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Décisions

CCE, 4 novembre 1992, n° 93-133

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Aides accordées par le gouvernement espagnol à l'entreprise Merco (secteur agro-alimentaire)

CCE n° 93-133

4 novembre 1992

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 93 paragraphe 2 premier alinéa, après avoir, conformément aux dispositions dudit article, mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations et vu ces observations, considérant ce qui suit:

I Par télex datés du 20 décembre 1990 et du 23 avril 1991, la Commission, suite à une plainte, a demandé au Gouvernement espagnol des informations concernant une aide qu'il aurait accordée à l'entreprise publique Merco, sous forme d'un apport en capital d'un montant de 5 900 millions de pesetas espagnoles.

Par lettre datée du 27 mai 1991, émanant de sa représentation permanente, le Gouvernement espagnol a confirmé que, en 1990, une somme de 5 900 millions de pesetas espagnoles avait été versée à l'entreprise Merco sur la base de la décision de ses deux actionnaires publics, à savoir la Direccion General del Patrimonio del Estado et le Fondo para la ordenación y regulación de la producción de los precios agrarios (FORPPA), et sous la forme d'un apport de capitaux.

La Commission, sur la base des informations dont elle disposait, a considéré que cet apport de capitaux de 5 900 millions de pesetas espagnoles était une mesure destinée uniquement à éponger des pertes accumulées par l'entreprise Merco et que, dans ces conditions, un opérateur privé agissant dans les conditions normales d'une économie de marché n'aurait normalement pas procédé à un tel apport. Il constituait donc une aide au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE.

Comme cette aide risquait de provoquer une distortion de la concurrence et d'affecter le commerce entre États membres des produits en cause, la Commission a décidé d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 du traité CEE.

Par lettre du 23 juillet 1991, elle a mis le Gouvernement espagnol en demeure de présenter ses observations ainsi que de compléter l'information relative à cette aide qui avait été demandée dans l'annexe du télex du 23 avril 1991. Les autres États membres et les tiers intéressés ont également été mis en demeure de présenter leurs observations (1).

II Le Gouvernement espagnol a présenté ses observations par lettre datée du 4 octobre 1991. Il considère que l'apport en capital à concurrence de 5 900 millions de pesetas espagnoles n'est pas une aide d'État au sens de l'article 92 du traité CEE. En effet, la décision prise par ses actionnaires publics avait été guidée par un critère économique compte tenu du fait que le Gouvernement espagnol avait décidé la réorganisation de l'entreprise avec pour objectif de se limiter aux activités rentables.

Cette réorganisation consistait, d'une part, en l'abandon de la division "huile" et, d'autre part, en une injection de capitaux de 5 900 millions de pesetas espagnoles. La division "huile" était à l'origine d'une grande partie des problèmes de rentabilité de l'entreprise. En effet, en 1990, cette division a présenté un coût financier d'environ 2 022 millions de pesetas espagnoles.

Néanmoins, les autorités espagnoles considèrent que, même dans le cas où l'apport en capital devrait être considéré comme une aide d'État, il serait compatible avec le marché commun, l'apport financier étant nécessaire pour la réalisation du plan de réduction d'activité de l'entreprise du fait de l'abandon de la division "huile". De plus, l'activité de cette division "huile" se développant principalement dans des zones défavorisées, l'aide pourrait bénéficier des exceptions prévues à l'article 92 paragraphe 3 points a) et c) du traité CEE.

Toutefois, le Gouvernement espagnol admet que l'apport précité de 5 900 millions de pesetas espagnoles ne suffit pas à rétablir la rentabilité de l'entreprise Merco et que d'autres réformes devront être entreprises, notamment sur la structure financière de l'entreprise.

Dans le cadre de la procédure, trois tiers intéressés ont communiqué leurs observations. Ces observations ont été communiquées au Gouvernement espagnol par lettres du 13 novembre 1991 et du 24 janvier 1992.

III L'entreprise publique Mercorsa (Mercados en origen de productos agrarios) fut créée en 1972 par décret n° 3178-70 du 15 octobre 1970 du ministère de l'Agriculture. En 1987, elle a changé sa raison sociale et son nom pour devenir Merco.

Ses actionnaires entièrement publics sont la Direccion General del Patrimonio del Estado (ministère des Finances) avec une participation de 69,3 % du capital et le FORPA (organisme public dépendant du ministère de l'Agriculture) avec une participation de 30,7 %.

L'activité de Merco est la commercialisation de produits agricoles. Elle a un capital de 8 782 millions de pesetas espagnoles et compte 900 salariés. Son activité se développe dans les 55 centres d'achat des produits agricoles installés sur le lieu de production, et qui les commercialisent en Espagne et à l'étranger.

Son chiffre d'affaires en 1990 a été d'environ 71 milliards de pesetas espagnoles, ce qui permet de classer cette entreprise comme une des plus importantes d'Espagne. Ce chiffre d'affaires se répartit parmi les différentes divisions de l'entreprise de la manière suivante:

EMPLACEMENT TABLEAU

Merco, sous le nom Uteco-Jaén et dans le secteur de la mise en bouteille de l'huile d'olive a été en 1990 la troisième entreprise d'Espagne avec 8,9 % des ventes totales en Espagne soit 29 798 773 litres; à cet égard, il faut signaler que, en 1986, elle n'était que douzième avec un pourcentage de 1,7 %.

Selon un rapport d'audit (de l'exercice 1990) effectué par Price Waterhouse en 1991, Merco a eu en 1990 un déficit de 8 727 millions de pesetas espagnoles, auquel il faut ajouter les déficits des exercices précédents d'un montant de 9 800 millions de pesetas espagnoles. Le montant global du déficit au 31 décembre 1990 était donc de 18 527 millions de pesetas espagnoles. Selon ce même rapport, Merco ne pourra continuer ses activités que si elle reçoit encore des apports de capitaux supplémentaires.

Conformément au rapport annuel de 1990 de l'entreprise, les résultats (exprimés en millions de pesetas espagnoles) des différentes divisions de l'entreprise sont les suivants:

EMPLACEMENT TABLEAU

Selon le rapport annuel susmentionné de l'entreprise Merco, elle avait au 31 décembre 1990, des dettes non commerciales pour un montant d'environ 33 000 millions de pesetas espagnoles: 30 milliards à court terme et 2 966 millions à long terme.

IV Dans le passé, Merco a reçu d'autres aides d'État d'un montant très important. Il faut rappeler que la Commission, par lettre du 27 décembre 1990, a informé les autorités espagnoles de la clôture de la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 du traité CEE, ouverte à l'égard des aides octroyées aux entreprises Mercorsa (Merco), Olcesa et Uteco-Jaén/Merco-Jaén (aide C 28-90 ex NN 17-89), pour les raisons suivantes.

En ce qui concerne l'entreprise Mercorsa (Merco), la Commission a estimé que l'aide sous forme d'augmentation de capitaux constituait une mesure antérieure à l'adhésion. Effectivement, les autorités espagnoles avaient démontré que l'augmentation de capital de 1 592 millions de pesetas espagnoles en 1986 s'intégrait dans une opération globale déterminée et décidée avant le 1er janvier 1986, dans le cadre d'un plan de restructuration.

Quant au crédit à taux réduit de 2 340 millions de pesetas espagnoles concédé en 1987, à Uteco-Jaén/Merco-Jaén, la Commission a considéré que ce crédit ne pouvait pas être jugé contraire aux articles 92 à 94 du traité CEE étant donné que le lien entre le crédit précité en 1987 et les dépenses encourues à partir de 1984 par Merco pour effectuer la restructuration de Uteco-Jaén avait été démontré. L'intervention de l'État via Merco répondait ainsi à une obligation juridique imposée par la loi espagnole n° 12 de 1984, décision précédant l'adhésion de l'Espagne aux Communautés européennes qui reconnaît comme obligation de l'État l'assainissement financier de Uteco-Jaén jusqu'à un montant de 15 410 millions de pesetas espagnoles. La société Merco avait avancé et appliqué les fonds nécessaires à la restructuration depuis 1984.

En dernier lieu, en ce qui concerne le crédit de 2 500 millions de pesetas espagnoles accordé en 1986 à Uteco-Jaén/Merco-Jaén, la Commission a considéré que comme lorsque l'engagement fut pris d'intervenir en faveur de cette entreprise, les dispositions des articles 92 et 93 du traité CEE n'étaient pas encore d'application en Espagne.

V Aux termes de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

La Commission a défini sa position à l'égard des participations des autorités publiques dans le capital des entreprises en septembre 1984 et en a informé les États membres par lettre du 17 septembre 1984 (2).

Selon cette communication, il y a aide d'État lorsque l'État apporte du capital neuf dans des entreprises dans des circonstances qui ne seraient pas acceptables pour un investisseur privé opérant dans les conditions normales d'une économie de marché. Tel est le cas lorsque la situation financière de l'entreprise et notamment la structure et le volume de l'endettement sont tels qu'il ne paraît pas justifié d'escompter un rendement normal (en dividendes ou en valeur) des capitaux investis dans un délai raisonnable ou lorsque l'entreprise ne serait pas, du seul fait de l'insuffisance de sa marge brute d'autofinancement, en mesure d'obtenir sur le marché des capitaux les moyens financiers nécessaires pour effectuer un programme d'investissements.

La politique de la Commission a été confirmée par la Cour de justice (3).

Pour savoir si un apport en capital est une aide d'État, la Cour a estimé qu'il était nécessaire de voir si l'entreprise en cause aurait pu obtenir le financement nécessaire sur le marché des capitaux. Lorsque les faits indiquent que l'entreprise bénéficiaire de l'aide n'aurait pas pu survivre sans une intervention publique parce qu'elle n'aurait pas été en mesure de se procurer les capitaux nécessaires auprès d'un investisseur privé, on peut, à juste titre, en conclure que la contribution dont elle a bénéficié constitue une aide d'État.

Compte tenu des pertes financières subies par Merco en 1990 qui a eu un déficit de 8 727 millions de pesetas espagnoles auquel il faut ajouter les déficits des exercices précédents (d'un montant total de 9 800 millions de pesetas espagnoles) ainsi que son volume d'endettement qui avait au 31 décembre 1990 des dettes non commerciales pour un montant d'environ 33 milliards de pesetas espagnoles (titre III), il est peu probable que cette entreprise aurait pu obtenir sur le marché des capitaux des fonds suffisants pour assurer sa survie, étant donné qu'aucune entreprise privée se basant, dans sa décision, sur les possibilités prévisibles de profit et ne tenant compte d'aucune considération sociale ou de politique régionale ou sectorielle, n'aurait procédé à un tel apport en capital. En conséquence, l'apport en capital d'un montant de 5 900 millions de pesetas espagnoles constitue une aide d'État au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE.

Par ailleurs, les autorités espagnoles n'ont pas fourni à la Commission des éléments permettant de conclure que le bilan de l'entreprise laisse considérer que l'apport en capital est une pratique commerciale.

À cet égard, il convient de rappeler que les autorités espagnoles, dans leur lettre du 4 octobre 1991, ont elles-mêmes reconnu que l'apport de 5 900 millions de pesetas espagnoles n'était pas de nature suffisante pour que l'entreprise Merco parvienne à être rentable. Ceci montre clairement que l'apport en cause est à considérer comme une aide d'État au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE. Cette aide a empêché que les forces en présence sur le marché ne produisent leurs conséquences normales c'est-à-dire éliminent cette entreprise non compétitive, la maintenant ainsi artificiellement en vie.

VI Les aides accordées à Merco en 1990 affectent les échanges entre les États membres étant donné que tous les produits agricoles commercialisés par cette entreprise font l'objet d'échanges entre les États membres, ainsi que l'indique le tableau ci-dessous.

EMPLACEMENT TABLEAU

B: importations Espagne provenant de la CE.

Lorsqu'une aide financière accordée par les pouvoirs publics renforce la position de certaines entreprises par rapport à celle de leurs concurrents de la Communauté, elle doit être considérée comme affectant ces derniers. Ceci est d'autant plus vrai quand, comme dans le cas d'espèce, l'aide a permis de renforcer les finances d'une entreprise qui aurait dû normalement disparaître.

Compte tenu des considérations qui précèdent, l'aide à Merco est susceptible d'affecter les échanges entre États membres et de fausser la concurrence et remplit dès lors les conditions de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE.

VII Cette aide aurait dû être notifiée à la Commission comme le prévoit l'article 93 paragraphe 3 du traité CEE. Le Gouvernement espagnol ayant omis de le faire, la Commission n'a pu se prononcer sur la mesure prévue avant son exécution. Par conséquent, cette aide est illégale au regard du droit communautaire dès son octroi du fait que les dispositions de l'article 93 paragraphe 3 n'ont pas été respectées.

À cet égard, il convient de rappeler que, étant donné le caractère impératif des règles de procédure définies à l'article 93 paragraphe 3 du traité CEE qui sont importantes également du point de vue de l'ordre public, et dont la Cour de justice a reconnu l'effet direct dans ses arrêts rendus le 19 juin 1973 dans l'affaire 77-72 (4), le 11 décembre 1973 dans l'affaire 120-732 (5), le 22 mars 1977 dans l'affaire 78-76 (6) et le 21 novembre 1991 dans l'affaire C-354-90 (7), il ne peut être remédié a posteriori à l'illégalité de l'aide en question.

En outre, dans le cas d'incompatibilité des aides avec le marché commun, la Commission peut faire usage d'une possibilité que lui offre un arrêt de la Cour de justice du 12 juillet 1973 dans l'affaire 70-72 (8), confirmé par les arrêts du 24 février 1987 et du 20 septembre 1990 respectivement dans les affaires 310-85 (9) et C-5-86 (10) et obliger les États membres à recouvrer auprès des bénéficiaires le montant de toute aide dont l'octroi est illicite.

VIII L'article 92 paragraphe 1 du traité CEE érige en principe l'incompatibilité avec le marché commun des aides présentant les caractéristiques qu'il énonce.

En ce qui concerne les dérogations à ce principe, celles qui sont prévues à l'article 92 paragraphe 2 du traité CEE sont inapplicables en l'espèce, compte tenu de la nature et des objectifs de l'aide envisagée. Le Gouvernement espagnol n'a d'ailleurs pas invoqué cette dérogation.

Aux termes de l'article 92 paragraphe 3 du traité CEE, pour préserver le bon fonctionnement du marché commun et tenir compte des objectifs énoncés à l'article 3 point f) du traité CEE, les dérogations au principe d'incompatibilité des aides doivent s'interpréter restrictivement lors de l'examen de tout régime d'aides ou de toute mesure individuelle d'aide.

Ainsi, les dérogations ne peuvent être accordées que si la Commission a pu vérifier que, en l'absence d'aides, le libre jeu des forces du marché ne suffirait pas à lui seul à inciter leurs bénéficiaires éventuels à agir pour atteindre l'un des objectifs énumérés.

Appliquer les dérogations à des cas qui ne contribuent pas à un tel objectif, ou sans que l'aide soit nécessaire à cet effet, reviendrait à conférer des avantages aux industries ou aux entreprises de certains États membres, dont la position financière se trouverait renforcée artificiellement, et à affecter les conditions des échanges entre États membres et à fausser la concurrence, sans aucune justification basée sur l'intérêt commun évoqué à l'article 92 paragraphe 3 du traité CEE.

Compte tenu de ce qui précède, l'aide visée par la présente décision ne relève pas de l'une des dérogations prévues à l'article 92 paragraphe 3 du traité CEE.

En ce qui concerne les exceptions prévues par l'article 92 paragraphe 3 points a) et c) du traité CEE et concernant les aides destinées à promouvoir ou à faciliter le développement de certaines régions, elles ne sont pas applicables à la mesure d'aide dont il s'agit.

L'article 92 paragraphe 3 point a) du traité CEE prévoit une dérogation pour les aides destinées à favoriser le développement des zones dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi. L'article 92 paragraphe 3 point c) prévoit aussi une dérogation pour le développement de certaines régions. À cet égard, bien que Merco ait pu développer certaines de ses activités dans des régions admises à bénéficier des aides régionales au titre de l'article 92 paragraphe 3 points a) et c), il convient de rappeler que la mesure d'aide en cause n'a pas été consentie dans le cadre de programmes d'aide régionale, mais sur la base de décisions ad hoc du Gouvernement espagnol et sous la forme d'augmentations de capital arbitraires effectuées de manière discrétionnaire.

Même si l'aide en question devait être considérée comme régionale, elle ne pourrait pas pour autant bénéficier des dérogations prévues à l'article 92 paragraphe 3 points a) et c) du traité CEE car les aides accordées en vertu des dispositions dudit article doivent contribuer au développement à long terme de la région, ce qui, en l'espèce, aurait supposé pour le moins que cette aide ait été employée à rétablir la rentabilité de l'entreprise (objectif qui n'a pas été atteint pour Merco si l'on en juge les informations communiquées à la Commission) sans entraîner d'effets négatifs inacceptables sur les conditions de concurrence dans la Communauté.

Pour ce qui est des dérogations énoncées à l'article 92 paragraphe 3 point b) du traité CEE, il est manifeste que l'aide en cause n'est pas destinée à soutenir un projet d'intérêt européen commun ni à remédier à une perturbation grave de l'économie espagnole. Le Gouvernement espagnol n'a d'ailleurs pas invoqué de motifs de cet ordre pour justifier l'aide en question.

Enfin, s'agissant de la dérogation prévue à l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité CEE, en faveur des aides destinées à faciliter le développement de certaines activités économiques, la Commission peut estimer que certaines aides sectorielles sont compatibles avec le marché commun si deux conditions, énoncées à l'article 92 paragraphe 3 point c), sont remplies: à savoir d'une part que les aides doivent être nécessaires au développement du secteur d'un point de vue communautaire et d'autre part ne doivent pas altérer les conditions des échanges de façon contraire à l'intérêt commun.

L'apport de capitaux, en 1990, de 5 900 millions de pesetas espagnoles à Merco, en tenant compte de la situation financière de l'entreprise décrite dans la section VI, constitue une aide qui ne peut pas être considérée comme compatible avec le marché commun.

Effectivement, la réorganisation mentionnée dans les observations des autorités espagnoles consistant en l'abandon de la division "huile" ne peut pas être considérée comme un programme de restructuration satisfaisant. En premier lieu, Merco a déjà reçu récemment des aides dans le cadre d'un plan de restructuration qui aurait dû avoir comme résultat la rentabilisation de l'entreprise (section IV) et donc une nouvelle restructuration en 1990 ne paraît pas justifiée.

Par ailleurs, les autorités espagnoles, dans leurs observations, ont reconnu que l'apport en capital de 5 900 millions de pesetas espagnoles, n'est pas de nature suffisante pour restaurer la rentabilité de l'entreprise (section II). De plus, l'abandon par Merco de la division "huile" n'assurera pas la rentabilité de l'entreprise. À cet égard, il faut rappeler que les autres divisions de l'entreprise à l'exception de celles des oléagineux et du coton, ont eu aussi en 1990 des pertes financières (section III).

Étant donné que l'aide n'a pas été préalablement notifiée, qu'elle a été utilisée pour compenser des pertes et réduire l'endettement financier, qu'elle n'était pas liée à un programme de restructuration satisfaisant et qu'elle a pu avoir un effet défavorable sur ses concurrents de la Communauté en maintenant la compétitivité de l'entreprise grâce à une amélioration artificielle de sa situation financière, l'aide en question n'est pas compatible avec le marché commun.

De plus, il ressort clairement des arrêts rendus par la Cour de justice dans les affaires 234-84 (précitée) et 40-85 (11), que ce type d'aide ne répond pas aux conditions requises pour l'octroi de l'une des dérogations prévues à l'article 92 lorsqu'elles ne contribuent pas à assainir l'entreprise, c'est-à-dire lorsqu'on peut s'attendre à ce que l'exploitation de celle-ci devienne rentable sans autre assistance dans des délais raisonnables. En l'occurence, comme les autorités espagnoles l'ont reconnu, l'apport en capital de 5 900 millions de pesetas espagnoles n'est pas de nature suffisante pour que l'entreprise Merco parvienne à être rentable.

Au fur et à mesure que l'intégration du marché progresse dans le cadre de la création d'un marché unique sans frontières intérieures, les distorsions de concurrence dues à l'octroi d'aides sont ressenties avec une acuité croissante par les concurrents qui ne bénéficient pas de ces aides. La Commission doit aussi tenir compte de ce fait lorsqu'elle examine des mesures d'aide. À cet égard, elle estime que tous les opérateurs économiques ont droit à un traitement uniforme et compatible avec le traité CEE.

En conséquence, elle ne peut approuver des aides à la restructuration que dans des situations exceptionnelles. De telles aides doivent être associées à un plan de restructuration véritable et ne peuvent être accordées que lorsqu'il peut être prouvé que le maintien en activité d'une entreprise et le rétablissement de sa rentabilité servent au mieux les intérêts de la Communauté. Il est notamment nécessaire que la Commission veille à ce que les aides ne permettent pas à leurs bénéficiaires d'accroître ou de maintenir leur part de marché au détriment de concurrents qui n'en bénéficient pas.

Il faut conclure de ce qui précède que l'aide accordée à Merco a permis de maintenir artificiellement en activité cette société en retardant sa liquidation, conséquence normale du libre jeu des forces du marché et d'empêcher en même temps les autres producteurs concurrents d'augmenter leur propre part de marché.

Par conséquent, l'aide octroyée à Merco sous forme d'injection de capitaux d'un montant de 5 900 millions de pesetas espagnoles n'est pas compatible avec le marché commun puisqu'elle ne remplit aucune des conditions dérogatoires prévues par l'article 92 paragraphe 3 du traité CEE.

IX Comme il est indiqué au titre VI, la Commission peut, dans ce cas, exiger des États membres qu'ils obligent les bénéficiaires d'aides, octroyées illégalement, à les restituer.

Compte tenu de ce qui précède, l'aide d'un montant de 5 900 millions de pesetas espagnoles sous forme d'apport au capital en faveur de l'entreprise Merco doit être supprimée et faire l'objet d'un remboursement.

Le remboursement doit être effectué conformément aux procédures et dispositions de la législation espagnole et notamment à celles concernant les intérêts de retard sur les créances de l'État, intérêts commençant à courir à partir de la date de l'octroi de l'aide illégale en cause. Cette mesure apparaît nécessaire pour rétablir la situation antérieure en supprimant tous les avantages financiers dont l'entreprise bénéficiaire de l'aide illégale a indûment bénéficié depuis la date du versement de cette aide.

La présente décision ne préjuge pas des conséquences que la Commission tirera, le cas échéant, sur le plan de financement de la politique agricole commune par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA).

Enfin, par lettres des 1er et 31 juillet 1992, les autorités espagnoles ont communiqué que la liquidation totale de l'entreprise a été décidée par le Gouvernement espagnol. La Commission considère que cet élément ne saurait remettre en cause l'obligation de remboursement de l'aide.

À cet égard, il convient tout d'abord de rappeler que la suppression d'une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité (12).

La suppression de l'obligation de remboursement dans le cadre de la liquidation d'une entreprise aboutirait au résultat de rendre sans objet les règles en matière d'aides d'État ainsi que les dispositions arrêtées et constamment suivies par la Commission dans le domaine de la récupération des aides illégales et incompatibles (13). En effet, il suffirait qu'une entreprise, qui a bénéficié d'un soutien financier de la part de l'État soit mise en liquidation pour empêcher à son égard l'application des dispositions des articles 92 et 93 du traité CEE.

De plus, il convient de rappeler que tout argument suivant lequel la récupération des aides serait sans objet, compte tenu de la liquidation d'une entreprise a déjà été développé, mais sans succès, devant la Cour de justice (14),

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

L'aide octroyée par le Gouvernement espagnol sous la forme d'un apport de capitaux de 5 900 millions de pesetas espagnoles à l'entreprise Merco en 1990 est illégale, étant donné qu'elle a été accordée en violation des règles de procédure énoncées à l'article 93 paragraphe 3 du traité CEE. De plus, cette aide est aussi incompatible avec le marché commun aux termes de l'article 92 paragraphe 1 du fait qu'elle ne répond pas aux conditions de dérogation prévues par l'article 92 paragraphe 3.

Article 2

L'Espagne est tenue de supprimer l'aide mentionnée à l'article 1er et d'en exiger de la société Merco la restitution, par voie de recouvrement, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Ce recouvrement sera effectué conformément aux procédures et aux dispositions de la législation nationale et notamment à celles concernant les intérêts de retard payables sur les créances de l'État. La somme à recouvrer produit des intérêts à partir de la date d'octroi de l'aide illégale en cause.

Article 3

L'Espagne informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures prises pour se conformer à celle-ci.

Article 4

Le Royaume d'Espagne est destinataire de la présente décision.

(1) JO n° C 246 du 21. 9. 1991, p. 4.

(2) Communication aux États membres concernant les participations des autorités publiques dans les capitaux des entreprises (Bulletin des Communautés européennes, 1984).

(3) Voir entre autres l'arrêt du 10 juillet 1986: affaire 234-84, Recueil 1986, p. 2264 et l'arrêt du 21 mars 1991: affaire C-305-89, Recueil 1991, I p. 1603.

(1) Code NC 1207 20.

(2) Code NC 1206 00.

(3) Code NC 1509.

(4) Code NC chapitre 10.

(5) Code NC chapitre 8.

(6) Code NC chapitre 7.

(4) Recueil 1973, p. 611.

(5) Recueil 1973, p. 1471.

(6) Recueil 1977, p. 595.

(7) Recueil 1991, I p. 5505.

(8) Recueil 1973, p. 813.

(9) Recueil 1987, p. 901.

(10) Recueil 1990, I p. 3437.

(11) Recueil 1986, p. 2321.

(12) Affaire C-142-87, arrêt du 21 mars 1990, Recueil 1990, I p. 959.

(13) JO n° C 318 du 24. 11. 1983, p. 3; communication de la Commission.

(14) Affaire C-142-87 précitée, points 49 à 51 des motifs.