Livv
Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 6 mai 2003, n° 2002-02186

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Saint-Jevin

Défendeur :

Biotonic (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lebreuil

Conseillers :

MM. Grimaud, Baby

Avoués :

SCP Nidecker, Prieu-Philippot, SCP Malet

Avocats :

Mes Carmona, Chas.

TGI Castres, du 22 août 2001

22 août 2001

Madame Saint-Jevin a relevé appel le 20 mars 2002 du jugement rendu le 22 août 2001 par le Tribunal de grande instance de Castres qui l'a déboutée de sa demande et qui l'a condamnée à payer à la société Biotonic 6 000 F pour frais irrépétibles.

En 1999, Madame Saint-Jevin a participé au jeu promotionnel de la société Biotonic dont elle était la cliente. Ce jeu intitulé "Le grand gagnant 1999" promettait 100 000 F au gagnant. Madame Saint-Jevin a renvoyé son bon de participation et, au motif qu'elle était gagnante, elle a assigné la société Biotonic en paiement.

Madame Saint-Jevin soutient que les documents qui lui ont été adressés faisaient état d'une certitude de gain dès lors qu'elle remplissait les conditions prévues par le règlement, ce qu'elle a fait. Elle invoque les articles 1371 et 1147 du Code civil et l'obligation de la société Biotonic de délivrer le gain annoncé. A titre subsidiaire, elle fait valoir une faute sur le fondement de l'article 1382 du Code civil car la société Biotonic est l'auteur d'écrits qui l'ont persuadée qu'elle était gagnante. Madame Saint-Jevin conclut au paiement de 15 244,90 euros à titre contractuel avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 28 mars 2000, au paiement de la même somme à titre délictuel, au paiement de 1 000 euros pour résistance abusive. Elle sollicite 1 500 euros pour frais irrépétibles et le recouvrement direct des dépens par la SCP Nidecker et Prieu-Philippot.

La société Biotonic fait valoir que le règlement du jeu adressé à Madame Saint-Jevin précise qu'il s'agit d'un pré-tirage, que les coordonnées du gagnant potentiel ont été relevées par tirage au sort avant le dépôt postal des documents, que chacun des destinataires a reçu un document intitulé "Certificat de remise garantie au gagnant" personnalisé à son nom, que le gagnant en a reçu un identique portant se coordonnées préalablement tirées au sort, que Madame Saint-Jevin connaissait donc parfaitement l'existence d'un pré-tirage. Elle précise qu'à l'envers du bon de commande, il est exposé le fonctionnement du jeu et la nécessité du renvoi du bon de participation. Elle en déduit qu'il existe clairement deux conditions, celle d'avoir été tirée au sort et celle de renvoyer le bon de participation avant clôture. Elle conteste qu'il y ait un engagement contractuel puisqu'il existe un aléa et que le message était compréhensible par un consommateur normalement intelligent et attentif. Elle conteste également avoir commis une faute dans la présentation des documents qui ont nécessairement un caractère attractif. Elle conclut à la confirmation du jugement, au paiement de 1 500 euros pour frais irrépétibles, à la distraction des dépens au profit de la SCP Malet.

Sur quoi

Attendu que l'article 1371 du Code civil, invoqué en premier lieu par Madame Saint-Jevin, définit le quasi-contrat comme le fait volontaire de l'homme dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers et quelquefois un engagement réciproque des deux parties; que le fait d'annoncer un gain à une personne constitue un engagement envers celle-ci à la condition que l'annonce du gain soit présentée avec certitude;

Attendu qu'en l'espèce, en dehors d'un règlement du jeu difficilement déchiffrable, l'un des documents adressés à Madame Saint-Jevin et comportant la vignette de participation mentionne très lisiblement que Madame Saint-Jevin est la détentrice d'un numéro "désigné potentiellement gagnant";que cette restriction aux annonces fructueuses développées par ailleurs ne permet pas de considérer que la société Biotonic s'est engagée à verser à Madame Saint-Jevin le lot de 100 000 F;que la demande de Madame Saint-Jevin sur le fondement de l'article 1371 du Code civil n'est donc pas fondée;

Attendu que s'il n'existe pas de quasi-contrat faute d'engagement de la société Biotonic, il existe encore moins d'engagement contractuel au sens de l'article 1147 du Code civil;

Attendu, sur l'article 1382 du Code civil, que l'activité de vente pas correspondance de la société Biotonic s'adresse de manière générale à des personnes qui ont des difficultés de déplacement c'est-à-dire des personnes âgées, ou handicapées, ou isolées; que tel est le cas de Madame Saint-Jevin, âgée à l'époque de 74 ans et de surcroît en mauvaise santé; que la présentation des offres de la société Biotonic revêt un caractère malicieux en faisant croire à l'existence d'un gain;que Madame Saint-Jevin a reçu un certificat de remise de prix lui "confirmant ce jour (qu'elle) a gagné de façon indiscutable la somme de 100 000 F soit 10 millions de centimes"; qu'il est précisé sur un autre document portant un cachet "documents officiels", qu'elle est la destinataire d'un règlement de 100 000 F sur son compte personnel; que seule une lecture scrupuleuse assortie de la méfiance nécessaire à l'égard des pratiques publicitaires de cette forme de commerce permet au consommateur avisé et intelligent de déceler la duplicité des documents qui lui sont adressés; qu'il n'en demeure pas moins que cette présentation est fautive comme ayant pour objet de tromper, au moins provisoirement, le destinataire;qu'en l'espèce le comportement déloyal de la société Biotonic est d'autant plus caractérisé que dans les démarches énumérées à Madame Saint-Jevin pour recevoir son chèque, il lui est conseillé de passer une commande qui donnera à son dossier un caractère prioritaire;que la société Biotonic a donc commis une faute caractérisée;

Attendu, sur le préjudice,qu'il présente un caractère moral;que Madame Saint-Jevin a été abusée sur l'espérance d'un gain important; que par ailleurs elle a été trompée dans la confiance qu'elle a placée dans la société Biotonic qui s'adressait à elle et qui l'a incitée à passer une commande dans une perspective chimérique;que l'indemnisation tenant compte de ces éléments sera fixée à 4 500 euros;

Attendu que le caractère abusif de la résistance de la société Biotonic n'est pas démontré;

Attendu qu'il convient d'allouer 1 500 euros pour frais irrépétibles;

Par ces motifs: Infirme le jugement déféré; Dit que la société Biotonic a commis une faute à l'égard de Madame Saint-Jevin; Condamne la société Biotonic à payer à Madame Saint-Jevin quatre mille cinq cent euros (4 500 euros) à titre de dommages et intérêts; Déboute Madame Saint-Jevin de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive; Condamne la société Biotonic à payer à Madame Saint-Jevin mille cinq cent euros (1 500 euros) pour frais irrépétibles; Condamne la société Biotonic aux dépens; Autorise la SCP Nidecker et Prieu-Philippot à faire application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site