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Décisions

CA Aix-en-Provence, 5e ch. corr., 12 décembre 2000, n° 2000-1001

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bianconi

Conseillers :

Mmes Besset, Kamianecki

Avocats :

Mes Bouchese, Chas, SCP Moquet.

TGI Grasse ch. corr., du 29 mai 1998

29 mai 1998

RAPPEL DE LA PROCEDURE

Jean-Marie D a été cité devant le Tribunal correctionnel de Grasse pour avoir à Mougins, courant juillet 1995, et depuis temps non couvert par la prescription :

- effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la nature, les qualités substantielles les propriétés du produit, les conditions de son utilisation, les résultats qui peuvent en être attendus en proposant une "cure anti-graisse" (capsule "A" et ampoules "A forte") permettant de se "débarrasser de la graisse superflue" rapidement, sans effort avec un résultat "100% garanti";

Faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation ;

- effectué la prescription, proposé ces produits, présentés comme favorisant des fonctions organiques et ayant une action sur le métabolisme humain sans visa de publicité du ministère de la Santé;

Faits prévus par les articles L. 551, L. 551-1, L. 556 du Code de la santé publique.

Par jugement contradictoire en date du 29 mai 1998, le Tribunal correctionnel de Grasse :

- a rejeté l'exception de nullité invoquée;

- a dit n'y avoir lieu à sursis à statuer;

- a déclaré Jean-Marie D coupable des faits reprochés;

- l'a condamné à une amende de 50 000 F;

- a mis hors de cause la société X, Jean-Marie D étant au moment des faits non son préposé mais son représentant légal (président directeur général);

LES APPELS

Appel principal a été interjeté le 4 juin 1998 par déclaration au greffe par le conseil du prévenu et du civilement responsable sur les dispositions pénales et civiles du jugement condamnant Jean-Marie D.

Appel incident a été interjeté le 5 juin 1998 par déclaration au greffe par le Ministère public sur les dispositions pénales concernant Jean-Marie D.

DECISION

En la forme

Les appels formés par le prévenu et le Ministère public sont recevables pour avoir été interjetés dans les formes et délais légaux.

Le prévenu ayant comparu, il sera statué par arrêt contradictoire.

Il en sera de même à l'égard des parties intervenantes qui régulièrement citées ont comparu, la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes.

Au fond

Rappel des faits :

Une publicité pour un produit "A" garantissant à 100% une cure anti-graisse, a été diffusée par la société X, en particulier dans le magazine Télépoche (numéro du 1er au 7 juillet 1995) et a fait l'objet d'une enquête par les services de la Direction Départementale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes de Seine-et-Marne.

Le 12 octobre 1995, Jean-Marie D, président directeur général de la société X a fourni diverses explications et a ensuite été entendu par les services de gendarmerie. Il a soutenu que les produits A n'étaient pas des médicaments mais des compléments alimentaires, reconnus comme tels en Belgique où ils étaient fabriqués et achetés. Il contestait également le caractère mensonger de la publicité.

MOYENS DES PARTIES

- Jean-Marie D, par conclusions, plaide sa relaxe. Il expose que le produit A, dans sa composition, a mal été apprécié par le tribunal correctionnel et soutient que l'efficacité du produit contredit la notion de publicité mensongère. Par ailleurs, il conteste que le produit A soit un médicament au sens de l'article L. 551-5 du Code de la santé publique.

- Jean-Marie D précise que la mise hors de cause de la société X est définitive au regard des appels interjetés et qu'elle a donc été citée à tort devant la cour d'appel.

- Le Ministère public retient l'argumentation développée à l'égard de la société X, dont la mise hors de cause est définitive et estime que la décision déférée doit être confirmée en ce qui concerne Jean-Marie D, l'infraction étant constituée et la peine adaptée au cas d'espèce.

- La Direction générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes n'a pas formulé d'observation particulière.

MOTIFS DE LA DECISION

- Aucun appel n'a été interjeté par la société X ou à son encontre. C'est donc à tort qu'une citation lui a été adressée, sa mise hors de cause étant définitive.

- Vu l'absence d'expertise, la cour ne peut discuter la réalité des composants du produit A, leurs propriétés et leur efficacité. En revanche, les termes de la publicité sont clairs et précis et présentent, dans un magazine de large diffusion auprès d'un grand public (s'agissant d'un programme de télévision connu et répandu) le produit comme un moyen "rapide" et "naturel" de "se débarrasser de la graisse superflue", "pour retrouver une silhouette fine, débarrassée de bourrelets disgracieux sans le moindre effort à fournir".

Or, Jean-Marie D a admis devant le tribunal correctionnel comme devant la cour d'appel, que le produit A ne pouvait avoir de résultat si son utilisateur ne respectait pas une alimentation pauvre en graisses et limitée à environ 1200 calories par jour ce qui représente, ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, un effort et une contrainte, voire des sacrifices, pour toute personne, surtout une personne présentant une surcharge pondérale, expression d'une alimentation riche et supérieure à 1200 calories par jour. L'absorption pure et simple du produit A ne pouvant à elle seule faire disparaître les graisses superflues, il apparaît que la publicité diffusée, qui dépasse l'hyperbole admise, est mensongère.

Jean-Marie D fait état d'une étude réalisée en 1985 par le diététicien Bouhali pour affirmer que le produit A permet une baisse de poids plus significative que celle apportée par un régime seul, étude ne pouvant constituer une preuve, compte tenu de l'impossibilité de vérifier ses conditions de réalisation et compte tenu aussi de son ancienneté au regard de la date des faits reprochés.

La décision sur la culpabilité sera donc confirmée sur ce point.

- Les pièces du dossier ne démontrent pas que le produit A soit un médicament tel que défini par les articles L. 551 et suivants du Code de la santé publique, d'autant plus que ce produit fabriqué en Belgique y est reconnu comme un complément alimentaire. Il ne peut donc être reproché à Jean-Marie D d'avoir omis de soumettre sa publicité au visa de l'agence du médicament et il sera donc relaxé de ce chef.

- la peine prononcée est adaptée à la nature de l'infraction et aux ressources du prévenu et sera confirmée.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi, par arrêt contradictoire à l'égard de l'ensemble des parties. En la forme, Reçoit les appels formés par le prévenu et le Ministère public, Constate que la mise hors de cause de la société X est définitive, Au fond, Confirme la culpabilité pour l'infraction de publicité mensongère, Infirme la décision déférée en ce qu'elle a reconnu Jean-Marie D coupable du défaut de visa de publicité et le relaxe de ce chef, Confirme la décision déférée sur la peine, Le tout conformément aux articles visés au jugement, au présent arrêt, et aux articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.