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Décisions

CA Aix-en-Provence, 17e ch. soc., 6 mars 2001, n° 99-04235

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

EDA Sud-Ouest venant aux droits de la SA Biscosud Distribution

Défendeur :

Gandolphe

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Zavaro

Conseillers :

MM. Grand, Bourgeois

Avocats :

Mes Saez, Dornier, SCP Omaggio-Granier-Associes

Cons. prud'h. Nice, sect. encadr., du 5 …

5 novembre 1998

LA COUR (17e chambre sociale),

Attendu qu'engagé le 2 janvier 1977 par la société AZUR Spécialité puis le 1er novembre 1982 par la société Midi Distribution Service (ultérieurement devenue Biscosud puis actuellement EDA Sud-Ouest) en qualité d'attaché commercial puis de représentant. M. Gandolphe a été licencié par lettre du 12 mai 1997 pour insuffisance de résultats ;

Que, par jugement du 5 novembre 1998, le Conseil des Prud'hommes de Nice, estimant que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, a condamné la SA Biscosud à payer à M. Gandolphe les sommes de:

- 184 850 F à titre d'indemnité de clientèle sous déduction de la somme de 42 000 F déjà versée à titre d'indemnité de rupture,

- 4 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Et a

- dit que le forfait pour véhicule n'était pas dû pour la période de préavis non effectuée,

- donné acte à l'employeur de la levée de la clause de non-concurrence,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Attendu que la société EDA Sud-Ouest, anciennement Biscosud, régulièrement appelante de cette décision, conclut à sa confirmation en ce qu'elle lui a donné acte de sa dispense de l'exécution de la clause de non-concurrence, a rejeté sa demande au titre du forfait véhicule et a retenu une cause réelle et sérieuse de licenciement au vu des éléments attestant une insuffisance de résultats ; mais à sa réformation pour ce qui concerne l'octroi d'une indemnité de clientèle, motif pris de ce que le salarié ne peut y prétendre en application de l'article 14 de la Convention Collective Nationale des commerces de gros de la confiserie chocolaterie biscuiterie et alimentation fine, à laquelle fait référence son contrat de travail ;

Qu'elle demande à la cour de débouter M. Gandolphe de toutes ses demandes et de le condamner reconventionnellement à lui payer une indemnité de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC;

Attendu que M. Gandolphe réplique que l'employeur a mis en œuvre plusieurs procédés déloyaux pour créer l'apparence d'une insuffisance de résultats, alors que ceux-ci étaient en augmentation au moment du licenciement et qu'en toute hypothèse aucune carence dans l'exécution de son travail ne peut lui être imputée ; qu'en revanche, les attestations qu'il verse aux débats font état d'une inadéquation grave au marché des conceptions de la direction de la SA Biscosud ;

Qu'il ajoute qu'il peut solliciter, plutôt que l'indemnité de rupture, l'indemnité de clientèle prévue par la loi ;

Qu'il fait encore valoir qu'il n'a pas perçu la contrepartie pécuniaire de clause de non-concurrence prévue par la Convention Collective ;

Que, s'agissant du forfait véhicule, il fait plaider qu'en vertu de l'article L. 122-8 du Code du travail, la dispense par l'employeur de l'exécution du travail pendant le délai-congé ne doit entraîner aucune diminution des avantages jusqu'à l'expiration de celui-ci;

Attendu qu'il conclut à la condamnation de la société Biscosud à lui payer les sommes de:

- 184 854 F à titre d'indemnité de clientèle,

- 240 000 F à titre de dommages-intérêts pour licenciement injustifié,

- 9 000 F au titre du forfait véhicule,

- 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC;

Qu'il demande enfin à la cour de déclarer "nulles et de nul effet les clauses de non-concurrence figurant aux contrats de travail" et de condamner l'employeur à lui remettre des bulletins de salaire rectifiés mois par mois ainsi qu'une attestation ASSEDIC conforme, sous astreinte de 500 F par jour de retard, ladite astreinte étant d'ores et déjà liquidée à 50 jours ;

Motifs

Sur les demandes afférentes à la clause de non-concurrence

Attendu que toutes ces demandes sont sans objet;

Qu'en effet, il est sans intérêt de solliciter la nullité de la clause insérée dans le contrat du 17 avril 1978 du fait de la novation intervenue par la signature d'un nouveau contrat de travail le 1er novembre 1992;

Que, dans les motifs de ses conclusions (page 5 in fine), M. Gandolphe ne sollicite d'ailleurs pas la nullité de la nouvelle clause de non-concurrence, limitée dans le temps et dans l'espace, qui est insérée dans ce dernier contrat ;

Que, bien au contraire, il entend réclamer de ce chef (page 6) "des dommages-intérêts d'un montant particulièrement modéré du fait du non-versement par l'employeur de la contrepartie financière à ladite clause ;

Que, cependant, il ne précise pas le montant desdits dommages-intérêts, ceux-ci étant omis dans le dispositif des conclusions qui ne visent que les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Que la cour n'a donc pas à statuer sur la réclamation susvisée ;

Sur le bien-fondé du licenciement

Attendu que la lettre de licenciement du 12 mai 1997 reproche au salarié une insuffisance manifeste de résultats ;

Que la baisse des résultats de M. Gandolphe est mesurée en chiffres précis par l'attestation délivrée le 15 avril 1997 par M. Clot, expert-comptable de l'entreprise ;

Que, cependant, l'employeur ne verse aux débats aucun élément de nature à démontrer que cette baisse est imputable à la carence du salarié;

Qu'en particulier, aucun témoignage ne vient étayer la défaillance alléguée de M. Gandolphe;

Que celui-ci produit en revanche 12 attestations de clients qui mettent ouvertement en cause les prix pratiqués par la société ainsi que les délai excessifs de livraison et déchargent expressément M. Gandolphe de toute responsabilité dans leur désaffection à l'égard de son employeur(attestations de MM. Pinto Dos Santos, Deric, Salerno, Segura, Martini, Miranda, Jeannot, Caruso et Pont);

Que, bien plus, les attestations de Mmes Marsol et Chiesa, de M. Hahn et de la société "Les Fontaines de Bacchus" font état du refus de l'employeur de leur envoyer un représentant, spécialement M. Gandolphe;

Attendu, dans ces conditions, qu'aucune insuffisance caractérisée ne peut être imputée à celui-ciet que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse;

Que, compte tenu de l'âge du salarié (54 ans), de son salaire (environ 8 500 F), de l'ancienneté susvisée et surtout du chômage dont il justifie depuis le licenciement intervenu en mai 1997, la somme de 240 000 F qu'il sollicite apparaît entièrement justifiée, ladite somme étant allouée sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du Code du travail du fait de son ancienneté et de l'effectif de l'entreprise ;

Sur l'indemnité de clientèle

Attendu que l'article 14 de la Convention Collective Nationale des commerces de gros, à laquelle le contrat de travail fait référence, énonce : "Lorsque le représentant de commerce se trouve dans l'un des cas de cessation ouvrant droit à l'indemnité de clientèle, il peut, après accord de l'employeur (...), prétendre à une indemnité de rupture non cumulable avec l'indemnité de clientèle";

Attendu que M. Gandolphe apporte la preuve d'une augmentation de la clientèle en nombre et en valeur (cote 11 de son dossier de plaidoirie)

Que, cependant, ayant obtenu, avec l'accord de l'employeur et en application de la Convention Collective susvisée, une indemnité de rupture (laquelle est en fait un succédané de l'indemnité de clientèle et correspond à une évaluation forfaitaire du même préjudice), il ne peut désormais solliciter une indemnité de clientèle ;

Qu'il doit donc être débouté de ce chef de demande ;

Sur le forfait-véhicule

Attendu que M. Gandolphe invoque à tort à cet égard les dispositions de l'article L. 122-8 du Code du travail car il ne s'agit nullement d'un avantage mais seulement du remboursement forfaitaire des frais effectivement engagés dans le cadre du travail ;

Que, du reste, M. Gandolphe ne perçoit pas habituellement ces frais lorsque l'employeur met à sa disposition un véhicule automobile à l'usage exclusif de sa profession ;

Qu'il doit donc être débouté de cette demande pour la période du préavis dont il a été dispensé

Rectification des documents sociaux, article 700 du NCPC et dépens

Attendu que le présent arrêt tiendra lieu en tant que de besoin de rectification des documents sociaux, notamment de l'attestation ASSEDIC;

Attendu qu'il est équitable d'allouer à M. Gandolphe une indemnité globale de 8 000 F au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Qu'aucune considération d'équité n'impose en revanche de faire droit à la demande de la société EDA Sud-Ouest sur le fondement de l'article 700 du NCPC;

Que les dépens incombent au débiteur d'indemnités

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en matière Prud'Homale, Réforme le jugement entrepris et, statuant à nouveau, Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, Condamne en conséquence la société EDA Sud-Ouest (anciennement Biscosud) à payer à M. Gandolphe la somme de 240 000 F à titre de dommages-intérêts, Dit que le présent arrêt tiendra lieu en tant que de besoin de rectification des documents sociaux, Ordonne d'office, en application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, le remboursement par la société EDA Sud-Ouest à l'ASSEDIC des Alpes-Maritimes des allocations-chômage perçues par M. Gandolphe dans la limite de six mois, Condamne la société EDA Sud-Ouest à payer à M. Gandolphe une indemnité de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC, Déboute M. Gandolphe de toutes ses autres demandes, Déboute la société EDA Sud-Ouest de sa demande reconventionnelle, Condamne la société EDA Sud-Ouest aux dépens.