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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 20 mai 1994, n° 93-03287

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Association Nationale de Prévention de l'Alcoolisme, Ministère public

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Martinez

Rapporteur :

Mme Magnet

Avocats :

Mes Debre, Giafferi

TGI Paris, 31e ch., du 8 févr. 1993

8 février 1993

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le Tribunal, par jugement contradictoire, a :

- rejeté les conclusions de relaxe et les conclusions reconventionnelles déposées par le conseil du prévenu,

- déclaré M. B Patrice coupable du délit de publicité illicite en faveur de l'alcool le 9 juillet 1992, à Paris, prévu et réprimé par les articles L. 18 et L. 21 du Code des débits de boissons,

et, en application de ces articles, l'a condamné à 20 000 F d'amende,

a déclaré la société " B K " civilement responsable.

Sur l'action civile le Tribunal a reçu l'ANPA en sa constitution de partie civile et a condamné B Patrice à lui payer la somme de 15 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Le Tribunal a condamné le prévenu aux dépens envers l'Etat liquidés à la somme de 85 F pour les droits de poste.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

M. B Patrice, le 17 février 1993 sur les dispositions pénales et civiles,

B " K " société, le 17 février 1993 contre " ANPA " Association Nationale de Prévention de l'Alcoolisme,

M. Le Procureur de la République, le 17 février 1993 contre M. B Patrice,

" ANPA " Association Nationale de Prévention de l'Alcoolisme, le 18 février 1993 contre B " K " société, Monsieur B Patrice.

Décision :

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

I - Les appels

Statuant sur les appels interjetés par le prévenu, la société civilement responsable, l'Association Nationale de prévention de l'alcoolisme et le Ministère public à l'encontre du jugement déféré ;

S'y référant pour l'exposé de la prévention ;

Il est rappelé au niveau des faits que la société B K a fait paraître dans le numéro du 9 juillet 1992 de l'hebdomadaire P une publicité en faveur de la boisson alcoolisée qu'elle fabrique et vend, qui comporte page 58 une illustration et en page 59 un commentaire sous le titre de :

" L'art de verser une bière : "

" Incliner d'abord le verre,

" Verser lentement, très lentement,

" Le remplir jusqu'à

" mi-hauteur, voilà !

" Le redresser complètement

" et verser d'un trait,

" pour obtenir

" une mousse fine et onctueuse.

" Harmonie subtile, Attente ultime ...

" Le K "

" 3 siècles d'amour

" de la bière ".

D'autre part, à la page 25 du numéro " l'hebdomadaire l'Equipe magazine " du 18 juillet 1992, une publicité illustrée a été accompagnée du commentaire suivant :

" Amorcer le débit en inclinant soigneusement

" le verre sous la pression

" Laisser couler le blond liquide le long de la paroi ...

" puis redresser le verre,

" tout en le descendant. La mousse s'exprime,

" Le verre s'illumine. Enfin.

" Le K "

" 3 siècles d'amour de la bière ".

B qui est PDG de la société B " K " sollicite sa relaxe et le débouté de la partie civile.

Selon lui, les publicités litigieuses ne sont pas délictueuses. En effet, les termes de ces publicités " incliner d'abord le verre, verser lentement, le remplir jusqu'à mi hauteur voilà, le redresser complètement etc ... " et " amorcer le débit en inclinant soigneusement le verre sous la pression. Laisser couler le blond liquide le long de la paroi puis redresser le verre " etc ... entrent dans les prévisions de l'article L. 18 du Code des débits de boissons qui permet à la publicité de préciser le mode de consommation du produit d'autres termes comme " le verre s'illumine " est l'expression de la vérité et " K, 3 siècles d'amour " exprime d'une part, l'amour du brasseur pour son produit et d'autre part l'origine de ce produit ce qu'autorise encore l'article L. 18 susvisé.

Par voie de conclusions l'Association Nationale de Prévention de l'Alcoolisme demande à la Cour de condamner les appelants à lui payer la somme de 20 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 10 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

II - Les motifs

A - L'action publique

Considérant au fond que par des motifs pertinents que la Cour adopte les premiers juges ont retenu B Patrice dans les liens de la prévention. Qu'à son tour la Cour observe d'une part, que le mode de consommation autorisé par l'article L. 18 du code des débits de boissons qui constitue un texte restrictif de liberté de la publicité en matière de boissons alcooliques, s'accommode mal des termes incitatifs à la consommation utilisés par le prévenu comme " une mousse fine et onctueuse, harmonie subtile, attente ultime ... " et d'autre part, que l'expression " 3 siècles d'amour de la bière " ne révèle pas l'origine dudit produit, mais plutôt un terme de publicité destiné à convaincre le consommateur de sa qualité pour l'inciter à le consommer. Que dans ces conditions, il y a lieu de confirmer la décision entreprise tant sur la déclaration de culpabilité que sur la peine qui constitue une équitable sanction des agissements visés à la prévention.

B - L'action civile

Considérant qu'à cet égard, la Cour en possession des éléments d'appréciation nécessaires et suffisants pour chiffrer le préjudice de la partie civile, estime devoir confirmer l'évaluation faite par les premiers juges tout en élevant à 10.000 F la somme allouée à la partie civile au titre des frais irrépétibles.

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, reçoit les appels du prévenu de la société civilement responsable, de la partie civile et du Ministère public, confirme en toutes ses dispositions tant pénales que civiles le jugement déféré, y ajoutant élève à 10 000 F la somme due par le prévenu à l'Association Nationale de Prévention de l'Alcoolisme sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, Rejette comme non fondées toutes conclusions contraires ou plus amples des parties. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné.