Cass. crim., 31 mai 1995, n° 94-82.989
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
Mme Ferrari
Avocat général :
M. Libouban
Avocat :
SCP Le Grie.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par B Patrice, la société B K, civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 20 mai 1994, qui, pour publicité illicite en faveur d'une boisson alcoolique, a condamné le premier à 20 000 F d'amende et a statué sur les intérêts civils. - Vu le mémoire ampliatif et le mémoire complémentaire produits ; - Sur le moyen proposé par le mémoire complémentaire : (sans intérêt) ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par le mémoire ampliatif, pris de la violation des articles L. 18 et L. 21 du Code des débits de boissons, 111-4 du nouveau Code pénal, L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de publicité illicite en faveur de l'alcool ; aux motifs que, d'une part, le mode de consommation autorisé par l'article L. 18 du Code des débits de boissons, qui constitue un texte restrictif de la liberté de publicité en matière de boissons alcooliques, s'accommode mal des termes incitatifs à la consommation utilisés par le prévenu comme une " mousse fine et onctueuse, harmonie subtile, attente sublime " ;
" alors que l'article L. 18 du Code des débits de boissons, s'il fixe limitativement le contenu des messages publicitaires autorisés en faveur des boissons alcooliques, ne comporte aucune prescription sur le style de ces messages qui ne doit pas être forcément neutre et inexpressif et qu'ainsi, la simple utilisation de formules accrocheuses, qui est de l'essence de toute publicité, pour décrire le mode de consommation du produit, ne suffit pas à conférer aux messages publicitaires incriminés un caractère illicite ;
" aux motifs propres et adoptés des premiers juges que, d'autre part, l'expression " 3 siècles d'amour de la bière " ne fait pas référence à l'origine du produit dans la mesure où l'âge d'un produit n'est pas révélateur de son origine mais plutôt un terme de publicité destiné à convaincre le consommateur de sa qualité pour l'inciter à le consommer (arrêt attaqué p. 6), qu'elle ne constitue pas d'avantage une indication de la dénomination du produit, la marque s'étendant de toute appellation ou signe servant à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises (cf la définition énoncée par la loi n 91-7 du 4 janvier 1991 et rappelée par le BVP dans sa recommandation du 15 avril 1992) ;
1) alors que la mention de l'âge d'un produit constitue nécessairement une référence à son origine historique et rentre, par conséquent, dans les mentions autorisées des messages publicitaires en faveur de l'alcool telles que prévues par l'article L. 18 du Code des débits de boissons ;
2) alors que l'article 1er de la loi du 4 janvier 1991, devenu l'article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle, visant au nombre des signes pouvant constituer une marque les dénominations sous toutes les formes telles qu'assemblage de mots, la cour d'appel aurait dû préciser en quoi la devise de la marque K " 3 siècles d'amour de la bière ", enregistrée par l'Institut national de la propriété industrielle, ne constituait pas un signe distinctif du produit au sens du texte précité " ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Patrice B, alors dirigeant de la société B K, a fait paraître dans deux hebdomadaires du mois de juillet 1992, une publicité concernant la bière du même nom ; qu'il est poursuivi pour publicité illicite en faveur d'une boisson alcoolique, infraction prévue et punie par les articles L. 18 et L. 21 du Code des débits de boissons ;
Attendu que pour le déclarer coupable de ce délit, la cour d'appel énonce que lorsqu'elle est autorisée, la publicité en faveur de l'alcool est limitée aux indications énumérées à l'article L. 18 ; qu'elle relève que les commentaires accompagnant l'illustration publicitaire, tels " une mousse fine et onctueuse. Harmonie subtile. Attente ultime ", ne peuvent pas être considérés comme une indication du mode de consommation du produit ; qu'elle ajoute que l'expression " 3 siècles d'amour de la bière " est étrangère à l'origine historique ou géographique de la boisson considérée et ne constitue pas une indication de la dénomination du produit ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous ses éléments constitutifs l'infraction poursuivie, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; qu'en effet, l'enregistrement d'une marque à l'Institut national de la propriété industrielle n'autorise pas par lui-même son utilisation publicitaire ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.