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Décisions

CCE, 18 décembre 1991, n° 92-330

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Aide de l'Allemagne en faveur de l'entreprise Textilwerke Deggendorf GmbH

CCE n° 92-330

18 décembre 1991

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 93 paragraphe 2 premier alinéa, après avoir, conformément audit article 93, mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, considérant ce qui suit:

I

Le 25 février 1991, la représentation permanente de la République fédérale d'Allemagne a notifié à la Commission, conformément à l'article 93 paragraphe 3 du traité CEE, un projet d'aide en faveur de l'entreprise Textilwerke Deggendorf GmbH. Son activité principale se développe dans le secteur des fibres synthétiques couvert par l'encadrement communautaire y relatif qui impose la notification préalable de tous les projets d'aide à ce secteur. L'aide doit être financée par le " Bayerisches regionales Foerderprogramm ", approuvé par la Commission par lettre du 21 décembre 1988.

Des questions complémentaires visant à caractériser l'investissement projeté ont été posées aux autorités allemandes par lettre du 14 mars 1991. Le courrier en réponse est parvenu à la Commission le 8 mai 1991.

Par lettre du 27 juin 1991, la Commission a informé le Gouvernement allemand de sa décision d'ouvrir la procédure de l'article 93 paragraphe 2 à l'encontre des aides en cause, et l'a invité à présenter ses observations.

Les tiers intéressés ont pu prendre connaissance de la décision de la Commission après sa publication au Journal Officiel des Communautés européennes du 8 août 1991 (1).

L'aide se réfère aux investissements qui seront réalisés dans l'entreprise Pietsch dont le capital a été racheté par Textilwerke Deggendorf GmbH pour un mark allemand qu'elle était menacée de fermeture en 1989.

L'entreprise Pietsch, spécialisée de façon exclusive dans la fabrication de rideaux en textile, est soumise par son nouveau propriétaire à un plan de reprise et de modernisation qui devrait être soutenu financièrement par le Land de Bavière.

Les investissements, susceptibles d'être aidés - d'un montant de 11,95 millions de marks allemands - conduiront au maintien des cent trente-quatre emplois existant dans l'entreprise Pietsch et à la création de quinze emplois nouveaux dans cette même entreprise.

Le plan de reprise et de modernisation, démarré en juillet 1989 lors de la reprise des biens, est prévu pour se développer sur trois années avec la réalisation de 11,95 millions de marks allemands d'investissements, dont 2 millions de marks allemands à l'immobilier et 4 millions de marks allemands à l'achat de machines spécifiquement conçues pour fabriquer des rideaux.

Il est prévu que l'entreprise Deggendorf bénéficie, de la part du ministère bavarois de l'Economie, de deux prêts à taux bonifiés (à 4,5 %) financés en application du programme régional du Land et remboursables avec 3 ans de différé.

Le premier prêt, d'un montant de 2,8 millions de marks allemands serait accordé sur 15 ans et le second, d'un montant de 3 millions de mark allemands, le serait sur 8 ans. L'équivalent - subvention net (ESN) de la bonification d'intérêt peut être apprécié à 3,46 % s'agissant du premier prêt et à 2,77 % s'agissant du second. Les crédits publics devraient ainsi financer 48,53 % de l'investissement tel qu'il sera réalisé en juillet 1992.

Sur la base des informations dont elle disposait, la Commission a examiné les conséquences qui découlent, du point de vue de la politique de concurrence, de la relation financière et comptable existant entre les entreprises Deggendorf et Pietsch.

La Commission n'a pas alors été en mesure de déterminer si une distinction parfaitement claire pouvait être établie entre la production de fibres synthétiques et le nouvel investissement. Elle a en revanche estimé que les aides en cause pouvaient être de nature à favoriser indirectement l'entreprise Deggendorf qui, elle, fabrique des produits ne pouvant en principe bénéficier d'aides, en vertu de l'encadrement communautaire applicable aux fibres synthétiques.

La Commission a également tenu compte du fait que, le 21 mai 1986, elle avait pris une décision négative à l'égard d'aides incompatibles avec le marché commun qui avaient été accordées à la même société entre 1981 et 1983. Cette décision (86-509-CEE) (2) exigeait la restitution de la subvention de 6,12 millions de marks allemands et du prêt de 11 millions de marks allemands accordé à un taux bonifié. La restitution n'a toujours pas été effectuée et la société Deggendorf reste par conséquent bénéficiaire d'aides illicites qui renforcent artificiellement sa compétitivité.

En outre, la Commission a estimé que, sur le marché communautaire des fils de polyamide et de polyester, qui est à la fois extrêmement concurrentiel en raison de la présence de plusieurs producteurs sur tous les marchés nationaux et caractérisé par une demande stagnante, des investissements à forte intensité de capital et des marges réduites, les aides en question menacent de fausser le jeu de la concurrence et d'affecter les échanges entre les États membres. En conséquence, ces aides ne remplissent pas les conditions leur permettant de bénéficier de l'une des dérogations de l'article 92 paragraphes 1, 2 et 3, et sont incompatibles avec le marché commun au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité.

Ce faisant, la Commission s'est livrée à une analyse similaire à celle qui avait été la sienne quelques mois auparavant alors qu'elle examinait un cas d'aides en faveur de la même entreprise Textilwerke Deggendorf GmbH destinées à des investissements rationalisant la production de bas et de fils élastiques polyamides.

La Commission avait alors conclu à la compatibilité des aides en cause avec le marché commun tout en assortissant sa décision positive de l'obligation pour les autorités allemandes de ne pas en assurer le versement effectif jusqu'à la date du remboursement des aides incompatibles accordées illégalement de 1981 à 1983.

Dans sa décision d'ouvrir la procédure contradictoire à l'encontre du projet de l'aide à la restructuration de l'entreprise Pietsch (3), la Commission a d'ailleurs rappelé les antécédents susmentionnés en précisant que: " dans le cas d'une éventuelle décision positive comportant l'autorisation des aides en cause, le versement de ces aides ne devrait intervenir qu'après le remboursement des aides illégales faisant l'objet de la décision du 21 mai 1986 ".

II

Le Gouvernement allemand, lorsqu'il a, par lettre du 30 juillet 1991, présenté ses observations dans le cadre de la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 du traité, a précisé la position qui était la sienne à la date de la notification, fournissant ainsi à la Commission des éléments complémentaires lui permettant d'apprécier - compte tenu de ses effets sur la concurrence - le lien existant entre la société Textilwerke Deggendorf GmbH, bénéficiaire incontestée de l'aide, et l'entreprise Pietsch où seront réalisés les investissements aidés.

Les autorités allemandes ont par ailleurs estimé négligeables les effets de l'aide sur la production de fibres synthétiques par le biais du budget global de Textilwerke Deggendorf.

Les gouvernements danois et néerlandais ainsi que la British Textile Confederation ont fait parvenir à la Commission de brèves observations, qui ont alors été transmises au Gouvernement allemand, et n'ont suscité de sa part aucune nouvelle remarque. Ce dernier a par ailleurs présenté ses réactions à la décision de la Commission par courrier du 30 juillet 1991.

III

Le prêt à taux bonifié de 5,8 millions de marks allemands accordé à la société Textilwerke Deggendorf GmbH en application du " Bayerisches regionales Foerderprogramm " approuvé par la Commission par lettre du 27 décembre 1988 constitue une aide au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité en ce qu'il permet à l'entreprise de réaliser des investissements sans en supporter la totalité des coûts.

Ces aides ont été à juste titre notifiées à la Commission conformément à l'article 93 paragraphe 3 du traité, l'obligation de notification préalable des aides en cause résultant en effet de l'encadrement applicable à tout projet d'aide, quelle qu'en soit la forme, en faveur de sociétés du secteur des fibres et fils synthétiques.

La Commission a été ainsi mise en mesure de formuler ses observations et d'apprécier l'aide envisagée.

La relation financière et comptable existant entre Textilwerke Deggendorf et Pietsch lui apparaît sans effet sur la production de fibres par le biais du budget global de l'entreprise propriétaire. Le lien accroît en revanche les débouchés de Textilwerke Deggendorf dans la mesure où l'entreprise Pietsch utilise des fils synthétiques dans le processus de fabrication de ses rideaux.

Dans sa décision du 26 mars 1991, la Commission avait déjà estimé que l'existence d'un débouché supplémentaire pour la production de fils synthétiques contribuait à résorber l'excédent général de l'offre qui existe dans le secteur.

Ainsi, le lien existant entre la production de fils et de fibres synthétiques et le nouvel investissement qui sera financé partiellement sur fonds publics ne conduit pas la Commission à apprécier l'aide projetée par référence à l'a priori défavorable contenu dans la discipline applicable au secteur des fibres synthétiques.

Considérant spécifiquement l'entreprise Pietsch qui fabrique exclusivement des rideaux en textile, la Commission constate que le Land de Bavière envisage de soutenir son plan de reprise et de modernisation.

L'aide envisagée devrait être accordée en application d'un régime d'aide à finalité régionale approuvé par la Commission, aux conditions prévues par le régime (aides sous forme d'une bonification d'intérêt de prêts et d'une intensité limitée à 8 % ESN).

La Commission est à même de considérer que, en visant à maintenir les cent trente-quatre emplois existant dans l'entreprise Pietsch et à créer quinze emplois permanents supplémentaires dans la zone de Deggendorf, l'aide prévue favorise le développement de la région économique considérée et peut, en conséquence, être considérée comme compatible avec le marché commun au titre de l'article 92 paragraphe 3 point c).

IV

La Commission constate cependant que, tant que l'entreprise Textilwerke Deggendorf GmbH n'aura pas restitué la totalité des aides qu'elle a indûment perçues de 1981 à 1983, sa compétitivité restera renforcée par un avantage qui n'est pas sans incidence sur les conditions des échanges.

En la forme, contrairement aux observations formulées par les autorités allemandes après l'ouverture de la procédure décidée par la Commission, cette dernière ne reproche pas à Textilwerke Deggendorf GmbH d'avoir introduit un recours juridictionnel visant à obtenir d'un juge allemand l'annulation d'une décision administrative y relative.

La Commission constate en revanche, d'une part, que la récupération effective de l'aide illégale et incompatible n'a pas encore eu lieu et, d'autre part, qu'elle ne dispose d'aucun moyen contraignant en vue d'accélérer ou de faire exécuter sa décision du 21 mai 1986. La Commission avait alors pris une décision négative à l'égard d'aides accordées illégalement à la même société entre 1981 et 1983 et demandé la restitution de subventions d'un montant de 6,12 millions de marks allemands et de prêts assortis de conditions de faveur d'un montant de 11 millions de marks allemands.

La décision négative n'ayant pas été attaquée devant la Cour de justice des Communautés européennes, elle est par conséquent devenue définitive. Le Gouvernement allemand a, en revanche, formé un recours devant la Cour de justice visant à obtenir l'annulation de la décision de la Commission du 26 mars 1991.

La Commission a déjà rappelé au Gouvernement allemand dans sa décision du 26 mars 1991 concernant la même entreprise Textilwerke Deggendorf qu'elle est tenue d'examiner les cas d'aides en tenant compte de toutes les circonstances susceptibles d'avoir une influence sur l'incidence de l'aide sur les conditions des échanges dans la Communauté.

Dans un arrêt récent, la Cour de justice a opportunément précisé que, lorsque la Commission examine la compatibilité d'une aide avec le marché commun, elle doit prendre en considération tous les éléments pertinents, y compris, le cas échéant, le contexte déjà apprécié dans une décision antérieure, ainsi que les obligations que cette décision précédente a pu imposer à un État membre (4). Il en résulte que la Commission peut légitimement fonder une décision ultérieure sur l'inobservation d'une condition posée dans une décision arrêtée précédemment concernant la même entreprise, ce qui est le cas dans la présente affaire.

Les antécédents du cas d'espèce renforcent d'ailleurs une telle analyse et conduisent la Commission à reprendre sur ce point l'argumentation de sa décision du 26 mars 1991: l'avantage indû dont bénéficie Textilwerke Deggendorf depuis 1981-1983 a créé dans le chef de cette entreprise un enrichissement sans cause qui se poursuivra jusqu'à la date du remboursement effectif des aides illégales et incompatibles précédemment perçues.

En conséquence, la Commission est fondée à considérer que les aides en cause - par ailleurs compatibles avec le marché commun - ne peuvent bénéficier effectivement à Textilwerke Deggendorf GmbH tant que l'entreprise n'aura pas procédé au remboursement des aides incompatibles visées par sa décision du 21 mai 1986.

Les aides illégalement accordées, que Deggendorf refuse de restituer depuis 1986, et les nouvelles aides aux investissements dont il est question actuellement auraient pour effet cumulé de donner à cette société un avantage excessif et indû qui altérerait les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

De ce fait, même si les aides de 744 485 marks allemands actuellement envisagées résultant de l'octroi de prêts à taux bonifié de 5,8 millions de marks allemands doivent être considérées comme compatibles avec le marché commun, la Commission estime qu'il y a lieu de suspendre leur versement en attendant le remboursement des aides incompatibles visées dans sa décision de 1986.

Cette situation a été déterminée par le comportement négligeant du Gouvernement allemand et de la société Deggendorf, ceux-ci ayant agi en violation des règles impératives de l'article 93 paragraphe 3.

La Commission ne disposant d'aucun moyen contraignant en vue d'accélérer ou de faire exécuter sa décision de 1986, ce point rend d'autant plus nécessaire la suspension du versement des présentes aides.

De plus, il convient de rappeler que la Commission, dans sa communication au sens de l'article 93 paragraphe 2 du traité a déjà fait état du double effet de distorsion de la concurrence résultant du non-remboursement des anciennes aides incompatibles de la part de la société Textilwerke Deggendorf GmbH. Or, ni le Gouvernement allemand ni l'entreprise en cause n'ont émis de contestations ou de remarques de nature à modifier l'appréciation de la Commission sur ce point.

En conclusion, les aides d'un montant de 744 485 marks allemands projetées par le Gouvernement allemand en faveur de la société Deggendorf sont compatibles avec le marché commun mais elles ne pourront être octroyées qu'au moment où la société Textilwerke Deggendorf GmbH aura remboursé les aides illégalement reçues entre 1981 et 1983 et qui font l'objet de la décision 86-509-CEE.

La Commission se voit obligée de parvenir à cette conclusion du fait que l'entreprise Textilwerke Deggendorf bénéficie indûment depuis 1981-1983 d'aides d'un montant global de 17,12 millions de marks allemands et que, encore aujourd'hui, cette entreprise persiste dans le refus de se conformer aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire en ne procédant pas au remboursement des aides en cause.

Il y a lieu de souligner que la condition suspensive visée par la présente décision ne saurait faire double emploi avec la clause suspensive figurant dans la décision du 26 mars 1991, et ce, pour deux raisons:

- en premier lieu, compte tenu du fait que l'effet recherché est le même dans les deux cas, à savoir éviter que Textilwerke Deggendorf, par son attitude, ne continue à bénéficier des avantages découlant d'un enrichissement sans cause,

- en second lieu, compte tenu du fait que la présente clause suspensive cessera de produire ses effets dès que l'entreprise aura rempli ses obligations en matière de remboursement telles qu'elles découlent de la décision du 21 mai 1986. (Il en sera de même pour la clause suspensive de la décision du 26 mars 1991),

A arrêté la présente décision:

Article premier

Les aides sous forme de deux prêts bonifiés de 2,8 et de 3 millions de marks allemands, d'une durée de quinze et huit ans respectivement, accordés à un taux d'intérêt de 4,5 % avec une franchise d'amortissement de trois ans, destinées à la société Textilwerke Deggendorf GmbH, et notifiées à la Commission par lettre des autorités allemandes, datée du 25 février 1991, sont compatibles avec le marché commun au sens de l'article 92 du traité CEE.

Article 2

L'Allemagne est tenue de suspendre le versement à la société Deggendorf des aides visées à l'article 1er tant qu'elle n'aura pas procédé au remboursement des aides incompatibles visées à l'article 1er de la décision 86-509-CEE.

Article 3

L'Allemagne informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision, des mesures qu'elle aura prises pour s'y conformer.

Article 4

La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.

(1) JO n° C 207 du 8. 8. 1991, p. 6. (2) JO n° L 300 du 24. 10. 1986, p. 34. (3) Lettre du 27. 6. 1991 et JO n° C 207 du 8. 8. 1991. (4) Arrêt du 3 octobre 1991 dans l'affaire 261-89, non encore publié.