sont la conséquence (prévue au contrat) de la mauvaise exécution des commandes par l'agent ou des accords passés entre l'agent et son mandant;
Considérant sur l'imputabilité de la rupture que la société "Comptoirs de l'ouest" fait valoir que la rupture du contrat résulte clairement de la lettre de la société "Rockplast" en date du 16 février 2000 et qu'il appartient à cette société de rapporter la preuve d'une faute du mandant ce qu'elle ne fait pas;
Considérant que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties la cour se réfère à la décision attaquée, et aux écritures des parties régulièrement signifiées;
Motifs de l'arrêt:
Sur l'indemnité de rupture:
Considérant qu'il est constant que par courrier en date du 16 février 2000 la société "Rockplast", par l'intermédiaire de son gérant Franck Solignac a mis un terme au contrat d'agent commercial qui la liait à la société "Comptoirs de l'ouest" depuis le 17 novembre 1998;
Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, à moins que cette cessation ne résulte de l'initiative de l'agent; que toutefois l'indemnité reste due si cette cessation est justifiée par des circonstances imputables au mandant;
Qu'il appartient le cas échéant à l'agent de rapporter la preuve d'une faute imputable au mandant qui a de son côté l'obligation de "mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son contrat";
Considérant en l'espèce que la société "Rockplast" reproche à la société "Comptoirs de l'ouest" de l'avoir harcelée par diverses manœuvres afin de l'amener à rompre d'elle-même son contrat d'agence;
Qu'elle lui reproche en particulier d'avoir engagé un "manager", Monsieur Bardoux sur son secteur géographique ce que la société "Rockplast" analyse comme une atteinte à sa liberté d'exercice de son mandat;
Mais attendu que la société "Rockplast", qui a effectivement protesté par courrier du 14 décembre 1998 contre cette nomination, ne démontre pas en quoi Monsieur Bardoux a entravé sa liberté d'action alors même qu'il résulte du contrat, qu'à l'exception d'une clientèle limitativement définie aux annexes 1 à 12 de ce contrat, l'agent ne bénéficiait pas de l'exclusivité de la représentation de son mandant;
Qu'il n'apparaît pas par ailleurs anormal que la société "Rockplast" ait été exclue par la société "Comptoirs de l'ouest" de la liste de commerciaux qui sont des salariés; que Monsieur Navarro, commercial pour le sud de la France n'intervenait que sur 2 (l'Aveyron et l'Hérault) des 9 départements dépendant du secteur géographique de la société "Rockplast";
Considérant enfin que le chantage dont la société "Rockplast" aurait fait l'objet à l'occasion d'un déjeuner d'affaires à l'hôtel Mercure de Cavaillon n'est pas prouvé et ne repose que sur les affirmations de Franck Solignac;
Considérant ainsi que la preuve d'une faute imputable au mandant n'étant pas rapportée, c'est à bon droit que le tribunal a débouté la société "Rockplast" de sa demande d'indemnité compensatrice de rupture, les motifs invoqués par la société "Rockplast" au soutien de sa demande n'étant en fait que la reprise de ses doléances exprimées par courrier sans aucuns justificatifs supplémentaires;
Sur le paiement des commissions restant dues:
Considérant que l'agent commercial peut prétendre à une commission pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence;
Que la société "Rockplast" réclame à ce titre diverses sommes qu'il convient d'examiner;
* Frais de taxi du 4 mai 1999 soit 178 F
Considérant qu'aux termes de l'article 10-7 du contrat d'agent commercial la société "Rockplast" peut prétendre au remboursement des frais occasionnés par des réunions tenues au siège du mandant sur convocation de celui-ci;
Qu'en l'espèce la société "Comptoirs de l'ouest" avait bien convoqué Franck Solignac à son siège le 4 mai 1999; qu'elle avait de ce fait l'obligation de prendre en charge tous les frais occasionnés par ce déplacement, y compris ceux engendrés par les transferts gare-hôtel et cela en dépit du courrier tendant à réduire les frais pris en charge aux seules dépenses occasionnées par le train et l'hôtel; qu'il sera fait droit à la demande présentée par la société "Rockplast" de ce chef;
* Factures du 11 janvier 1999, du 15 février 1999 et décompte du 30 novembre 2000
Considérant en droit que si celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, celui qui se prétend libéré doit pour sa part rapporter la preuve de son paiement ou du fait qui a produit l'extinction de cette obligation;
Considérant que le contrat d'agence stipule que l'agent recevra une rémunération d'un montant de 15 % du montant hors taxes des factures, que cette commission couvre les frais professionnels engagés; que l'article 10-9 de ce contrat précise en outre "les commissions sont calculées chaque fin de mois sur les factures livrées au cours du mois et versées entre le 10 et le 15 du mois suivant, avec déduction des affaires facturées et précédemment commissionnées et dont il est établi que le paiement par le client n'aura pas lieu";
Considérant cependant que le mandant ne saurait faire supporter à l'agent les conséquences de ses propres carences, le droit à commission ne pouvant s'éteindre, en application des dispositions de l'article L. 134-10 du Code de commerce que s'il est établi que le contrat entre le tiers et le mandant ne sera pas exécuté et si cette inexécution n'est pas due à des circonstances imputables au mandant;
Considérant en l'espèce, en ce qui concerne la facture du 15 février 1999, qu'il n'est pas contesté par la société "Comptoirs de l'ouest" que seule une somme de 1 161, 88 F a été virée sur le compte de la société "Rockplast" sur un montant total de 2 942,43 F;
Que la société "Comptoirs de l'ouest" ne conteste pas devoir le solde soit la somme de 1 780,53 F; qu'elle sera en conséquence condamnée au paiement de cette somme, faute par elle de rapporter la preuve que le défaut de paiement n'est pas de son fait et alors que la société "Rockplast" fait état de problèmes de livraison qui lui seraient imputables;
Considérant sur la facture du 11 janvier 1999 et le décompte du 30 novembre 2000 invoqué par la société "Rockplast" que les pièces versées au dossier ne permettent pas à la cour de se prononcer utilement sur la demande;
Qu'il convient en conséquence, réformant partiellement la décision déférée, de condamner la société "Comptoirs de l'ouest" à payer à la société "Rockplast" la somme de 1 958,53 F (178 F + 1 780,53 F) arrondie à 300 euros;
Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a dû engager à l'occasion de la présente procédure; qu'elles seront déboutées de leurs demandes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Que la société "Rockplast" succombant pour l'essentiel en appel supportera les dépens de la présente instance;
Décision:
Par ces motifs, LA COUR Réformant partiellement la décision déférée, Condamne la société "Comptoirs de l'ouest" à payer à la société "Rockplast" la somme de 300 euros au titre des frais et commissions restant dues; Confirme pour le surplus la décision déférée; Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires; Condamne la société "Rockplast" aux dépens de première instance et d'appel, ceux-ci pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.