CA Rennes, 3e ch. corr., 28 septembre 2000, n° 1417-2000
RENNES
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Moignard
Avocat général :
M. Aubry
Conseillers :
Mme Turbe-Bion, M. Lourdelle
Avocat :
Me Dersoir.
Rappel de la procédure:
Le jugement:
Le Tribunal correctionnel de Saint-Malo par jugement contradictoire en date du 4 mars 1999, pour
Escroquerie
Publicité mensongère ou de nature à induire en erreur
a relaxé B Jean-Luc des fins de la poursuite; a ordonné la restitution de la totalité des scellés saisis au cours de la procédure enregistrés et déposés au greffe sous le numéro 96-97.
Les appels:
Appel a été interjeté par:
M. le Procureur de la République le 4 mars 1999 contre Monsieur B Jean-Luc
La prévention:
Considérant qu'il est fait grief à Jean-Luc B
- d'avoir à Saint-Malo, courant juillet 1996, par l'usage de faux nom, fausse qualité, abus de qualité vraie et par l'emploi de manœuvres frauduleuses consistant à se présenter comme expert historien de l'Art, spécialiste de Van Gogh et en établissant à son profit des certificats d'authenticité d'œuvres prétendues inédites de Vincent Van Gogh et trompé Mme Juiff Monique et trois mille personnes non identifiées et de les avoir ainsi déterminées à remettre des fonds, en l'espèce en recueillant du public et à son préjudice la somme de 112 000 F.
Infraction prévue par l'article 313-1 al. 1, al. 2 du Code pénal et réprimée par les articles 313-1 al. 2, 313-7 et 313-8 du Code pénal.
- d'avoir à Saint-Malo et dans le département d'Ille et Vilaine, courant juillet 1996, effectué une publicité mensongère consistant dans la présentation d'une exposition payante de 15 tableaux faussement attribués à Vincent Van Gogh;
Infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4 et L. 213-1 du Code de la consommation.
En la forme:
Considérant que l'appel du Ministère public est régulier et recevable en la forme;
Au fond:
En juillet 1996, l'attention était attirée à Saint-Malo par une exposition privée de quinze tableaux inédits prétendument attribués à Vincent Van Gogh et s'intitulant : "Vincent Van Gogh à la portée de tous".
Il apparaissait qu'au cours des mois de juin et de juillet 1996, une campagne promotionnelle avait été réalisée dans la presse locale invitant le public à venir visiter l'exposition précitée à Saint-Malo, près du casino, dans l'espace Dugnay-Trouin du 2 juillet au 14 août 1996.
L'exposition était ouverte depuis plusieurs jours lorsque le 18 juillet 1996 à 11 heures se présentaient les fonctionnaires de la Direction de la Concurrence et des Fraudes à l'espace Duguay-Trouin près du casino de Saint-Malo où ils constataient que plusieurs affiches annonçant l'existence de cette exposition figuraient à la vue du public.
Les termes publicitaires étaient formulés de la manière suivante:
Vincent Van Gogh
"à la portée de tous"
exposition
15 tableaux inédits
Collection privée
Saint-malo
Espace Duguay-Trouin
Du 2 juillet au 14 août 1996
Des articles de presse "interrogatifs" quant à l'authenticité de ces mêmes tableaux avaient été publiés dans le quotidien Ouest-France du 18 juillet 1996.
D'autres articles journalistiques de présentation de l'exposition avaient antérieurement été publiés dans Ouest-France les 28 juin, 3 juillet et 10 juillet 1996.
Les fonctionnaires étaient reçus par deux personnes:
- Monsieur Jean-Marie Caldy architecte scénographe en sa qualité d'exposant
- Monsieur Jean-Luc B "expert et spécialiste de Van Gogh représentant différentes collections".
Monsieur Caldy leur a présenté le contrat qui le liait à Monsieur B et qui avait pour objet:
"exposition de tableaux anciens
lieu: Dinan"
Ce contrat qui avait été signé le 20 mai 1996 avait été modifié tacitement concernant le lieu de l'exposition qui avait été transposé de Dinan à Saint-Malo contient notamment les dispositions suivantes:
"La rémunération de Monsieur Caldy est fixée à hauteur de 30 % sur le montant net hors taxes du chiffre d'affaires des entrées et éventuellement des autres recettes..."
Monsieur Caldy, chargé de mission auprès de Monsieur Jean-Luc B, a ensuite présenté le contrat de location conclu avec la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Saint-Malo le 28 juin 1996.
Ce contrat est signé par Monsieur Caldy et Monsieur Guérin représentant la CCI et a pour objet:
"Exposition de peintures privées de Van Gogh"
et concerne la location de la salle Caraïbes pour un montant de 72 030 F HT pour la période du 2 juillet au 4 août 1996.
Les prix pratiqués à l'entrée de la salle d'exposition étaient de:
- 35 F pour les adultes
- 30 F pour la carte vermeil
- 30 F pour les membres des écoles d'Art, artistes à leur demande
- 25 F pour les jeunes de 8 à 18 ans
- 25 F pour les groupes de plus de 10 personnes
- 20 F pour les groupes ayant réservé
gratuit pour les enfants de moins de 8 ans
par ailleurs 1 entrée gratuite a été offerte pour les commerçants acceptant de placer une affiche de l'exposition dans leur établissement.
Selon les déclarations faites alors par Monsieur B les tableaux appartiennent à 7 ou 8 personnes et ont été confiés pour l'exposition sans mandat écrit avec les propriétaires.
Monsieur B ne souhaitait pas divulguer les coordonnées de ceux-ci.
Les descriptions précises des tableaux présentés au public dans le cadre de cette exposition étaient mentionnées sur le contrat signé entre Monsieur Caldy et Monsieur B:
"1: Nature morte aux oranges avec pommes, branche de groseilles à grappes et couteau posés sur une nappe bleue blanc rouge dimensions de l'œuvre 41 cm X 32,3 hors tout dans le cadre 58 X 48 cm.
2: Bouquet de fleurs avec zinnias anémones et pivoines dans un vase jaune posé sur un napperon bleu: 41 X 33; 54 X 46,5 cm.
3: Allégorie de l'Union: la chaumière et son apprenti 40,5 X 35; 61 X 53 cm.
4: Bouquet de fleurs aux zinnias et anémones dans un vase en grès 46 X 38; 57,5 X 50 cm.
5: Le temple japonais ou les toits et pagodes: 46 X 38; 77 X 64 cm.
6: Nature morte aux trois poivrons: rouge, vert, orange, ou étude des couleurs complémentaires dimensions: 32,5 X 25; 52 X 46 cm.
7: La petite église au bord de l'eau dans les environs d'Arles: 22 X 16,2; 37 X 32.
8: Nature morte aux pommes dans une coupe de forme polylobée en porcelaine: dimension 31,5 X 24,5; 61 X 51 cm.
9: Nature morte au panier d'osier aux pommes de terre, poireaux, oignons, couteau et cafetière en émail bleu: 46,3 X 38,2; 54 X 46 cm.
10: Nature morte aux harengs avec panier d'osier et oignons: 51,5 X 26,5 cm.
11: Petit bouquet de fleurs aux chrysanthèmes jaunes et mauves: 32,7 X 24.
12: L'étang au bois de Boulogne ou l'arbre jaune: 46 X 38; 68,5 X 60 cm.
13: La rotonde Ledoux et la colonne Marris au parc Monceau à Paris ou Allégorie de l'Art ancien combiné avec l'Art moderne: 46 X 38; 54 X 46 cm.
14: Jeune femme tenant son enfant dans ses bras accompagnée d'un jeune garçon, ou l'instinct maternel: 27 X 19; 38,5 X 33 cm.
15: Nature morte aux champignons oranges posés sur un lit de mousse avec feuilles de fougères.
Dans la salle d'exposition des informations relatives à la date et le lieu de création étaient données en regard de chaque tableau.
Etaient inscrites les précisions suivantes:
N° 1: Paris, été 1887
N° 2: Arles, été 1888
N° 3: Paris, été 1887
N° 4: Paris, été 1886
N° 5: Paris, été 1887
N° 6: Paris, été 1886
N° 7: Arles, été 1887
N° 8: Paris, été 1887
N° 9: Paris, 1886
N° 10: Paris, 1887
N° 11: Paris, été 1887
N° 12: Paris, 2e semestre 1887
N° 13 Paris, été 1887
N° 14: Hollande, 1887
N° 15: Hollande Nuenen, octobre 1885
Sur le comptoir de la caisse à l'entrée de la salle d'exposition des petits prospectus étaient déposés à disposition des visiteurs.
Le 24 juillet 1996, le parquet de Saint-Malo ordonnait une enquête de police qui établissait que l'instigateur de l'exposition était Jean-Luc B qui se déclarait alors propriétaire des toiles exposées et qu'il avait confié à Jean Marie Caldy l'organisation matérielle de l'exposition par un contrat d'architecte scénographe. Jean-Luc B se présentait comme expert autodidacte, fournissait les toiles et se comportait en maître de cérémonie.
Jean-Marie Caldy dans le cadre de ce contrat de mission était chargé de l'organisation matérielle de la manifestation et à ce titre prenait les contacts avec la Municipalité de Saint-Malo et avec la Chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo pour signer dès le 28 juin 1996 le contrat de réservation de l'espace Duguay-Trouin et le 3 juillet 1996 un premier avenant au contrat, le rôle de Jean Marie Caldy consistant purement et simplement dans le cadre de ce contrat de mission à mettre Jean-Luc B, prétendu expert et spécialiste de Van Gogh, en mesure de présenter les différentes collections au public.
Quelques personnes s'étaient adressées par téléphone et par courrier tant à la DRAC de Rennes qu'à la presse et au Procureur de la république de Saint-Malo, pour manifester leur incrédulité et leur étonnement, voire pour dénoncer la supercherie consistant à user de la qualité reconnue de Vincent Van Gogh pour appeler un public constitué pour l'essentiel de badauds, à verser une modeste contribution d'entrée. Celle-ci, cumulée par le nombre de visiteurs, s'avérait cependant significative au niveau des profits escomptés.
Dès le 3 juillet 1996, la grande presse nationale et régionale abandonnait l'enthousiasme qu'elle manifestait le vendredi 28 juin 1996 pour l'organisation de cette exposition d'inédits de Van Gogh. Dès le 2 juillet 1996 les doutes les plus exprès étaient émis quant à la paternité réelle des œuvres exposées tandis que les informations les plus détaillées étaient toujours fournies concernant l'organisation des visites et les tarifs d'entrée pour le public.
Dès le 17 juillet 1996, il était porté à la connaissance du public que le Musée d'Orsay de Paris émettait les plus expresses réserves tout comme Monsieur Laurent Salomé, conservateur du musée des Beaux-Arts de Rennes ou Madame Kliburn, conservateur au Musée Van Gogh d'Amsterdam (Pays-Bas) qui, faute d'avoir été sollicités pour l'authentification des œuvres présentées au public émettaient simplement les plus expresses réserves quant à leur authenticité.
Monsieur Laurent Salomé, conservateur du musée des Beaux-Arts de rennes était requis dès le 25 juillet 1996 aux fins de fournir un avis technique sur l'authenticité des quinze toiles présentées comme étant des inédits de Van Gogh et exposées à Saint-Malo;
Pour quatre des quinze toiles, à savoir: "Jeune femme tenant son enfant", "Nature morte aux champignons oranges", "Allégorie de l'union" et "Nature morte aux harengs", Monsieur le conservateur des Beaux-Arts de Rennes concluait qu'il s'agissait là d'œuvres médiocres ne présentant aucun point de comparaison précis avec des œuvres de Van Gogh. Selon lui, ni la composition, ni la touche ni la palette n'étaient de l'artiste. Il indiquait que ces tableaux étaient relativement anciens, vraisemblablement du début du siècle, mais qu'ils étaient trop quelconques pour être attribués à l'artiste en particulier. Ils s'avéraient cependant supérieurs par leur qualité aux onze autres toiles exposées.
Quatre toiles intitulées: "Chrysanthèmes dans un vase en verre", "Etang au bois de Boulogne", "La rotonde Ledoux", "Le temple japonais" présentaient une qualité de peinture très faible évoquant des artistes amateurs ayant un minimum d'habileté. Là encore, aucune caractéristique de Van Gogh n'était décelable, le conservateur indiquant que ces toiles étaient plus récentes que les quatre premières.
Les sept toiles restantes, à savoir: "Nature morte aux oranges", "Bouquets de fleurs dans un vase jaune", "Bouquet dans un vase en grès", "Nature morte aux poissons", "Petite église au bord de l'eau", "Nature morte aux pommes", "Nature morte au panier d'osier" étaient les plus faibles en qualité et ne témoignaient d'aucune maîtrise de la peinture, leur valeur étant pratiquement nulle. Aux dires de Monsieur le conservateur, ces toiles étaient nettement plus récentes que la période d'activité de Vincent Van Gogh.
Il concluait de manière formelle qu'aucune des œuvres examinées ne pouvaient à son sens être attribuée à Vincent Van Gogh ni à aucun artiste ou école connus de cette époque. La valeur marchande de ces toiles variait selon les peintures mais ne pouvait excéder 5 000 F pour les meilleures d'entre elles.
Plus tard, le 25 octobre 1996, Madame Geneviève Lacambre, conservateur général du patrimoine au Musée d'Orsay à Paris déposait le rapport de son expertise ordonnée par le magistrat instructeur.
L'expert concluait que l'examen des quinze toiles soumises à son expertise et prétendument attribuées à Vincent Van Gogh ne présentait aucun fondement d'ordre stylistique. L'expert rappelait que Vincent Van Gogh (1853-1890), était l'un des peintres les plus célèbres et les mieux cotés du 19e siècle. Pour elle, "l'attribution des quinze toiles exposées à Saint-Malo à Vincent Van Gogh relevait d'amalgames naïfs concernant les sujets, (des fleurs, des paysages, des poissons, des personnages), sujets que Vincent Van Gogh avait certes traité, mais que l'on retrouvait de manière extrêmement fréquente et à titre tout à fait ordinaire dans la peinture de la deuxième moitié du 19e siècle au 20e siècle".
De plus, la manière de peindre, souvent médiocre voire franchement maladroite évoquait des travaux d'amateurs sans prétention, les œuvres n'étant au demeurant pas signées. Les coloris et les styles employés évoquaient davantage le 20e siècle à ses débuts, dans les années 20 voire postérieurement, et aucune des œuvres ne pouvait être raisonnablement attribuée à un artiste reconnu de ce siècle. Elle retrouvait dans certaines de ces toiles une influence lointaine des courants novateurs du 19e siècle tel l'impressionnisme.
L'expert ne relevait cependant pas de volonté délibérée de falsification n'ayant relevé aucune suppression ou repliage délibéré d'une bande de toile ou d'un morceau de carton ayant porté d'anciennes signatures.
Pour l'expert il ne s'agit pas non plus de faux fabriqués spécialement dans le but de l'exposition mais tout simplement d'attributions fantaisistes, aucun risque même infime n'existant de paternité de ces quinze toiles à Vincent Van Gogh.
L'expert concluait que la valeur commerciale de ces œuvres correspondait tout à fait au prix que Monsieur B déclarait les avoir payées au cours de son audition en enquête initiale.
En effet, Jean-Luc B avait indiqué avoir acquis ces toiles à des prix s'4taiant de 150 à 1 600 F cadre compris pour la plus chère d'entre elles.
Pour tenir compte des observations du prévenu, par jugement avant dire droit, le Tribunal correctionnel de Saint-Malo a ordonné une nouvelle expertise et à nouveau les toiles ont été avec certitude exclues de l'œuvre de Vincent Van Gogh. L'expert Jean Robert Petit après avoir consulté d'autres sachants à Paris et à Brest, affirmant qu'aucun des tableaux en cause ne pouvait être donnés à Vincent Van Gogh ni même attribués à celui-ci.
Aucun des quinze tableaux examinés ne pouvait passer l'examen, même rapide et sommaire, tant les compositions sont malhabiles, primaires et naïves.
Jean Luc B affirme l'authenticité des quinze tableaux qu'il présente comme étant de la main de Vincent Van Gogh.
Il indiquait lors de l'enquête étudier l'œuvre de ce maître impressionniste depuis 10 ans de manière très poussée et à temps complet depuis 6 ans, arrivant à la conclusion que nombre de tableaux de Vincent Van Gogh avaient disparus.
Il prétend en avoir retrouvé environ soixante et en avoir acquis une vingtaine dans des ventes aux enchères, galeries, expositions ou brocantes.
La publicité faite pour l'exposition a été imprudente pour mentionner qu'il s'agissait de quinze tableaux inédits de Van Gogh provenant de plusieurs collections privées alors qu'au mieux il pouvait être indiqué qu'étaient exposées quinze œuvres attribuées à Van Gogh et provenant d'une seule collection.
Cette publicité inexacte était de nature à induire en erreur les personnes qui en étaient destinataires et, relayée par les premiers articles de presse, notamment celui du 28 juin 1996, constitue l'infraction poursuivie.
Le jugement doit être infirmé de ce chef, l'imprudence de l'annonceur caractérisant en l'espèce l'élément moral de cette infraction.
Jean-Luc B, ayant au hasard de ses lectures découvert Vincent Van Gogh avait beaucoup peint et écrivait à son frère que sa production n'était pas satisfaisante, admet avoir acquis au hasard de ventes ou brocantes des peintures pour quelques centaines de francs et les a, de sa seule initiative et sans contradiction scientifique ou travail comparé, attribué à Vincent Van Gogh.
Bien qu'autodidacte sans diplôme et ayant exercé essentiellement la profession de soudeur, il a, sous couvert d'une prétendue science, présentant de simples hypothèses comme des certitudes, abusé de la crédulité d'un public naïf attiré par la publicité.
Il s'est auto-désigné comme "historien d'art, chercheur, spécialiste de Vincent Van Gogh" ainsi qu'il est indiqué sur les formulaires de "certificat d'authenticité" qu'il a signé.
Il a organisé l'exposition en cause, sous forme commerciale et avec prix d'entrée pour lui donner au maximum l'apparence d'une opération sérieuse.
Il a prétendu, abusant même l'architecte Jean-marie Caldy associé avec lui, que les quinze tableaux provenaient de collections privées, à savoir six ou sept collectionneurs alors qu'en définitive il admettra qu'onze tableaux sont à lui et quatre à son ancien employeur Guy Juton qui ne paraît pas avoir véritablement eu conscience d'être propriétaire de Van Gogh.
Il a contourné les demandes de précisions telles que les exigences de M. Dressert de la mairie de Dinan quant à des preuves de l'authenticité des œuvres ou l'avis de la Direction régionale des affaires culturelles et préféré louer à bon prix une salle privée à Saint-Malo alors qu'à Dinan la salle eut été mise à disposition sans frais.
Alors qu'il était propriétaire des tableaux, il a établi et signé pour chacun de ceux-ci un "certificat d'authenticité à la demande du propriétaire", documents datés entre le 10 janvier 1992 et le 6 octobre 1995, certifiant l'année de l'œuvre et de ce que l'auteur en est Vincent Van Gogh.
Ces documents se trouvaient dans le dossier administratif de l'exposition et ont été présentés le 24 juillet 1996 aux policiers enquêteurs lors de leurs premières constatations sur les lieux.
Préalablement, il avait été sollicité par Jean-Luc B la délivrance de documents intitulés "certificat pour un bien culturel", obtenus de la Direction des Musées de France entre le 6 juillet 1994 et le 21 mai 1996, en désignant les œuvres comme étant de Van Gogh.
Cette mise en scène a permis d'attirer plus de trois mille personnes qui ont visité l'exposition en toute bonne foi et se sont trouvées en face de tableaux dont trois sachants ou experts ont exclus formellement qu'ils aient pu être peints par l'artiste.
Si ces rapports peuvent apparaître succincts, ils dénotent manifestement la stupéfaction des experts devant ce qui leur était présenté et font preuve de leur certitude quant au peu d'intérêt des peintures en cause.
Les manœuvres ci-dessus décrites ont déterminé plus de trois mille personnes dont la plaignante Monique Juiff à remettre des fonds, en l'espèce les droits d'entrée à cette exposition privée.
Jean Luc B, dont l'expert psychiatre indique qu'il est lucide, pragmatique, intelligent, n'a pas de raisonnement délirant.
Il a à plusieurs reprises déclaré à cet expert: "Ils devront dire pourquoi ce ne sont pas des Van Gogh. Or il est impossible de démontrer que ce ne sont pas des Van Gogh ..."
Il a admis avoir acquis ces tableaux pour des sommes dérisoires dans les années ou mois ayant précédé l'exposition et n'avait pas couvert par une assurance ces œuvres qui, si elles avaient été d'authentiques Van Gogh auraient eu une valeur considérable, de huit à cent millions de francs chacune selon lui.
Il a caché qu'il était le propriétaire des toiles ou de la plupart d'entre elles et a fait état, antérieurement à l'exposition et encore lors de l'enquête, de six à huit collectionneurs qui lui auraient confié ces chefs-d'œuvre.
Il avait donc une parfaite conscience de la fausseté de son entreprise, du caractère illusoire de ses compétences et de l'aspect chimérique de l'événement lorsqu'il a préparé et organisé l'exposition dont s'agit dans les circonstances sus-rappelées.
Le jugement entrepris doit donc être infirmé et Jean-Luc B déclaré coupable du chef d'escroquerie.
Les faits dont s'agit ont eu un retentissement certain et jusqu'au niveau national.
Toutefois, il sera tenu compte de la modicité des sommes obtenues et de l'absence d'antécédent pour sanctionner ces infractions délictuelles par une peine d'emprisonnement modérée assortie du sursis.
Le produit du délit et les objets ayant servi à la commission de l'escroquerie, à savoir les quinze tableaux saisis, seront confisqués.
Enfin, en application des dispositions de l'article L. 121-4 du Code de la consommation, il sera ordonné la publication du jugement.
Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de B Jean-Luc, En la forme : Reçoit les appels, Au fond : Infirme le jugement entrepris, Déclare Jean-Luc B coupable des faits qui lui sont reprochés. En répression le condamne à : - 4 mois d'emprisonnement avec sursis - dix mille francs (10 000 F) d'amende; Aussitôt, le Président a donné au prévenu l'avertissement prévu à l'article 132-29 du Code pénal, Prononce la contrainte par corps, Ordonne la confiscation des quinze tableaux et de la recette placés sous scellé n° 1 à 16 de la procédure 2983 du Commissariat de Saint-Malo. Ordonne la publication d'un extrait du présent arrêt dans le quotidien "Ouest-France" pages Saint-Malo aux frais du condamné sans que le coût ne puisse excéder six mille francs (6 000 F). La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné, Le tout par application des articles susvisés, des articles 800-1, 749 et 750 du Code de procédure pénale.