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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 22 février 1994, n° 93-03315

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ministère public, Association Nationale de Prévention de l'Alcoolisme

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Petit

Conseillers :

MM. Mc Kee, Guilbaud

Avocats :

Mes Paillot, Durand

TGI Paris, 31e ch., du 8 févr. 1993

8 février 1993

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré C Albert coupable d' :

- infraction à la réglementation de la publicité pour des boissons alcooliques,

du 7 mai 1992 au 10 mai 1992, à Paris,

infraction prévue par les article L. 17, L. 18, L. 21 al.1 du code des débits de boissons et réprimée par l'article L. 21 al. 1 du code des débits de boissons,

et, en application de ces articles, l'a condamné à 80 000 F d'amende,

A déclaré la société W B civilement responsable de C.

Sur les intérêts civils :

A reçu l'ANPA (Association Nationale de Prévention de l'Alcoolisme) en sa constitution de partie civile et l'a déclarée fondée ;

Condamné M. C à lui verser la somme de 20 000 F au titre de dommages et intérêts et celle de 5 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

A dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

A condamné M. Cramer aux dépens du jugement :

- pour ceux avancés par la partie civile : 181,07 F,

- pour ceux avancés par l'Etat : 85 F.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

M. C Albert, le 16 février 1993,

W B société, le 16 février 1993,

M. le Procureur de la République, le 16 février 1993,

" ANPA " Association Nationale de Prévention de l'Alcoolisme, le 18 février 1993.

Décision :

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels interjetés par Albert C, prévenu, la société W B, civilement responsable, l'Association Nationale de Prévention de l'Alcoolisme, partie civile et le Ministère public à l'encontre du jugement ci-dessus appelé, auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention.

Par voie de conclusions C Albert sollicite par infirmation sa relaxe.

La société WB étant civilement responsable.

Subsidiairement, il demande à la Cour de déclarer les articles L. 17 et L. 17-1 du code des débits de boissons non conformes à l'article 34 de la Constitution, à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen et aux articles 6 § 3 et 7 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, à l'article 14 § 7 du Pacte International sur les Droits Civils et Politiques et à l'article 4 du Code pénal, l'infraction qui est créée par ces deux articles étant contraire au principe de légalité des délits et des peines étant fondée sur une condition arbitraire.

M. l'Avocat Général estime pour sa part les faits établis et demande à la Cour, aggravant la sanction prononcée, de condamner le prévenu à une amende de 120 000 F.

Par voie de conclusions l'Association Nationale de Prévention de l'Alcoolisme (ANPA), partie civile, sollicite la confirmation du jugement dont appel et y ajoutant de porter à 10 000 F le montant des sommes allouées au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Considérant que devant la Cour C Albert reprend l'intégralité de ses conclusions précédemment développées devant les premiers juges.

Considérant qu'il affirme plus précisément que le nouveau logo ne pouvait à son sens constituer par lui-même le délit de publicité indirecte. Qu'en effet le logo litigieux était constitué par celui de l'entreprise (rond brun surmonté d'une couronne) auquel fut rajoutée la mention " Premium Fresh " (soit le nom de la bière sans alcool objet du parrainage) et auquel fut substitué à la banderole du logo de l'entreprise (" Eine Konigin Unter Den Bieren ") une autre banderole où l'on pouvait lire " Eine Konigin Unter Den Teams ".

Qu'il n'est pas possible de considérer que le délit est constitué par le seul fait qu'il y aurait une ressemblance objective entre le logo et le logo des boissons alcoolisées produites par W, ni même par le simple fait que manquerait la mention " Bière sans alcool ".

Qu'à son sens l'article 17-1 prévoit l'existence d'une condition " subjective " : le rappel d'une boisson alcoolique - qui ne saurait exister en l'espèce, la marque La société W - contrairement à ce qu'a affirmé le tribunal - n'étant pas au moment des faits une marque bière connue et célèbre en France.

Considérant que l'argumentation du prévenu ne saurait pas davantage prospérer devant la Cour que précédemment devant le tribunal.

Considérant, en effet, que la Cour considère que c'est par des motifs particulièrement pertinents qu'elle adopte et par une juste appréciation des faits et circonstances particulières de la cause exactement rapportés dans la décision attaquée que les premiers juges ont à bon droit retenu C Albert dans les liens de la prévention.

Considérant que pour sa part la Cour observe que le prévenu reconnaît lui-même qu'il a manqué de la plus élémentaire prudence en confiant sa campagne de publicité à une société du Lichtenstein et en ne reprenant pas l'indication " bière sans alcool " sur les panonceaux situés dans l'enceinte sportive alors que cette indication figurait sur les publicités effectuées avant la tenue des championnats.

Considérant qu'à tort le prévenu déclare que l'incrimination est fondée sur une condition subjective et que la déclaration de l'article 17-1 est ambiguë dans la mesure où lui-même - pour solliciter la bienveillance de la Cour - reconnaît qu'à tort il a gardé - lors de la publicité incriminée - sa marque " La société W " et ce contrairement à ses concurrents qui ont changé le nom de leur bière lorsque celle-ci a été vendue sans alcool : qu'il en est ainsi de Tuborg qui a commercialisé sa bière sans alcool sous le nom de sous le nom de Tourtel.

Considérant qu'en faisant plaider qu'il ne pouvait pas, l'opération étant extrêmement coûteuse pour une entreprise étrangère, encore changer sa marque et créer de toutes pièces une nouvelle marque de bière sans alcool, celle-ci ne représentant qu'1 % seulement de son chiffre d'affaires, le prévenu reconnaît implicitement que la publicité incriminée " rappelait " la marque de la maison mère.

Considérant que pour sa part, la Cour estime que les premiers juges ont parfaitement analysé les textes - article L. 17 et L. 17-1 du code des débits de boissons auxquels le prévenu a contrevenu - qu'ils ont par une motivation pertinente que la Cour fait sienne répondu à l'argumentation du prévenu et qu'à juste titre ils ont retenu la responsabilité pénale de C et l'ont condamné au paiement d'une amende de 80 000 F.

Considérant que la Cour confirmera le jugement dont appel sur la déclaration de culpabilité et sur la peine prononcée qui tient justement compte des faits reprochés et de la personnalité du prévenu délinquant primaire.

Sur les intérêts civils :

Considérant que les premiers juges ont justement évalué le préjudice direct et certain subi par la partie civile du fait des agissements délictueux commis par le prévenu ; considérant qu'il échet de confirmer le jugement frappé d'appel en ses dispositions civiles, et, y ajoutant, de condamner C Albert à verser à la partie civile la somme supplémentaire de 5 000 F pour couvrir les frais irrépétibles qu'elle a dû engager, par application de l'article 475-1 du code de procédure pénale en cause d'appel.

Considérant qu'il échet de déclarer la société W B civilement responsable de C Albert.

Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement à l'égard du prévenu C, de la société civilement responsable Le Société W B et de la partie civile l'Association Nationale de Prévention de l'Alcoolisme. Rejette l'ensemble des conclusions de C Albert. Confirme en toutes ses dispositions - tant pénales que civiles - le jugement dont appel ; y ajoutant, condamne C Albert à verser à la partie civile la somme supplémentaire de 5 000 F au titre des frais irrépétibles en cause d'appel. Déclare la société La Société W B civilement responsable de C Albert. Rejette toutes autres conclusions plus amples ou contraires.