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Décisions

CA Rennes, ch. corr., 16 novembre 1992, n° 1565-92

RENNES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Association Force Ouvrière des Consommateurs

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Quinquis

Conseillers :

M. Le Corre, Mme Tremoureux

Avocats :

Mes Arion, Boquet

TGI Rennes, ch. corr., du 21 mai 1992

21 mai 1992

Statuant sur les appels interjetés le 21 mai 1992 par B Jacky et G Danielle épouse B prévenus, sur les dispositions pénales, le 25 mai 1992 par le Ministère public et le 27 mai 1992 par l'Association Force Ouvrière des Consommateurs (AFOC) partie civile d'un jugement contradictoirement rendu le 21 mai 1992 par application de l'article 410 du Code de procédure pénale (non signifié) par le Tribunal correctionnel de Rennes qui pour publicité mensongère a condamné B Jacky et G Danielle épouse B chacun à un mois d'emprisonnement avec sursis, 15 000 F d'amende, a ordonné la publication du jugement dans Rennes Pub et Ouest France d'Ille-et-Vilaine dans la limite d'un coût d'insertion de 4 000 F chacune et sur l'action civile les a condamnés à payer à l'AFOC la somme de 6 000 F à titre de dommages-intérêts et de 1 500 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Considérant que les appels sont réguliers et recevables en la forme;

Considérant qu'il est fait grief à Jacky B d'avoir à Rennes courant juillet 1990, en tout cas depuis temps n'emportant pas prescription de l'action publique, ensemble et de concert avec Danielle B effectué une publicité comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'existence, la nature, la composition, les qualités substantielles, la teneur en principes utiles, l'espèce, l'origine, la quantité, le mode et la date de fabrication, les propriétés, prix et conditions de vente de biens ou services, objet de la publicité, les conditions de leur utilisation, les résultats pouvant être attendu de leur utilisation, les motifs ou procédés de la vente ou de la prestation des services, la portée des engagements pris par l'annonceur, l'identité, les qualités ou aptitudes du fabriquant, des revendeurs, des promoteurs ou des prestataires, en l'espèce en diffusant dans le journal "Le Pub Rennes" n° 844 et 845 une annonce de réduction de prix de -30 % sur toute la literie de grandes marques et sur toutes les banquettes, mentionnant, pour chacun des articles offerts à la vente, un prix de référence ne correspondant pas à la réalité comme n'ayant pas été pratiqué par le magasin à l'enseigne "X" avant la parution de ladite annonce publicitaire;

Considérant qu'il est fait grief à Danielle G épouse B d'avoir à Rennes courant juillet 1990, en tout cas depuis temps n'emportant pas prescription de l'action publique, ensemble et de concert avec Jacky B effectué une publicité comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'existence, la nature, la composition, les qualité substantielles, la teneur en principes utiles, l'espèce, l'origine, la quantité, le mode et la date de fabrication, les propriétés, prix et conditions de vente de biens ou services, objet de la publicité, les conditions de leur utilisation, les résultats pouvant être attendu de leur utilisation, les motifs ou procédés de la vente ou de la prestation des services, la portée des engagements pris par l'annonceur, l'identité, les qualités ou aptitudes du fabriquant, des revendeurs, des promoteurs ou des prestataires, en l'espèce en diffusant dans le journal "Le Pub Rennes" n° 844 et 845 une annonce de réduction de prix de - 30 % sur toute la literie de grandes marques et sur toutes les banquettes, mentionnant, pour chacun des articles offerts à la vente, un prix de référence ne correspondant pas à la réalité comme n'ayant pas été pratiqué par le magasin à l'enseigne "X" avant la parution de ladite annonce publicitaire;

Faits prévus et réprimés par les articles 44 1, 44 II al. 7, 8 de la loi 73-1193 du 27/12/1973 et 1er de la loi du 1er août 1905,

Considérant qu'il ressort du dossier et des débats les éléments suivants:

Considérant qu'à la suite de plaintes répétées de concurrents contre le magasin de vente au détail de meubles et literies à l'enseigne X, <adresse>, exploité par la SARL Y, ayant pour gérante Mme G Danielle épouse B, la Direction de la Concurrence était conduite à contrôler la publicité insérée dans le journal "Le Pub Rennes" pour cette société d'octobre 1989 à juillet 1990; que selon l'administration ces publicités annonçaient des réductions de prix en pourcentage soit sur l'ensemble du magasin, soit sur toute la literie ou toute la literie de grande marque, sans autre précision, soit sur toutes les banquettes lits; qu'elles annonçaient aussi parfois des réductions de prix sous la forme d'une reprise de l'ancienne literie, à une valeur forfaitaire, à partir d'un achat d'un montant déterminé ; que ces réductions apparaissaient permanentes du 1er octobre 1989 au 27 juillet 1990;

Considérant pour ce qui concerne plus particulièrement les publicités insérées dans les numéros 845 (semaine du 10 au 16 juillet 1990) et 844 (semaine du 3 au 9 juillet 1990), publications identiques, qu'elles mentionnaient "moins 30 % sur toute la literie de grande marques", "moins 30 % sur toutes les banquettes" et énuméraient de nombreux articles pour lesquels était indiqué le prix initial et le prix réduit obtenu après réduction de 30 %;

Considérant qu'invité à justifier du prix de référence pour permettre l'exercice du contrôle, Jacky B qui se présentait comme vendeur responsable du magasin à l'enseigne X ayant personnellement conçu toutes les publicités de la société Y depuis le 2 octobre 1989, devait déclarer que les prix de référence étaient ceux pratiqués antérieurement par la société Z dont Y avait pris la suite le 2 octobre 1989 mais que ces prix de référence n'avaient jamais été pratiqués en réalité depuis cette date pour les banquettes et n'avaient été pratiqués en 1990 pour la literie que du 2 mai au 16 juin pendant l'opération de reprise d'ancienne literie dont la valeur forfaitaire venait en déduction de l'achat;

Considérant qu'entendu par la gendarmerie, Jacky B devait modifier ses déclarations en indiquant que les prix de référence étant régulièrement appliqués dans le magasin ce que confirmait son épouse gérante de la SARL Y;

Sur l'action publique

Considérant que l'arrêté ministériel du 2 septembre 1977 a réglementé les réductions de prix ; qu'elles doivent s'appliquer :

- soit sur le prix le plus bas pratiqué (marqué, affiché ou annoncé) par l'annonceur pour un article ou une prestation similaire dans le même établissement de vente au détail au cours des 30 derniers jours précédant le début de la publicité,

- soit sur le prix conseillé par le fabricant ou l'importateur,

- soit sur le prix résultant d'une disposition de la réglementation économique,

Considérant qu'il appartient au commerçant qui entend pratiquer des réductions de prix et donc bénéficier d'une réglementation qui lui est favorable, de justifier auprès de l'administration lorsqu'elle en fait la demande, qu'il respecte les conditions imposées en produisant la référence qui sert de base au calcul de la réduction de prix qu'il consent aux consommateurs, conformément à l'arrêté du 2 septembre 1977, qu'à défaut d'apporter une telle justification il est susceptible d'encourir des sanctions pénales pour publicité mensongère;

Considérant qu'en l'espèce, dans le secteur d'activité concernée, aucune réglementation économique fixant les prix n'est en vigueur;

Considérant que pour les prix conseillés par le fabricant à la date de l'opération de réduction (qui s'étend du 18 juin au 18 août 1990 selon les 2 publicités) M. et Mme B n'apportent des justificatifs que pour les prix conseillés par la société Duvivez et Pirelle en ce qui concerne la literie alors que la publicité porte sur de nombreuses autres marques de literie (Epéda, Pierre de Lys, Treca, Merinos, Z), ainsi que sur les banquettes; que pour ces articles il n'est invoqué aucun prix conseillé; que les justificatifs apportés ne concernent en réalité que 13 articles de literie sur 40 énumérés dans les publicités;

Considérant que pour le prix le plus bas pratiqué par l'annonceur pour un article similaire au cours des 30 derniers jours précédant le début de la publicité, il convient de retenir en fait la période de 30 jours précédant le début de la période au cours de laquelle les réductions sont applicables soit la période du 18 mai au 18 juin;

Considérant que pour cette période les prix pratiqués résultent notamment d'une publicité parue dans le journal Pub Rennes n° 838 du 6 juin 1989 annonçant des réductions de prix pendant une période s'étendant du 2 mai au 16 juin 1990;

Considérant que cette publicité proposait la reprise de l'ancienne literie du client en échange d'une réduction de 900 F à partir de 2 500 F d'achat et de 500 F jusqu'à 2 499 F qu'elle mentionne le prix des autres articles après application soit d'une déduction de 900 F soit de 500 F.

Considérant que le prix applicable après une telle remise ne peut servir à caractériser le prix de référence car la remise est subordonnée à une condition qui n'est pas nécessairement remplie par tous les consommateurs;

Considérant que les prévenus ne fournissent aucune justification des prix de référence qui étaient pratiqués au cours de la période du 16 mai au 18 juin 1990 ; que si au cours de l'enquête ils ont communiqué 1 279 bons de commande, 1 058 d'entre eux portant l'indication du prix de référence de l'article et celle du prix, après réduction, ces bons concernent la période du 18 septembre 1989 au 3 février 1990 selon le rapport de l'administration, non la période du 18 mai au 18 juin;

Considérant au surplus que la comparaison des publicités qui fondent les poursuites avec la publicité parue dans le n° 838 (prix pratiqués pour la période du 2 mai au 16 juin) révèle pour les autres articles une modification des prix de référence:

Considérant qu'il apparaît de la seule comparaison des publicités que le prix de référence sur lequel une réduction de 30 % était effectivement pratiquée entre le 18 juin et le 18 août excédait le prix de référence applicable du 2 mai au 16 juin;

Considérant qu'en ce qui concerne les banquettes lits il apparaît que du 2 mai au 16 juin la réduction de 30 % était consentie sur toutes les banquettes lits alors que déjà précédemment, du 30 janvier au 28 avril, une publicité annonçait une réduction de 25 % sur toutes les banquettes exposées en magasin ; qu'auparavant du 2 janvier au 22 janvier des soldes étaient organisées avec réductions de 20 %, 30 % et 40 % sur tous les articles présents en magasin, et en conséquence les banquettes ; que du 28 novembre au 30 décembre les banquettes lits se voyaient appliquer 30 % de réduction et encore 30 % du 1er octobre au 25 novembre, et enfin 30 % du 26 septembre au 7 octobre;

Considérant qu'il résulte de la succession quasi-ininterrompue de ces réductions, toutes annoncées par des publicités qui figurent au dossier, que la notion de prix de référence telle que définie par l'arrêté du 2 septembre 1977 avait perdu toute signification puisque, théoriquement ce prix de référence se trouvait réduit régulièrement pour devenir nul; qu'il est incontestable qu'au sens de cet arrêté, à la date des faits, aucune réduction ne pouvait être effectuée sur la base d'un prix nul;

Considérant que sur ces banquettes, M. B devait déclarer au cours de l'enquête que ces prix de référence n'avaient pas été pratiqués ;

Considérant que les publicités critiquées apparaissent mensongères dans la mesure où elles appliquent une réduction de 30 % sur les banquettes et les literies à un prix de référence supérieur à ce qu'il aurait du être si les prévenus avaient respecté la réglementation édictée pour définir les prix de référence; qu'il est démontré en ce qui concerne la literie que le prix de référence indiqué dans les publicités excédait ce qu'il aurait du être; que pour les banquettes la succession des réductions aurait du aboutir à un prix de référence nul alors que les prévenus n'ont pas contesté que les acquéreurs étaient tenus au paiement d'un prix;

Considérant que les publicités comportaient des allégations fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix pratiqués; que le prix réclamé au client aurait du en effet être inférieur à celui qui était demandé;

Considérant que les faits visés à la prévention sont établis par les éléments du dossier et les débats et ont été exactement analysés par les premiers juges qui ont infligé une sanction adéquate, et correctement estimé les demandes de la partie civile qui seront également confirmées, l'indemnité due au titre des frais irrépétibles étant fixée ainsi qu'il suit au dispositif ;

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement, En la forme: Reçoit les appels; Au fond, Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf à dire que les publications porteront sur un extrait du présent arrêt; Constate que l'avertissement prévu à l'article 737 du Code de procédure pénale n'a pu être donné aux prévenus absents lors du prononcé de l'arrêt; Condamne Jacky B et Danielle G épouse B à payer à l'AFOC partie civile la somme de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel; Condamne Jacky B et Danielle G épouse B, chacun pour leur part aux dépens de première instance et d'appel liquidés à la somme de trente mille huit cent quatre-vingt-quatorze francs et quatre-vingt centimes (30 894,80 F) ; En ce compris le droit fixe du présent arrêt, le droit de poste, le montant des amendes prononcées et non compris les frais postérieurs éventuels ; Prononce la contrainte par corps; Le tout en application des articles 44-I, 44 II al. 7, 8, 9, 10 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973, 1er, 7 de la loi du 1er août 1905, 473, 749 et 750 du Code de procédure pénale.