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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 14 mars 2001, n° 00-06871

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Avocat général :

M. Laudet

Conseillers :

Mme Fouquet, M. Nivose

Avocats :

Mes Boisseau, d'Hauteville, SCP Granrut Vatier Beaudelot.

TGI Paris, 31e ch., du 13 sept. 2000

13 septembre 2000

Rappel de la procédure:

La prévention:

B Guy est poursuivi par ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 26 janvier 2000 suivie d'une citation, pour avoir, à Paris, Meudon, et sur l'ensemble du territoire national, du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997:

- diffusé une publication comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la composition et les qualités substantielles de produits en annonçant faussement dans différents documents publicitaires que le produit X était "à la vanille" et que les produits X étaient "naturels".

- exposé, mis en vente ou vendu des denrées servant à l'alimentation de l'homme, qu'il savait être falsifiées, corrompues, toxiques.

- s'être livré sciemment à des opérations réservées aux pharmaciens.

C Jean est poursuivi par ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 26 janvier 2000 suivie d'une citation, pour avoir, à Paris, Meudon, et sur l'ensemble du territoire national, du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997:

- diffusé une publication comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la composition et les qualités substantielles de produits en annonçant faussement dans différents documents publicitaires que le produit X était "à la vanille" et que les produits X étaient "naturels".

- exposé, mis en vente ou vendu des denrées servant à l'alimentation de l'homme, qu'il savait être falsifiées, corrompues, toxiques.

- s'être livré sciemment à des opérations réservées aux pharmaciens.

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré:

B Guy

coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur,

faits commis du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997, à Paris, Meudon, sur le territoire national,

infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation

coupable d'exposition ou vente de denrée alimentaire, boisson ou produit agricole falsifié, corrompu ou toxique,

faits commis du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997, à Paris, Meudon, sur le territoire national,

infraction prévue par l'article L. 213-3 al. 1 2° du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-3, L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation

coupable d'exercice illégal de la pharmacie,

faits commis du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997, à Paris, Meudon, sur le territoire national,

infraction prévue par les articles L. 517, L. 512, L. 514 du Code de la santé publique et réprimée par les articles L. 517, L. 519 du Code de la santé publique

C Jean

Non coupable et l'a relaxé des fins de la poursuite du chef de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur,

faits commis du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997, à Paris, Meudon, sur le territoire national,

infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 12 1-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation

coupable d'exposition ou vente de denrée alimentaire, boisson ou produit agricole falsifié, corrompu ou toxique,

faits commis du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997, à Paris, Meudon, sur le territoire national,

infraction prévue par l'article L. 213-3 al. 1 2° du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-3, L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation

coupable d'exercice illégal de la pharmacie,

faits commis du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997, à Paris, Meudon, sur le territoire national,

infraction prévue par les articles L. 517, L. 512, L. 514 du Code de la santé publique et réprimée par les articles L. 517, L. 519 du Code de la santé publique

Et par application de ces articles,

Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal,

Condamné:

B Guy à 40 000 F d'amende,

Ordonné à titre de peine-complémentaire la confiscation des scellés.

C Jean à 10 000 F d'amende avec sursis,

ordonné à titre de peine complémentaire la confiscation des scellés,

Dit que cette décision était assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable chaque condamné,

Statuant sur l'action civile,

déclaré recevable, en la forme, la constitution de partie civile de Jean Marc Daubersies,

condamné solidairement Guy B et Jean C à payer à lui la somme de 1 000 F à titre de dommages-intérêts,

déclaré recevable en la forme la constitution de partie civile du Conseil de l'ordre des pharmacien,

condamné solidairement Guy B et Jean C à payer à lui la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 2 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

rejeté toutes autres demandes des parties civiles.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

Monsieur B Guy, le 20 septembre 2000, Sur les dispositions pénales et civiles contre Monsieur Daubersies Jean-Marc, Conseil national de l'ordre des pharmaciens;

M. le Procureur de la République, le 20 septembre 2000, contre Monsieur B Guy;

Conseil national de l'ordre des pharmaciens, le 25 septembre 2000, à l'encontre des dispositions du jugement rendu contre Monsieur B Guy, précisant que son appel concerne les dispositions civiles

Monsieur C Jean, le 25 septembre 2000, Sur les dispositions pénales et civiles contre Monsieur Daubersies Jean-Marc, Conseil national de l'ordre des pharmaciens;

M. le Procureur de la République, le 25 septembre 2000, contre Monsieur C Jean;

Décision:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels des deux prévenus, du Conseil national de l'ordre des pharmaciens et du Ministère public, interjetés à l'encontre du jugement entrepris

Guy B, est présent, assisté de son avocat qui a déposé des conclusions;

Jean C, comparaît, assisté de son avocat, qui a déposé des conclusions;

Le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, partie civile, est représenté par son avocat qui a déposé des conclusions

Jean-Marc Daubersies, partie civile, est présent à l'audience;

Rappel des faits et demandes:

Guy B, responsable de la société SARL Z, domiciliée <adresse>à Paris 16e, qui est chargée de la distribution en France, de produits diététiques, cosmétiques, d'hygiène corporelle, pour animaux, d'entretien ménager et de compléments alimentaires, tous importés des Etats-Unis, a interrogé la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes en janvier 1993 pour un avis sur un complément alimentaire à base de pulpe d'aloès; cette administration lui a répondu par courrier du 15-4-93, qu'en l'attente d'un examen par le Conseil supérieur d'hygiène publique de France, ce produit n'était pas conforme à la réglementation française et que le responsable de la première mise sur le marché pour sa commercialisation engageait sa responsabilité pénale; cette administration a attiré son attention à trois reprises sur l'irrégularité de la commercialisation en France de produits non conformes à la réglementation nationale (D57, D66 D212 en 1995);

Par une lettre du 18-1-96, Jean-Marc Daubersies a attiré l'attention de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes sur les pratiques commerciales de Jean C, revendeur de produits diététiques, exerçant son activité à Meudon qui lui avait vendu de la pulpe d'aloès buvable, lui précisant qu'en phase finale de cancer, il était possible de consommer jusqu'à un litre par jour lui donnant une brochure publicitaire attribuant à ce produit de nombreuses vertus thérapeutiques, d'ailleurs confirmées par le "docteur vert" Robert Dehin;

L'enquête a mis en cause plusieurs produits, commercialisés par la société Z et une information judiciaire a été ouverte, des chefs de publicité mensongère, mise en vente de denrées falsifiées et exercice illégal de la pharmacie; le magistrat a commis deux experts qui ont fait les constatations suivantes pour deux des produits:

- le produit X (substitut de repas dénommé Formulation hypocalorique ou délice à la vanille, qui comporte des minéraux, des teneurs en vitamines A, E, B1 et B6, et en potassium, supérieures aux valeurs déclarées), qui est soumis aux dispositions de l'arrêté du 20-7-77 relatif aux produits diététiques et de régime; il n'est pas conforme à la législation française car 1°) son étiquetage comporte le qualificatif "à la vanille alors que l'origine des arômes n'est pas précisée, 2°) sa composition n'est pas satisfaisante car l'ajout des nutriments n'a pas été soumis pour approbation à l'avis de la Commission d'étude de l'alimentation particulière (CEDAP), la quantité des nutriments ajoutés est supérieure à celle admise par cette commission et la broméline est employée sans avoir reçu l'autorisation, 3°) le mode de consommation qui figure sur l'étiquetage est trop vague et peut conduire à des consommations exagérées ou excessives;

- le produit W (est un complément alimentaire comportant de l'aloé Vera, plante non admise dans l'alimentation humaine, sauf comme source d'arôme); il n'est pas conforme à la législation française car 1°) son étiquetage n'est pas réalisé dans les conditions voulues, le qualificatif "naturel" pour des vitamines C et E ne peut être démontré, les additifs ne sont pas identifiés correctement et les conservateurs ne sont pas autorisés, 2°) la présence de gel naturel d'aloès n'est pas autorisée;

Jean C, revendeur de produits diététiques, a vendu de la pulpe d'aloès buvable, à Jean-Marc Daubersies en lui précisant la posologie et en lui donnant une brochure publicitaire attribuant à ce produit de nombreuses vertus thérapeutiques, confirmées par Robert D;

Le bulletin n° 1 du casier judiciaire des prévenus ne mentionne aucune condamnation;

Le Conseil national de l'ordre des pharmaciens demande par voie de conclusions à la cour de déclarer sa constitution de partie civile recevable en application des dispositions de l'article L. 423 1-2 du Code de la santé publique, et il soutient:

- que le législateur a décidé de déléguer aux pharmaciens, un véritable service public et un monopole, compatible avec la législation communautaire, dès lors d'une part qu'il s'applique indifféremment aux médicaments nationaux et importés et qu'il ne constitue pas une entrave à l'interdiction des restrictions quantitatives à l'importation ou toute autre mesure d'effet équivalent et d'autre part qu'il est justifié par la protection de la santé publique et de la vie des personnes

- qu'un médicament est un produit légalement défini à l'article L. 5111-1 du Code de la santé publique qui est soit présenté comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, soit administré à l'homme ou à l'animal, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques; qu'ainsi un médicament peut l'être d'une part par sa présentation, parce que le vendeur ou le fabricant lui donne l'apparence objective d'un médicament, par tous moyens tendant à faire naître une certitude, même implicite, des vertus thérapeutiques du produit ou d'autre part, par sa fonction, parce qu'il possède des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou à défaut d'effets thérapeutiques démontrés, s'il peut être utilisé en vue de modifier, restaurer, corriger les fonctions organiques;

- que la vente des plantes médicinales est réservée aux seuls pharmaciens, que ce monopole de vente des plantes médicinales non libéralisées est un texte d'ordre public, conçu dans un but de protection de la santé publique et que l'exercice illégal de la pharmacie est établi par la vente de plantes médicinales;

- que le décret du 15-5-81, régit la vente des compléments alimentaires dont la liste exhaustive est fixée par l'arrêté du 4-8-86 et qu'un tel produit même s'il est considéré qu'il n'a aucun effet thérapeutique connu, est un médicament s'il est présenté ou décrit comme ayant des propriétés préventives ou curatives;

Le Conseil national de l'ordre des pharmaciens estime que les prévenus, se sont livrés sciemment à des opérations réservées aux seuls pharmaciens, en commercialisant le produit W, boisson à base d'aloé vera, plante qui figure sur la liste des plantes médicinales, transformée par la société Z, qui a vanté, dans des documents publicitaires qu'elle a édités, les nombreux mérites thérapeutiques de ce produit;

Cette partie civile demande en conséquence, d'ordonner la fermeture de la société Sarl Z et à défaut, l'interdiction de commercialiser les produits visés à la prévention, W, B, V, sous astreinte de 1 000 F par produit et par infraction constatée à partir de l'arrêt à intervenir, d'ordonner aux frais avancés des prévenus la publication de l'arrêt à intervenir dans le "Moniteur du pharmacien" et dans un quotidien national, dans la limite de 15 000 F HT par publication, de condamner conjointement et solidairement les prévenus à lui payer la somme portée oralement à l'audience à 60 000 F à titre de dommages-intérêts et une somme de 25 000 F, en application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Jean-Marc Daubersies, partie civile, précise qu'il a acheté le produit pour la somme de 155 F, qu'il n'en a pas bu et que Jean C lui a proposé une vingtaine de fois de le rembourser; il demande la confirmation du jugement entrepris et une somme de 200 F, en application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Le Ministère public expose que les prévenus se sont rendus coupables de l'infraction de publicité mensongère, en vendant un produit à la vanille, sans vanille et qu'ils ont enfreint le monopole des pharmaciens en distribuant des produits à base de plante d'aloès en vantant ses qualités thérapeutiques; il requiert la confirmation du jugement déféré sur la culpabilité et une application plus sévère de la loi pénale;

Guy B, expose à la cour qu'il est actuellement retraité, habite au Canada et qu'il est venu pour cette audience; il indique que la société Sarl Z a été créée en mai 1993, est composée de 19 salariés et 3 000 distributeurs indépendants qui diffusent des produits dont 95 % sont à base d'aloès et prétend que cette plante, utilisée depuis 1 500 ans avant J-C est largement commercialisée librement dans d'autres Etats d'Europe: Espagne, Suède, Belgique, Italie;

1°) Pour le produit X, il soutient sur la réglementation, qu'avant le décret du 10-4-96, il n'existait pas de définition du complément alimentaire et qu'il n'apparaît pas possible de considérer que les compléments alimentaires seraient soumis à la réglementation du décret du 15-4-1912, que les produits diététiques, visés par l'arrêté du 20-7-77, puis celui du 4-5-98, sont classés en 3 catégories et que le produit X est conforme à cette réglementation; il admet que le délit de publicité mensongère est constitué dès lors que l'étiquette indique "à la vanille" sur le produit alors qu'il devrait être indiqué "saveur vanille" et le prévenu déclare ignorer que le terme naturel supposait l'absence de tout additif de synthèse, même mineur;

2°) Pour les produits vendus à base d'aloès, le prévenu ne conteste pas les résultats des analyses réalisées par le laboratoire des Fraudes à Strasbourg, mais conteste l'interprétation faite de la réglementation; il prétend qu'il est démontré que les compléments alimentaires tels que la pulpe d'aloès, sont en vente libre dans l'Espace économique européen et qu'une procédure en manquement d'Etat, est actuellement pendante devant la Cour de justice des Communautés européennes;

3°) Pour les poursuites sur le fondement de l'exercice illégal de la pharmacie, Guy B soutient qu'il ne peut être responsable des agissements de Jean C qui a fait un montage de la documentation réservée aux distributeurs professionnels et qui ne devait pas être diffusée au public;

Critiquant le jugement entrepris, le prévenu sollicite la plus grande indulgence pour le délit de publicité mensongère en constatant qu'il a mis fin à l'infraction et demande sa relaxe pour tous les autres chefs de la prévention; il entend voir débouter les parties civiles de toutes leurs demandes, fins ou conclusions;

Jean C expose à la cour, qu'il a une formation d'ingénieur, et qu'il est devenu distributeur de la société Sarl Z, qui est le plus important producteur et distributeur d'aloès au monde; il considère qu'en sa qualité d'importateur cette société devait demander les autorisations nécessaires à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes et prétend que malgré les avis négatifs, la société Z a affirmé à ses distributeurs, qu'elle avait obtenu l'avis de cette administration, tant pour ses produits, que pour son programme de compensation;

1°) Jean C demande la confirmation du jugement de relaxe pour le délit de publicité mensongère, affirmant qu'il n'a jamais vendu de produit X;

2°) pour la vente de denrées falsifiées, corrompues ou toxiques, Jean C estime qu'aucun élément du dossier ne permet de dire qu'il a commercialisé le produit X et soutient qu'il n'a vendu qu'un seul flacon de produit composé d'aloès, le 12-1-96, à Jean-Marc Daubersies et qu'en fonction de la note interne diffusée par la société Sarl Z il ne savait pas que le fabricant n'avait pas obtenu les autorisations administratives lui interdisant de mettre ces produits sur le marché;

3°) pour le délit d'exercice illégal de la pharmacie qui lui est reproché, le prévenu estime qu'aucun des éléments constitutifs de cette infraction ne peut être retenu contre lui;

Jean C sollicite la confirmation du jugement entrepris l'ayant relaxé du chef de publicité mensongère et il demande sa relaxe du chef de vente de produits corrompus ou falsifiés et du chef d'exercice illégal de la médecine subsidiairement, il demande à la cour de constater que les faits de vente de produits corrompus ou falsifiés, qui lui sont reprochés se sont déroulés du 12-1-96 au 31-10-96; à titre très subsidiaire, le prévenu espère être dispensé de peine et conclut que la réparation des prétendus préjudices des parties civiles pourrait se limiter à 1 F et que compte tenu de son état financier précaire, il convient de débouter les parties civiles de leur demande au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale

Sur ce

Sur l'action publique

Considérant que Guy B et Jean C sont poursuivis pour avoir, du 1-1-95 au 31-12-97:

1°) diffusé une publicité mensongère en annonçant faussement dans différents documents publicitaires que le produit X était à la vanille, et que les produits X étaient naturels,

2°) exposé, mis en vente ou vendu des produits servant à l'alimentation de l'homme, qu'ils savaient falsifiés, corrompus ou toxiques,

3°) pour s'être livré sciemment à des opérations réservées aux pharmaciens, Considérant que 1°) les faits de publicité mensongère sont établis à l'égard du prévenu Guy B qui reconnaît que l'étiquette du produit X indique "à la vanille" alors qu'il devrait être indiqué "saveur vanille" et que même si ce prévenu déclare ignorer que le terme "naturel" suppose l'absence de tout additif de synthèse, même mineur, sa culpabilité doit être retenue de ce chef, la cour confirmant la décision des premiers juges; qu'en revanche, il n'est pas établi par les pièces du dossier que Jean C a vendu ce genre de produit; que le doute bénéficiant au prévenu, la cour confirmera le jugement attaqué l'ayant relaxé de ce chef;

Considérant que 2°) les faits de vente de denrées falsifiées concernent les produits:

- V et W, complément alimentaire qui contient des conservateurs non autorisés et du gel naturel d'aloé vera, plante qui a fait l'objet d'un avis négatif du Conseil supérieur de l'hygiène publique de France (CSHPF),

- du produit A qui contient des bioflavonïdes, ingrédients non autorisés dans l'alimentation humaine, et de l'infusion Fleur d'aloès, composée de gymnéma sylvestre, plante médicinale, qui ne peut être commercialisée en dehors du circuit pharmaceutique;

- et de l'aliment Hypocalorique X, produit de régime, qui renferme de la broméline, substance non autorisée, des quantités excessives de vitamines et des minéraux non prévus dans la définition réglementaire du produit; que de plus, l'ajout des nutriments n'a pas été soumis pour approbation à l'avis de la Commission d'étude de l'alimentation particulière et le mode de consommation indiqué sur l'étiquetage est trop vague et peut conduire à des absorptions exagérées de nutriments;

Qu'il résulte de ces constatations scientifiques, établies par les deux experts commis, que les prévenus ont vendu des produits tels que V, W, A infusion Fleur d'aloès, qui contiennent des ingrédients non autorisés dans l'alimentation humaine, et qu'ils se sont bien rendus coupables des faits visés à la prévention du chef susvisé;

Que la commercialisation de l'aliment Hypocalorique X, reprochée au seul prévenu Guy B, est soumise à réglementation des produits diététiques ou de régime fixées par l'arrêté du 20 juillet 1977 pris pour l'application du décret du 24 janvier 1975, remplacé par les décrets abrogatifs des 15 mai 1981 et 29 août 1991; que ce produit renferme de la broméline, des quantités excessives de vitamines et de minéraux et le mode de consommation indiqué sur l'étiquetage est trop vague et peut conduire à des absorptions exagérées de nutriments; que cela caractérise le délit de mise en vente de denrées falsifiées;

Considérant que 3°) les prévenus ont commercialisé le produit W, boisson à base d'aloé vera; qu'il résulte des pièces du dossier:

Que cette plante qui figure sur la liste des plantes médicinales, a été transformée par la société Z, et que dans des documents publicitaires qu'elle a édités, elle a vanté les nombreux mérites thérapeutiques de ce produit, en se fondant aussi sur le livre de Robert Dehin, présenté comme le "docteur vert";

Que Jean C, revendeur des produits diététiques, a vendu de la pulpe d'aloé buvable, à Jean-Marc Daubersies en lui précisant la posologie et en lui donnant une brochure publicitaire attribuant à ce produit de nombreuses vertus thérapeutiques;

Qu'il en résulte que les deux prévenus se sont livrés sciemment à des opérations réservées aux seuls pharmaciens, en vendant, accompagnés d'une posologie, sans être titulaire du diplôme de pharmacien, des produits à l'aloès, présentés comme ayant des effets thérapeutiques pour l'être humain; que dès lors, ces faits constituent bien un exercice illégal de la pharmacie, étant précisé que pour le prévenu Jean C, la prévention doit être retenue pour la période du 12-1-96 au 31-10-96;

Considérant que les faits visés à la prévention sont donc établis et les infractions poursuivies caractérisées, comme il a été rappelé ci-dessus; qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité de chacun des prévenus ainsi que les mesures de confiscation des scellés qui constituent une juste application de la loi pénale;

Considérant que pour mieux prendre en compte la réelle gravité des infractions commises et la personnalité des prévenus, il convient d'aggraver les peines d'amende prononcées en condamnant Guy B à une amende de 100 000 F et Jean C à une amende de 15 000 F;

Sur l'action civile concernant Jean-Marc Daubersies

Considérant que Jean-Marc Daubersies n'étant pas appelant du jugement déféré, il convient donc de confirmer le jugement attaqué sur le montant des dommages intérêts qui lui ont été alloués; que la demande d'une somme de 200 F, qu'il formule au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, est justifiée et il y sera fait droit;

Sur l'action civile concernant le Conseil national de l'ordre des pharmaciens

Considérant que la constitution de partie civile du Conseil national de l'ordre des pharmaciens est bien recevable, que les prévenus se sont livrés sciemment à des opérations réservées aux seuls pharmaciens, que la cour possède les éléments d'appréciation pour fixer le préjudice subi par la partie civile à la somme de 50 000 F;

Considérant qu'au titre des intérêts civils, la cour décide d'ordonner la publication du présent arrêt, dans le "Moniteur du pharmacien" et dans un quotidien national au choix de la partie civile, dans la limite de 15 000 F HT par publication, aux frais avancés du seul prévenu Guy B, responsable de la société Sarl Z; que la demande d'une somme de 25 000 F, formulée par la partie civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, est justifiée dans son principe, mais doit être ramenée à la somme de 20 000 F;

Que le Conseil national de l'ordre des pharmaciens sera débouté des ses autres demandes, fins ou conclusions;

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels des deux prévenus, du Conseil national de l'ordre des pharmaciens et du Ministère public; Sur l'action publique: Confirme le jugement entrepris sur la relaxe partielle, les déclarations de culpabilité et les mesures de confiscations prononcées, L'infirme sur les peines d'amendes prononcées, Condamne Guy B à une amende de 100 000 F et Jean C à une amende de 15 000 F, Sur l'action civile concernant Jean-Marc Daubersies: Confirme le jugement entrepris en ses dispositions civiles concernant Jean-Marc Daubersies, Y ajoutant, Condamne Guy B et Jean C, solidairement, à payer à Jean-Marc Daubersies, partie civile, une somme de 200 F, au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; Sur l'action civile concernant le Conseil national de l'ordre des pharmaciens: Infirme le jugement entrepris en ses dispositions civiles concernant le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, Condamne solidairement Guy B et Jean C à payer au Conseil national de l'ordre des pharmaciens 1°) la somme de 50 000 F, à titre de dommages-intérêts, 2°) celle de 20 000 F, au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, Ordonne la publication du présent arrêt, aux frais avancés du prévenu Guy B, dans le "Moniteur du pharmacien" et dans un quotidien national au choix de la partie civile, dans la limite de 15 000 F HT par publication, Déboute le Conseil national de l'ordre des pharmaciens de toutes ses autres demandes, fins ou conclusions.