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Décisions

CA Paris, 9e ch. A, 27 novembre 1989, n° 87-8910

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Chauvigne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Castres

Substitut :

général: M. Marchi

Conseillers :

MM. Collomb, Clerc, Launay

Avocats :

Mes Bizon, Volkringer, Jousset, Delrue

T. pol. Melun, du 26 oct. 1987

26 octobre 1987

Le jugement a renvoyé les supermarchés X, Y et Z, pris en la personne de leur directeur respectif, à savoir: C Bernard, D Patrick, et J Michel, des fins de la poursuite du chef d'infraction sur le prix de vente du livre au public (articles 1er de la loi du 10 août 1981 et 1er du décret 85.556 du 29 mai 1985, les dépens ont été laissés à la charge du Trésor,

APPEL

Appel a été interjeté par:

- Le Ministère public le 3 novembre 1987

- M. Chauvigne, partie civile, le 9 novembre 1987.

- Par arrêt avant dire droit en date du 11 octobre 1988, la 9e chambre de la cour a reçu les appels et a renvoyé l'affaire à l'audience du 7 février 1989, les parties étant préalablement cités. Les dépens ont été réservés.

- Par arrêt avant dire droit au fond en date du 28 mars 1989, la 9e chambre de la cour a renvoyé l'affaire à l'audience du 9 octobre 1989 après citations des trois prévenus et de la partie civile.

DECISION

La cour après en avoir délibéré

Par son arrêt du 11 octobre 1988, la cour a reçu en la forme les appels interjetés à l'encontre du jugement susvisé par le Ministère public et la partie civile.

Au fond,

Considérant qu'il convient de rappeler, au titre des faits, et du déroulement de la procédure, que Chauvigne Michel, agissant en sa qualité de Président du conseil d'administration de la SA "Librairie Papeterie Jacques Amiot dont le siège est 22, rue Paul Doumer à Melun, dénonçait par lettre du 3 décembre 1985, adressée au Procureur de la République de Melun, la pratique qui s'était instaurée, selon lui, au sein des magasins à grande surface "Y, Z et X", établis en Seine-et-Marne, et consistant à proposer à leur clientèle la vente de livres à des prix inférieurs à ceux fixés par la loi du 10 août 1981 modifiée par celle du 13 mai 1985;

qu'à l'issue d'une enquête diligentée à la demande du parquet par les services de police judiciaire, et, notamment, des constatations effectuées par les enquêteurs le 18 décembre 1986, dans chacun desdits magasins, D Patrick, pris en sa qualité de directeur du magasin "Y" à Cesson, J Michel, pris en tant que responsable du secteur "Bazar" du magasin Z de Villiers-en-Bières et C Bernard, pris en sa qualité de directeur du centre commercial " X" de Dammarie Les Lys, ont été cités, à la requête du Ministère public, devant le Tribunal de police de Melun, du chef d'infraction aux dispositions de la loi du 10 août 1981 et du décret du 29 mai 1985, pour avoir, courant décembre 1986, étant commerçants détaillants, "omis de pratiquer un prix effectif de vente du livre compris entre 95 et 100 % du prix fixé par l'éditeur ou l'importateur, notamment en pratiquant un rabais de 30 % sur ledit prix fixé" et ce, à raison de 374 livres en ce qui concerne D, de 1 619 livres pour J et enfin de 464 livres pour ce qui concerne C.

Considérant que le tribunal a relaxé les prévenus, en estimant que la preuve ne se trouvait pas rapportée, par le Ministère public, que les livres visés par la poursuite n'entraient pas dans les exceptions telles que prévues à l'article 5 de la loi du 10 août 1981 modifiée par celle du 13 mai 1985, et qui autorise les détaillants à pratiquer des prix inférieurs sur les ouvrages édités ou importés depuis plus de deux ans et dont le dernier approvisionnement remonte à plus de six mois.

que D, J et C ayant fait conclure à la confirmation du jugement déféré, la cour, par son précédent arrêt avant dire droit du 28 mars 1989, a ordonné l'apport aux débats, par les soins des prévenus, des différents documents commerciaux ou comptables, notamment, des bons de commandes et de livraison ainsi que des factures afférents aux ouvrages dont la liste se trouve annexée aux procès-verbaux dressés le 18 décembre 1986 par les services de police.

Considérant que les différents documents commerciaux ou comptables versés aux débats par les prévenus, et se rapportant à la commande, à la livraison ainsi qu'à la facturation des livres en cause, font ressortir que les éditeurs desdits ouvrages étaient français.

que ces livres avaient été, en outre, édités en France, moins de deux ans avant la constatation des faits par les services de police

qu'ils n'avaient également jamais franchi une frontière intracommunautaire avant leur commercialisation par les soins des magasins "Y" "Z" et X" dont le dernier approvisionnement remontait par ailleurs, et pour chacun de ces établissements, à moins de six mois.

qu'à cet égard, il ne saurait être tiré par C aucun élément de preuve contraire d'un constat d'huissier dressé le 30 décembre 1986 au centre X, cet officier public s'étant borné, sans entreprendre de vérifications, à recueillir les déclarations d'un des responsables du rayon des livres du centre X, selon lequel les ouvrages étaient exposés à la vente depuis deux ans.

qu'aucun élément du dossier n'étaye, en effet, cette affirmation.

Considérant, dès lors, que la preuve ne se trouve pas rapportée que les livres en cause entraient dans la catégorie de ceux visés par les articles 1 et 5 de la loi du 10 août 1981 modifiée par celle du 13 mai 1985.

que les prévenus, lors de leurs auditions par les services à police, n'avaient au demeurant pas invoqué une telle exception, ayant seulement indiqué qu'ils alignaient les prix de vente des ouvrages sur ceux pratiqués en baisse par leurs concurrents.

Considérant que les prévenus sont également mal fondés à soutenir, à titre subsidiaire, que les infractions poursuivies ne seraient pas constituées au regard du droit communautaire, en raison d'une discrimination réalisée, selon eux, à rebours, par la législation française qui traiterait les livres édités et directement vendus en France de façon moins favorable que ceux importés ou exportés, puis réimportés des autres pays de la CEE;

Qu'en effet, et comme il a été jugé par la Cour de justice des Communautés européennes la loi modifiée du 10 août 1981 servant de fondement de la poursuite, n'est pas incompatible avec les articles 85 et 86 du traité de Rome;

que le principe de l'interdiction de la discrimination à rebours invoqué par D, J et C au soutien de leur demande de relaxe, ne trouve, dès lors, pas son application en l'espèce.

Considérant que, dans ces conditions, et alors qu'il est constant que les livres visés par la poursuite et dont les listes se trouvent annexés aux procès-verbaux dressés par les services de Police, ont été mis en vente par les magasins Z, Y, ainsi que par le centre commercial "E. X", à des prix inférieurs à 5 % de ceux fixés par les éditeurs, la cour, réformant le jugement déféré, déclarera J Michel, D Patrick et C Bernard coupables d'infractions à la législation sur le prix du livre dans les termes de la prévention.

Sur les intérêts civils:

Considérant que la SA "Librairie-papeterie Jacques Amiot", partie civile appelante, représentée par Chauvigne Michel, demande à la cour de condamner les prévenus à lui verser la somme de un franc à titre de dommages-intérêts et celle de 12 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Considérant que la partie civile justifie de l'existence d'un préjudice direct et actuel subi du fait des agissements frauduleux de D, J et C à son égard;

que la cour lui allouera, en conséquence, la somme de un franc par elle réclamée à titre de dommages-intérêts.

que les prévenus seront en outre condamnés, solidairement à lui verser la somme de cinq mille francs pour ses frais avancés tant en première instance qu'en cause d'appel et qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge.

Par ces motifs: Statuant publiquement, contradictoirement et en second ressort; Vu l'arrêt de la cour de céans en date du 11 octobre 1988 ayant reçu en la forme les appels du Ministère public et de la partie civile; Au fond, réformant le jugement déféré; Déclare D Patrick, J Michel et C Bernard coupables d'infractions contraventionnelles à la loi n° 81.766 du 10 août 1981 relative au prix du livre; Les condamne: D à 374 amendes de 30 F chacune; J à 1 619 amendes de 30 F chacune; C à 464 amendes de 30 F chacune; Condamne solidairement les prévenus à verser à la SA "Librairie Papeterie Jacques Amiot" la somme de un franc à titre de dommages-intérêts, et celle de cinq mille francs en application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; Dit inopérants, mal fondés ou extérieurs à la cause, tous autres moyens, fins ou conclusions contraires ou plus amples, les rejette; Condamne les prévenus, chacun pour leur part, aux frais de première instance et d'appel, ces derniers liquidés à la somme de 1 167,89 F droit de poste et droit fixe de procédure inclus; Le tout en application des dispositions des articles 1 de la loi n° 81.766 du 10 août 1981, 1 du décret n° 85.556 du 29 mai 1985, 472 du Code pénal, 473, 749 et suivants du Code de procédure pénale.