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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch., 17 mars 2003, n° 02-00996

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Entreprise de travaux routiers (SARL), Crespy, Gonzalez

Défendeur :

Calvo

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Frizon de Lamotte

Conseillers :

Mlle Courbin, M. Ors

Avoués :

Me Fournier, SCP Luc Boyreau, Raphaël Monroux

Avocats :

Mes Perret, Morand-Monteil.

T. com. Bergerac, du 28 déc. 2001

28 décembre 2001

Faits, procédure et prétentions des parties

Le 11 avril 1989, Messieurs Crespy et Gonzalez ont constitué à part égale la SNC "Crespy Gonzalez" (la SNC) au capital de 160 000 F.

Le 11 janvier 1996, cette SNC a été transformée en SARL et a pris la dénomination d'ETR, le capital a alors été portée à 240 000 F, et a eu pour associés détenant chacun 400 parts Messieurs Crespy, Gonzalez et Calvo;

Le 23 avril 1999, Monsieur Calvo a en suite d'une discussion entre les associés cédé 200 parts à Monsieur Crespy et 200 parts à Monsieur Gonzalez pour un prix global de 620 000 F;

Cet acte comprend les clauses suivantes:

"8 - non-concurrence:

A compter de ce jour, le cédant s'interdit de s'intéresser directement ou indirectement ou par personne interposée, même comme associé, salarié, ou mandataire, à une société ou entreprise effectuant, dans la zone géographique ci-après, des travaux concurrents de ceux entrant dans l'objet de la société ETR.

Le cédant s'interdit en outre de percevoir de telles sociétés ou entreprises des rémunérations, commissions ou indemnités de toutes natures.

Cet engagement de non-concurrence s'appliquera pendant une durée de quatre (4) années dans les cantons de Lalinde et Beaumont en Dordogne, à l'égard des concessionnaires et de la société ETR ou de toute société qui viendrait à leur succéder par voie de cession ou d'apport de parts ou de fonds de commerce, de fusion, de location-gérance ou autre.

Pour chaque manquement constaté à cette interdiction, il sera dû à titre de clause pénale par le cédant à chacun des cessionnaires ou de leurs ayants-droits ou ayants-cause une indemnité de deux cent mille francs (200 000 F), sans préjudice du droit pour les bénéficiaires de faire cesser l'infraction par tous moyens.

Sous les mêmes peines et pendant la même durée, le cédant s'interdit tout acte, toute déclaration ou publicité susceptible de créer une confusion aux yeux des tiers entre la société ETR et toute entreprise ou société dans laquelle il serait intéressé directement ou indirectement, même comme salarié, et notamment de créer une entreprise concurrente ou une agence d'entreprise concurrente sur la commune de Creysse en Dordogne et/ou de créer une entreprise ou de s'intéresser à une entreprise dont la dénomination pourrait créer une confusion avec la dénomination de la société "Entreprise de travaux routiers - ETR."

9 - personnel de la société "ETR"

Comme accessoire de l'engagement de non-concurrence, le cédant s'interdit pendant la même durée à l'égard des cessionnaires, de provoquer le débauchage de tout ou partie du personnel de la société ETR".

Le 29 juillet 1998 a été inscrite au registre du commerce et des sociétés du Tribunal de commerce de Bergerac la SARL ABTP "Agence du bâtiment et des travaux publics" avec pour gérant Monsieur Calvo.

La société ABTP a alors engagé des salariés démissionnaires de la société ETR.

Par acte du 15 septembre 2000, Messieurs Gonzalez et Crespy, la société ETR ont fait assigner Monsieur Calvo devant le Tribunal de commerce de Bergerac en paiement d'une somme de 800 000 F en application des dispositions du protocole de cession.

Par jugement du 28 décembre 2001, le tribunal de commerce a statué ainsi:

"Condamne Monsieur Calvo au paiement de la somme de 1 F,

Condamne Monsieur Calvo au paiement de 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens, taxés et liquidés pour les frais de greffe à la somme de 411 F.

Déboute la SARL TER, Messieurs Gonzalez et Crespy du surplus de leur demande".

Vu

- les dernières conclusions des:

- 16 janvier 2003 d'ETR et de Messieurs Gonzalez et Crespy, appelants,

- 3 octobre 2002 de Monsieur Calvo,

- l'ordonnance de clôture du 20 janvier 2003,

- les autres conclusions au fond de Monsieur Calvo du 23 janvier 2003,

- les conclusions de procédures des 29 janvier 2003 et 3 février 2003.

Discussion

Sur les pièces et conclusions déposées après l'ordonnance de clôture

Monsieur Calvo demande à la cour de rabattre l'ordonnance de clôture et de déclarer recevables ses conclusions du 23 janvier 2003 aux motifs que les appelants ont signifié de nouvelles conclusions le 16 janvier 2003 à 2 jours ouvrables de l'ordonnance de clôture du 20 janvier 2003;

Toutefois, ils ne justifient pas en quoi les conclusions du 16 janvier 2003 sont nouvelles, nécessitent une réponse dans un délai utile supérieur à celui dont ils ont disposé;

Par ailleurs la simple lecture des écritures du 16 janvier 2003 ne révèle rien de nouveau par rapport à celles du 24 juin 2002;

N'est pas alléguée ni établie la cause grave susceptible de justifier la révocation de l'ordonnance de clôture;

Par application des articles 783 et 784 du nouveau Code de procédure civile l'ordonnance de clôture ne doit pas être révoquée et les pièces et conclusions déposées après cette ordonnance doivent être rejetées des débats.

Sur le fond

ETR, Messieurs Gonzalez et Crespy font valoir:

- que la société ABTP créée par Monsieur Calvo a engagé 4 salariés après avoir provoqué leur démission d'ETR au mépris des articles 8 et 9 de la convention de cession de parts, plus haut reproduite, désorganisant gravement cette dernière,

- que la clause pénale prévue à l'article 8 de la convention est applicable à la violation des engagements contractés par l'article 9 et doit donc être appliquée;

Monsieur Calvo conteste:

- d'une part avoir provoqué le débauchage des salariés en question,

- d'autre part que la clause pénale prévue à l'article 8 puisse s'appliquer aux engagements contractés à l'article 9.

La clause contenue dans l'article 9 est définie "comme accessoire de l'engagement de non-concurrence" de l'article 8, l'accessoire suivant le principal, ETR, Messieurs Gonzalez et Crespy sont fondés à prétendre que sa violation est sanctionnée par la clause pénale prévue à l'article 8, sans qu'il y ait lieu de limiter celle-ci à l'embauche et l'utilisation des personnels dans l'aire où doit s'exercer la clause de non-concurrence.

Il appartient dès lors aux appelants de rapporter la preuve qui leur incombe que Monsieur Calvo a provoqué le débauchage des 4 salariés en question, Messieurs Serge Millac, Laurent Aupy, Olivier Millac, Michel Dubois, la simple embauche dans des conditions régulières d'anciens salariés d'une entreprise concurrente n'étant pas en elle-même fautive, compte tenu des termes "provoquer le débauchage",

il n'est pas démontré, aucun chiffre n'étant allégué, ni établi que Monsieur Calvo ait proposé des conditions particulières de salaires, ou des avantages anormaux pour provoquer les démissions et les embauches consécutives;

les 4 salariés en question ont établi d'abord des attestations toutes identiques datées du mois de juin 2000 qui ont manifestement été dictées;

Monsieur Lavoix mécanicien et responsable d'atelier de juin 1997 à septembre 2000 a régulièrement attesté que Messieurs Serge et olivier Millac avaient décidé de quitter ETR parce que les heures supplémentaires ne leur étaient pas réglées,

que le climat dans l'entreprise au moment du départ de Monsieur Calvo était tel que nombre de salariés sont partis dans d'autres entreprises;

Monsieur Feuille, directeur des travaux d'ETR d'octobre 1998 à février 2000 a régulièrement attesté que Messieurs Serge et Olivier Millac avaient la ferme intention de quitter la société ETR malgré les conseils, avant même que la société ABTP ne soit créée par Monsieur Calvo.

Au vu de ces éléments les appelants ne rapportent pas la preuve qui leur incombe des actes de provocation litigieux.

Le jugement doit donc être infirmé et les appelants déboutés de leurs demandes.

Enfin il est équitable par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile de laisser à la charge de Monsieur Calvo les frais irrépétibles exposés par lui.

Décision

Par ces motifs, LA COUR: Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture, rejette des débats les conclusions et pièces postérieures à l'ordonnance de clôture, infirme le jugement, déboute la société ETR, Messieurs Gonzalez et Crespy de toutes leurs demandes, déboute Monsieur Calvo de sa demande en paiement de frais irrépétibles, condamne la société ETR, Messieurs Gonzalez et Crespy aux dépens de première instance et d'appel, application étant faite de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.