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Décisions

CA Angers, ch. corr., 5 décembre 2002, n° 02-00516

ANGERS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Midy (faisant fonctions)

Substitut général :

M. Auriel

Conseillers :

Mmes Barbaud, André

Avocats :

Mes Haie, Leprince

TGI Angers, ch. corr., du 14 déc. 2001

14 décembre 2001

Rappel de la procédure

Les faits

Daniel P est poursuivi pour avoir à Freigne (49):

- entre courant février et avril 2001 et en tout cas depuis temps non prescrit, fourni une déclaration mensongère en vue d'obtenir d'une administration publique ou d'un organisme chargé d'une mission de service public, une allocation, un paiement ou un avantage indu, en l'espèce en déclarant aux services vétérinaires et à la gendarmerie de fausses ascendance et descendance pour l'un de ses bovins atteint d'encéphalopathie spongiforme bovine, aux fins d'écarter cet animal de son cheptel et d'épargner à ce dernier la mesure d'abattage total réglementaire;

- entre courant février et avril 2001 et en tout cas depuis temps non prescrit, supprimé, altéré ou modifié de façon quelconque les monogrammes, lettres, chiffres ou signes de toute nature apposés sur des marchandises et servant à les identifier, en l'espèce en procédant à des changements d'identification et de bouclage des bovins de son cheptel enregistrés sous les noms de Hacienda, Hardiesse et Pampa.

Le Jugement

Le Tribunal correctionnel d'Angers, par jugement du 14 décembre 2001, a déclaré P Daniel Jules Maurice coupable des faits qui lui sont reprochés et l'a condamné à un an d'emprisonnement dont neuf mois avec sursis, à une amende de 20 000 F, a ordonné la publication dans les journaux Ouest-France toutes éditions et Courrier de l'Ouest toutes éditions, et sur l'action civile, à payer à la Fédération Nationale Bovine la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 5 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

LA COUR,

La partie civile sollicite l'indemnisation de son préjudice, outre une indemnité de procédure. Le Ministère public requiert la confirmation de la décision.

Le prévenu sollicite d'être renvoyé des fins de la poursuite.

Motifs

M. Daniel P est un éleveur sélectionneur en race Maine-Anjou, situé parmi les cinq meilleurs sélectionneurs de la race.

Il est administrateur de la CADEIA (centre d'insémination du Maine et Loire) membre de L'UPRA Maine Anjou (organisme chargé de la promotion de la race) il s'est engagé dans la mise en place de L'AOC Maine Anjou. Il réalise dans la région d'Angers des ventes de viande bovine en circuit court par l'intermédiaire de bouchers détaillants. Il a été primé à de nombreuses reprises et a obtenu plusieurs premiers prix au salon de l'agriculture de Paris.

Le 31 janvier 2001, le vétérinaire de l'élevage de Daniel P, le docteur Marquet est appelé pour examiner un bovin de l'exploitation, la vache dénommée Lada qui est coincée sous une barrière et présente des symptômes d' hyperexcitabilité. Le vétérinaire diagnostique une fracture vertébrale et décide de l'euthanasier.

Le cadavre de l'animal est pris en charge par la société Saria et est acheminé à Benet en Vendée, il fait l'objet le 2 février 2001 d'un prélèvement de tronc cérébral sous le numéro 088420.

Le 8 février 2001, le laboratoire du Maine et Loire transmet à la direction générale de l'alimentation un résultat positif ESB pour le prélèvement référencé.

La direction générale de l'alimentation transmet le 9 février le résultat positif au directeur des services vétérinaires du Maine et Loire.

Le docteur Marquet se rend ce jour chez son client qui conteste d'emblée la validité du résultat.

La notification officielle du résultat est faite à l'éleveur le 12 février 2001 et lui est remis un arrêté de mise sous surveillance de l'exploitation qui lui interdit tout mouvement d'animaux.

Daniel P va contester la traçabilité du prélèvement et par conséquent sa correspondance avec l'animal euthanasié, il refuse l'interdiction de sortie de ses animaux de l'exploitation.

Le 13 février 2001 il sollicite une dérogation à l'arrêté préfectoral en vue de la présentation de deux animaux au salon de l'agriculture de Paris, cette demande est refusée le 14 février.

Le 15 février 2001, l'AFFSSA confirme le résultat positif ESB du prélèvement effectué.

Le 16 février 2001, l'exploitation de Daniel P est placée sous arrêté portant déclaration d'infection.

Le 20 février 2001, Daniel P sollicite auprès du Préfet du Maine et Loire une expertise afin d'être assuré que l'animal détecté positif ESB provient bien de son cheptel, l'expertise consiste à contrôler l'identité de l'animal par comparaison de l'ADN extrait du tronc cérébral de l'animal positif avec ceux de ses parents, il s'agit d'un contrôle de filiation.

Le 23 février 2001, un prélèvement de sang est effectué sur la vache Hancienda numéro d'identification national 4992 122 757 présentée comme étant la mère de Lada, le laboratoire possède la carte génétique de Gival, taureau d'insémination artificielle, père de Lada.

Les conclusions du laboratoire font ressortir que l'ADN de l'animal positif à l'ESB est incompatible avec l'ADN d'Hacienda, ce résultat tendrait à prouver conformément aux dires de l'éleveur que l'animal positif à l'ESB n'est pas la fille d'Hacienda et Lada étant la fille d'Hacienda qu'une erreur aurait été commise au laboratoire sur l'identité du prélèvement, l'animal positif à l'ESB ne serait pas Lada.

Cependant le laboratoire possède dans ses archives le résultat de typage de groupe sanguin pratiqué en mars et mai 1995 sur Hacienda.

Le laboratoire va comparer le groupe sanguin d'Hacienda 1995 avec le groupe sanguin d'Hacienda 2001, à l'issue du contrôle il allait apparaître que les deux groupes sanguins étaient différents, cette constatation emportait pour conséquence que la mère de Lada, n'est pas Hacienda 2001.

Daniel P contestait les résultats du laboratoire et proposait qu'un prélèvement soit effectué sur la fille d'Hacienda et du taureau Gireste, la vache Pampa.

Le laboratoire commis pour procéder aux analyses concluait à : - l'incompatibilité entre Hacienda 1995 et Hacienda 2001 - l'incompatibilité de Lada avec Hacienda 2001 - l'incompatibilité entre Lada et Pampa qui ne pouvait pas non plus être la petite fille des deux profils génétiques Hacienda 1995 et Hacienda 2001.

En la présence du prévenu, les enquêteurs ont constaté que la vache qu'il leur avait présentée comme étant Hacienda portait une boucle d'identification différente de son numéro de tatouage, cette dernière se rapprochait de celui de la vache Hardiesse.

L'analyse des silhouettes des animaux a révélé que la robe d'Hardiesse était celle d'Hacienda.

Le tatouage de la vache Hardiesse dans l'oreille droite était le numéro d'identification d'Hacienda soit le numéro 4992122757.

En raison des dénégations persistantes du prévenu, un contrôle de la filiation tant ascendante que descendante des deux vaches Hacienda et Hardiesse a été effectué, il en résultait que la vache Hardiesse était en fait Hacienda 1995.

Daniel P ne contestait plus l'inversion des deux vaches, il affirmait ne pas avoir procédé frauduleusement à ces inversions.

Il résulte des éléments du dossier que l'erreur de boucle, si elle est en théorie possible, portait en l'espèce sur des animaux dont la filiation permettait au prévenu de contester les conclusions d'ESB dans son élevage. Contrairement à ses dires l'intérêt de contredire ce constat était important puisque cela tendait à éviter l'abattage du cheptel en son entier. La persistance des dénégations du prévenu, la multiplicité des contrôles sollicitées et la déclaration faite par lui qu'il ignorait que le laboratoire possédait dans ses archives le résultat de typage de groupe sanguin pratiqué en 1995 sur la vache Hacienda révèlent l'intention délictuelle.

C'est cet archivage qui a permis de détruire l'ensemble frauduleux édifié par le prévenu dès qu'il s'est rendu compte que Lada était atteinte d'ESB.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré coupable Daniel P des délits, objets de la prévention par la modification des boucles d'identification des bovins Hacienda, Hardiesse et Pampa et par la déclaration mensongère à une administration publique en vue d'obtenir un avantage indû. Concernant la peine, elle sera réformée, la peine d'emprisonnement de un an assortie du sursis et une peine d'amende de 1 500 euros constituera la sanction appropriée aux faits et à la personnalité du prévenu.

La publication de l'arrêt sera ordonnée.

Concernant l'action civile, les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi pour la Fédération Nationale Bovine. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement sur la déclaration de culpabilité et l'action civile, Réforme sur la peine, Condamne Daniel P à la peine d'un an d'emprisonnement et à une amende de 1 500 euros, Dit qu'il sera sursis à l'exécution de la peine d'emprisonnement pendant cinq ans conformément aux dispositions des articles 132-30 et 132-31 du Code pénal, Constate que l'avertissement prescrit par l'article 132-40 du Code précité n'a pas été donné à l'intéressé, absent, Ordonne la publication de l'arrêt par extrait dans les journaux Ouest France toutes éditions et le Courrier de l'Ouest toutes éditions aux frais du condamné, sans que le coût de chaque publication ne puisse dépasser 1 000 euros, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euros dont est redevable le condamné, conformément aux dispositions de l'article 1018-A du Code général des impôts. Ainsi jugé et prononcé par application de l'article 441-6 al.2 du Code pénal, L. 217-2 du Code de la consommation.