Ministre de l’Économie, 4 juin 2003, n° ECOC0300370Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseils de la société Sea-Invest
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maîtres,
Par dépôt d'un dossier dont il a été accusé réception le 30 avril 2003, vous avez notifié le projet d'acquisition de la totalité du capital de la société SOGEMA par la société Sea-Invest, dans le secteur de la manutention portuaire. Toutefois, la branche d'activité de Strasbourg de SOGEMA est cédée à une autre société indépendante de Sea-Invest. L'acquisition de SOGEMA par Sea-Invest a été formalisée par un contrat de cession d'actions signé le 7 avril 2003.
I. - Les entreprises concernées et l'opération
Sea-Invest est une filiale de la holding belge Financiele Vennootschap Der Vlaanderen qui est à la tête d'un groupe familial (ci-après " Sea-Invest ") présent dans (i) la manutention portuaire, (ii) les fruits et légumes et (iii) les fleurs et plantes. Sea-Invest exerce son activité de manutention portuaire en France, en Belgique et en Afrique du Sud. Au cours de l'exercice 2001, Sea-Invest a réalisé un chiffre d'affaires total consolidé de 836 millions d'euro, dont 118 millions en France.
SOGEMA est à la tête d'un petit groupe français (ci-après " SOGEMA ") exerçant principalement une activité de manutention portuaire. Au cours de l'exercice 2001, SOGEMA a réalisé un chiffre d'affaires total consolidé de 39 millions d'euro, exclusivement en France (cf. note 1).
Compte tenu des chiffres d'affaires précités, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. - Marchés concernés
Sea-Invest et SOGEMA sont tous les deux présents dans les services portuaires, et plus particulièrement dans la manutention portuaire.
La manutention portuaire est l'une des activités de la chaîne logistique d'importation/d'exportation des biens transitant par les ports.
L'article 50 de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 relative aux contrats d'affrètement et de transport maritimes dispose que " l'entrepreneur de manutention est chargé de toutes les opérations qui réalisent la mise à bord et le débarquement des marchandises y compris les opérations de mise et de reprise sous hangar et sur terre-plein, qui en sont le préalable ou la suite nécessaire. "
L'article 51 de la même loi dispose que, " en dehors des opérations visées à l'article précédent, l'entrepreneur de manutention peut éventuellement être appelé à accomplir pour le compte du navire, du chargeur ou du réceptionnaire, d'autres opérations définies par décret ".
Dans ce cadre, Sea-Invest et SOGEMA exercent également l'activité de consignation, qui vise à assurer d'ordre et pour compte d'un navire de commerce différentes opérations nécessaires à son escale dans un port. Toutefois, dans la mesure où cette activité est très accessoire pour les deux entreprises concernées (moins de 1 % de leur chiffre d'affaires), et où les chevauchements sur cette activité sont peu importants, les marchés relatifs à cette activité ne seront pas examinés dans le cadre de la présente décision.
En matière de marchandises acheminées par voie maritime, les professionnels distinguent traditionnellement (i) les vracs solides, (ii) les vracs liquides, (iii) les marchandises conventionnelles (conditionnées en général en sacs, caisses ou palettes) et (iv) les conteneurs. De telles distinctions se retrouvent dans les statistiques, tant françaises qu'étrangères.
Toutefois, Sea-Invest avance que, en matière de manutention portuaire, il n'y a pas lieu de distinguer des marchés séparés sur ce fondement. Sea-Invest estime en effet que la manutention portuaire fait appel aux mêmes types de facteurs de production et aux mêmes types de compétences techniques et humaines, quelle que soit la forme que prend la cargaison en transit.
L'instruction du dossier ne permet pas d'adopter une telle conclusion, au moins en ce qui concerne l'absence de distinction entre manutention portuaire de marchandises conteneurisées et manutention portuaire de marchandises non conteneurisées.
En effet, en premier lieu, la Commission européenne (ci-après " la Commission ") a conclu, au terme d'une analyse approfondie menée dans le cadre d'une phase II, qu'il convenait de distinguer deux grandes catégories de manutention portuaire qui ne requièrent pas les mêmes exigences en termes de prestation et d'infrastructures (cf. note 2) :
1. La manutention pour les navires (i) transportant des marchandises non conteneurisées ou (ii) faisant du cabotage ;
2. La manutention pour les porte-conteneurs de haute mer, pour laquelle la Commission a identifié deux marchés : (i) manutention pour le transbordement (d'un navire à un autre) et (ii) manutention pour l'hinterland (vers barge, camion ou train).
En deuxième lieu, il peut être observé que les manutentionnaires portuaires sont de fait au moins spécialisés soit en conteneurs, soit en cargaisons non conteneurisées. Ainsi, la décision de la Commission précitée concernait des opérateurs uniquement présents dans la manutention de conteneurs. De même, SOGEMA n'exerce aucune manutention de conteneurs, et Sea-Invest n'est présent dans cette manutention que de manière très marginale (moins de [0-10] % des volumes de marchandises traités).
En troisième lieu, les tarifs de la manutention des cargaisons conteneurisées diffèrent sensiblement, par construction, de ceux de la manutention des cargaisons non conteneurisées, puisque les premiers sont calculés à l'unité et que les seconds sont calculés au poids.
Par ailleurs, parmi les marchandises non conteneurisées, la question peut se poser quant à une distinction, du point de vue de la manutention, entre (i) les vracs liquides, (ii) les vracs solides et (iii) les autres marchandises dites conventionnelles. On peut en effet observer des conditions de manutention différentes, notamment entres les marchandises liquides (constituées à près de 95 % de produits pétroliers) et les marchandises non liquides. Ainsi, Sea-Invest et SOGEMA n'exercent quasiment pas de manutention de vracs liquides.
De même, en matière de manutention de vracs secs et de marchandises conventionnelles, la question pourrait être posée quant à une distinction selon certaines catégories de produits (charbon, céréales, engrais, fruits, véhicules etc...) manutentionnés.
Les deux questions posées peuvent cependant rester ouvertes car, quelle que soit la distinction opérée, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
En conséquence, dans la mesure où Sea-Invest et SOGEMA ne sont concomitamment présents que dans la manutention de vracs secs, il sera retenu, pour les besoins de l'analyse, un marché de la manutention portuaire des vracs secs.
En ce qui concerne la délimitation géographique des marchés de la manutention portuaire, il apparaît que celle-ci est étroitement liée aux hinterlands des ports, c'est-à-dire les " zones d'influence économique, structurées et innervées par des axes de desserte terrestre des ports (cf. note 3) . "
Sea-Invest propose, pour les besoins de la présente opération, de retenir 3 arcs : un arc nord, comprenant les ports du littoral situés entre Caen et Amsterdam ; un arc atlantique, comprenant les ports du littoral situés entre Bilbao et Saint-Malo ; un arc méditerranéen, comprenant les ports du littoral situés entre Gênes et Tarragone.
Sea-Invest affirme que, au sein de chaque arc, tous les ports de commerce sont en concurrence significative les uns avec les autres.
Il ressort de l'instruction du dossier qu'une telle affirmation doit être sensiblement nuancée.
En effet, d'une part, il ressort d'un document du ministère de l'Equipement, des Transports et du Logement (cf. note 4) que " l'arrière-pays naturel des ports français est pauvre en densité de population et d'activités industrielles (comparativement à d'autres régions européennes telles que la Ruhr), et donc en marché pour des activités de transport de marchandises ", et que, " en France, la desserte terrestre reste insuffisante. L'essentiel des pré- et post-acheminements des ports français se fait par la route (environ 85 %) et concerne un hinterland beaucoup trop restreint ".
D'autre part, il apparaît que la concurrence entre ports, et notamment entre ports européens, s'est surtout développée, au cours des dernières années, en matière de conteneurs et de marchandises conventionnelles. Ainsi, l'Institut d'études maritimes (ISEMAR) note que les trafics de vracs " sont souvent dits captifs car liés à un hinterland plutôt local voire national ". Toutefois, l'ISEMAR observe que " l'arrivée d'opérateurs spécialisés en relation avec le transfert de certaines compétences des industriels (gestion des stocks...) devrait renforcer le caractère de volatilité portuaire de ces flux et accélérer la déconnexion des centres de manutention avec les hinterlands traditionnels. D'où de nouvelles opportunités pour les ports vraquiers de capter des trafics... ou de perdre des marchés (cf. note 5). "
En l'état actuel, il est donc raisonnable d'avancer qu'un port est susceptible d'avoir plusieurs hinterlands différents selon les catégories de fret, l'hinterland concernant les vracs secs étant vraisemblablement moins étendu que l'hinterland concernant les conteneurs ou les marchandises conventionnelles.
Eu égard à ce qui précède, il convient donc d'examiner, en matière de vracs secs, dans quelle mesure l'hinterland des ports où sont présents Sea-Invest ou SOGEMA se recoupe assez largement avec l'hinterland d'autres ports.
En ce qui concerne l'arc nord, Sea-Invest est présent à Dunkerque, Gand et Rouen ; SOGEMA n'est présent qu'à Rouen L'étude précitée du ministère de l'Equipement, des Transports et du Logement (cf. note 6) note que " les ports du Benelux sont mieux desservis par les voies de communication, et leur arrière-pays s'étend à une partie du Nord et à l'ensemble de l'Est de la France ". Il ressort de l'instruction du dossier que les ports situés entre Caen et Anvers sont en concurrence significative pour ce qui concerne les vracs secs. La question peut être posée quant à savoir si les ports de Rotterdam et d'Amsterdam sont en concurrence significative avec Rouen. Toutefois, une telle question peut rester ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la délimitation géographique du marché retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
En conséquence, l'analyse concurrentielle portera sur une zone comprenant les ports situés entre Caen et Anvers.
En ce qui concerne l'arc atlantique, Sea-Invest est présent à Nantes - Saint-Nazaire, Bordeaux et Bayonne ; SOGEMA est présent à Nantes - Saint-Nazaire et à Bordeaux.
L'instruction du dossier fait apparaître que, en matière de vracs secs, le port de Nantes - Saint-Nazaire est en concurrence significative avec, d'une part, les ports bretons et, d'autre part, au moins les ports des Sables-d'Olonne et de La Rochelle. La question peut être posée quant à savoir si d'autres ports situés au sud de La Rochelle, tels que notamment Rochefort et Bordeaux, sont en concurrence significative avec Nantes - Saint-Nazaire pour ce qui concerne les vracs secs. Cette question peut néanmoins rester ouverte car, quelle que soit la délimitation géographique du marché retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
Il apparaît par ailleurs que les ports de Bordeaux et de Bayonne sont, en matière de vracs secs, en concurrence significative avec les ports situés entre La Rochelle et Bilbao. Il ressort également que l'hinterland de ces ports se recoupe en partie avec l'hinterland de certains ports de l'arc méditerranéen, tels que Sète, Port-la-Nouvelle ou Barcelone, tout particulièrement pour ce qui concerne les vracs secs agricoles.
En conséquence, l'analyse concurrentielle portera sur deux zones : la première correspond aux ports situés entre La Rochelle et Saint-Malo ; la seconde correspond aux ports situés entre La Rochelle et Bilbao.
En ce qui concerne l'arc méditerranéen, Sea-Invest est présent à Marseille et à Sète ; SOGEMA n'est présent qu'à Sète.
Il apparaît que, en matière de vracs secs, le port de Sète est en concurrence significative avec les ports de Marseille, Arles, Port-la-Nouvelle et Barcelone. L'instruction a tout particulièrement révélé l'existence de basculements de trafics de vracs secs entre Sète et Barcelone, facilités par l'existence de corridors autoroutier et ferroviaire entre ces deux villes distantes par la route d'environ 300 kilomètres. En revanche, les délais impartis à l'instruction n'ont pu permettre de vérifier que le port de Tarragone, bien que situé à environ 100 kilomètres au sud de Barcelone, était en termes de vracs secs, en concurrence significative avec le port de Sète. En tout état de cause, il n'est pas besoin de trancher une telle question car les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
En ce qui concerne le port de Marseille, distant par la route d'environ 200 kilomètres de Sète, son hinterland est plus vaste que celui de Sète. L'instruction révèle qu'il est au moins en concurrence significative avec les ports d'Arles et de Sète, d'une part, et avec les ports italiens de Savone et de Gênes, d'autre part. En effet, le document précité émanant du ministère de l'Equipement, des Transports et du Logement fait apparaître que les ports italiens ont un hinterland commun avec Marseille, tout particulièrement pour ce qui concerne les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Rhône-Alpes. La question de savoir si Marseille est en concurrence significative avec d'autres ports, que ce soit au-delà de Sète ou au-delà de Gênes, peut être posée. De même, la question de savoir si, en matière de vracs secs, le port de Marseille et certains ports de l'arc nord ont un hinterland commun peut être posée. En effet, le document précité fait également apparaître que le port de Marseille et certains ports de l'arc nord ont, toutes catégories de fret confondues, un hinterland commun dans l'Est de la France. Toutefois, il n'est pas besoin de trancher ces deux questions car, quelle que soit la délimitation géographique du marché retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
En conséquence, l'analyse concurrentielle portera, en matière de vracs secs, sur deux zones : d'une part, une zone comprenant les ports situés entre Marseille et Barcelone, et, d'autre part, une zone comprenant les ports situés entre Gênes et Sète.
III. - Analyse concurrentielle
Il ressort de l'instruction du dossier que l'activité de manutentionnaire portuaire ne requiert pas d'investissements importants de la part des opérateurs. En effet, les installations et le gros outillage sont mis à disposition de ces derniers par les ports. En outre, de nombreux ports de commerce français possèdent des réserves foncières importantes pouvant être utilisées à des fins de stockage des marchandises, ce qui rend possible l'installation de nouveaux opérateurs. Enfin, ainsi que le souligne l'ISEMAR, " il existe une tendance lourde au développement de la valeur ajoutée sur les marchandises en vrac (cf. note 7) . " L'ensemble de ces éléments explique que l'ISEMAR ait pu récemment noter " l'attrait des investisseurs étrangers et leur participation croissante dans le secteur des vracs secs dans les ports français ".
Il ressort que le coût de la manutention portuaire est un critère substantiel présidant au choix d'un port. En effet le coût de la manutention portuaire représente pour un chargeur la quasi-totalité du coût du passage portuaire (environ 90 %) et une part substantielle du coût fret maritime (de l'ordre de 40 % en moyenne, cette part pouvant varier de 20 % à 80 % selon le coût du transport maritime). De ce fait, une variation significative du coût de la manutention portuaire est susceptible de favoriser le basculement d'un chargeur vers un autre port.
Ces observations étant posées, l'analyse concurrentielle de l'opération est la suivante.
Sur la zone de Caen-Anvers, les parts de marché en volume de Sea-Invest et de SOGEMA sont respectivement de [30-40] % et de [0-10] %. A Rouen, seul port de la zone où il est présent, SOGEMA traite environ [0-10] % des vracs secs. Le chevauchement induit sur cette zone est donc faible.
En outre, Sea-Invest est absent de neuf ports, qui représentent un peu moins de 40 % des volumes de vracs secs manutentionnés sur la zone, et tout particulièrement de ports significatifs tels que Rouen, Le Havre, Calais, Zeebrugge et Termeusen Flessingue.
Enfin, si l'on devait tenir compte des ports de Rotterdam et d'Amsterdam, sur lesquels Sea-Invest et SOGEMA ne sont pas présents, la part de marché de la nouvelle entité serait fortement diluée ([10-20] %, dont [10-20] % pour Sea-Invest et [0-10] % pour SOGEMA).
En conséquence, eu égard à ces éléments, l'opération n'est pas susceptible de créer ou de renforcer une position dominante au profit de Sea-Invest sur la zone de Caen-Anvers.
Sur la zone de La Rochelle - Saint-Malo, Sea-Invest et SOGEMA ne sont présents que sur le port de Nantes - Saint-Nazaire, sur lequel ils traitent respectivement [30-40] % et [0-10] % des vracs secs.
Toutefois, du fait de leur absence des autres ports de la zone, leurs parts de marché en volume sur l'ensemble de la zone considérée sont nettement plus faibles, soit respectivement [10-20] % et [0-10] %.
En outre, sur le port de Nantes - Saint-Nazaire, la manutention de vracs secs est exercée par d'autres opérateurs qui sont significatifs, soit par les volumes traités (MTTM qui traite 19 % des vracs secs du port), soit par leur appartenance à des groupes importants (COGEMAR, filiale du groupe Bolloré qui est le premier opérateur de manutention portuaire en France ; SOGEBRAS, filiale du groupe Kuhn).
Par ailleurs, le port de Nantes - Saint-Nazaire possède des possibilités d'extensions importantes pour le stockage (+ 60 %), ce qui autorise l'implantation de nouveaux opérateurs.
Enfin, bien qu'ils ne soient pas inclus dans la zone étudiée, il existe très certainement une pression concurrentielle du port de Bordeaux, où Sea-Invest et SOGEMA sont moins fortement implantés qu'à Nantes (respectivement [20-30] % et [10-20] % des vracs secs traités), et, dans une moindre mesure, du port de Rochefort, où Sea-Invest et SOGEMA ne sont pas présents.
En conséquence, eu égard à ces éléments, l'opération n'est pas susceptible de créer ou de renforcer une position dominante au profit de Sea-Invest sur la zone de La Rochelle - Saint-Malo.
Sur la zone de Bilbao-La Rochelle, Sea-Invest est présent à Bordeaux et à Bayonne, tandis que SOGEMA n'est implanté que sur Bordeaux.
Ainsi que cela a déjà été indiqué, Sea-Invest et SOGEMA traitent respectivement [20-30] % et [10-20] % des vracs secs du port de Bordeaux, et sont en concurrence avec d'autres opérateurs significatifs tels que SICA du Silo ([30-40] % des vracs secs du port) ou SPBL Letierce ([20-30] % des vracs secs du port).
Par ailleurs, le port de Bordeaux possède des possibilités d'extensions très importantes pour le stockage (+ 170 %), ce qui autorise l'implantation de nouveaux opérateurs.
Sur l'ensemble de la zone, la part de marché combinée des deux entreprises ne dépasse pas [10-20] % ([0-10] % pour Sea-Invest et [0-10] % pour SOGEMA).
Par ailleurs, ainsi que cela a déjà été noté, l'instruction du dossier révèle qu'il existe, tout particulièrement en matière de vracs agricoles, une certaine pression concurrentielle de plusieurs ports méditerranéens, tels que Sète, Port-la-Nouvelle et Barcelone. En effet, plusieurs clients des régions Auvergne et Midi-Pyrénées ont la possibilité, du fait de leur équidistance aux ports, d'opter pour des ports soit de l'arc atlantique, soit de l'arc méditerranéen.
En conséquence, eu égard à ces éléments, l'opération n'est pas susceptible de créer ou de renforcer une position dominante au profit de Sea-Invest sur la zone de Bilbao-La Rochelle.
Sur la zone de Marseille-Barcelone, qui correspond à la zone de concurrence portuaire du port de Sète, Sea-Invest est présent à Marseille et Sète, tandis que SOGEMA n'est présent qu'à Sète.
La part de marché combinée en volume de Sea-Invest et de SOGEMA sur cette zone est de [40-50] % (Sea-Invest : [30-40] % ; SOGEMA : [0-10] %). Si l'on devait prendre en compte le port de Tarragone, la part combinée de la nouvelle entité tomberait à [20-30] % (Sea-Invest : [20-30] % ; SOGEMA : [0-10] %).
L'opération entraîne un chevauchement important sur le port de Sète. En effet, Sea-Invest et SOGEMA y traitent respectivement [30-40] % et [40-50] % des vracs secs.
Par ailleurs, Sea-Invest traite [80-90] % des vracs secs du port de Marseille.
Toutefois, la très forte position de la nouvelle entité sur Marseille et Sète doit être relativisée par les éléments suivants.
En premier lieu, les ports d'Arles et de Port-la-Nouvelle exercent une concurrence croissante sur le port de Sète du fait d'investissements récents en termes d'outillages et de magasins de stockage.
En deuxième lieu, ainsi que cela a déjà été indiqué, il existe une certaine pression concurrentielle de plusieurs ports de l'Atlantique, tels que Bordeaux ou Bilbao.
En troisième lieu, de manière plus générale, l'analyse du trafic de vracs secs du port de Sète illustre la pression concurrentielle que subit ce port. En effet, tout d'abord, les vracs secs sont constitués pour une forte proportion (44 % environ) de produits agricoles et d'engrais. Or l'hinterland du port de Sète pour ce type de vracs étant assez profond, la captivité des chargeurs est beaucoup moins importante que pour des vracs destinés à des sites industriels implantés près des ports.
Ensuite, il apparaît que le volume de vracs solides destinés à la filière industrielle, et transitant par le port de Sète, a fortement chuté en 2001 (- 14 %). Un tel mouvement accrédite l'idée d'une assez forte volatilité du trafic des vracs solides destinés à la filière industrielle de l'hinterland du port de Sète.
Enfin, quand bien même on admettrait qu'une part du trafic des chargeurs à destination de l'immédiat hinterland du port de Sète est captive du port de Sète, on noterait que les tarifs sont établis en fonction de critères liés notamment au type de marchandise et aux volumes, mais sans qu'une discrimination tarifaire ne soit possible en fonction de la destination finale du produit. Dès lors, une hausse des prix qui viserait à l'augmentation des marges réalisées sur la fraction de clientèle captive viendrait impacter les tarifs de l'ensemble des trafics d'une marchandise donnée, ce qui aurait pour effet de détourner les trafics non captifs du port de Sète, rendant ainsi une telle augmentation de prix difficilement profitable. Un tel détournement de trafic serait d'autant plus probable que, comme cela a déjà été souligné, le coût de la manutention portuaire représente la quasi-totalité du coût du passage portuaire.
En quatrième lieu, le port de Sète bénéficie de très importantes possibilités d'extension de ses aires de stockage, représentant plus du double des surfaces de terre-pleins et de magasins actuellement exploitées. Eu égard aux faibles investissements requis pour s'implanter en tant que manutentionnaire, ces importantes surfaces libres autorisent donc l'implantation de nouveaux opérateurs sur le port de Sète.
En conséquence, eu égard à ces éléments, l'opération n'est pas susceptible de créer ou de renforcer une position dominante au profit de Sea-Invest sur la zone de Marseille-Barcelone.
Sur la zone de Gênes-Sète, qui correspond à la zone de concurrence portuaire du port de Marseille, la part de marché combinée en volume de Sea-Invest et de SOGEMA est de [30-40] % (Sea-Invest : [30-40] % ; SOGEMA : [0-10] %).
Sea-Invest et SOGEMA sont absents des ports de Savone et de Gênes. En outre, ainsi que cela a déjà été indiqué, il existe une pression concurrentielle des ports de l'arc nord sur la partie de l'hinterland de Marseille située dans l'Est de la France.
En conséquence, eu égard à ces éléments, l'opération n'est pas susceptible de créer ou de renforcer une position dominante au profit de Sea-Invest sur la zone de Gênes-Sète.
Il ressort de ces éléments que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés concernés. Je vous informe donc que j'autorise cette concentration.
Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.
Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
NOTE (S) :
(1) Hors branche d'activité de Strasbourg.
(2) Décision en date du 3 juillet 2001 sur l'affaire Hutchison/RCP/ECT n° JV 55.
(3) Le système portuaire européen, février 2002 (ministère de l'Equipement, des Transports et du Logement, direction du transport maritime, des ports et du littoral).
(4) Les ports français au cour de l'espace européen, février 2002 (direction du transport maritime, des ports et du littoral).
(5) Les trafics portuaires européens. - Le classement de 56 ports européens (synthèse n° 34, avril 2001)
(6) Les ports français au cour de l'espace européen, février 2002.
(7) Les trafics portuaires européens. - Le classement de 56 ports européens (synthèse n° 34, avril 2001)