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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 23 mars 2000, n° 99-05161

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Conseil départemental des associations familiales laïques, Guerfi, Jacquin, Kandji, Tertullien, Vo, Zenarre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sauret

Avocat général :

M. Laudet

Conseillers :

Mme Marie, M. Ancel

Avocats :

Mes Pardo, Duval

TGI Paris, 31e ch., du 23 juin 1999

23 juin 1999

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré X coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, de 1997 à 1998, à Paris, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation

et, en application de ces articles, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, 50 000 F d'amende, publication jugement,

Sur l'action civile: le tribunal a reçu Vo Thi Nhu Mai, Guerfi Leïla, Zenarre Marie-Line, Jacquin Katia, Kandji Papa Mawo, Tertullien Agnès, le Conseil départemental des associations familiales laïques en leur constitution de partie civile et a condamné X à payer à titre de dommages-intérêts :

- à Vo Thi Nhu Mai, la somme de 18 000 F,

- Guerfi Leïla, la somme de 12 000 F,

- Zenarre Marie-Line, la somme de 28 000 F,

- Jacquin Katia, la somme de 12 000 F,

- Kandji Papa, la somme de 25 000 F,

- Tertullien Agnès, la somme de 28 000 F,

- Conseil départemental des associations familiales laïques, la somme de 5 000 F et celle de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

Monsieur X, le 1er juillet 1999 contre Madame Vo Thi Nhu Mai, Madame Jacquin Katia, Monsieur Kandji Papa Mawo, Madame Guerfi Leïla, Madame Zenarre Marie-Line, Madame Tertullien Agnès, Conseil départemental des associations familiales laïques

M. le Procureur de la République, le 2 juillet 1999 contre Monsieur X

Décision:

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par le prévenu et le Ministère public à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence pour l'exposé de la prévention;

X demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de le relaxer purement et simplement, de dire et juger les parties civiles irrecevables et les débouter de leurs demandes, fins et conclusions.

Il expose à cet effet qu'il a dirigé la société Y que pour une période bien circonscrite par les années scolaires 1995-1996, 1996-1997, 1997-1998 compte tenu de la mise en sommeil de cette société dès le mois de juin 1998.

Il précise que pour la rentrée scolaire 1995-1996, il n'a pas procédé à la diffusion d'une brochure, que dès le mois de septembre 1995, il a embauché une directrice ayant pour référence dix années d'expérience dans la direction d'une école, que les faits litigieux sont survenus à compter du mois de mai 1996, par la signature d'un bon de commande d'une brochure de présentation de Y, dans la perspective de la rentrée scolaire 1996-1997, que cette année de spécialisation comportait quatre options dont seule deux, en fonction de la réalité des étudiants inscrits, ont finalement été effectives.

Compte tenu de l'inclusion récente de Y au sein du groupe Z, il a souhaité une nouvelle brochure conforme à l'esprit du groupe, chacune d'entre elle comporte une présentation, un éditorial du président, un descriptif de la vie estudiantine, du témoignage de ces étudiants ayant intégré depuis peu la vie active, un descriptif des cours et des fascicules mis à jour, relatifs au programme dispensé dans l'établissement.

C'est dans cet esprit qu'il a conçu la brochure de Y, ce dossier est dénué de toute intention frauduleuse, il ne contient pas d'allégations intentionnellement fausse ou de nature à induire en erreur.

Le cadre d'enseignement était vétuste, mais conforme aux règlements en vigueur, il faisait l'objet d'un enseignement progressif, confirmé par des attestations d'architecte et des contrats versés aux débats.

Il est manifeste que les griefs formulés par les étudiants parties civiles ne sont inspirés que par la mauvaise foi et ne peuvent s'inscrire dans le cadre d'un contentieux civil.

Les obligations consignées dans la brochure n'ont été trichées, et n'ont été susceptibles de les induire en erreur, chacun des propos ayant été respecté, toutes les matières annoncées dans la brochure ont été dispensées, les emplois du temps respectés et les diplômes préparés.

La matérialité des faits qui lui sont reprochés ne peut donc être sérieusement caractérisée.

Le Ministère public requiert la confirmation du jugement entrepris, en raison de l'importance donnée à cette brochure qui contient manifestement de nombreuses assertions fausses relatives au déroulement des études et des stages, des emplois offerts aux anciens étudiants, qui ne correspondent pas à la réalité, il soutient en outre que X a agi dans un grand esprit de lucre, soucieux d'appâter une clientèle nombreuse d'étudiants dépourvus de baccalauréat, mais soucieux d'obtenir une situation correcte, il demande la publication de l'arrêt.

Le Conseil départemental des associations laïques, association agréée par arrêté préfectoral en date du 17 juin 1993 représentant les familles au sein de l'UNAF et l'ADAF ayant pour but la défense des intérêts des familles consommatrices et des consommateurs individuels qui le constituent, demande à la cour de:

- confirmer le jugement de la 31e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris du 23 juin 1999,

- en conséquence, de dire et juger X coupable des faits qui lui sont reprochés et faire application de la loi,

- de déclarer la CDAFAL recevable en sa constitution de partie civile et l'y déclarer bien fondée,

- de condamner X à lui payer les sommes de :

* 30 000 F à titre de dommages-intérêts

* 10 000 F supplémentaires sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale au titre de la procédure d'appel, outre la confirmation de la décision de première instance sur l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- d'ordonner la publication du jugement aux frais de l'appelant dans la revue "Familles laïques" éditée par le CNAFAL.

Vo Thi Nhu Mai demande à la cour de :

- faire application de la loi pénale applicable à l'encontre de Monsieur X,

- la recevoir en sa constitution de partie civile et l'en déclarer bien fondée,

- condamner X à verser à Thi Nhu Mai Vo 45 000 F à titre de dommages-intérêts toutes causes de préjudice confondues,

- Condamner X à verser à Thi Nhu Mai Vo la somme de 15 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Début mars 1996, après avoir économisé une partie de son faible salaire, mademoiselle Thi Nhu Mai Vo, attirée et rassurée par la publicité que faisait la direction de l'école, essentiellement par le biais de sa plaquette publicitaire (pièce figurant dans le dossier pénal) s'est inscrite à Y sous la pression de la direction de cette école qui expliquait que le nombre d'étudiants étant limité, les premiers payeurs seraient les premiers inscrits, Mademoiselle Thi Nhu Mai Vo a versé en avril 1996 un premier chèque de 6 000 F à l'ordre de l'école (chèque de la société générale n° 842306, tiré le 3 avril 1996 sur son compte) pièce communiquée n° 1, soit près de 8 mois avant le début des cours.

A la rentrée, en octobre 1996, Mademoiselle Thi Nhu Mai Vo a versé par virement bancaire le 14 novembre 1996 une nouvelle somme de 6 084 F (pièce figurant dans le dossier pénal).

Enfin, à la demande impérative de l'école, Mademoiselle Thi Nhu Mai Vo a dû acheter un uniforme, lequel lui a coûté la somme de 1 780 F, réglée au moyen de deux chèques d'une somme de 1 780 F, chèques de la société générale n° 1193817 d'un montant de 900 F tiré le 26 juillet 1996 et n° 0153336 d'un montant de 880 F tiré le 25 octobre 1996.

Dès les premières semaines de cours, Mademoiselle Thi Nhu Mai Vo a constaté que la qualité des enseignements et les cours réellement dispensés étaient profondément différents de ceux énoncés dans la plaquette publicitaire qui lui avait été préalablement remise.

Aussi, s'estimant victime d'un acte de publicité mensongère, Mademoiselle Thi Nhu Mai Vo a immédiatement décidé de mettre fin à sa formation et en a informé la direction de l'école.

Jacquin Katia expose à la cour qu'elle s'est inscrite à Y en raison de la publicité faite par cet établissement, qu'elle a été très vite déçue par l'inorganisation des cours, la difficulté d'obtenir des stages et l'impossibilité où elle s'est trouvée d'utiliser le réseau informatique, elle demande en conséquence à la cour de confirmer le jugement entrepris lui ayant alloué la somme de 12 000 F.

Tertullien Agnès expose à la cour qu'elle s'est inscrite à Y en raison de la réputation de cet établissement, que très rapidement déçue par l'inorganisation des cours, insuffisants, qu'elle a en vain cherché à obtenir des stages de qualification, qu'elle a protesté à plusieurs reprises auprès de Madame A, qu'elle s'est fait menacer de renvoi, elle demande en conséquence à la cour de confirmer le jugement entrepris lui ayant accordé la somme de 28 000 F.

Y est un établissement supérieur dispensant une formation dans le domaine du tourisme et des voyages, elle a diffusé dans le courant de l'année 1997 une brochure présentant ses activités dont l'auteur est X.

Elle délivre des cartes d'étudiants à ses élèves, sans se soucier s'ils bénéficient d'une couverture sociale, alors qu'ils sont censés effectuer des études dans un établissement supérieur.

Les élèves de cet établissement ont été trompés par les allégations mensongères contenues dans le prospectus que distribue Y et plus particulièrement par la brochure éditée en 1997 qui fait croire qu'il dispose de quatre filières de spécialisation:

- enseignement approfondi de langues étrangères, selon l'emploi du temps 4 à 6 heures de langues par semaine, sans équipement vidéo ou de salle destinée à cet usage,

- enseignement de l'informatique : cet établissement dispose d'une salle dont les capacités d'accueil sont limitées, 3 ordinateurs fonctionnent en réalité, il s'agit de simples logiciels de bureautique, il propose théoriquement des logiciels spécialisés de type Socrate et Amadeus ; leur emploi est limité à deux heures d'informatique, certains cours annoncés dans la brochure prévoient une section aéronautique qui comprend théoriquement des cours de maintien, de calcul rapide, d'étude des fuseaux horaires, de billetterie, de tarification, d'hôtellerie, de service restauration qui ne sont pas effectivement enseignés.

L'école annonce une formation de qualité grâce à des enseignants diplômés de grandes écoles ou universités, cet enseignement s'est limité à des cours d'esthétique.

L'école prévoit en outre de nombreux stages, seuls quelques élèves ont pu en bénéficier, il convient de remarquer que les quelques postes obtenus correspondent à ces emplois de remplacement.

Ces allégations mensongères sont des manœuvres appuyées par un prospectus luxueux, présentant une formation sérieuse, allient aux enseignants spécifiques des stages en entreprises formant l'élève sur le terrain; elles ont été utilisées en 1997 pour persuader les étudiants de qualité moyenne de s'y inscrire en suscitant chez eux des espoirs de réussite professionnelle.

Le budget annuel de publicité est de 900 000 F ce qui représente un cinquième du chiffre d'affaire, somme très importante par rapport aux archives de cet établissement d'enseignement.

Grâce à ces manœuvres frauduleuses, 150 élèves se sont inscrits dans cette formation dite supérieure pour un prix moyen de 19 500 F auquel s'ajoutent les frais notamment d'inscription dits de 2 800 F.

Ces élèves ont perdu le bénéfice d'une année de formation et une absence générée par les manœuvres de y dans son document édité en 1997.

La formation qu'ils étaient en droit d'attendre de l'école, au vu de ses engagements dans la brochure publicitaire, ne leur a jamais été fournie; les stages à l'étranger n'ont pas été assurés, les stages en agence de voyages, aéroport ou compagnie aérienne n'ont été proposés qu'à une faible minorité, durant peu de temps et ne comprenait pas les heures promises; les cours d'informatique ont été effectués avec un matériel insuffisant en tout cas sur les logiciels professionnels annoncés.

Vo Thi Nhu Mai, Tertullien Agnès et Jacquin Katia sont donc fondées à réclamer à y le remboursement des sommes qu'ils ont versées.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, reçoit les appels du prévenu et du Ministère public, Confirme sur la déclaration de culpabilité le jugement déféré, L'infirme en répression, Condamne x à la peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 18 mois avec obligation d'indemniser les parties civiles, Ordonne la publication du présent arrêt dans le journal Le Figaro, un samedi, ainsi que dans la revue Famille laïque éditée par la CNAFAL, Confirme sur les intérêts civils le jugement déféré, Y ajoutant: Condamne X à payer à : Vo Thi Nhu Mai la somme de 3 000 F selon les dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, Jacquin Katia la somme de 3 000 F selon les dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, Tertullien Agnès la somme de 3 000 F selon les dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable le condamné.