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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 27 février 2002, n° 01-03648

PARIS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Avocat général :

M. Madranges

Conseillers :

Mme Fouquet, M. Nivose

Avocat :

Me Veisse

TGI Paris, 31e ch., du 25 sept. 2001

25 septembre 2001

Rappel de la procédure:

La prévention:

X SARL est poursuivi pour avoir, à Paris, du 19 au 31 décembre 1999, vendu en solde en dehors des périodes autorisées par personne morale.

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a:

Déclaré X SARL coupable de vente en solde en dehors des périodes autorisées,

Faits commis du 19-12-1999 au 31-12-1999, à Paris,

Infraction prévue par les articles L. 310-5 al. 3°, L. 310-3 §I du Code de commerce, l'article 11 du décret 96-1097 du 16-12-1996 et réprimée par l'article L. 310-5 du Code de commerce

Et, en application de ces articles,

L'a condamné à 100 000 F d'amende soit 15 244,91 euro,

Dit que la décision était assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 600 F dont est redevable chaque condamné.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

X SARL, le 1er octobre 2001, sur les dispositions pénales;

M. le Procureur de la République, le 1er octobre 2001, contre X SARL;

Décision:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels de la société prévenue et du Ministère public, interjetés à l'encontre du jugement entrepris;

La société SARL X est représentée par Boris J, et assistée de son avocat, qui a déposé des conclusions;

Rappel des faits et demandes;

A la suite d'une télécopie adressée par une société concurrente, les agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) se sont présentés le 30 décembre 1999 à 14h30 dans le magasin à l'enseigne Y, <adresse>à Paris 1er arrondissement exploité par la SARL X dont le siège social est <adresse>à Paris pour contrôler la régularité juridique d'une opération commerciale et ils ont constaté qu'aucune publicité n'était effectuée dans les vitrines de l'établissement, ni à l'intérieur du magasin mais que de nombreux écriteaux du rayon homme indiquaient "Y du 19 au 31 décembre, -31 % sur tout le rayon homme";

Les dirigeants interrogés ont précisé que cette opération commerciale avait lieu dans tous les magasins Y possédant un rayon d'habillement pour l'homme, avait débuté le 17 décembre et devait s'achever le 31 décembre 1999, précisant qu'elle consistait à octroyer une remise de 31 % sur tous les articles du rayon homme (textile et accessoires) par escompte de caisse, par rapport au prix étiqueté; les articles en rayon, concernés par l'opération appartenaient à la collection automne-hiver 1999-2000, mis en rayon vers la mi-août 1999; il n'y a pas eu de rachat de marchandises en cours de saison, mais réapprovisionnement des magasins à partir du stock en entrepôt, constitué pour l'ensemble des magasins; cette opération "-31 %" avait fait l'objet d'une campagne publicitaire dans la presse (Nord Littoral, La Voix du Nord, l'Equipe et Libération) au cours du mois de décembre 1999, pour un montant de 550 439,90 F HT;

Les enquêteurs ont constaté pour un échantillonnage de produits, que les articles objets de l'opération commerciale "-31 %" avaient été livrés en entrepôt plusieurs mois avant le début de l'opération et qu'ils n'avaient pas fait l'objet d'un réapprovisionnement récent par rapport au début de la campagne ou en cours de campagne;

Les enquêteurs sont revenus au magasin le 18 janvier 2000 à 10h30; ils ont constaté la présence de panneaux dans les vitrines indiquant "jusqu'à 50 % sur un grand choix d'articles"; à l'intérieur du magasin, les articles concernés par les rabais comportaient des étiquettes de différentes couleurs avec l'indication d'une réduction de prix exprimée en pourcentage (étiquette orange pour une réduction de 50 %, bleue pour une réduction de 40 % etc.); tous les rayons étaient concernés par l'opération, y compris le rayon homme; cette période de soldes a débuté le 15 janvier 2000, devait durer jusqu'à l'épuisement des stocks, afin d'écouler la marchandise avant la mise en place de la nouvelle collection; aucun réapprovisionnement n'est prévu et il n'y a pas eu rachats de marchandises; la plupart des articles exposés à la vente dans le magasin sont en solde mais un petit nombre d'articles n'est pas soldé.

Les enquêteurs n'ont pas pu retrouver l'ensemble des articles du rayon homme, relevés lors de l'intervention précédente: certains des articles précédents ne faisaient l'objet d'aucune réduction de prix mais 11 des articles relevés le 30 décembre 1999 avec un rabais de 31 % faisaient l'objet le 18 janvier 2000 d'un rabais annoncé de 50 ou 40 %, sur la base des mêmes prix de référence;

Les enquêteurs en ont déduit que les prix de référence de ces 11 articles, retenus pour la vente en soldes mise en place le 15 janvier 2000 ne sont pas conformes à la réglementation car ils ne correspondent pas aux prix les plus bas pratiqués dans les 30 jours précédant le début de l'opération et dès lors, les réductions de prix en pourcentage annoncées pour les soldes, ne correspondent pas à la réalité.

Le bulletin n° 1 du casier judiciaire de la société SARL X ne mentionne aucune condamnation;

Le Ministère public requiert la confirmation du jugement déféré;

La société SARL X demande sa relaxe à la cour, au motif qu'elle n'a fait aucune publicité, tendant à la vente accélérée du stock faisant l'objet de la remise et qu'elle n'avait pas pour objectif l'écoulement de stocks renouvelés pendant la période de promotion; elle soutient en droit qu'il convient de distinguer les soldes des ventes promotionnelles et prétend qu'elle n'avait en l'espèce aucune intention frauduleuse et que l'opération qu'elle a effectuée au mois de décembre 1999, seule visée à la prévention, ne saurait en aucun cas être qualifiée de "vente en soldes en dehors des périodes autorisées";

Sur ce,

Considérant que la société SARL X a mis en place du 17 au 31 décembre 1999, une opération commerciale proposant une remise exceptionnelle de 31 %, sur l'ensemble du rayon homme de ses magasins; que le message publicitaire publié dans la presse, faisait une allusion humoristique "aux hommes sur leur 31, pour le 31"; que dès le 1er janvier 2000 la société a mis fin à cette opération et elle a pratiqué des soldes pendant la période réglementaire (arrêté préfectoral du 8 novembre 1999) à partir du 15 janvier 2000;

Considérant que selon les dispositions de l'article L. 410-2 du Code de commerce, les prix des biens, produits et services, sont librement déterminés par le jeu de la concurrence, sauf dans les cas où la loi en dispose autrement; que dès lors, le rabais consenti par un commerçant est licite, s'il est pratiqué sans tromperie et s'il est l'expression du libre jeu de la concurrence;

Considérant que la société X a été poursuivie pour ventes en soldes en dehors des périodes autorisées, pour son opération commerciale du 19 au 31 décembre 1999; qu'aux termes de l'article L. 310-3 du Code de commerce: "sont considérées comme soldes les ventes accompagnées ou précédées de publicité et annoncées comme tendant, par une réduction de prix, à l'écoulement accéléré de marchandises en stock";

Considérant qu'en l'espèce, les ventes réalisées par la société X ont été accompagnées de publicité comportant une réduction de prix de 31 % et n'ont pas été annoncées comme tendant à l'écoulement accéléré de marchandises en stock;qu'en outre, la cour constate que l'écoulement du stock n'était pas l'objectif suivi par la société prévenue, celle-ci ayant continué de vendre ces marchandises à un prix sans réduction, postérieurement à la période de promotion commerciale pendant laquelle les marchandises du rayon homme ont été vendues avec une réduction de 31 %.

Considérant que dès lors, la qualification juridique de vente en soldes n'est pas applicable à l'opération commerciale visée à la procédure et il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de relaxer la société SARL X des fins de la poursuite;

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels de la société prévenue et du Ministère public; Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Relaxe la société X des fins de la poursuite.