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Décisions

CCE, 27 juillet 1994, n° 94-653

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Augmentation de capital notifiée d'Air France

CCE n° 94-653

27 juillet 1994

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 93 paragraphe 2 premier alinéa, Vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62 paragraphe 1 point a), et son protocole 27, après avoir mis, conformément à l'article 93 du traité, les intéressés en demeure de présenter leurs observations et vu ces observations, Considérant ce qui suit :

I Par lettre du 18 mars 1994, enregistrée par la Commission le 22 mars 1994, les autorités françaises ont fait part à la Commission, conformément aux dispositions de l'article 93 paragraphe 3 du traité, de leur intention d'injecter 20 milliards de francs français dans le capital de la "Compagnie nationale Air France". Les autorités françaises ont joint à la notification un plan de restructuration intitulé "Projet pour l'entreprise" (ci-après dénommé le "Projet"). Le 12 avril 1994, la direction générale VII Transports de la Commission a rencontré à Bruxelles des représentants d'Air France et du Gouvernement français, qui, à cette occasion, ont fourni à la Commission des informations supplémentaires et une lettre de réponse à la lettre de la Commission du 28 mars 1994.

L'aide a été enregistrée par le secrétariat général de la Commission sous les références aide notifiée N 258-94.

La Commission a décidé d'ouvrir, à l'encontre de cette aide, la procédure de l'article 93 paragraphe 2 et a informé les autorités françaises de cette décision par lettre datée du 30 mai 1994. Cette lettre a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (1) et les tierces parties ont été invitées à présenter des observations dans un délai d'un mois suivant la publication de l'avis.

Les autorités françaises ont répondu à la lettre de la Commission par une lettre du 14 juin 1994 et des lettres postérieures. Des informations complémentaires et des commentaires ont été présentés par la suite par écrit ainsi qu'à l'occasion de plusieurs réunions organisées à Bruxelles entre la direction générale VII Transports de la Commission et les représentants d'Air France et du Gouvernement français.

Le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l'Irlande, la Norvège, la Suède et un grand nombre de tierces parties, en particulier des compagnies aériennes européennes, dont British Airways, TAT, AOM, British Midland et l'ACE (Association des compagnies aériennes de la Communauté européenne) ont présenté des observations au sujet de ce dossier d'aide. Les commentaires ont été dûment transmis aux autorités françaises, qui y ont répondu par lettre transmise aux services compétents de la Commission.

II Le groupe Air France adopte sa configuration actuelle le 12 janvier 1990, date à laquelle Air France absorbe UTA et prend ainsi le contrôle indirect d'Air Inter, la compagnie aérienne exploitant la plupart des lignes intérieures françaises, dont Air France détenait déjà 36,5 % du capital. Air France et UTA fusionnent le 29 décembre 1992 et la nouvelle compagnie est baptisée "Compagnie nationale Air France" (ci-après dénommée "CNAF"). À la suite de cette fusion, la CNAF détient 75,84 % du capital d'Air Inter. Si le groupe Air France est également actif dans des secteurs connexes tels que l'hôtellerie, le tourisme, le catering, la maintenance et la formation des pilotes, le transport aérien est et reste sa principale activité (en 1992, le chiffre d'affaires du transport aérien représentait à lui seul 79,5 % du chiffre d'affaires total du groupe).

Avec British Airways et Lufthansa, le groupe Air France est l'un des trois grands transporteurs aériens européens. Au 31 décembre 1993, le chiffre d'affaires total s'élevait à 55,156 milliards de francs français (contre un chiffre d'affaires de 57,013 milliards de francs français, soit 8,664 milliards d'écus, en 1992, et 7,323 milliards d'écus pour British Airways et 8,909 milliards d'écus pour Lufthansa), pour un effectif total de 64 000 salariés (par comparaison, au 31 décembre 1993, la seule compagnie Air France employait 39 956 personnes, réparties comme suit: personnel au sol: 30 606, personnel navigant technique: 2 925 et personnel navigant commercial: 6 425).

Depuis le début de 1990, le groupe Air France poursuit une politique d'expansion visant à consolider son influence sur le marché intérieur, à se préparer à la future libéralisation du marché des transports aériens de la Communauté et à affronter la concurrence sur d'autres liaisons internationales. Outre l'acquisition d'UTA, et indirectement d'Air Inter, la CNAF a pris, en avril 1992, une participation de 37,5 % dans le capital de la compagnie belge SABENA. En mars 1992, elle avait aussi acquis 20 % du capital de la compagnie tchèque CSA, mais ces liens ont été dénoués récemment. Au plan international, le groupe Air France s'est lancé dans un programme de modernisation et d'expansion de sa flotte. L'acquisition de nouveaux appareils a été financée par des emprunts, dont les charges financières ont grevé le résultat final du groupe se soldant par une première perte de 717,2 millions de francs français en 1990. Souhaitant réagir à cette situation et adapter sa structure financière ainsi que ses coûts au nouvel environnement économique, marqué par une sévère récession consécutive à la crise du Golfe, une concurrence accrue, en particulier sur l'Atlantique Nord, ainsi que par le processus de libéralisation dans la Communauté, le groupe Air France adopta un plan de restructuration (baptisé Cap '93) en septembre 1991.

Ce plan prévoyait la suppression de quelque 3 500 emplois de 1991 à 1993 et une première recapitalisation, en trois tranches (augmentation de capital et double émission d'obligations), de la compagnie aérienne, pour un montant total de 5,8 milliards de francs français. La Commission a examiné ces injections de capital à la lumière des règles du traité régissant les aides publiques. Dans ses deux décisions, adoptées respectivement en novembre 1991 et juillet 1992 (affaires N 653-91 et N 291-91), la Commission a pris acte des problèmes financiers du groupe Air France et de la détérioration de la structure financière de la compagnie aérienne entre 1988 et 1991. La Commission a cependant estimé, à l'époque, que les difficultés auxquelles la compagnie aérienne était confrontée étaient temporaires et que, en dépit de certains problèmes à court terme, les perspectives à long terme et la structure globale du groupe Air France paraissaient relativement bonnes. Ces injections financières ont, dès lors, été considérées comme des transactions financières normales et non comme des aides publiques. En octobre 1992, après avoir constaté une nouvelle détérioration de la structure financière et des résultats d'exploitation de la société, le conseil d'administration du groupe Air France adopta un deuxième plan de restructuration, intitulé "Plan de retour à l'équilibre", ci-après dénommé PRE1. Ce PRE1 visait à accroître le flux de trésorerie du groupe Air France de 3 milliards de francs français par an par l'adoption d'un certain nombre de mesures de réduction des coûts (notamment par une nouvelle suppression de 1 500 emplois). Durant les premiers mois de 1993, le PRE1 s'avéra incapable de redresser la situation du groupe Air France, qui continuait à accumuler les pertes et à perdre des parts de marché. Le PRE1 fut abandonné et, en septembre 1993, le conseil d'administration d'Air France lança un troisième plan de restructuration (baptisé PRE2), prévoyant 4 000 suppressions d'emplois et la suppression d'un certain nombre de liaisons. Le PRE2, qui devait améliorer le flux de trésorerie de 3,4 milliards de francs français en 1994 et de 5,1 milliards de francs français à partir de 1995, fut rejeté par les syndicats qui, en octobre 1993, déclenchèrent un mouvement de grève. Le nouveau conseil d'administration d'Air France retira le PRE2 au profit du Projet, qu'il élabora après avoir consulté le personnel par questionnaire.

Le groupe Air France traverse une très grave crise économique et financière. Après avoir subi une perte de 3,2 milliards de francs français en 1992, il a enregistré, en 1993, le quatrième résultat annuel négatif consécutif, qui, d'après les comptes publiés le 17 juin 1994, s'est élevé à 8,4 milliards de francs français (la CNAF ayant enregistré, à elle seule, une perte nette de 6,7 milliards de francs français). Au cours des trois dernières années, la situation du groupe n'a cessé de se détériorer, pour culminer en 1993, exercice pour lequel la compagnie aérienne a enregistré une perte d'exploitation de 3,3 milliards de francs français, alors qu'elle avait enregistré un bénéfice de 213 millions de francs français en 1991 et une perte de 1,5 milliard de francs français en 1992. En 1993, la CNAF a vu ses pertes d'exploitation ( 3,6 milliards de francs français) augmenter de 295 % par rapport à 1992 ( 918 millions de francs français). Le flux de trésorerie de la compagnie aérienne n'a cessé de se dégrader, alors que dans le même temps les charges financières nettes ont considérablement augmenté. Les derniers résultats financiers du groupe ont été plus mauvais que ceux de ses principaux concurrents.

Les pertes cumulées du groupe, dues à ses faibles marges d'exploitation et à ses lourdes charges financières, ont grignoté le capital du groupe. En dépit de la recapitalisation à laquelle il a été procédé dans le cadre du plan de restructuration, l'endettement d'Air France laissait toujours à désirer en 1992. Le ratio endettement/fonds propres (à l'exclusion des provisions) était, cette même année, un peu plus défavorable que celui de ses principaux concurrents qui ne s'étaient pas lancés dans un programme de recapitalisation similaire.

Le fossé entre le groupe Air France et ses concurrents s'est encore creusé en raison des piètres résultats de 1993, qui ont fortement érodé ses fonds propres.

Les lourdes charges financières supportées par le groupe Air France n'expliquent pas, à elles seules, ces mauvais résultats, qui sont dus principalement à une faible productivité et à des coûts d'exploitation élevés.

Grâce aux efforts de restructuration, et plus particulièrement aux réductions d'effectifs (4 000 postes ont été supprimés de 1991 à 1993), le groupe est parvenu à améliorer ses ratios de productivité puisqu'en 1993 le ratio SKO/salariés s'est établi à 1 590 pour la compagnie aérienne et à 1 617 pour l'ensemble du groupe. Cela étant, le groupe est toujours en sureffectif et une réduction importante du personnel paraît indispensable pour pouvoir atteindre les niveaux de productivité de ses concurrents, qui ont déjà engagé de vastes programmes de réduction des coûts (Lufthansa notamment).

Un autre handicap à surmonter par le groupe Air France est l'hétérogénéité de sa flotte, qui se compose d'un trop grand nombre d'aéronefs différents (24 types ou versions différents). Cette hétérogénéité est l'un des facteurs d'alourdissement des coûts d'exploitation de la compagnie aérienne (les coûts de maintenance sont particulièrement élevés en raison du grand nombre de pièces de rechange différentes et de la disparité de qualification des personnels navigant et au sol). Au 31 décembre 1993, le groupe disposait d'une flotte de 208 avions (la flotte en exploitation de la CNAF se composant, quant à elle, de 145 appareils) d'un âge moyen de 8,6 ans. Le nombre d'aéronefs du chapitre II (47) y tient une place assez modeste. La jeunesse de la flotte s'explique principalement par les efforts d'investissement et de modernisation déployés dans le cadre du plan de restructuration Cap '93)

Le Projet a été établi par Air France sur la base d'un document élaboré par Lazard frères et compagnie (ci-après dénommés "les consultants"). Les consultants ont évalué la logique financière des hypothèses formulées dans le scénario 1994-1996. Compte tenu des données (recettes et coûts prévisionnels) fournies par la CNAF pour la période de restructuration, les consultants ont également fixé le montant de la recapitalisation nécessaire au redressement de la structure financière et de la rentabilité de la CNAF.

L'objectif du Projet est "de faire d'Air France une véritable entreprise". Cet objectif devrait être atteint durant la période comprise entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1996. Fin 1996, l'équilibre financier et la rentabilité d'Air France devraient être rétablis. Le plan prévoit une augmentation de la productivité d'Air France de 30 % durant la période de restructuration. Ce plan ne concerne que la CNAF et passe sous silence l'impact des mesures de restructuration sur l'ensemble du groupe. De plus, d'après la notification, la CNAF sera la seule bénéficiaire de l'injection de capital, à l'exclusion des autres sociétés du groupe.

Les grandes lignes de force du plan sont les suivantes:

A) Réduction des coûts et des frais financiers

1. Diminution des investissements

Le nombre d'avions livrables durant la période de restructuration sera ramené de 22 à 17; l'investissement correspondant au niveau de la flotte s'établit ainsi à 11,5 milliards de francs français, soit 21 % de moins que les prévisions initiales. Par ailleurs, 34 appareils atteints par la limite d'âge (actuellement inutilisés) seront vendus, ce qui ramènera le nombre total d'appareils de 166 début 1994 à 149 fin 1996. La flotte en exploitation (145 avions au 31 décembre 1993) ne sera augmentée que d'un seul appareil; quant au nombre de sièges offerts, il sera légèrement diminué.

2. Réduction des coûts d'exploitation et adoption de mesures destinées à accroître la productivité

La CNAF compte réduire ses achats de fonctionnement (hors carburant), qui, en 1993, se sont élevés à 13 milliards de francs français, de 2 milliards de francs durant la période de restructuration.

Les effectifs seront amputés d'environ 5 000 postes (3 700 pour le personnel au sol et 1 300 pour le personnel navigant) par des départs volontaires (de 39 956 fin 1993 à 35 000 fin 1996). Les salaires seront gelés, bien que cette mesure puisse être réexaminée si l'inflation s'avère être supérieure au niveau prévisionnel (2,2 % en 1994, 2,5 % en 1995 et 2,9 % en 1996) ou en cas de résultats financiers positifs. Les avancements seront bloqués en 1994 et, au cours des deux années suivantes, dépendront de la situation de l'entreprise. La compagnie espère réaliser ainsi 3 milliards d'économie chaque année. En outre, elle adoptera des mesures visant à assurer une meilleure utilisation du temps de travail (reconstruction de la compagnie en centres de profit indépendants, cf. infra, et décentralisation du processus de décision) et allongera le temps de travail jusqu'au maximum légal. L'accroissement de la productivité escompté par la mise en place de ces mesures est d'environ 12 %.

3. Diminution des charges financières

Compte tenu des montants et des dates de versement de la dotation en capital, les frais financiers seront fortement réduits (ramenés de 3,2 milliards de francs français en 1993 à 1,8 milliard de francs français en 1996).

B) Modification de la conception des produits et meilleure utilisation des moyens

1. Initiatives commerciales

Afin de mieux s'adapter aux besoins des consommateurs, désormais plus sensibles au facteur prix, la CNAF simplifiera ses services, notamment dans le sens d'une plus grande flexibilité. La CNAF proposera notamment de nouveaux produits (Euroconcept et Première Club) sur les vols court- et long-courrier.

2. Flotte, programme et yield management

La CNAF rationalisera sa flotte en faisant disparaître un certain nombre d'appareils (6 types ou versions d'appareils seront retirés de la flotte en exploitation).

Lors de l'établissement du programme d'exploitation, la CNAF privilégiera les règles de stabilité; un seul type d'avion sera affecté par destination long-courrier et les flottes attribuées à chaque centre de profit régional (cf. infra) deviendront plus homogènes; des minimas de fréquence seront imposés sur les liaisons et le nombre de vols multi-escales sera réduit. Toutes ces mesures devraient permettre de comprimer les coûts d'exploitation et d'élever la moyenne journalière d'utilisation de la flotte et des équipages.

La CNAF simplifiera son réseau. La CNAF prévoit un taux de croissance relativement faible sur son réseau européen. Elle augmentera les fréquences sur les liaisons rentables, développera les vols long-courrier (en particulier sur l'Europe orientale où Air France s'attachera à assurer un nombre minimal de vols quotidiens), abandonnera les liaisons marginales et se recentrera sur les liaisons présentant de bonnes perspectives de croissance.

La compagnie appliquera un système de yield management performant afin d'accroître la recette et le coefficient de remplissage et, partant, d'optimiser les bénéfices.

C) Réorganisation de la compagnie

La CNAF sera reconstruite en onze centres opérationnels responsables de leurs résultats financiers. À partir de l'automne 1994, l'activité aérienne sera assurée par six centres opérationnels, un pour le fret et cinq, à compétence géographique, pour le trafic passagers: Europe et moyen-courrier, Afrique et Proche-Orient, Amérique du Nord et du Sud, Asie- Pacifique, Caraïbes-océan Indien. Chaque centre sera doté de moyens propres et sera chargé à la fois d'activités de production, de commercialisation et de gestion. Pour les activités logistiques seront constitués des centres responsables respectivement de la commercialisation, de la maintenance (deux centres), de l'informatique et des télécommunications et des escales de Paris (Charles-de-Gaulle et Orly). Les transactions financières entre les centres seront réalisées sur la base de prix de cession négociés annuellement.

D) Participation des salariés

La CNAF distribuera des actions aux salariés, qui pourront ainsi accroître leur actionnariat en contrepartie d'une réduction volontaire de leurs rémunérations.

La mise en œuvre du plan sera financée par l'augmentation de capital et la cession d'actifs hors métiers de base, dont la CNAF espère retirer quelque 7 milliards de francs français. En ce qui concerne les actifs corporels, la CNAF se séparera principalement d'un certain nombre d'avions; la réduction de la flotte de 17 unités se fera par acquisitions, cessions et expiration de contrats de bail d'exploitation. La cession des aéronefs devrait rapporter quelque 4,1 milliards de francs français. Outre les avions, la CNAF cédera, notamment, un stock de pièces de rechange (1,2 milliard de francs français), un bâtiment (0,4 milliard de francs français) et la chaîne hôtelière Méridien.

Le Gouvernement français a fait part à la Commission de son intention, en sa qualité d'actionnaire majoritaire de la compagnie, d'augmenter le capital social de la CNAF de 20 milliards de francs français. D'après les autorités françaises:

- l'augmentation de capital sera réalisée en trois tranches: 10 milliards de francs français en 1994, 5 milliards de francs français en 1995 et 5 milliards de francs français en 1996. La première augmentation de capital sera souscrite dès l'adoption du Projet, c'est-à-dire après accord entre les syndicats et la compagnie. Le paiement des deux autres tranches sera subordonné à la mise en œuvre effective des mesures de restructuration,

- La CNAF sera la seule bénéficiaire de l'augmentation de capital, à l'exclusion des autres sociétés du groupe,

- cette dotation en capital sera la dernière en vue de redresser la situation de la compagnie et elle s'inscrit dans le cadre de l'éventuelle ouverture du capital de la CNAF (qui figure sur la liste des entreprises françaises privatisables) aux investisseurs privés,

- dans l'hypothèse où la Commission estimerait que la dotation en capital constitue une aide au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité, l'aide pourrait être assimilée à une aide destinée à faciliter le développement de certaines activités économiques et, dès lors, bénéficier de la dérogation prévue par l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité. Le Gouvernement français maintient que l'aide est liée au Projet, qui vise à rétablir l'équilibre économique et financier de la compagnie aérienne dans le cadre de la période de restructuration. L'aide n'affecte pas les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Le montant et la date de la recapitalisation ont été fixés par le Gouvernement français sur la base des conclusions établies par les consultants. La recapitalisation, en réduisant l'endettement de la compagnie aérienne, contribuera à rétablir son équilibre financier. L'aide ne sera pas utilisée par la CNAF pour accroître la capacité de la CNAF au détriment de ses concurrents. Durant la période de restructuration, seul un appareil viendra s'ajouter à la flotte, le nombre total de sièges offerts devant, quant à lui, légèrement diminuer. L'augmentation de la capacité de 8,3 % (exprimée en SKO) durant la période de restructuration résultera d'une meilleure utilisation de la flotte. L'offre sur le moyen-courrier (couvrant le marché communautaire notamment) n'augmentera que de 2,8 %, la croissance devant surtout se manifester sur le long-courrier (10,2 %). Compte tenu de la croissance prévisionnelle du trafic (5,5 % l'an sur le plan mondial et 5 % l'an en Europe), la part de marché de la CNAF diminuera. En revanche, la dissolution de la CNAF aurait des effets contraires à l'intérêt commun parce qu'elle atténuerait la concurrence sur le marché européen du transport aérien et affaiblirait la position de l'aviation civile européenne par rapport aux flottes américaines et asiatiques. En outre, la dissolution de la CNAF aurait des effets catastrophiques sur l'emploi, au moment même où l'Union européenne est touchée de plein fouet par le chômage.

III La Commission a ouvert la procédure de l'article 93 paragraphe 2 parce qu'elle a des doutes concernant les points suivants:

1°) l'aide et le Projet se concentrent exclusivement sur la société CNAF, alors que la réalité économique commande qu'un plan de restructuration tienne compte de la situation et des perspectives économiques de l'ensemble du groupe. La Commission doit examiner l'impact de l'aide et du Projet sur les résultats de la CNAF et de l'ensemble du groupe afin de vérifier si le Projet est suffisant pour en restaurer la viabilité;

2°) le Projet et son volet sectoriel, y compris les mesures sociales, doivent être effectivement mis en œuvre;

3°) l'aide ne doit pas affecter les conditions des échanges sur les liaisons sur lesquelles les compagnies aériennes faisant partie du groupe Air France opèrent en concurrence avec d'autres compagnies aériennes européennes;

4°) l'aide ne doit pas être disproportionnée par rapport aux besoins de la restructuration et ne doit pas entraîner une surcapitalisation. À cet égard, la Commission a dû examiner et évaluer la nature (fonds propres ou dettes) de certaines obligations émises par le groupe (TSDI, ORA et TSIP);

5°) l'aide doit être la dernière accordée au groupe et ne doit pas être utilisée pour acquérir des participations supplémentaires dans d'autres transporteurs communautaires;

6°) les autorités françaises ne doivent pas s'immiscer dans la gestion du groupe pour des raisons autres que commerciales.

IV En ce qui concerne les observations présentées par les tierces parties, il convient de noter qu'aucune d'entre elles n'a contesté le caractère d'aide de l'injection de capital en faveur du groupe Air France. La plupart des parties partagent les doutes de la Commission concernant l'applicabilité de l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité et de l'article 61 paragraphe 3 point c) de l'accord EEE à l'aide en question. Les principales objections et remarques formulées par les tierces parties peuvent être résumées comme suit:

- l'aide bénéficie non seulement à la CNAF, mais également à l'ensemble du groupe qui pourrait ainsi transférer l'aide vers les filiales. La création d'entités distinctes (la CNAF serait séparée d'Air Inter et d'Air Charter) serait artificielle parce qu'elle n'empêcherait pas la conduite d'une stratégie commerciale coordonnée pour l'ensemble des sociétés faisant partie du groupe,

- les autorités françaises n'ont pas fourni assez d'informations concernant le Projet, notamment en ce qui concerne le futur réseau,

- le Projet n'est pas suffisant pour restaurer la viabilité dans un délai de trois ans compte tenu de la réduction des coûts envisagée (notamment au niveau du personnel) et des investissements, d'autant que les concurrents d'Air France poursuivent leurs efforts de restructuration. En tout état de cause, le groupe ne serait pas autorisé à restructurer en raison de l'immixtion constante des autorités françaises dans la gestion de la société,

- l'aide est disproportionnée par rapport aux besoins de la restructuration et se traduira par une surcapitalisation du groupe, qui sera ainsi fortement avantagé par rapport à ses concurrents. Par ailleurs, le groupe n'a pas besoin d'une aide aussi importante dans la mesure où il pourrait lui-même financer sa restructuration par un certain nombre d'opérations telles que la cession des éléments d'actif "hors métiers de base" (tel que Méridien et Servair), la réduction de sa participation dans d'autres compagnies (SABENA par exemple), la remise à plus tard des investissements "flotte" ou l'abandon des liaisons non rentables,

- les conditions d'octroi d'une dérogation en vertu de l'article 92 paragraphe 3 point c) ne sont pas remplies parce que l'évaluation de la comptabilité de l'aide avec le Marché commun doit être faite sous l'angle de la Communauté. La Commission doit tenir compte de l'évolution d'un secteur dans son ensemble et non de la seule évolution du bénéficiaire de l'aide,

- l'aide faussera sérieusement le jeu de la concurrence et altérera les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun en transférant les difficultés du groupe Air France vers ses concurrents. Le Gouvernement français ne doit accorder aucun traitement privilégié au groupe Air France et s'abstenir de toute discrimination à l'encontre des concurrents du groupe Air France, en particulier en ce qui concerne la multidésignation et l'accès aux infrastructures aéroportuaires (accès à Orly-Est notamment). Le groupe Air France doit s'abstenir d'accroître sa capacité ou de fixer ses tarifs à un niveau inférieur à ses coûts et sur certaines liaisons européennes, caractérisées par une concurrence acharnée, ainsi que sur certaines liaisons non européennes (notamment les Antilles françaises) le groupe Air France devrait voir sa capacité limitée et ne devrait pas exercer un effet d'entraînement en matière de prix. Enfin, le marché intérieur français devrait être ouvert à la concurrence, en particulier à la suite des deux décisions de la Commission du 27 avril 1994 concernant l'accès à l'aéroport de Paris-Orly,

- dans l'hypothèse où la Commission estimerait que l'aide est compatible avec le Marché commun, le groupe Air France ne doit pas être autorisé à acquérir des participations dans d'autres compagnies aériennes et l'aide doit être la dernière accordée en faveur du groupe,

- la Commission doit définir les "raisons commerciales" pouvant justifier une immixtion des autorités françaises dans la gestion du groupe,

- un contrôle strict doit être instauré et la libération des tranches ultérieures de l'aide doit être subordonnée à la réalisation des objectifs spécifiques.

V Les remarques formulées par les autorités françaises en réponse à la lettre de la Commission les informant de l'ouverture de la procédure de l'article 93 paragraphe 2 concernent principalement le Projet et la recapitalisation projetée de la CNAF. En outre, par lettre du 14 juillet 1994, le Gouvernement français a fourni les éclaircissements et formulé les engagements suivants.

Les engagements pris par les autorités françaises dans cette lettre concernent Air France; "par Air France on entend la Compagnie nationale Air France, ainsi que toute société qu'elle contrôle à plus de 50 % à l'exclusion d'Air Inter".

1°) Les autorités françaises s'engagent à ce que la totalité de l'aide bénéficie exclusivement à Air France. Afin d'éviter tout transfert de l'aide vers la compagnie Air Inter, un holding sera créé avant le 31 décembre 1994, qui détiendra une participation majoritaire dans les compagnies Air France et Air Inter. Le gouvernement s'engage également à ce que ne soit opéré entre les sociétés du groupe tant avant qu'après la création effective du holding, aucun transfert financier qui ne s'inscrirait pas dans une relation commerciale normale. Ainsi, toutes les prestations des services et cessions des biens entre les sociétés sont effectuées à des prix de marché (par exemple maintenance, assistance aéroportuaire, systèmes informatisés de réservations, et autres services informatisés, établissement du programme, représentation dans d'autres pays, etc.); en aucun cas Air France n'appliquera des tarifs préférentiels en faveur d'Air Inter.

2°) Le Gouvernement français confirme son intention de procéder à la privatisation d'Air France. Le processus de privatisation sera engagé après que la situation économique et financière de l'entreprise aura été rétablie, en conformité avec le plan. La décision de transfert effectif du secteur public au secteur privé d'Air France sera prise, en tenant également compte de la situation des marchés financiers, de manière à ce que cette vente d'actifs ne soit pas faite au détriment du patrimoine public.

3°) Le Gouvernement français indique à la Commission que les travaux conduits depuis le 11 avril 1994 pour fixer les modalités d'application du Projet pour l'entreprise et le résultat des négociations menées avec les organisations représentatives du personnel (personnel au sol et navigant) permettent de mettre en œuvre la totalité des mesures contenues dans le plan de restructuration.

Il convient en particulier de noter que l'accord-cadre signé le 31 mars 1994 par six syndicats, et auquel un septième avait adhéré le 6 avril 1994, a également reçu l'adhésion le 9 juin 1994 des trois organisations professionnelles du personnel navigant technique.

Dans ce contexte, le Gouvernement français confirme qu'Air France poursuivra la mise en œuvre complète du Projet pour l'entreprise tel qu'il a été communiqué à la Commission européenne le 18 mars 1994, en particulier en ce qui concerne les objectifs de productivité suivants exprimés par le ratio EPKT/employé pour la durée du plan de restructuration:

- 1994 : 1 556 200 EPKT/employé,

- 1995 : 1 725 500 EPKT/employé,

- 1996 : 1 829 200 EPKT/employé.

Les autorités françaises s'engagent également :

4°) à avoir, vis-à-vis d'Air France, un comportement normal d'actionnaire, à permettre à la compagnie d'être gérée seulement selon les principes commerciaux et à ne pas s'immiscer dans sa gestion pour des raisons autres que celles liées à son statut d'actionnaire;

5°) à ne plus accorder à Air France pendant la durée du plan de restructuration ni de nouvelle dotation ni d'autres aides sous quelque forme que ce soit [sans préjudice de l'application de l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408-92 concernant la compensation éventuelle des obligations de service public];

6°) à ce que, pendant la durée du plan, l'aide soit exclusivement utilisée par Air France pour les finalités de la restructuration de la compagnie et non pour acquérir des participations nouvelles dans d'autres transporteurs aériens;

7°) à subordonner le versement des seconde et troisième tranches de l'augmentation de capital à la réalisation effective du Projet pour l'entreprise et des résultats prévus, notamment en ce qui concerne les résultats d'exploitation et les ratios de productivité exprimés en EPKT/employé;

8°) à soumettre à la Commission un rapport sur l'avancement du programme de restructuration et la situation économique et financière d'Air France. Ces rapports seront soumis au moins huit semaines avant la libération des deuxième et troisième tranches d'aide en 1995 et 1996;

9°) à accepter que la Commission, si elle le considère nécessaire, fasse vérifier, au vu, entre autres, de l'évolution de l'environnement et du marché, la bonne mise en œuvre du plan, ainsi que la réalisation des conditions liées à l'approbation de l'aide par des consultants indépendants choisis par la Commission en liaison avec le Gouvernement français;

10°) à ne pas accroître, pendant la durée du plan, le nombre d'avions de la flotte de la Compagnie nationale Air France exploité par celle-ci au-delà de 146;

11°) à ne pas accroître, pendant la durée du plan, l'offre de la Compagnie nationale Air France au-delà du niveau atteint en 1993, pour les liaisons suivantes:

- Paris vers l'ensemble des destinations dans l'Espace économique européen (7 045 millions SKO),

- Province vers l'ensemble des destinations dans l'Espace économique européen (1 413,4 millions SKO).

Cette offre pourrait être augmentée de 2,7 % par an, sauf si le taux de croissance de chacun des marchés correspondants est plus faible. Toutefois, si le taux de croissance annuel de ces marchés dépasse 5 %, l'offre pourra être augmentée, en plus de 2,7 %, de l'accroissement au-delà de 5 %;

12°) à assurer qu'Air France ne met pas en œuvre, pendant la durée du plan, des pratiques consistant à proposer des tarifs inférieurs à ceux pratiqués par ses concurrents pour une offre équivalente sur les liaisons qu'elle exploite à l'intérieur de l'Espace économique européen;

13°) à ne pas accorder un traitement préférentiel à Air France en matière de droits de trafics;

14°) à ce qu'Air France n'exploite pas, pendant la durée du plan, entre la France et les autres pays de l'Espace économique européen, un nombre de lignes régulières supérieur à celui exploité en 1993 (89 lignes);

15°) à limiter, pendant la durée du plan, l'offre d'Air Charter au niveau de 1993 (3 047 sièges et 17 avions), avec une augmentation annuelle possible correspondant au taux de croissance du marché;

16°) à garantir que toute cession des biens et prestations de services d'Air France en faveur d'Air Charter reflètent les prix du marché;

17°) à ce qu'Air France cède, dans les conditions financières, commerciales et juridiques les plus avantageuses pour elle et avant la fin de l'année, sa participation dans la société des hôtels Méridiens.

Par ailleurs, par lettre du 18 juillet 1994, le Gouvernement français a apporté les deux engagements suivants:

18°) "le Gouvernement français poursuivra la modification, dans les meilleurs délais possibles, en liaison avec l'établissement Aéroports de Paris, des règles de distribution du trafic pour le système aéroportuaire parisien d'une manière conforme à la décision de la Commission du 27 avril 1994 relative à l'ouverture de la liaison Orly-Londres;

19°) le Gouvernement français veillera à ce que les travaux nécessaires au réaménagement des deux aérogares d'Orly conduits par l'établissement Aéroport de Paris, ainsi qu'une éventuelle saturation de l'une ou l'autre de ces aérogares, ne perturbent pas les conditions de concurrence au détriment des compagnies y opérant."

VI L'article 92 paragraphe 1 du traité et l'article 61 paragraphe 1 de l'accord EEE (ci-après dénommé l'"accord") disposent que sont incompatibles avec le Marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres et parties contractantes, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

Le traité de Rome et l'accord EEE posent le principe de neutralité à l'égard du régime de propriété dans les États membres (articles 222 du traité et 125 de l'accord EEE) et le principe d'égalité entre les entreprises publiques et privées. En vertu de ces principes, l'action de la Commission ne peut être ni préjudiciable ni avantageuse pour les établissements publics qui apportent des capitaux à des entreprises. Cependant, la Commission doit enquêter sur les apports de capitaux aux entreprises afin d'éviter que les États membres n'enfreignent les dispositions du traité relatives aux aides d'État.

Afin de déterminer si elle est en présence d'une aide d'État, la Commission fondera son jugement sur le principe de "l'investisseur en économie de marché". En vertu de ce principe, il n'y a pas d'aide d'État lorsqu'il y a un apport de capital neuf dans des conditions qui seraient acceptables pour un investisseur privé opérant dans les conditions normales d'une économie de marché (2).

La Commission estime que, en cas d'injection de capital dans une entreprise publique, il y a aide d'État lorsque "la situation financière de l'entreprise et en particulier la structure et l'importance de son endettement, sont telles qu'une rémunération normale (en dividendes ou en gains de capital) ne peut être espérée dans un délai raisonnable" (3). En ce qui concerne le principe de l'investisseur en économie de marché, la cour de justice a précisé que le comportement de l'investisseur privé, auquel doit être comparée l'intervention de l'investisseur public, doit, au moins, être celui d'un holding privé ou d'un groupe privé d'entreprises poursuivant une politique structurelle, globale ou sectorielle, et guidé par des perspectives de rentabilité à plus long terme (4). Lorsque l'entreprise est déficitaire, cet investisseur à long terme fondera sa décision sur un plan de restructuration cohérent.La Commission a demandé aux autorités françaises de lui transmettre des informations concernant la rentabilité attendue de l'investissement. Les autorités françaises font valoir que la décision d'augmenter le capital de la CNAF s'inscrit dans le cadre d'une stratégie rationnelle poursuivie par l'actionnaire majoritaire. Sous l'angle financier, l'augmentation de capital est un choix plus judicieux que la liquidation pure et simple de la CNAF. Les autorités françaises, eu égard aux lourdes obligations sociales, à l'importance des emprunts et à la faible valeur à la casse de la compagnie, estiment que le coût de liquidation serait d'environ 30 milliards de francs français, soit plus que les 20 milliards de dotation en capital.

Les autorités françaises n'ont fourni aucune information concernant les données de base ni concernant la méthodologie utilisée pour calculer le montant de 30 milliards de francs français. Elles n'ont pas non plus fourni d'informations attestant que la valeur de liquidation de la compagnie (c'est-à-dire la valeur immédiatement réalisable des actifs moins toutes les obligations légales) est réellement négative, voire égale à moins 30 milliards de francs français. À cet égard, il convient de noter que dans des conditions commerciales normales, aucun actionnaire n'est tenu de payer plus que la valeur des actifs en cas de liquidation d'une société anonyme publique. En tout état de cause, la Commission estime que, vu l'endettement énorme de la CNAF, le flux de trésorerie négatif, l'accumulation de pertes importantes et les spécificités du secteur du transport aérien, caractérisé par un faible taux de rentabilité, un investisseur privé fondant sa décision sur des critères rationnels ne saurait espérer que son investissement génère, même à long terme, un rendement suffisant. Il est hautement improbable que la CNAF, qui, d'après les projections financières des consultants, n'enregistrera le premier résultat net positif (400 millions de francs français) qu'en 1996, puisse générer des profits susceptibles de rémunérer, d'une manière satisfaisante, les efforts financiers du Gouvernement.

En conséquence, la Commission estime que l'injection de capital notifiée constitue une aide d'État.

Eu égard au vaste réseau européen de la CNAF et à la vive concurrence qui sévit sur la plupart des liaisons qu'elle dessert, cette aide fausse le jeu de la concurrence dans l'EEE. Par ailleurs, l'aide affecte les échanges entre les pays de l'EEE étant donné que le secteur de l'aviation civile est une activité à caractère international.

À la lumière des éléments qui précèdent, la Commission considère que l'injection de capital projetée constitue une aide au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité et de l'article 61 paragraphe 1 de l'accord.

Sur la base de la structure actuelle du groupe Air France, l'augmentation de capital de la société mère (CNAF) devrait être considérée comme une aide en faveur de l'ensemble du groupe. Toutefois, sur la base des informations fournies par les autorités françaises concernant la future structure du groupe et les engagements pris pour éviter tout transfert de l'aide vers Air Inter (engagement n° 1), la Commission estime que le bénéficiaire de l'aide est la CNAF et ses filiales, dont Air Charter (cf. point 4 ci-après).

L'aide à la CNAF ne peut être considérée comme compatible avec le Marché commun, ni au sens de l'article 92 paragraphe 2 du traité ni au sens de l'article 61 paragraphe 2 de l'accord, dans la mesure où elle ne correspond à aucune des hypothèses avancées dans ces dispositions.

L'article 92 paragraphe 3 du traité et l'article 61 paragraphe 3 de l'accord énumèrent les aides qui peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun.

L'article 92 paragraphe 3 points a) et c) du traité et l'article 61 paragraphe 3 points a) et c) de l'accord prévoient que des dérogations peuvent être accordées lorsque les aides sont destinées à favoriser ou promouvoir le développement de certaines régions. L'aide à la CNAF ne paraît pas répondre aux critères de dérogation fixés à l'article 92 paragraphe 3 points a) ou c), dans le volet consacré aux aides régionales, les autorités françaises n'ayant, par ailleurs, fourni aucun argument d'ordre régional à l'appui de l'aide proposée.

En ce qui concerne les dérogations prévues par l'article 92 paragraphe 3 point b) du traité et l'article 61 paragraphe 3 point b) de l'accord, il convient de noter que l'aide en question n'est pas destinée à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie française. Les autorités françaises n'ont d'ailleurs pas invoqué cette disposition.

En ce qui concerne la dérogation prévue par l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité et l'article 61 paragraphe 3 point c) de l'accord pour les "aides destinées à faciliter le développement de certaines activités économiques", la Commission peut être amenée à considérer certaines aides à la restructuration comme compatibles avec le Marché commun pour autant qu'elles satisfassent à un certain nombre de conditions (5).

Ces conditions s'inscrivent dans le cadre des deux principes énoncés à l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité et à l'article 61 paragraphe 3 point c) de l'accord: l'aide doit être requise pour le développement de l'activité sous l'angle de la Communauté et l'aide ne doit pas affecter les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun (6).

Ces critères ont été interprétés dans un contexte sectoriel (aviation) dans le mémorandum n° 2 qui dispose que la Commission peut, dans certains cas, autoriser, conformément aux dispositions de l'article 92, l'octroi d'aides à certaines compagnies qui se trouvent dans une situation financière difficile, sous réserve que certaines conditions soient remplies:

a) l'aide doit faire partie d'un programme approuvé par la Commission, visant à assainir la compagnie afin que celle-ci puisse, dans des délais raisonnables, poursuivre ses activités sans autre aide;

b) l'aide ne doit pas avoir pour effet de transférer les difficultés d'un État membre au reste de la Communauté;

c) toute aide de ce type doit être conçue de manière à être transparente et contrôlable.

Pour évaluer la compatibilité de l'aide avec le Marché commun, la Commission a vérifié dans quelle mesure il est satisfait aux critères fixés par l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité et l'article 61 paragraphe 3 point c) de l'accord:

1. La Commission a examiné la situation actuelle de l'aviation civile.

Durant le premier semestre de 1994, le secteur de l'aviation civile semble avoir virtuellement surmonté la crise économique déclenchée par la guerre du Golfe durant le deuxième semestre de 1990. Le trafic passagers a augmenté de respectivement 14 et 9 % en 1992 et 1993 (source AEA). Cette croissance a été confirmée par les chiffres enregistrés au cours des premiers mois de 1994 (janvier-mai), avec une croissance du trafic passagers de 9,1, 9,9, 14,1, 5,9 et 6,1 % par rapport à la période correspondante de l'année dernière. Même si en avril et mai la croissance du trafic passagers est restée inférieure à la forte croissance enregistrée lors des trois premiers mois de 1994, l'Europe a été l'une des régions dans lesquelles la croissance s'est maintenue (en mai, le trafic intra-européen a crû de 8,8 % par rapport à la même période de 1993). Malgré ces résultats positifs, certaines compagnies aériennes européennes continuent à perdre de l'argent.

La récession économique mondiale, qui a amplifié les effets de la crise du Golfe et qui a eu des effets catastrophiques sur le secteur des transports aériens, particulièrement sensible au changement de niveau de l'activité économique, en est l'une des principales raisons. De nombreux passagers voyageant en classe affaires qui a toujours été un secteur particulièrement rémunérateur se rabattent sur des tarifs meilleur marché, ce qui contribue aux piètres résultats financiers des compagnies aériennes. À cela s'ajoute que les compagnies ont investi, à la fin des années 80, dans des appareils sur la base de projections commerciales optimistes. La livraison de ces appareils a provoqué des surcapacités parce que la forte augmentation de l'offre n'a pas été compensée par un accroissement correspondant de la demande. Pour de nombreuses compagnies aériennes, les coefficients de remplissage restent insuffisants pour atteindre le seuil de rentabilité commerciale, ce qui, pour remplir leurs avions, les oblige à proposer des tarifs promotionnels, même durant la saison d'hiver.

Cela étant, les perspectives pour le secteur de l'aviation européenne restent assez favorables à moyen terme (1994-1997). (D'après le rapport annuel 1993 de l'IATA, le trafic devrait croître de 6 % l'an). Compte tenu de ces prévisions, la surcapacité ne devrait être qu'un phénomène temporaire, qui pourrait avoir disparu en 1995 [voir la communication de la Commission "L'aviation civile européenne vers des horizons meilleurs", COM (94) 218 final, p. 7]. L'amélioration constante des coefficients de remplissage durant les premiers mois de 1994 (en avril et mai 1994, ils étaient respectivement de 65,2 % et de 65,7 %) confirme d'ailleurs cette évolution.

En conséquence, la Commission estime que le marché de transport aérien européen n'est pas touché par une crise structurelle de surcapacité et que la situation du secteur de l'aviation ne justifie pas une réduction globale des capacités.

2. La Commission a évalué la viabilité du Projet.

L'aide en question vise à financer la mise en œuvre du Projet et à restructurer les finances de la CNAF. En ouvrant la procédure de l'article 93 paragraphe 2, la Commission a estimé que, compte tenu de la structure actuelle du groupe Air France, l'un des points faibles du Projet est qu'il se concentre exclusivement sur la société CNAF, et qu'il ne se préoccupe pas de la situation économique et des perspectives de l'ensemble du groupe, ou à tout le moins de ses principales filiales. À cette fin, la Commission avait besoin d'un complément d'information concernant les stratégies et les plan établis pour les principales filiales.

Dans le courant de la procédure, les autorités françaises ont informé la Commission qu'elles créeraient, avant le 31 décembre 1994, un holding détenant une participation majoritaire dans le capital de la Compagnie nationale Air France (ainsi que de ses filiales) d'une part et d'Air Inter d'autre part (7). De plus, tous les transferts entre les deux sociétés se feront aux conditions du marché. La Commission souligne que cette restructuration ne doit donner lieu à aucun transfert de ressources d'État en contrepartie du transfert des parts d'Air Inter de la CNAF vers le holding.

Les autorités françaises ont en outre précisé qu'Air France se défera d'ici peu de ses principales filiales (par exemple la chaîne Méridien) afin de contribuer au financement de son plan de restructuration et de se recentrer sur son activité aérienne. À la suite des observations formulées à ce sujet, la Commission est heureuse d'apprendre des autorités françaises qu'Air France vendra sa participation dans Méridien avant le 31 décembre 1994 aux conditions financièrement, commercialement et juridiquement les plus favorables pour Air France (engagement n° 17). Le fait que le Gouvernement français a décidé qu'Air France vendra Méridien à sa plus haute valeur possible minimise les besoins de recapitalisation d'Air France par l'État.

Dans ce contexte, la Commission a maintenant la conviction que, après ces ventes, il ne restera pas d'autres actifs "non aériens" dont la vente pourrait procurer des sommes d'argent importantes.

Pour ce qui est des capitaux nécessaires aux investissements dans la flotte, la Commission prend acte du report des commandes. Comme ces commandes ont déjà été réduites de 21 % et que d'autres efforts ont été accomplis pour les réduire encore davantage, l'âge moyen de la flotte augmentera et passera à la fin de la période de restructuration de 7,9 à 9,3 ans environ. Tout retard supplémentaire dans le renouvellement de la flotte ne ferait qu'augmenter encore ce chiffre et risquerait partant de mettre à mal la compétitivité d'Air France et la viabilité de la restructuration.

Les informations fournies par les autorités françaises répondent aux préoccupations exprimées par la Commission au moment où elle a ouvert la procédure. La nouvelle structure d'Air France et les précisions apportées au sujet de la cession des principaux actifs "non aériens" témoignent de la cohésion du Projet. La stratégie future de la compagnie, axée sur la solution des problèmes de la compagnie, s'en trouve justifiée.

Pour ce qui est de la faisabilité du Projet, la Commission estime qu'il réunit plusieurs mesures qui témoignent d'une volonté réelle de restructuration de la compagnie.

La Commission reconnaît en particulier l'ampleur des efforts accomplis par la direction d'Air France pour mettre au point un programme viable, sur le plan social en particulier. Les salaires seront gelés pendant la période de restructuration et les promotions seront bloquées en 1994 et pourraient le rester en 1995 et 1996, si la situation d'Air France l'exige. Le temps de travail sera mieux utilisé et porté au maximum autorisé par la loi. Air France distribuera des actions gratuites aux membres de son personnel qui pourront ainsi augmenter leur participation en compensation de la diminution de leur salaire. Le personnel concerné a approuvé le programme par référendum. Au vu de l'information fournie par les autorités françaises au sujet de l'approbation du Projet par les syndicats, la Commission est désormais convaincue que le volet social du Projet peut être intégralement adopté et que le plan général de restructuration pourra être mené à bien.

La restructuration de la compagnie (centres de profits, allégement de la structure hiérarchique, etc.), qui vise à rationaliser pleinement son fonctionnement, constitue certainement un des points forts du Projet.

Les gains de productivité prévus par le plan porteront Air France au niveau de la "bonne moyenne" des autres compagnies aériennes. La Commission fonde son analyse sur une comparaison des valeurs de l'indicateur d'efficience EPKT (équivalent passagers kilomètres transportés). L'EPKT représente les passagers kilomètres transportés et les tonnes kilomètres transportées, par employé (une tonne kilomètre transportée étant, pour les besoins de la comparaison, censée être équivalente au revenu de 3,5 passagers kilomètre) par membre du personnel. Cet indicateur est représentatif du niveau total de la demande de transport tant voyageur que fret, surtout pour une compagnie comme Air France pour qui le fret revêt une véritable importance. Il permet également de suivre les effets des corrections apportées aux faiblesses d'Air France, à savoir la faiblesse de ses taux de remplissage et l'insuffisante densité de son réseau (tel ne serait pas le cas si les objectifs fixés en matière d'efficience étaient basés sur l'offre exprimée en sièges/kilomètre offerts).

La productivité d'Air France augmentera de 33,3 % au cours de la période de restructuration (de 1,372 million en 1993 à 1,829 million en 1996). Le ratio atteint par Air France en 1996 sera supérieur au ratio moyen estimé des sept autres grandes compagnies européennes (Lufthansa, British Airways, KLM, Alitalia, Iberia, SAS et Swissair qui atteindront le niveau de 1,807 million). Cette progression est d'autant plus remarquable que la moyenne de ces dernières (1,547 million) était en 1993 supérieure au niveau atteint par Air France (1,372 million).

La Commission estime que le Projet est de nature à restaurer la viabilité économique et financière d'Air France, la plus grande compagnie aérienne française et l'une des trois plus grandes compagnies européennes. Il convient à ce propos de rappeler qu'Air France a déjà enregistré quelques succès dans la mise en œuvre du Projet. À la fin du mois de mai 1994, Air France a réalisé un excédent brut d'exploitation supérieur de 10 millions de francs français aux prévisions, alors même que les recettes restaient relativement faibles.

La Commission prend acte avec satisfaction du fait que le Gouvernement français a pris l'engagement qu'Air France sera géré conformément aux principes commerciaux (engagement n° 4). Cet engagement implique que le Gouvernement français adoptera, en sa qualité d'actionnaire majoritaire d'Air France, le comportement le plus propre à servir les intérêts commerciaux d'Air France et qu'il n'interférera pas dans la gestion de la compagnie pour des raisons autres que celles qui lui sont dictées par son rôle d'actionnaire.

Il ressort de cet engagement que le Gouvernement français doit traiter Air France comme une entreprise normale, en particulier en ce qui concerne l'octroi des droits de trafic ou l'occupation des surfaces dans les aéroports (voir engagement n° 13).

Une véritable restructuration d'Air France contribuera au développement du transport aérien européen en améliorant sa compétitivité. Elle est donc conforme à l'intérêt commun (8).

3. La Commission a vérifié si l'aide est proportionnelle aux besoins de la restructuration.

En l'espèce, le Gouvernement français a notifié à la Commission son intention d'injecter 20 milliards de francs français en trois tranches (10 milliards en 1994, 5 milliards en 1995 et 5 milliards en 1996) dans Air France.

Dans la décision par laquelle elle ouvrait la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2, la Commission a estimé que l'aide pouvait risquer de surcapitaliser la compagnie. Dans le cas d'Air France, le ratio d'endettement est très largement fonction de la classification de plusieurs titres émis par la compagnie entre 1991 et 1993. Les ratios varient considérablement selon que ces titres sont, dans la comptabilité, classés parmi les capitaux propres ou les dettes.

Air France a, au cours des cinq dernières années, émis les instruments financiers suivants:

1°) ORA (obligations remboursables en actions)

- décembre 1991: 1 250 000 000 de F français,

- avril 1993: 749 996 536 de F français.

L'intérêt est constitué d'une partie fixe et d'une partie variable indexée sur les profits de la compagnie. Les détenteurs ont le droit de demander la conversion de leurs obligations en actions après le 1er janvier 1993. La conversion s'opère au taux de une pour une au plus tard le 1er janvier 2000.

2°) TSDI (titres subordonnés à durée indéterminée reconditionnés)

- juin 1989: 2 500 000 000 de F français,

- mai 1992: 2 600 000 000 de F français.

Une partie de la valeur du prêt est placée auprès d'une tierce partie (société ad hoc indépendante) qui souscrit un coupon zéro dont la valeur devient, à la fin de la quinzième année, égale au montant nominal restant dû. Les investisseurs s'engagent à vendre les TSDI à la société ad hoc au terme de ces quinze années. À cette même échéance, il y a cessation du versement des intérêts relatifs aux TSDI.

3°) TSIP-BSA (titres subordonnés à intérêts progressifs assortis de bons de souscriptions d'actions)

- avril 1993: 749 355 800 F français

À chaque titre émis est attaché un coupon que le prêteur peut convertir en actions à tout moment jusqu'au 1er janvier 2000. À partir du 1er janvier 2000, Air France peut rembourser les titres. Le taux d'intérêt est progressif et incite à rembourser après l'an 2000. Air France peut suspendre le paiement des intérêts au cas où le groupe enregistre des pertes consolidées supérieures à 30 % de ses fonds propres ou quasi-fonds propres. Le versement des intérêts est, dans ce cas, suspendu et le report est productif d'intérêts.

En ce qui concerne la surcapitalisation possible d'Air France et la nature financière des titres émis par Air France, la Commission a examiné deux rapports établis par Lazard Frères et un rapport du Cabinet Constantin. Les rapports de Lazard Frères, qui analysent l'impact de l'aide sur les ratios financiers d'Air France, soulignent qu'il faut tenir compte non seulement des ratios de structure financière, mais aussi du ratio de couverture des frais financiers et du ratio de rentabilité de fonds propres. Les ratios de structure financière montrent que la position d'Air France sera en 1996 plus que satisfaisante si on la compare avec celle des compagnies plus efficaces telles que British Airways. La situation est moins satisfaisante sur le plan des ratios de rentabilité financière et de taux de couverture des intérêts où Air France est moins bien placé que British Airways.

La note du Cabinet Constantin traite de la nature financière et de la hiérarchisation des ORA, TSDI et TSPI-BSA émis par Air France. D'après ces consultants, une des conditions fondamentales nécessaires à l'inscription d'un instrument financier en capitaux propres est l'absence de rémunération obligatoire en cas d'absence ou d'insuffisance de bénéfice. Aucun des titres émis par Air France ne remplit ces conditions avant son échéance. En outre, les TSDI ont été reconditionnés (Air France remboursera les TSDI la quinzième année suivant leur émission avec un coupon zéro souscrit avec une partie des fonds produits par les TSDI. Après quinze ans de capitalisation, le montant du coupon zéro devient égal au montant nominal du TSDI). Sur le plan comptable, les TSDI font l'objet d'un amortissement annuel et il ne subsistera plus aucun montant au titre de ces instruments financiers dans les comptes consolidés d'Air France au terme de ces quinze ans. Les TSDI doivent donc être considérés comme un emprunt remboursable sur quinze ans. En revanche, les TSPI-BSA (à condition que le marché donne à leur titulaire la possibilité de concrétiser les BSA) et les ORA seront convertis en actions à leur échéance.

En ce qui concerne les caractéristiques qui font différer les fonds propres des emprunts, il existe un certain nombre de différences fondamentales entre les droits attachés aux capitaux propres et ceux qui sont attachés aux emprunts. Les détenteurs de capitaux propres peuvent avoir part au bénéfice qui reste à la compagnie après paiement de toutes les charges (y compris les intérêts dus sur les capitaux d'emprunt). Ils ont également un droit résiduel sur les actifs en cas de liquidation, après remboursement de tous les autres créanciers. Ils disposent également d'un droit de vote dans toutes les affaires qui affectent la gestion de la compagnie.

Les détenteurs d'emprunt sont assurés d'un taux de rendement prédéterminé (éventuellement indexé sur la rentabilité de l'entreprise) sur leurs investissements. Ils ont le droit de toucher des intérêts même si les bénéfices sont insuffisants. Ils ont, enfin, le droit d'être remboursés avant les détenteurs de capitaux propres en cas de liquidation de l'entreprise.

Les critères de classement des capitaux empruntés figurent dans l'article 248-8h du décret français du 23 mars 1967 qui définit les principes qui doivent présider à l'inscription des capitaux dans les comptes consolidés. Cet article dispose que "lorsque des capitaux sont reçus en application de contrat d'émission ne prévoyant ni des remboursements à l'initiative du prêteur, ni de rémunération obligatoire en cas d'absence ou d'insuffisance de bénéfice, ceux-ci peuvent être inscrits au bilan consolidé à un poste de capitaux propres". Il ressort de la seconde partie de cet article que des capitaux qui donnent droit à une rémunération obligatoire en cas d'absence de bénéfice ne doivent pas être considérés comme des fonds propres.

En outre, l'article 9 de la quatrième directive concernant les comptes annuels des sociétés dispose que les emprunts convertibles doivent, dans le bilan, être séparés du capital propre de l'entreprise. Ces emprunts convertibles doivent être mentionnés séparément au poste "dettes", section 1 "emprunts obligataires".

Il pourrait, dans ces conditions, sembler justifié de classer tous les titres émis par Air France avec les dettes plutôt qu'avec les fonds propres. Quoique la transparence des comptes annuels des sociétés nécessite l'application de critères comptables stricts pour le classement des titres, ces critères ne reflètent pas entièrement la nature financière parfois ambigue des titres eux-mêmes.

L'article 248-8h précité du décret français définit les critères qui empêchent de classer certains titres parmi les fonds propres, mais ne dit rien quant à leur traitement comme autre fonds propre. Cette forme intermédiaire de capital est prévue dans l'article 13 du décret français du 29 novembre 1983. Afin d'éviter toutefois toute confusion entre ces titres et les capitaux propres, le Comité professionnel de doctrine comptable propose de le qualifier plutôt d'"autres dettes à caractéristiques particulières" ou de "titres non remboursables et assimilés".

La convertibilité tant des ORA que des TSIP-BSA pourrait néanmoins justifier l'octroi à ces instruments de la qualité de "quasi-fonds propres" étant donné qu'il est implicitement entendu que l'investisseur convertira un jour ou l'autre des titres en actions. Dans le cas des ORA, l'investisseur est tenu de les convertir au taux d'une action par ORA. Pour les TSIP-BSA, l'investisseur s'accommode d'un taux d'intérêt plus bas parce qu'il espère que le coupon donnant droit à acheter des actions du groupe Air France à un prix fixé d'avance lui apportera une rémunération compensatrice.

Si l'investisseur n'avait pas eu l'intention de tirer avantage de cette possibilité de conversion, il n'aurait jamais envisagé d'accepter ce taux plus bas pour son investissement.

Il ne fait aucun doute que les acheteurs d'ORA savaient pertinemment que leurs obligations seraient à terme converties en actions et qu'ils ne pouvaient en aucun cas se faire rembourser sous une autre forme. Pour le calcul des ratios financiers et, en particulier, du ratio d'endettement (fonds propres/dettes), il est donc préférable de considérer les ORA comme des quasi-fonds propres. Pour les TSIP-BSA, en revanche, le souscripteur n'a aucune obligation de convertir et l'intention de convertir est donc moins évidente. Dans ces conditions, il semblerait plus indiqué, s'il fallait classer ce type d'instrument financier dans l'une ou l'autre catégorie, de considérer le TSIP-BSA comme des dettes.

Pour les TSDI, il n'y a aucune possibilité de conversion et il ne fait donc aucun doute qu'ils constituent des dettes.

Il convient de rappeler que, en novembre 1993, la Commission a ouvert la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 concernant la souscription de CDC-P aux ORA et TSIP-BSA émis par Air France en avril 1993 (JO n° C 334 du 9 décembre 1993). La Commission a décidé aujourd'hui que cette opération, qui n'avait pas été réglementairement notifiée à la Commission, est une aide en faveur d'Air France. Cette aide, illégale et incompatible avec le Marché commun et avec l'accord EEE, doit dont être remboursée.

En conséquence, si l'on part de l'hypothèse que:

- les capitaux apportés par la CDC-P, à savoir 748 millions de francs français en ORA et 749 millions de francs français en TSIP-BSA, lui sont remboursés et que les montants correspondants sont de ce fait remplacés par des dettes conventionnelles,

- les ORA restantes, soit 1,250 milliard de francs français, sont censées être du quasi-capital propre,

La structure du bilan du groupe Air France à la fin de 1996 se présente comme suit:

Capitaux propres 17,4 + 1,25 ORA = 18,65 milliards de francs français

Dette 22,1 1,25 ORA = 20,85 milliards de francs français

Ratio d'endettement (dette/capitaux propres) = 1,12

Ce ratio est supérieur au ratio moyen de l'aviation civile où le chiffre de 1,5 est considéré comme acceptable (voir Accounting policies, disclosure and financial trends in the international airline industry, une étude réalisée par KPMG en association avec l'IATA, p. 26, août 1992).

En principe, Air France a, si l'on fait abstraction de l'aide, trois possibilités d'améliorer elle-même sa situation financière: elle peut améliorer son efficacité pour accroître sa marge brute d'autofinancement, elle peut différer ses commandes d'avions et elle peut vendre des actifs. La Commission reconnaît, comme elle l'a déjà souligné dans les paragraphes qui précèdent, les efforts entrepris par Air France pour améliorer la productivité de sa main-d'œuvre parce qu'ils la porteront à un niveau suffisant à la fin de la période de restructuration. La compagnie a aussi déjà différé certaines commandes et de nouveaux reports feraient monter l'âge moyen de la flotte à plus de dix ans, âge trop élevé pour une compagnie qui vise à retrouver toute sa vigueur concurrentielle.

Pour ce qui est de la vente des actifs, il n'y en a qu'un petit nombre, comme par exemple, Méridien, SABENA et Air Inter, qui pourraient dégager des sommes suffisantes. SABENA et Air Inter sont deux éléments constitutifs importants de l'activité aérienne d'Air France. La vente des actifs restants fait déjà partie du projet. Ces autres actifs sont généralement de peu d'importance et/ou déficitaires et leur vente ne devrait pas se traduire par une réduction significative du montant de l'aide. Le montant de l'aide ne semble donc pas excessif par rapport à ce qui est nécessaire pour redresser le bilan financier d'Air France et redonner à la compagnie une assise financière solide. Il convient dans ce contexte de rappeler que l'aviation civile et une branche d'activité à forte intensité capitalistique dans laquelle les marges sont faibles et qu'un ratio d'endettement de 1,12 ne semble dans ces conditions pas pécher par excès de prudence. Cela est confirmé par le fait que le ratio de couverture des frais financiers (EBE + loyers/frais financiers + loyers) d'Air France s'élèvera en 1996 à 2,44 et sera ainsi très proche du taux moyen de 2,42 atteint par ses concurrents en 1993 (SAS, American Airlines, Swissair, Lufthansa, British Airways, KLM et Finnair). Grâce à sa recapitalisation, Air France retrouvera une structure financière saine qui lui permettra d'assurer le service de sa dette avec une certaine marge de sécurité et d'emprunter sans devoir recourir au soutien de l'État.

- Compte tenu de ce qui précède, la Commission est convaincue que l'aide accordée à Air France est à la fois nécessaire et appropriée pour donner à la compagnie les moyens de mener à bien son plan de restructuration et de retrouver la viabilité. Étant donné toutefois que l'aide sera versée en trois tranches, la Commission a l'intention de suivre très attentivement, d'année en année, l'avancement du projet et, plus particulièrement, l'évolution de la situation financière d'Air France après la vente des actifs. Elle peut aussi, le cas échéant, adapter les montants à verser de telle sorte que le montant de l'aide reste proportionnel aux objectifs du projet.

4. La Commission a vérifié si l'aide n'affecte pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

- En ouvrant la procédure, la Commission a déclaré qu'elle devait analyser les effets de l'aide sur la situation concurrentielle d'Air France sur les lignes tant internationales qu'intérieures où elle se trouve en concurrence avec d'autres compagnies européennes. La Commission a pensé que, eu égard à la structure actuelle du groupe, l'aide qui lui est accordée pourrait avoir des retombées profitables à ses filiales (en particulier Air Inter et Air Charter).

Le Gouvernement français s'est engagé (engagement n° 1) à faire d'Air France le seul bénéficiaire de l'aide et à créer à cet effet un holding qui contrôlera à la fois Air Inter et Air France. Il s'est également engagé à ce que toutes les transactions financières ainsi que tous les transferts de biens et de services entre les deux filiales s'effectuent, tant avant qu'après la création du holding, aux prix du marché et à ce qu'aucun tarif préférentiel ne soit appliqué en faveur d'Air Inter.

La Commission considère que cet engagement atténue ses préoccupations quant aux effets secondaires de l'aide parce qu'il empêche virtuellement Air France d'utiliser l'aide pour subventionner les activités d'Air Inter.

Se fondant sur les informations reçues au sujet de la structure future du holding ainsi que sur l'engagement correspondant des autorités françaises, la Commission a limité l'analyse des effets de l'aide sur les échanges à Air France qui en est le véritable bénéficiaire. Afin de s'assurer que l'aide n'affecte pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun, la Commission doit acquérir la certitude que l'aide n'est pas utilisée pour brader les prix et, partant, offrir au rabais la capacité excédentaire et, en tout état de cause, que la capacité n'est pas augmentée à un rythme supérieur à celui de la croissance du marché.

Dans le cours de la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2, le Gouvernement français s'est engagé:

- à ne pas accroître le nombre d'avions de la flotte de la compagnie nationale Air France exploité par celle-ci au-delà de 146 (engagement n° 10),

- à ne pas accroître l'offre de la compagnie nationale Air France au-delà du niveau atteint en 1993, pour les liaisons de Paris vers l'ensemble des destinations dans l'Espace économique européen, autres que la France, et de la province vers l'ensemble des destinations dans l'Espace économique européen. Air France sera toutefois autorisée à augmenter son offre annuelle proportionnellement à l'augmentation du trafic, mais toujours dans des proportions moindres que celle de la croissance du marché (engagement n° 11),

- à ce qu'Air France ne soit pas price leader sur ses lignes à l'intérieur de l'Espace économique européen (engagement n° 12). La Commission estime que cet engagement (à savoir qu'Air France ne proposera pas de tarifs inférieurs à ceux pratiqués par ses concurrents pour une offre équivalente sur les liaisons qu'elle exploite à l'intérieur de l'Espace économique européen) enlève à Air France la possibilité d'adopter dans l'Espace économique européen un comportement qui est normalement associé avec le price leadership. Il s'ensuit que pendant la période de restructuration, Air France sera bridée dans sa stratégie commerciale et incapable de proposer des tarifs inférieurs à ceux qui sont généralement offerts par ses concurrents. L'"offre équivalente" des concurrents d'Air France doit dans ce contexte être interprétée dans un sens large pour ce qui est de la nature du produit, des conditions et restrictions dont il est assorti, etc.,

- à ce qu'Air France n'exploite pas, entre la France et les autres pays de l'Espace économique européen, un nombre de lignes régulières supérieur à celui exploité en 1993 (engagement n° 14),

- à limiter l'offre d'Air Charter au niveau de 1993, avec une augmentation annuelle possible correspondant au taux de croissance du marché (engagement n° 15),

- à garantir que toute cession de biens et prestations de services d'Air France en faveur d'Air Charter reflète les prix du marché (engagement n° 16).

La Commission considère que ces engagements limitent très sévèrement la liberté dont Air France dispose en matière de capacité, d'offre et de fixation des prix et que ces limitations sont nécessaires pour que l'aide ne puisse pas être utilisée pour répercuter les difficultés de la compagnie sur ses concurrents. Les engagements empêcheront Air France de mener une politique tarifaire agressive sur toutes les routes qu'elle exploite à l'intérieur de l'Espace économique européen. Il convient de noter à ce propos que, au cours des quatre premiers mois de 1994, Air France a réduit son offre européenne conformément au Projet (l'offre d'Air France est inférieure de 6,4 % à ce qu'elle était au cours de la période correspondante de 1993 alors que celle de toutes les compagnies européennes augmentait en moyenne de 3,8 %. British Airways et KLM ont ainsi, à titre d'exemple, augmenté respectivement de 5,7 et 7,3 %).

En limitant l'offre d'Air France en deçà de la croissance du marché, sa part de marché dans l'EEE se restreindra au profit de ses concurrents. De la sorte, l'aide n'affectera pas les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

Ces conclusions valent également pour l'activité charter d'Air France. Les engagements pris par le Gouvernement français en ce qui concerne Air Charter auront pour effet d'éviter que la compagnie nationale Air France puisse, par péréquation, soutenir les services non réguliers assurés par sa filiale Air Charter. En tout état de cause, l'engagement pris par le Gouvernement français de ne pas accroître l'offre d'Air Charter au-delà de la croissance du marché compensera les effets de distorsion de la concurrence sur le marché des vols charters européens.

Aux fins de l'analyse des effets de l'aide dans l'EEE, la Commission doit tenir compte de la situation actuelle du transport aérien, en voie de libéralisation accrue à la suite de l'adoption du troisième paquet (9).

La Commission estime que la suppression des contraintes mettant Air France à l'abri de la concurrence constitue une compensation appropriée, justifiant l'octroi d'une aide compatible avec l'intérêt commun au sens de l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité et de l'article 61 paragraphe 3 point c) de l'accord (10).

La Commission doit examiner dans quelle mesure les effets négatifs de l'aide d'État ne sont pas amplifiés par l'exploitation de droits exclusifs ou l'application d'un traitement de faveur au bénéficiaire de l'aide. À cet égard, plusieurs problèmes doivent être examinés:

a) le 27 avril 1994, la Commission a adopté une décision jugeant incompatible avec le troisième paquet les règles de distribution du trafic actuellement appliquées au système aéroportuaire parisien (11). L'exclusion de la plupart des transporteurs communautaires de l'aéroport d'Orly, résultant de ces règles de distribution du trafic, a procuré à Air France un avantage concurrentiel. Ces règles de distribution du trafic doivent être modifiées avant la saison d'hiver 1994-1995 afin de démanteler cet avantage concurrentiel en faveur d'Air France, qui renforce les effets anticoncurrentiels de l'aide au détriment de l'intérêt commun. À cet égard, la Commission a pris acte de l'engagement des autorités françaises de modifier, conformément à la décision de la Commission du 27 avril 1994, les règles de distribution du trafic applicables au système aéroportuaire parisien, de manière à les rendre non discriminatoires, objectives et cohérentes (engagement n° 18);

b) l'aéroport de Paris-Orly se compose de deux aérogares: Orly Sud, réservé au trafic international et Orly Ouest, réservé au trafic intérieur. Orly Ouest dispose d'une meilleure infrastructure qu'Orly Sud pour accueillir le trafic intérieur français.

En mai 1994, le Gouvernement français a décidé de modifier les règles de distribution du trafic entre ces deux aérogares. À partir du 1er novembre 1995, Orly Ouest aurait en principe été exclusivement réservé au groupe Air France, les autres compagnies aériennes étant transférées vers Orly Sud. Toutefois, ce schéma postule l'aménagement partiel d'Orly Ouest pour le trafic international et partiel d'Orly Sud pour le trafic intérieur. Ce traitement de faveur réservé à Air France constitue un avantage concurrentiel et un inconvénient majeur pour la clientèle de ses concurrents. La Commission craint que le transfert en question intervienne avant que les travaux d'aménagement d'Orly Sud aient suffisamment avancé pour permettre d'accueillir le nouveau trafic. De plus, les possibilités d'extension d'Orly Sud sont beaucoup plus limitées que celles d'Orly Ouest (la capacité actuelle d'Orly Sud et d'Orly Ouest est respectivement de 10 et 20 millions de passagers, alors que le trafic dans ces deux aérogares s'est élevé à respectivement 9,5 millions et 15,1 millions de passagers en 1993). Aussi, les autorités françaises devraient réexaminer la répartition des compagnies aériennes entre les deux terminaux avant qu'il ne soit trop tard, c'est-à-dire avant qu'Orly Sud ne soit effectivement saturé.

L'engagement pris par le Gouvernement français de veiller à ce que les travaux d'aménagement des deux aérogares de Paris-Orly ainsi que la saturation éventuelle d'Orly Sud n'altèrent pas les conditions de concurrence au détriment des compagnies aériennes desservant l'aéroport d'Orly est de nature à dissiper cette crainte. La Commission croit notamment comprendre que cet engagement impliquera, en particulier, que les compagnies aériennes opérant sur Orly Sud, ainsi que les compagnies aériennes de l'EEE qui envisagent de desservir Orly conformément aux règles de distribution du trafic modifiées applicables au système aéroportuaire parisien, ne seront pas entravées dans le développement de leurs activités, surtout s'il subsiste des capacités résiduelles à Orly Ouest;

c) la plupart des parties intervenant dans la procédure ont soulevé le problème du renforcement des effets anticoncurrentiels de l'aide, compte tenu du fait que le marché intérieur français demeurait fermé à la concurrence, en particulier sur les liaisons Orly-Toulouse/Orly-Marseille.

À cet égard, la Commission rappelle que, le 27 avril 1994, elle a adopté une décision (12) aux termes de laquelle la France est tenue d'autoriser les transporteurs de la Communauté à exercer leurs droits de trafic sur les liaisons entre Paris-Orly et Toulouse et Marseille d'ici le 27 octobre 1994 au plus tard. Bien que les autorités françaises aient attaqué cette décision devant la cour de justice, cette saisine n'a cependant aucun effet suspensif aux termes du traité. La France est donc tenue de se conformer, d'ici le 27 octobre 1994, à cette décision et doit donc sur la base du règlement (CEE) n° 2408-92 accorder des droits de trafic à tout transporteur communautaire intéressé. Au cas où les liaisons en question ne seraient pas ouvertes d'ici là, toute partie intéressée pourrait invoquer, devant les autorités nationales compétentes, l'effet direct du droit communautaire pour faire valoir ses droits sur ces liaisons. Compte tenu du principe de primauté du droit communautaire, toute règle nationale empêchant l'exercice de ces libertés fondamentales ne doit pas être appliquée. Toute autorité d'un État membre, même à caractère administratif, est tenue de respecter ces principes fondamentaux du droit communautaire, respect auquel la Commission, en tant que gardienne des traités, est tenue de veiller.

Enfin, les engagements pris par les autorités françaises selon lesquels:

- elles ne s'immisceraient pas dans la gestion d'Air France pour des raisons autres que commerciales (engagement n° 4),

- l'aide sera la dernière accordée en faveur d'Air France (engagement n° 5) et ne sera pas utilisée pour acquérir des participations nouvelles dans d'autres transporteurs aériens (engagement n° 6),

répondent aux autres préoccupations exprimées par la Commission lors de l'ouverture de la procédure de l'article 93 paragraphe 2.

La Commission estime que les éléments ci-dessus répondent aussi aux préoccupations légitimes des parties concernées par cette question importante.

En conséquence de quoi, l'aide à octroyer par les autorités françaises à Air France sous la forme d'une augmentation de capital d'un montant de 20 milliards de francs français peut bénéficier d'une dérogation en vertu de l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité et de l'article 61 paragraphe 3 point c) de l'accord, à condition que certains engagements soient respectés et qu'un certain nombre de conditions soient remplies,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

L'aide à octroyer à Air France durant la période 1994-1996, sous forme d'une augmentation de capital de 20 milliards de francs français, payable en trois tranches, et visant à assurer sa restructuration conformément aux dispositions du Projet est compatible avec le Marché commun et l'accord EEE en vertu de l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité et de l'article 61 paragraphe 3 point c) de l'accord, à condition que les autorités françaises respectent les engagements suivants:

1°) à ce que la totalité de l'aide bénéficie exclusivement à Air France. Par Air France on entend la Compagnie nationale Air France, ainsi que toute société qu'elle contrôle à plus de 50 % à l'exclusion d'Air Inter. Afin d'éviter tout transfert de l'aide vers la compagnie Air Inter, un holding sera créé avant le 31 décembre 1994 qui détiendra une participation majoritaire dans les compagnies Air France et Air Inter. Aucun transfert financier qui ne s'inscrirait pas dans une relation commerciale normale n'est opéré entre les sociétés du Groupe tant avant qu'après la création effective du holding. Ainsi, toutes les prestations des services et cessions des biens entre les sociétés sont effectuées à des prix de marché; Air France ne peut en aucun cas appliquer des tarifs préférentiels en faveur d'Air Inter;

2°) à ce que le processus de privatisation d'Air France soit engagé lorsque la situation économique et financière de l'entreprise sera rétablie, en conformité avec le plan, en tenant également compte de la situation des marchés financiers;

3°) à ce qu'Air France poursuive la mise en œuvre complète du Projet pour l'entreprise, tel qu'il a été communiqué à la Commission européenne le 18 mars 1994, en particulier en ce qui concerne les objectifs de productivité suivants exprimés par le ratio EPKT/employé pour la durée du plan de restructuration:

- 1994: 1 556 200 EPKT/employé,

- 1995: 1 725 500 EPKT/employé,

- 1996: 1 829 200 EPKT/employé;

4°) à avoir, vis-à-vis d'Air France, un comportement normal d'actionnaire; à permettre à la compagnie d'être gérée seulement selon les principes commerciaux et à ne pas s'immiscer dans sa gestion pour des raisons autres que celles liées à son statut d'actionnaire;

5°) à ne plus accorder à Air France, en conformité au droit communautaire, ni de nouvelle dotation ni d'autres aides sous quelque forme que ce soit;

6°) à ce que, pendant la durée du plan, l'aide soit exclusivement utilisée par Air France pour les finalités de la restructuration de la compagnie et non pour acquérir des participations nouvelles dans d'autres transporteurs aériens;

7°) à ne pas accroître au-delà de 146, pendant la durée du plan, le nombre des avions de la flotte de la Compagnie nationale Air France exploitée par celle-ci;

8°) à ne pas accroître, pendant la durée du plan, l'offre de la Compagnie nationale Air France au-delà du niveau atteint en 1993 pour les liaisons suivantes:

- entre Paris et l'ensemble des destinations dans l'Espace économique européen (7 045 millions SKO),

- entre la province et l'ensemble des destinations dans l'Espace économique européen (1 413,4 millions SKO).

Cette offre pourrait être augmentée de 2,7 % par an, sauf si le taux de croissance de chacun des marchés correspondants est plus faible.

Toutefois, si le taux de croissance annuel de ces marchés dépasse 5 %, l'offre pourra être augmentée, en plus de 2,7 %, de l'accroissement au-delà de 5 %;

9°) à s'assurer qu'Air France ne met en œuvre, pendant la durée du plan, des pratiques consistant à proposer des tarifs inférieurs à ceux pratiqués par ses concurrents pour une offre équivalente sur les liaisons qu'elle exploite à l'intérieur de l'Espace économique européen;

10°) à ne pas accorder un traitement préférentiel à Air France en matière de droits de trafic;

11°) à ce qu'Air France n'exploite pas entre la France et les autres pays de l'Espace économique européen, pendant la durée du plan, un nombre de lignes régulières supérieur à celui exploité en 1993 (89 lignes);

12°) à limiter, pendant la durée du plan, l'offre d'Air Charter au niveau de 1993 (3 047 sièges et 17 avions), avec une augmentation annuelle possible correspondant au taux de croissance du marché;

13°) à garantir que toute cession des biens et prestations de services d'Air France en faveur d'Air Charter reflète les prix du marché;

14°) à ce qu'Air France cède, dans les conditions financières, commerciales et juridiques les plus avantageuses pour elle et avant la fin de l'année, sa participation dans la "société des hôtels Méridien";

15°) à poursuivre la modification dans les meilleurs délais possibles, en liaison avec l'établissement Aéroports de Paris, des règles de distribution du trafic pour le système aéroportuaire parisien d'une manière conforme à la décision de la Commission du 27 avril 1994 relative à l'ouverture de la liaison Orly-Londres;

16°) à veiller à ce que les travaux nécessaires au réaménagement des deux aérogares d'Orly, conduits par l'établissement Aéroports de Paris, ainsi qu'une éventuelle saturation de l'une ou l'autre de ces aérogares, ne perturbent pas les conditions de concurrence au détriment des compagnies y opérant.

Article 2

Afin de s'assurer que le montant de l'aide demeure compatible avec le Marché commun, le versement des secondes et troisième tranches de l'augmentation de capital est subordonné au respect des engagements ci-dessus et à la réalisation effective du Projet pour l'entreprise et des résultats prévus (notamment en ce qui concerne les résultats d'exploitation et les ratios de productivité exprimés en EPKT/employé, ainsi que la vente des actifs).

Le Gouvernement français soumet à la Commission un rapport sur l'avancement du programme de restructuration et sur la situation économique et financière d'Air France. Ces rapports seront présentés au moins huit semaines avant la libération des deuxième et troisième tranches d'aide en 1995 et 1996.

La Commission fera vérifier au vu, entre autres, de l'évolution de l'environnement et du marché, la bonne mise en œuvre du plan ainsi que la réalisation des conditions liées à l'approbation de l'aide par des consultants indépendants, choisis par la Commission en liaison avec le Gouvernement français.

Article 3

La République française est destinataire de la présente décision.

(1) JO n° C 152 du 3. 6. 1994, p. 2.

(2) Communication de la Commission aux États membres concernant la participation des autorités publiques dans les capitaux des entreprises, du 17 septembre 1984, Bulletin des Communautés européennes n° 9-1984; cour de justice, affaires jointes 296 et 318-82, Pays- Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek BV contre Commission, Recueil 1985, p. 809, point 17 des motifs, p. 823.

(3) Communication de la Commission aux États membres concernant les participations des autorités publiques dans les capitaux des entreprises, Bulletin des Communautés européennes n° 9-1984.

(4) Voir affaire C-305-89, Italie contre Commission, Recueil 1991, p. 1603, point 24 des motifs, p. 1641.

(5) Huitième rapport sur la politique de concurrence, point 176.

(6) CJCE du 17 septembre 1980, affaire 730-79 - Philip Morris - Recueil 1980, p. 2671.

(7) La Compagnie nationale Air France et ses filiales sont dénommées ci-après "Air France".

(8) Programme d'action de la Commission: "L'aviation civile européenne vers des horizons meilleurs" [COM (94) 218].

(9) Règlements (CEE) n° 2407-92, 2408-92 et 2409-92 du Conseil, JO n° L 240 du 24. 8. 1992, p. 1, 8 et 15.

(10) Voir décision de la Commission, affaire C-15-94, TAP, non encore publiée.

(11) Voir décision 94-290-CE de la Commission, affaire VII/AMA/II-93 - Paris (Orly)- Londres. JO n° L 127 du 19.5. 1994, p. 22.

(12) JO n° L 127 du 19.5. 1994, p. 22.