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Décisions

Conseil Conc., 9 décembre 2003, n° 03-D-59

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Saisine et demande de mesures conservatoires présentées par les sociétés I>Télé et Groupe Canal Plus

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport oral de Mme Cramesnil de Laleu, par Mme Hagelsteen, présidente, M. Nasse, vice-président, Mme Perrot, membre.

Conseil Conc. n° 03-D-59

9 décembre 2003

Le Conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu la demande enregistrée le 28 juillet 2003, sous le numéro 03-0050 F, par laquelle les sociétés I>Télé et Groupe Canal Plus ont saisi le Conseil de la concurrence de certaines pratiques des sociétés TF1, TPS et LCI, qu'elles estiment anticoncurrentielles; Vu la lettre enregistrée le 9 septembre 2003 sous le numéro 03-0061 M, par laquelle les sociétés I>Télé et Groupe Canal Plus ont déposé une demande de mesures conservatoires à l'appui de leur saisine au fond; Vu le livre IV du Code de commerce, relatif à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions de son application; Vu l'avis adopté par le Conseil supérieur de l'audiovisuel le 6 octobre 2003; Vu les observations présentées par les sociétés I>Télé et Groupe Canal Plus, par les sociétés TF1, TPS et LCI et par le commissaire du Gouvernement; La rapporteure, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés I>Télé, Groupe Canal Plus, TF1, TPS et LCI entendus lors de la séance du 5 novembre 2003; Adopte la décision suivante:

I. - Constatations

1. Par contrat en date du 28 janvier 2000, la société TPS s'est engagée à verser à la chaîne I>Télévision (devenue I>Télé) une redevance mensuelle de 2,70 francs HT (soit 0,4116 euro) par abonné individuel à compter du 1er février 2000 jusqu'au 31 décembre 2001, en contrepartie des droits de commercialisation des programmes de cette chaîne.

2. La convention arrivant à échéance, le directeur général de la chaîne I>Télé a fait la proposition tarifaire suivante: 0,39 euro par abonné individuel pour l'année 2002; 0,37 euro pour l'année 2003 et 0,35 euro pour l'année 2004.

3. Dès le lendemain, cette offre était rejetée par le président de TPS qui proposait de proroger le contrat de trois mois "sous réserve, en cas de renouvellement des contrats, d'une éventuelle rétroactivité des nouvelles conditions à partir du 1er janvier 2002". Plusieurs prorogations sont ainsi intervenues jusqu'à la fin du mois de septembre 2002, sans qu'aucune négociation ne soit entreprise.

4. Le 25 septembre 2002, TPS a adressé un projet de contrat à I>Télé prévoyant une redevance de 0,351 euro par abonné individuel pour les années 2002 et 2003, de 0,322 euro pour l'année 2004 et a appliqué cette modification des tarifs, à compter du 1er septembre 2002, avec effet rétroactif au 1er janvier 2002.

5. I>Télé, pour sa part, demandait une nouvelle prorogation qui était refusée par TPS dans les termes suivants: "Je vous confirme que TPS n'accepte de continuer à distribuer I>Télé qu'en appliquant les conditions des contrats envoyés le 25 septembre 2002 (.) jusqu'à signature des contrats définitifs".

6. Dans son courrier du 20 janvier 2003, TPS expliquait ainsi que: "Les conditions financières et la durée de la commercialisation de I>Télé (ont) déjà fait l'objet d'un accord intervenu dans le cadre d'une négociation globale qui a été finalisé durant l'été 2001 au plus haut niveau des Groupes Canal + et TF1" et ajoutait, à propos du projet de contrat, que celui-ci "reprend strictement les conditions précédemment convenues entre nos deux groupes".

7. A la suite d'une mise en demeure délivrée par la chaîne I>Télé, TPS s'est acquittée des montants de la redevance tels que prévus dans le projet susvisé, pour la période de janvier à décembre 2002 et a réglé les autres échéances, le 13 mai 2003, en invoquant un retard du fait "de différends sur les documents comptables de facturation".

8. I>Télé a fait une nouvelle proposition tarifaire, le 14 mai 2003. Le 19 mai 2003, soit le jour de l'accord intervenu entre la chaîne d'information LCI et Canalsatellite portant sur la fixation de la redevance, TPS a retiré son offre de contrat, telle qu'elle résultait du projet de septembre 2002. Quelques jours plus tard, I>Télé a décidé d'accepter le projet mais TPS a confirmé le retrait de son offre.

9. Le 4 juin 2003, TPS a fait la proposition financière suivante:

- Pour la période passée, le versement de 0,35 euro par mois et par abonné;

- Une somme forfaitaire de 500 000 euro de juillet à décembre 2003;

- Une somme forfaitaire de 800 000 euro de janvier à décembre 2004.

10. A la suite de la réponse de I>Télé dénonçant un "ultimatum inadmissible", TPS, par lettre du 13 juin 2003, proposait "dans la mesure où votre courrier entend formaliser une rupture brutale des négociations,(.) d'aménager la cessation de nos relations commerciales au terme d'un préavis (.) d'une durée de six mois et demi, soit jusqu'au 31 décembre 2003".

11. Il convient de rappeler que la société LCI négociait, pendant la même période, les tarifs de redevances versés par Canalsatellite et a, le 1er avril 2003, déposé une plainte auprès du Conseil de la concurrence contre les sociétés Canal Plus et Canalsatellite en l'assortissant d'une demande de mesures conservatoires dont elle s'est désistée le 23 mai 2003.

12. Le 28 juillet 2003, les sociétés I>Télé et Groupe Canal Plus ont déposé plainte auprès du Conseil de la concurrence contre les sociétés TF1, TPS et LCI. Elles ont, le 9 septembre 2003, formulé une demande de mesures conservatoires.

13. Les plaignantes soutiennent que les sociétés TF1, TPS et LCI sont en position dominante sur le marché de l'information télévisuelle et dénoncent le caractère abusif du comportement de ces sociétés visant, selon elles, "à évincer I>Télé du marché de l'information télévisée en provoquant sa disparition pure et simple, d'une part, en lui supprimant l'accès aux abonnés de TPS et d'autre part, en provoquant une chute brutale et considérable, à brève échéance, de son chiffre d'affaires rendant impossible la poursuite de son exploitation".

14. Elles leur reprochent, également, une tentative d'entente ayant, selon elles, consisté à proposer un accord illicite au groupe Canal Plus.

15. Elles sollicitent, enfin, du Conseil de la concurrence qu'il prononce des mesures conservatoires, en faisant valoir que: "l'urgence de la demande de mesures conservatoires apparaît d'autant plus établie que TPS vient de lancer de nouvelles offres d'abonnements et notamment une nouvelle offre basique" dans laquelle ne figure pas I<Télé ce qui constitue, selon elles, "une stratégie d'éviction déjà mise en œuvre".

II. - Sur la recevabilité

A - LES MARCHÉS EN CAUSE

Le marché de la télévision à péage

16. Il ressort de la jurisprudence, tant nationale que communautaire, qu'il existe un marché de la télévision payante distinct du marché de la télévision gratuite (voir notamment la décision n° 98-D-70 du 24 novembre 1998 du Conseil de la concurrence, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 15 juin 1999, l'arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2000 et les décisions de la Commission Européenne du 3 mars 1999, Aff. IV-36.237 TPS et du 15 septembre 1999, Aff. IV-36.539 British Interactive Broadcasting).

17. Au stade actuel de l'instruction, il n'existe pas d'élément nouveau suffisamment déterminant, tiré par exemple des comportements des téléspectateurs ou de la politique d'achat de droits par les chaînes, pour remettre en cause la jurisprudence précitée; il ne peut donc être exclu qu'il existe un marché de la télévision à péage distinct du marché de la télévision gratuite.

Le marché de l'édition et de la commercialisation des chaînes thématiques diffusées sur la télévision à péage comprenant le segment des chaînes d'information générale en français et en continu

18. La jurisprudence communautaire a été amenée à affiner les contours du marché de la télévision payante, en précisant l'existence d'un marché amont de la corcialisation et de l'exploitation des chaînes thématiques sur lequel les offreurs sont les éditeurs des chaînes thématiques et les demandeurs les sociétés de diffusion et de commercialisation de programmes de télévision payante (Comm. 3 mars 1999, n° 1999-242-CE).

19. Au stade actuel de l'instruction, il n'existe pas d'élément nouveau suffisamment déterminant pour remettre en cause cette jurisprudence. Il ne peut donc être exclu qu'il existe un marché amont de l'édition et de la commercialisation des chaînes thématiques diffusées sur la télévision à péage. Il n'est pas, non plus, exclu que ce marché amont comporte des segments de marché ou des sous-marchés, plus étroits, en fonction des thématiques offertes.

20. Dans sa communication du 15 septembre 1999, la Commission a, ainsi, identifié un marché de la fourniture "en gros" de chaînes de cinéma ou de sport à la télévision à péage en retenant, d'une part, la nécessité pour un opérateur de télévision à péage d'inclure certaines thématiques dans ses offres de chaînes qui tiennent compte de la demande de chaînes particulières émanant des abonnés et, d'autre part, du fait que "le prix de gros à acquitter pour obtenir des chaînes de cinéma ou de sport est largement supérieur à celui des autres chaînes"(Comm. 15 septembre 1999, n° 1999-781-CE).

21. Dans son avis du 7 octobre 2003, le CSA souligne que: "Les chaînes d'information se définissent comme un "service de télévision proposant un programme consacré intégralement à l'information, diffusé 24 heures sur 24, qui fournit aux téléspectateurs, avec une périodicité très rapprochée (15 ou 30 minutes), des informations de tous ordres actualisées en permanence via des journaux ou flashes. (.) La majeure partie de la programmation est en direct. (.) Cette importance du direct et de l'instantanéité distinguent ces chaînes des autres chaînes thématiques et des chaînes hertziennes terrestres".

22. Au regard du prix d'acquisition pour le consommateur, de l'exposition géographique différente tenant à une accessibilité pour le public partielle dans le cas des chaînes payantes, et de la réglementation spécifique attachée aux modalités de la diffusion des chaînes thématiques d'information, il apparaît que les services d'information offerts sur la télévision payante (chaînes thématiques d'information) et ceux de la télévision hertzienne en clair (programmes d'information des chaînes généralistes) sont difficilement substituables. Ainsi, les chaînes thématiques d'information générale en français, conçues autour du seul thème de l'information et diffusées en continu, 24 heures sur 24, comparées aux programmes d'information en français de la télévision généraliste hertzienne, sont susceptibles de satisfaire une demande différente sur un marché de détail aval, à savoir une information consommable au rythme choisi par le téléspectateur, et peuvent donc présenter pour un diffuseur de bouquet payant, demandeur de programmes sur le marché amont, un intérêt particulier en vue d'une intégration dans une offre multithématique.

23. En conséquence et sous réserve d'une instruction au fond, il ne peut être exclu qu'il existe, sur le marché amont de l'édition et de la commercialisation de chaînes thématiques destinées à la télévision payante, un marché plus étroit des chaînes d'information générale en français et en continu.

Le marché connexe de la publicité télévisuelle

24. La jurisprudence a également identifié un marché de la publicité télévisuelle distinct de celui de la publicité ayant pour support d'autres médias, en particulier la presse, en retenant le principe que chaque média possède des qualités propres de nature à les rendre non substituables (cf. décision n° 00-D-67). Sur ce marché, il n'y a pas lieu de distinguer entre l'espace publicitaire de la télévision payante de celui de la télévision gratuite, les sociétés de diffusion recourant, dans la plupart des cas mais à des degrés divers, à la publicité.

B. - LA POSITION DES OPÉRATEURS SUR CES MARCHÉS

La position des sociétés du groupe TF1, incluant notamment TF1, TPS et LCI, sur le marché de la publicité télévisuelle

25. Dans sa décision (n° 00-D-67) du 13 février 2001, relative à des pratiques constatées dans le secteur de la vente d'espaces publicitaires télévisuels, le Conseil de la concurrence a confirmé la position dominante de TF1 et de sa filiale TF1 Publicité sur le marché de la publicité télévisuelle, dans les termes suivants: "Considérant que, compte tenu de la part du marché de la publicité télévisuelle détenue par TF1 et sa filiale TF1 Publicité, de sa capacité à maintenir en toutes circonstances un rapport part d'audience/part de marché publicitaire positif -ce qu'elle est la seule à pouvoir faire-, ainsi que de la possibilité qu'elle conserve de pratiquer des prix supérieurs à ceux de ses concurrents, les sociétés TF1 et TF1 Publicité doivent être regardées comme occupant au cours de la période considérée (.) une position dominante sur le marché de la publicité télévisuelle".

26. Dans son avis, le CSA confirme le maintien de cette position du groupe TF1 en précisant que: "Parmi les chaînes nationales, ce sont les deux grandes chaînes commerciales, TF1 et M6, qui bénéficient le plus des investissements publicitaires: elles concentrent 70 % des investissements publicitaires bruts comme nets de la télévision (chaînes nationales et chaînes dites de complément) pour 46 % de parts de marché d'audience des individus de 4 ans et plus, TF1 captant 51 % des investissements publicitaires nets" (avis n° 03-05 du 22 juillet 2003, repris dans l'avis du 7 octobre 2003).

27. S'agissant des recettes publicitaires des chaînes thématiques d'information générale et en continu, le montant net perçu par la chaîne LCI, détenue par le groupe TF1, est très largement supérieur à celui de sa concurrente I>Télé. De même que, comme le souligne le CSA, "la comparaison des investissements publicitaires bruts des annonceurs montre également un rapport de 1 à 18 entre les dépenses destinées à LCI par rapport à celles destinées à I>Télé".

28. A ce stade de l'instruction, il ne peut être exclu que le groupe TF1 détienne toujours une position dominante sur le marché connexe de la publicité télévisuelle, position qui a, d'ailleurs, été réaffirmée par le président du conseil d'administration de TF1 lors de l'audience et que ce groupe puisse user de sa position dominante pour agir sur d'autres marchés du secteur de l'audiovisuel.

La position des sociétés TF1, TPS et LCI sur le marché amont de l'édition et de la commercialisation de chaînes thématiques diffusées sur la télévision à péage et sur le segment de marché des chaînes d'information générale en français et en continu

29. En ce qui concerne la part de marché appréciée en se référant au nombre de foyers abonnés, il ressort des éléments chiffrés communiqués par les parties que la société TPS, filiale à 66 % du groupe TF1, regroupe 1 186 800 foyers d'abonnés contre 2 470 134 pour les sociétés Canalsatellite et NC Numéricâble, respectivement détenue à 66 % et 100 % par le groupe Canal Plus, sur un total de 5 017 813 foyers d'abonnés aux opérateurs du satellite et du câble. Le groupe TF1 dispose ainsi de 24 % de part de marché contre près de 50 % pour le groupe Canal Plus.

30. S'agissant des parts d'audience des chaînes d'information générale en français et en continu diffusées sur la télévision payante, LCI représentait 1,3 % de part d'audience contre 0,3 % pour I>Télé et 0,4 % pour Euronews, pour la période de janvier à juin 2003, selon MediaCabSat dont les études sont reconnues par tous les opérateurs. Le CSA souligne ainsi, dans son avis, que: "L'audience de LCI est en moyenne trois fois supérieure à celle de ses concurrentes" et conclut "Au total, il ne fait pas de doute que LCI bénéficie d'une position de force tant en audience qu'en crédibilité".

31. La jurisprudence, tant interne que communautaire, définit la position dominante comme étant la situation dans laquelle une entreprise est susceptible de s'abstraire des conditions du marché et d'agir à peu près librement sans tenir compte du comportement et de la réaction de ses concurrents (rapport public 2002 du Conseil de la concurrence, p. 211).

32. Pour apprécier ce pouvoir de marché, il convient de prendre en compte l'intégration verticale des sociétés mises en cause, qui appartiennent au groupe TF1, dominant sur le marché connexe de la publicité télévisuelle, de la présence forte de ce groupe sur l'ensemble des programmes d'information sur la télévision et de l'engagement obtenu par le groupe TF1 que la nouvelle chaîne internationale d'information en français, à laquelle ce groupe va participer avec France Télévision, ne soit pas diffusée en France.

33. Il convient aussi de relever que, dans l'édition de programmes, le groupe TF1, par l'intermédiaire de la société TPS, détient le contrôle de plusieurs chaînes thématiques importantes (Télétoon, TPS Star, Cinéstar 1 et 2); que la société TF1 Digital en contrôle d'autres (LCI, TF6 et Odyssée) qui sont réputées; que la société Groupe TF1 dirige la chaîne Eurosport qui détient, seule ou en association, les droits de retransmission de plusieurs épreuves sportives notoires et variées et que l'ensemble de cette activité d'édition de chaînes thématiques représente un chiffre d'affaires supérieur à celui des sociétés du groupe Canal Plus exerçant la même activité.

34. Il apparaît ainsi que le groupe TF1 dispose d'avantages compétitifs déterminants sur la thématique de l'information et d'une position significative sur le marché de l'édition et de la commercialisation des chaînes thématiques et qu'il détient une position forte dans le secteur de la télévision payante, même s'il est absent des marchés de la télédistribution par câble et de la télédistribution payante par voie hertzienne.

35. On ne peut donc exclure, à ce stade de l'instruction, qu'il existe un segment de marché des chaînes thématiques d'information générale en français et en continu diffusées sur la télévision payante et que le groupe TF1 y détienne une position dominante.

Les pratiques

Sur les procédures abusives alléguées

36. Au soutien de la qualification d'abus de position dominante qu'elles retiennent, les plaignantes font valoir que la plainte déposée par LCI, le 1er avril 2003, contre les sociétés Canal Plus et Canalsatellite, constituerait une tentative d'instrumentalisation du Conseil de la concurrence dans le cadre des négociations des nouvelles conditions de la commercialisation de cette chaîne sur Canalsatellite et que cette procédure s'inscrirait dans une stratégie procédurale plus globale qui serait constitutive d'un abus de position dominante.

37. Dans sa décision n° 99-D-77 du 7 décembre 1999, le Conseil de la concurrence a considéré que: "L'accès au juge est un droit fondamental et le fait pour une entreprise qui occuperait une position dominante d'intenter une action en justice ne saurait être qualifié de pratique anticoncurrentielle que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, lorsque l'action ne vise manifestement pas à faire valoir ce que l'entreprise peut légitimement considérer comme étant son droit et qu'elle est conçue dans le cadre d'un plan ayant pour but d'éliminer, par ce harcèlement, la concurrence".

38. Aucun élément ne laisse présumer, au stade actuel, qu'en déposant sa plainte devant le Conseil, la société LCI aurait agi de manière abusive.

39. La présente affaire s'inscrit, en outre, dans un contexte procédural plus large qui doit être pris en compte. En effet, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris saisi par I>Télé d'une demande de mesure conservatoire consistant à fixer le terme du préavis au 30 juin 2004 aux conditions financières en vigueur au 1er octobre 2002, a accueilli cette demande par ordonnance du 7 juillet 2003.

40. Les sociétés I>Télé et Groupe Canal Plus ont aussi engagé une procédure à jour fixe également pendante devant le Tribunal de grande instance de Paris, qui concerne l'exécution par TPS du projet de contrat de commercialisation adressé à I>Télé, le 25 septembre 2002, et la fixation par le juge du fond du montant de la redevance.

41. En l'état des éléments dont dispose à ce stade le Conseil, le caractère abusif de la plainte déposée par LCI, qui s'inscrit dans un contentieux plus général, n'est pas démontré.

Sur la proposition par TPS à I>Télé de nouvelles conditions financières

42. Il ressort des éléments du dossier que la redevance versée à la chaîne I>Télé par la société TPS a évolué de la manière suivante:

- En 2000, une mensualité de 0,4116 euro par abonné;

- En 2002, une proposition de redevance de 0,35 euro environ par abonné;

- En juin 2003, une nouvelle proposition portant sur une redevance forfaitaire qui correspond à 0,07 euro par mois.

43. Aucun autre distributeur ne verse à la chaîne I>Télé une rémunération aussi faible et il ne lui a pas davantage été fait de proposition aussi basse. L'acceptation récente par I>Télé d'une diffusion gratuite par l'opérateur du câble sur Paris, la société Noos, n'est pas de nature à changer ce constat, dès lors que la discussion tarifaire s'inscrit dans un contexte très différent, s'agissant, pour I>Télé, d'accéder à un diffuseur nouveau qui dispose d'une situation de monopole permettant d'atteindre les abonnés parisiens du câble.

44. Les comparaisons avec les redevances habituellement versées à des chaînes pourtant réputées peu coûteuses, fonctionnant sur le principe de la gestion de stocks d'images, vont dans le même sens. Ainsi, Canalsatellite verse à Canal Jimmy et Planète, détenues par le groupe Canal Plus une redevance mensuelle de 0,33 euro par abonné. De même, pour les chaînes Télétoon et Odyssée, détenues par le groupe TF1, TPS verse une redevance mensuelle de 0,20 euro par abonné, qu'il convient de rapprocher de la proposition de 0,07 euro faite à I>Télé par TPS.

45. Dans son avis, le CSA a, d'ailleurs, souligné que: "La rémunération proposée apparaît faible, compte tenu notamment des coûts de transport de la chaîne. Le comparatif du niveau de rémunération de LCI sur Canalsatellite dans le cadre du contrat, signé le 19 mai 2003, avec la dernière offre en date permet de constater que LCI a également connu une baisse de forte ampleur (-73 % entre 2002 et 2005 pour LCI; - 83 % entre 2002 et 2004 pour I>Télé). Si la rémunération des deux chaînes évolue selon la même tendance, on note toutefois que la baisse est sensiblement plus importante pour I>Télé. Ainsi le différentiel entre la rémunération des deux chaînes s'accroît au détriment d'I>Télé: il est de 0,60 euro par abonné en 2002 (soit un rapport de 85 % entre I>Télé et LCI), 0,11 euro par abonné en 2003 et 2004 (soit un rapport de 35 % entre I>Télé et LCI). Ce différentiel excède largement celui qui a existé pour la rémunération des deux chaînes pour le premier semestre 2002 (différentiel de l'ordre de 15 % qui a fait l'objet d'un accord successif des deux parties en 2003) et ne trouve pas de justification dans l'évolution des performances d'audience de la chaîne".

46. En séance, le groupe TF1 a fait valoir que les nouvelles conditions tarifaires proposées par TPS ne seraient pas abusives puisque formulées sur la base des parts d'audience de la chaîne I>Télé alors que, dans le même temps, le président directeur général de TF1 reconnaissait que cet instrument de mesure était peu significatif pour des chaînes thématiques.

47. En l'état actuel du dossier, il ne peut être exclu que la différence de traitement pratiquée par le groupe TF1 entre les chaînes d'information, qui ne paraît être justifiée par aucun critère clair et objectif, conduise à une discrimination entre ces chaînes et soit susceptible d'entrer dans le champ d'application de l'article L. 420-2 du Code du commerce.

Sur la menace puis la rupture brutale par TPS de ses relations commerciales avec I>Télé

48. Le Conseil a déjà eu l'occasion de se prononcer sur les relations commerciales entre distributeurs et éditeurs de programmes.

49. C'est ainsi que, dans une affaire opposant la chaîne thématique Planète à France Télécom Câble (FTC), le Conseil a considéré: "qu'il ne peut être exclu, à ce stade de la procédure, que le remplacement de la chaîne Planète par la chaîne Odyssée et la dénonciation simultanée des contrats de diffusion de Planète soient constitutifs de pratiques prohibées par l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986" (décision n° 99-MC-02 du 27 janvier 1999).

50. De même, dans une affaire opposant la société Canal Europe Audiovisuel (CEA) à la société Canalsatellite, le Conseil a considéré "qu'il ne (pouvait) être exclu que le refus de référencer CEA, ainsi que d'autres chaînes en clair, et les différences de traitement entre ces diverses chaînes, qui ne paraissent pas reposer sur des critères clairs et objectifs, soient constitutifs de pratiques prohibées par l'article L. 420-2 du Code de commerce ou par l'article 82 du traité de Rome" (décision n° 02-MC-01 du 24 janvier 2002).

51. Le déroulement des négociations qui ont eu lieu entre I>Télé et TPS n'apporte pas d'éléments permettant d'apprécier le mode de calcul de la redevance. Il apparaît, cependant, qu'après une période de prolongation de plus de neuf mois, durant laquelle les parties ont reconnu qu'aucune discussion ni négociation n'avait été entreprise, TPS a présenté en septembre 2002, à I>Télé, un projet de contrat qui, bien que non signé par la chaîne, lui a été unilatéralement appliqué avec effet rétroactif. De plus, il convient de relever le retrait brutal de l'offre de contrat par TPS, en mai 2003, dans un contexte particulièrement conflictuel entre les groupes TF1 et Canal Plus, suivi d'une nouvelle proposition de la société TPS totalement différente de la précédente.

52. Par ailleurs, il convient aussi de noter l'absence de toute proposition d'une diffusion en option, comme c'est généralement le cas en période de négociation, ainsi que le refus de poursuivre finalement la diffusion de I>Télé, au moment même où, dans le cadre d'une médiation, intervenait un accord entre Canalsatellite et LCI sur le montant de la redevance.

53. Il doit, enfin, être souligné que toutes les chaînes d'information, I>Télé, Euronews et LCI, bénéficient, jusqu'à présent, d'une diffusion par l'ensemble des opérateurs du secteur et qu'aucune raison technique ne s'oppose à l'offre conjointe de deux chaînes d'informations, LCI et I>Télé, dans l'offre de base de TPS.

54. Il n'est donc pas exclu, à ce stade de l'instruction, que le comportement de la société TPS ait eu pour objet d'éliminer I>Télé de la diffusion de TPS au profit de la chaîne concurrente LCI et ce d'autant qu'à la suite de l'annonce du retrait de la chaîne I>Télé, TPS lançait une nouvelle offre multithématique à un prix particulièrement attractif, ne contenant que la chaîne d'information générale en français et en continu appartenant au groupe TF1.

55. Il ne peut davantage être exclu que cette pratique s'inscrive dans un processus plus large visant à évincer la chaîne I>Télé du marché des chaînes d'information générale en français et en continu diffusées sur la télévision payante et qu'elle pourrait, émanant d'une société en position dominante, être qualifié d'abus de cette position.

Sur la proposition d'une nouvelle offre de bouquets de chaînes sans la chaîne d'information I>Télé

56. Au début du mois d'août 2003, la société TPS a lancé deux nouvelles offres respectivement dénommées: "TPS Star", comprenant la chaîne de cinéma TPS Star et "TPS INITIAL", composée des principales thématiques que sont l'information, le sport, la jeunesse, le divertissement et la musique. Or, dans cette nouvelle offre "TPS INITIAL", qui constitue, tout à la fois, un service de base, puisque composée des thématiques essentielles, et le premier niveau de programmes proposé par TPS, puisqu'il s'agit du forfait le moins cher, ne figure pas la chaîne I>Télé.

57. A ce sujet, le groupe TF1 soutient, dans ses observations, que la notion de premier niveau de programmes proposé n'existerait pas pour TPS alors que, dans certains de ses contrats de distribution, notamment avec RTL9 et la chaîne Histoire, il est expressément mentionné que l'ancienne offre, dans laquelle figure encore I>Télé, intitulée "TPS THEMA", correspond au: "premier niveau de service".

58. Un tel comportement pourrait être le signe de la volonté du groupe TF1 d'exclure I>Télé au profit de LCI, seule chaîne d'information générale en français et en continu dès lors proposée dans le premier niveau de programmes de TPS.

Sur la pratique ayant consisté pour le groupe TF1 à rechercher avec le groupe Canal Plus une entente illicite

59. Lors de leur audition, le 3 septembre 2003, les requérantes ont précisé qu'"il convient d'ajouter la pratique ayant consisté à proposer une entente illicite au groupe CANAL + (.). L'entente consiste ici à avoir proposé que deux distributeurs s'entendent avec les éditeurs de 8 programmes, filiales de leur maison mère, pour définir ensemble leurs conditions commerciales afin de protéger leurs intérêts respectifs au détriment des tiers".

60. Au soutien de cette pratique, elles ont évoqué une lettre du 30 avril 2003 de TPS, versée au dossier, dans laquelle il est fait référence à des accords passés entre les deux groupes dans les termes suivants: "Je vous propose que nous procédions - comme ce fut le cas dans le passé - à la globalisation de nos négociations".

61. A cet égard, le CSA a souligné, dans son avis, que: "Pendant plusieurs années, les deux groupes sont tombés d'accord pour que soit assurée l'exposition simultanée de leurs deux chaînes sur chacun des bouquets. Si des éléments constitutifs d'une entente devaient être relevés dans ce processus d'accord croisé qui a prévalu précédemment, la mise en cause vaudrait manifestement pour les deux groupes".

62. S'agissant de l'examen de cette pratique, un ancien directeur général de Canal Plus a confirmé, lors de son audition, la mise en œuvre d'un accord oral qu'il aurait personnellement négocié et qui aurait porté sur "la distribution des chaînes de TF1 sur la TNT par le Groupe Canal Plus; la diffusion des mêmes chaînes de TF1 par Canalsatellite et NC Numéricâble; la distribution d'I>Télé par TPS".

63. Par ailleurs, dans son courrier du 20 janvier 2003, TPS explique que: "Les conditions financières et la durée de la commercialisation de I>Télé (ont) déjà fait l'objet d'un accord intervenu dans le cadre d'une négociation globale qui a été finalisé durant l'été 2001 au plus haut niveau des Groupes Canal + et TF1" et d'ajouter "ces conditions ont été convenues entre nos deux Groupes".

64. De même, dans son courrier du 7 avril 2003, le PDG de TPS écrit à I>Télé: "Je rappelle les informations qui m'ont été transmises par TF1, à savoir que des accords sont intervenus entre notre principal actionnaire, TF1, et le Groupe Canal Plus, portant notamment sur la distribution de LCI par Canalsatellite et sur la distribution de votre chaîne par TPS. La ratification de ces accords était subordonnée à leur signature concomitante comme cela a déjà été le cas en janvier 2000".

65. Un projet de séquestre, daté du 24 septembre 2001, portant sur diverses conventions passées entre les deux groupes et un contrat entre TF1 et Canal Plus Distribution du 28 septembre 2001, assurant au Groupe Canal Plus l'exclusivité de la distribution des chaînes LCI et Eurosport sur la TNT, constituent des indices supplémentaires de l'existence d'un accord général entre les groupes TPS et Canal Plus.

66. Enfin, à l'examen des relations commerciales entre les distributeurs et les éditeurs des deux chaînes d'information, il apparaît que le montant, fixé préalablement entre les sociétés TPS et Canalsatellite pour la redevance de LCI, consiste en un versement mensuel de 0,5031 euro par abonné. Ce montant correspond à celui qui a ensuite été exactement appliqué par les autres opérateurs du marché.

67. Dans ses observations, le groupe TF1 fait valoir qu'il s'agirait d'une simple "proposition d'accord, unilatérale, non suivie d'effet et repoussée" alors qu'il résulte des pièces qui viennent d'être évoquées que cette pratique s'inscrit dans un contexte d'accord plus large mis en œuvre entre les mêmes parties et portant sur le même objet pendant une période qui s'étend de l'été 2000 à la fin de l'année 2002. C'est ce même accord que le groupe Canal Plus a pris l'initiative de rompre et que le groupe TF1 aurait cherché à rétablir.

68. Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent et sous réserve d'une instruction au fond, il ne peut donc être exclu qu'il ait existé une concertation entre les groupes TF1 et Canal Plus 9 et que cette entente entre les deux principaux opérateurs de télévision payante ait eu un objet ou un effet anticoncurrentiel.

69. Ainsi, il ne peut être exclu, en l'état actuel du dossier et sous réserve de l'instruction au fond, que l'ensemble des pratiques mises en œuvre par les groupes TF1 et Canal Plus et relevées précédemment, puissent entrer dans le champ d'application des dispositions du Livre IV du Code de commerce, et plus spécialement de l'article L. 420-1, et de l'article 81 du traité de Rome, dès lors qu'elles affecteraient une partie substantielle du marché national.

III. - SUR LA DEMANDE DE MESURES CONSERVATOIRES

70. S'agissant de leur demande de mesures conservatoires, les sociétés I>Télé et Groupe Canal Plus estiment, en premier lieu, que "le comportement de TPS, concerté avec les sociétés TF1 et LCI, vise à évincer I>Télé du marché de l'information télévisée en provoquant sa disparition pure et simple, d'une part, en lui supprimant l'accès aux abonnés de TPS et d'autre part, en provoquant une chute brutale et considérable, à brève échéance, de son chiffre d'affaires rendant impossible la poursuite de son exploitation".

71. Elles considèrent, en second lieu, que "l'urgence de la demande de mesures conservatoires apparaît d'autant plus établie, que TPS vient de lancer de nouvelles offres d'abonnements et notamment une nouvelle offre basique" dans laquelle ne figure pas I>Télé ce qui constitue, selon elles, "une stratégie d'éviction déjà mise en œuvre".

72. En conséquence, les sociétés I>Télé et Groupes Canal Plus demandent au Conseil de la concurrence: 1°) "d'enjoindre à TPS de maintenir ses relations commerciales avec I>Télé et de continuer le transport et la commercialisation de la chaîne dans son premier niveau d'abonnement et aux conditions tarifaires en vigueur dans la proposition du 25 septembre 2002 et ce jusqu'à ce que le Conseil de la concurrence ait rendu sa décision au fond";

2°) d'enjoindre à TPS "de suspendre son offre commerciale dénommée "TPS INITIAL" et toute offre commerciale n'incluant pas I>Télé dans le premier niveau d'abonnement ou permettant à tous les abonnés d'avoir accès à I>Télé et ce jusqu'à ce que le Conseil de la concurrence ait rendu sa décision au fond".

73. Aux termes de l'article L. 464-1 du Code de commerce, les mesures conservatoires "ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante" et les mesures susceptibles d'être prises à ce titre "doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence".

S'agissant de l'atteinte grave et immédiate au secteur intéressé et aux consommateurs

74. L'atteinte aux consommateurs, entendus comme les téléspectateurs, résulte du fait que ces derniers, s'ils sont abonnés à TPS vont se trouver privés de l'accès à la chaîne I>Télé alors qu'ils versent au distributeur un abonnement en vue de pouvoir avoir accès à un ensemble de chaînes thématiques comprenant les programmes de I>Télé.

75. Le souci de pluralisme rejoint, en outre, le motif de préservation des intérêts des consommateurs. La diffusion de I>Télé contribue à l'objectif de défense du pluralisme, comme d'ailleurs celle de LCI. Cet aspect est d'autant plus important que le nouveau forfait proposé sans la chaîne I>Télé par TPS est composé principalement des chaînes éditées par les filiales de TPS ou de ses deux actionnaires TF1 et M6.

76. S'agissant du secteur concerné, il apparaît que les éditeurs de chaînes thématiques connaissent d'importantes difficultés économiques qui sont liées notamment aux conditions commerciales de leur distribution.

77. Les pratiques relevées viennent, en outre, renforcer le déséquilibre déjà existant dans les rapports entre les distributeurs et les éditeurs de chaînes thématiques au désavantage des seconds, notamment lorsqu'ils n'appartiennent pas à un groupe puissant de diffusion, alors que dans le même temps, et comme l'a souligné le président du CSA lors des assises "ACCes" du 2 juillet 2003, le marché des chaînes thématiques est dynamique et encore prometteur.

78. Ainsi, les pratiques dénoncées sont-elles de nature à porter atteinte aux consommateurs et à l'intérêt du secteur.

79. Toutefois, cette atteinte, qui pourrait se concrétiser au terme d'un processus d'exclusion progressive ou de disparition de I>Télé, n'a pas de caractère immédiat et grave dès lors que l'ordonnance de référé du 7 juillet 2003, visée au paragraphe 38, a repoussé la résiliation du contrat de diffusion au 30 juin 2004.

S'agissant de l'atteinte grave et immédiate à la société I>Télé

80. Les plaignantes soutiennent que: "L'éviction de I>Télé du bouquet TPS (aurait) ainsi pour conséquence une perte supplémentaire par rapport à son budget, à la clôture de l'exercice 2004, de 4 832 000 euro avant frais financiers. Cette perte (correspondrait) à 30 % des coûts de production et de rédaction de la chaîne I>Télé et à 25 % environ de son chiffre d'affaires redevance".

81. La jurisprudence considère qu'un manque à gagner, à le supposer démontré, est insuffisant à lui seul pour caractériser l'atteinte grave et immédiate justifiant le prononcé de mesures d'urgence.

82. En l'espèce, il convient de pondérer les chiffres avancés par le fait que la chaîne I>Télé appartient au groupe Canal Plus. En effet, les 140 journalistes qui travaillent sur I>Télé font partie des 270 membres de la rédaction de Canal Plus qui collaborent à I>Télé, de sorte que ce coût n'est pas supporté en totalité par la chaîne.

83. Par ailleurs, le risque, évoqué par les plaignantes, d'une révision immédiate des tarifs que lui consentent les autres distributeurs, à la suite d'une acceptation des conditions de TPS jugées "irrationnelles", n'est pas avéré en raison, notamment, du fait que Canal Satellite et NC Numéricâble, qui comptent à eux seuls près de la moitié des abonnés à la télévision payante, appartiennent au même groupe que la chaîne I>Télé.

84. En ce qui concerne la première mesure conservatoire sollicitée consistant à suspendre le préavis de fin de contrat dans l'attente d'une décision au fond, il convient de rappeler que le juge des référés a déjà prononcé "une mesure conservatoire consistant à fixer le terme du préavis au 30 juin 2004 - au lieu du 30 décembre 2003 - aux conditions financières -prévues dans le projet de septembre 2002" (ordonnance du 7 juillet 2003). Cette décision apporte, pour l'essentiel, une réponse à la première mesure conservatoire demandée par les requérantes.

85. En ce qui concerne la seconde mesure conservatoire demandée, relative à la suspension de l'offre commerciale dénommée "TPS INITIAL", il n'est pas établi ni même allégué que cette nouvelle offre pourrait se substituer aux autres offres d'abonnements préexistantes et conduire des abonnés de TPS à migrer de l'offre de base comprenant I>Télé vers l'offre TPS INITIAL qui ne la propose pas: cette nouvelle offre commerciale, en l'état actuel de l'instruction, apparaît dirigée vers les prospects et nouveaux abonnés dont le choix ne saurait affecter que marginalement la répartition des abonnés de TPS entre ceux qui reçoivent la chaîne I>Télé et ceux qui ne la reçoivent pas. Au surplus, il n'est pas établi que le choix de l'offre promotionnelle TPS INITIAL aurait un caractère irréversible qui rendrait très difficile l'évolution de ces nouveaux abonnés vers une offre plus riche comprenant I>Télé et, à tout le moins, vers l'offre de base qui la comprend obligatoirement aux termes du contrat passé entre I>Télé et TPS.

86. Il résulte de ce qui précède que les pratiques relevées ne constituent pas non plus une atteinte grave et immédiate aux intérêts de l'entreprise de nature à justifier l'octroi de mesures conservatoires.

87. Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro 03-0061 M.

Décision

Article unique: La demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro 03-0061 M est rejetée.