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Décisions

CA Lyon, 7e ch., 17 mai 2000, n° 99-367

LYON

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fournier

Substitut :

Général: M. Bazelaire

Conseillers :

Mmes Theoleyre, Saleix

Avocat :

Me Aucoin.

TGI Lyon, 5e ch., du 25 févr. 1999

25 février 1999

Par jugement en date du 25 février 1999, le Tribunal de grande instance de Lyon a retenu Alain S dans les liens de la prévention pour avoir, à Lyon, à Paris et sur tout le territoire national, courant 1997

- effectué des publicités comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentation fausses ou de nature à induire en erreur sur la nature, les qualités substantielles et les résultats attendus d'un bien ou d'un service, en l'espèce en mentionnant

* que les établissements d'enseignement de l'association "Institut X" sont "agrées par l'Etat" alors qu'il n'existe pas d'agrément correspondant délivré par les administrations de l'Etat,

* que 95 % des étudiants des Instituts X (Paris, Lyon, Bordeaux, Nîmes) ont eu une proposition ferme d'emploi alors qu'il ne s'agit que des résultats d'une enquête d'évaluation auprès des maîtres de stage qui ne se confond pas avec des propositions d'emploi, (art. L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1, L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation);

Et par application des articles susvisés, l'a condamné à:

Six mois d'emprisonnement avec sursis, cinquante mille francs d'amende, A ordonné la publication du jugement, par extraits, aux frais du condamné dans les journaux "Le Monde", "Libération", "Le Figaro", "Le Parisien" et "Le Progrès",

Faits et procédure:

Par courrier du 22 avril 1997 adressé à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, Pierre Bouvier, directeur de l'Institut supérieur de gestion hôtelière (Eshotel) sis à Clichy (92) dénonçait des publicités effectuées par l'un de ses concurrents, l'Institut X dont le siège social est <adresse>à Lyon 2e, qui lui porteraient gravement préjudice.

Les griefs de Pierre Bouvier concernaient le caractère mensonger de certaines mentions contenues dans les brochures publicitaires éditées par l'Institut X.

L'enquête effectuée par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes auprès de l'établissement parisien de l'Institut X dirigé par Henri M, conduisait à relever deux mentions non justifiées figurant dans les brochures de l'établissement:

- la première, figurant sur la fiche descriptive de l'établissement, indiquait que l'Institut était agréé par l'Etat depuis juin 1981 en ce qui concernait l'établissement de Paris,

- la seconde, figurant sur la brochure publicitaire "1er cycle BTS-DEG" envoyée aux élèves potentiels, indiquait "95 % des étudiants trouvent un emploi à la sortie de l'école, constat par huissier de justice en date du 15 janvier 1997" mention renforcée par l'apposition sur la même page du sceau des huissiers de justice, "la majorité des étudiants, 95 %, trouvent un emploi immédiatement à l'issue de leur formation et la totalité dans les trois mois qui suivent" et dans la brochure publicitaire générale "une garantie d'emploi: 95 % des étudiants des Instituts X ont eu une proposition ferme d'emploi à l'issue de leur formation".

Or, en ce qui concerne la première mention, le Rectorat de Paris indiquait qu'aucun agrément n'est délivré par l'Education nationale à un établissement d'enseignement technique privé. Il existait seulement une déclaration d'ouverture auprès du rectorat. Ce dernier précisait que la circulaire du 17 décembre 1971 mentionnant ce point, était adressée chaque année aux établissements privés afin qu'ils ne l'ignorent pas. Les prétendues dates d'agrément étaient en réalité les dates auxquelles chacun des établissements avaient fait l'objet d'une déclaration d'ouverture.

En ce qui concerne les mentions relatives à la garantie d'emploi, Henri M indiquait que le chiffre de 95 % était en réalité le pourcentage des entreprises qui s'étaient déclarées favorables à l'embauche des étudiants qui avaient effectué leur stage obligatoire de six mois chez elles. Maître Rossiaud, huissier de justice, n'avait fait que dresser le bilan statistique des réponses positives reçues de la part de ces entreprises à la question "recruteriez-vous le stagiaire?". La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes estimait que ce constat n'avait donc en aucun cas la signification qu'on lui prêtait dans les publicités.

En conséquence un procès-verbal d'infraction à l'article L. 121-1 du Code de la consommation était dressé le 18 septembre 1997 à l'encontre du responsable, Alain S, président de l'association Institut X.

Par lettre du 19 février 1998, celui-ci déclarait, par l'intermédiaire de son avocat, qu'il ne reconnaissait pas les infractions relevées portant d'une part sur la notion d'agrément de l'établissement et d'autre part sur la notion de garantie de l'embauche.

Il précisait que la mention d'agrément d'ouverture ne pouvait pas prêter à confusion puisque dans la fiche de présentation de chaque établissement, il est indiqué dans la partie concernant le statut, que cette école est une école "privée hors contrat".

Sur la seconde mention, il expliquait que si les entreprises hôtelières répondaient positivement pour le recrutement des stagiaires de troisième année en pré-emploi, il s'agissait d'un réel engagement d'embauche, même si parallèlement ces étudiants devaient établir un projet de carrière débouchant, grâce à ce stage, sur un emploi.

Devant les services d'enquête, Alain S déclarait qu'il était le concepteur et diffuseur de la plaquette d'information ou étaient mentionnées les publicités incriminées. Il persistait à soutenir que ces mentions publicitaires correspondaient à la réalité mais précisait qu'il avait début 1988 pris l'initiative de modifier la présentation de ces fiches en retirant la mention d'un agrément par l'Etat.

Toutefois une plainte émanant d'Annick Valentin, jointe à la procédure, dénonçait qu'à la date du 11 février 1988, les mentions d'agrément par 1'Etat se trouvaient toujours sur minitel pour les établissements de Paris, Lyon et Nîmes.

Discussion et motifs de la décision:

Attendu que lors des débats le prévenu indique tout d'abord que l'origine de cette plainte ne résulte pas des étudiants eux-mêmes ou de leurs parents, qui sont les consommateurs réels, mais d'un ancien salarié de l'association devenu concurrent.

Qu'il soutient que le caractère trompeur de ses publicités n'est pas établi, tant en ce qui concerne la mention de l'agrément de ses établissements par l'Education nationale que celles relatives à la garantie de l'emploi; qu'en effet:

* sur la mention de l'agrément, il existe bien une déclaration d'ouverture et une reconnaissance de cette déclaration par l'administration ainsi qu'une autorisation d'ouverture et que cette notion est équivalente au terme d'agrément dans la mesure où elle revêt un caractère obligatoire et légal et signifie la reconnaissance par l'Etat; que du reste, la définition de l'agrément n'existe pas en droit pénal et enfin que, dès que cette notion a été mise en cause et bien que correspondant à la réalité d'un enseignement supérieur technique privé hors contrat avec l'Etat dont les diplômes sont reconnus par celui-ci, l'association Institut X a immédiatement modifié la rédaction de cette mention en proposant "légalement ouverte en juin 1981 ", mention qui a reçu l'accord de l'académie de Paris,

* sur la garantie de l'emploi, les statistiques d'embauche réelle à l'issue des examens pour les années 1996, 1997 et 1998 indiquent que sur un total de 220 étudiants, 97 % ont trouvé un emploi dans les jours qui ont suivi leur stage ou leur formation; que dès lors, l'évaluation de l'ensemble des maîtres de stage ainsi que le chiffre donné par l'huissier de justice sont l'expression nette de la réalité et qu'il n'existe donc aucune intention frauduleuse de tromper le consommateur

Sur la culpabilité

Mais attendu que constitue une publicité, au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, tout document commercial dont les indications et la présentation permettent aux clients potentiels auprès desquels il est diffusé de se former une opinion sur la qualité et les résultats attendus du service proposé;

Attendu que le caractère trompeur d'une publicité s'apprécie au regard du discernement d'un consommateur moyen, lequel est réputé lire le message publicitaire dans son intégralité;

Attendu qu'en mentionnant dans la présentation générale de l'Institut à la fois que cet établissement était un établissement privé hors contrat et qu'il était agréé par l'Etat depuis juin 1981, la publicité effectuée incitait le consommateur à en retenir essentiellement l'élément prédominant relatif à l'agrément; que cette présentation vise manifestement à emporter la confiance des élèves potentiels, "l'agrément" signifiant pour le sens commun la reconnaissance officielle de quelque chose par une autorité publique, distincte d'une simple "autorisation d'ouverture" qui n'engage pas l'administration de la même manière; que d'ailleurs, l'Education nationale rappelle chaque année aux établissements privés hors contrat, les références de la circulaire relative à l'interdiction d'utiliser le terme d'agrément; que dès lors Alain S a bien usé d'une publicité comportant une présentation de nature à induire en erreur sur le statut de l'établissement; que la culpabilité d'Alain S sera confirmée de ce chef;

Attendu, que sur les mentions relatives à la garantie d'emploi, il résulte des pièces de la procédure et des propres déclarations du prévenu que Maître Rossiaud, huissier de justice, s'est contenté de collecter les réponses positives des maîtres de stage des promotions 1995 et 1996 à la question "recruteriez-vous le stagiaire ?" mais que le constat n'a pas porté sur les embauches effectives qui ont pu suivre ces réponses; que la mention incriminée était accompagnée de la représentation du sceau des huissiers de justice afin d'accréditer le sérieux de cette affirmation non fondée; que cet argument de garantie d'emploi constitue un élément déterminant dans le choix d'un établissement scolaire;

Attendu que la production par le prévenu lors des débats d'un document sur la situation des anciens élèves de l'Institut X Lyon des promotions 1996, 1997 et 1998 ou il est indiqué que le pourcentage des étudiants ayant une situation est en réalité de 97 % n'est pas probant ni ne fait disparaître l'infraction dans la mesure où ce document non étayé, ni contrôlé, n'a été réalisé en 1999 que pour vérifier des affirmations qui ne l'avaient pas été à la date de réalisation de la publicité que dès lors Alain S a bien usé d'une publicité mensongère en indiquant que 95 % des étudiants des quatre établissements X avaient eu une proposition ferme d'emploi alors qu'il ne s'agissait que des résultats d'une enquête d'évaluation auprès des maîtres de stage pour les promotions 1995 et 1996 qui ne pouvait se confondre avec des propositions d'emploi; que sa culpabilité sera également confirmée sur ce point;

Sur la répression

Attendu que les documents versés aux débats attestent du sérieux de l'enseignement dispensé dans les Instituts X et du désir d'Alain S de se conformer à la réglementation applicable; qu'il justifie d'ailleurs avoir supprimé de ses brochures publicitaires la mention d'un agrément de l'Etat pour chacun des quatre établissements de l'association;

Attendu que compte tenu de ces éléments et de la personnalité du prévenu, il y a lieu de faire une application modérée de la loi pénale et de prononcer à son encontre une peine d'amende de 50 000 F ainsi que d'ordonner la publication du dispositif du présent arrêt dans le seul journal Le Progrès aux frais du condamné;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré Alain S coupable de l'infraction de publicité de nature à induire en erreur pour avoir effectué des publicités mentionnant que les établissements de l'association Institut X étaient "agréés par l'Etat" alors qu'il n'existe pas d'agrément correspondant délivré par les administrations de l'Etat, et que 95 % des étudiants ont eu une proposition ferme d'emploi à l'issue de leur stage de fin de scolarité alors que ces chiffres ne résultaient que d'une enquête d'évaluation auprès de maîtres de stage, L'infirmant pour le surplus, Condamne Alain S à une peine d'amende de cinquante mille francs, Ordonne la publication du dispositif du présent arrêt dans le journal Le Progrès éditions du Rhône, aux frais du condamne, Dit qu'Alain S sera tenu au paiement du droit fixe de procédure, Fixe la durée de la contrainte par corps conformément à la loi, Le tout par application des articles L. 121-1, L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation, 496 à 520, 749 et 750 du Code de procédure pénale.