CA Aix-en-Provence, 5e ch. corr., 30 mai 2000, n° 2000-507
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Fédération nationale de l'immobilier, Agence Alp'Azur (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bianconi
Substitut :
général: M. Pinelli
Conseillers :
Mmes Besset, Alluto
Avocats :
Mes Alias, Aguid, Touboul.
Rappel de la procédure
La prévention
Jean-Paul S a été poursuivi devant le Tribunal correctionnel de Digne-Les-Bains pour avoir:
- à (localité)et en tout cas sur le territoire du département des Alpes de Haute-Provence, courant 1995 et 1996 et en tout cas depuis temps non prescrit, exercé la profession d'agent immobilier sous couvert de locations saisonnières offertes par la société SARL X dont il est le gérant, en se livrant de manière habituelle aux opérations visées à l'article 1er de la loi du 2 janvier 1970, sans être titulaire de la carte professionnelle, ni tenir le registre des mandats, faits prévus et réprimés par les articles 1, 5 et 18 de la loi du 2 janvier 1970, 1 et 65 du décret du 20 juillet 1972,
- dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, diffusé un document publicitaire intitulé "propriétaires de (localité)associés - tarif des locations hiver 95/96" portant au verso la phrase "Agence de location disposant d'environ 300 appartements situés en grande majorité à (localité)1600, à environ 150 mètres de la galerie commerciale et entre 50 et 200 mètres des pistes de ski" cette présentation et ces affirmations s'étant avérées fausses, faits prévus et réprimés par les articles L. 121-1 et L. 213-1 du Code de la consommation;
Le jugement
Par jugement contradictoire en date du 5 mars 1998, le tribunal l'a déclaré coupable des faits reprochés et l'a condamné à la peine de 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 F d'amende;
Sur l'action civile, a déclaré la SARL X civilement responsable de son gérant, Jean-Paul S, a reçu la SARL Alp'Azur et la FNAIM en leurs constitutions de partie civile, a ordonné une expertise afin d'évaluer le préjudice subi par la SARL Alp'Azur, a condamné Jean-Paul S et la SARL X à payer:
à la SARL Alp'Azur, la somme de 100 000 F à titre de provision, à la FNAIM, la somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts, Jean-Paul S à payer les sommes de 5 000 F à la SARL Alp'Azur et 2 500 F à la FNAIM au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
Les appels
Jean-Paul S a régulièrement interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions par déclaration au greffe du 10 mars 1998;
Le Ministère public en a relevé appel incident le même jour;
La SARL X, civilement responsable, a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 11 mars 1998;
Le FNAIM a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe du 23 mars 1998;
Décision:
En la forme,
Attendu que les appels formés par le prévenu, par le civilement responsable et par le Ministère public sont recevables pour avoir été interjetés dans les formes et délais légaux;
Attendu que la FNAIM ne justifie pas de circonstances l'ayant mise dans l'impossibilité absolue d'exercer son recours en temps utile;
Que son appel incident, faute d'avoir été formé dans le délai impératif de 15 jours à compter du 5 mars 1998 doit, en application des articles 498, 499 et 500 du Code de procédure pénale, être déclaré irrecevable comme tardif;
Attendu qu'il sera statué par arrêt contradictoire à l'égard de toutes les parties;
Au fond,
rappel succinct des faits:
Le 11 septembre 1995, la gérante de la SARL Alp'Azur, agent immobilier FNAIM, déposait plainte à l'encontre de Jean-Paul S en dénonçant son activité illicite d'agent immobilier à travers les activités de l'agence de voyages X qu'il gérait:
Elle indiquait que cette agence proposait des locations saisonnières meublées alors que Jean-Paul S n'était pas titulaire de la carte professionnelle d'agent immobilier exigée par la loi du 2 janvier 1970 dite "loi Hoguet";
S invoquait les dispositions dérogatoires de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1992 permettant aux agents de voyage de proposer des locations saisonnières à usage touristique;
Par ailleurs, S diffusait des publicités de l'agence de voyages sous l'appellation "propriétaires de (localité)associés" annonçant qu'elle disposait "d'environ 300 appartements situés en majorité à (localité)1 600", ce qui ne correspondait pas aux éléments de l'enquête effectuée, les capacités de l'agence étant très inférieures au chiffre annoncé;
Moyens des parties
Jean-Paul S et la SARL X concluent à la relaxe et à l'irrecevabilité des constitutions de parties civiles;
Ils font valoir que la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992 relative à l'organisation et ventes de voyages et séjours contient 2 articles, "à contenance quelque peu contradictoire" excluant l'élément intentionnel du délit d'exercice illégal de la profession d'agent immobilier;
Concernant la publicité fausse ou de nature à induire en erreur, ils concluent à l'inapplicabilité de l'article L. 213-1 du Code de la consommation qui vise le délit de tromperie, lequel n'est pas constitué, et l'inapplicabilité de l'article "L. 212-1" qui ne prévoit aucune répression et n'est visé ni dans le procès-verbal de convocation ni dans la citation à prévenu du parquet";
Concernant les constitutions de parties civiles de la SARL Alp'Azur et de la FNAIM, ils font valoir qu'elles ne justifient pas d'un préjudice directement lié aux infractions poursuivies;
Le Ministère public requiert la confirmation du jugement;
La SARL Alp'Azur conclut à la confirmation du jugement;
Elle demande en outre la publication de la décision à intervenir dans un quotidien national et deux quotidiens régionaux ainsi que la condamnation de Jean-Paul S et de la SARL X au paiement d'une somme de 25 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
La FNAIM conclut à la condamnation de Jean-Paul S à lui payer les sommes de 100 000 F à titre de dommages et intérêts, outre celle de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
Motifs de la décision:
Attendu que les premiers juges, après rappel de la prévention et de la procédure jusque-là suivie ont exactement exposé les faits; que sur ces points la cour se réfère aux énonciations du jugement déféré;
Sur la culpabilité
Attendu que les premiers juges pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de Jean-Paul S du chef d'exercice illégal de la profession d'agent immobilier ont notamment retenu qu'il résultait des éléments de la procédure, prospectus publicitaires, contrats de location et contrat de travail de Georges L, directeur d'agence pour le compte de la SARL X, que le prévenu, sous le couvert de cette société, se livrait habituellement, hors forfait touristique, lequel est défini à l'article 2 de la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992, à la location de meublés saisonniers, voire à la vente d'immeubles, activités demeurant régies par les dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 visées à la prévention et non respectées par le prévenu;
Que l'article 14 de la loi du 13 juillet 1992 invoqué par Jean-Paul S dispose : "les dispositions du présent titre s'appliquent aux opérations énumérées à l'article 1er, au dernier alinéa de l'article 3 et à l'article 25.
Toutefois, elles ne sont pas applicables lorsque ces prestations n'entrent pas dans un forfait touristique, tel que défini à l'article 2: à la location de meublés saisonniers, qui demeurent régis par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970";
Que ce texte est suffisamment clair pour être compris d'un professionnel tel que Jean-Paul S; qu'il ne saurait dès lors arguer d'un défaut d'élément intentionnel;
Attendu que Jean-Paul S a également été poursuivi pour avoir "diffusé un document publicitaire intitulé "Propriétaires de (localité)associés; tarif des locations d'hiver 95/96 "portant au verso la phrase "agence de location disposant d'environ 300 appartements situés en grande majorité à (localité)1 600, à environ 150 mètres de la galerie commerciale et entre 50 et 200 mètres des pistes de ski", cette présentation et ces affirmations s'étant avérées fausses";
Que la citation, ayant précisément énoncé les faits poursuivis, visait expressément les textes de loi qui les répriment, à savoir, les articles L. 121-1 et L. 213-1 du Code de la consommation;
Que pour entrer en voie de condamnation de ce chef à l'encontre de Jean-Paul S, les premiers juges ont notamment retenu que cette publicité était inexacte et de nature à induire en erreur leurs destinataires, lesquels pouvaient en attendre un grand choix, alors que le parc locatif du prévenu était de 25 appartements en 1995 et de 60 en 1996;
Que c'est donc par des moyens exacts et fondés en droit que la cour adopte expressément que les premiers juges ont retenu la culpabilité du prévenu des deux chefs visés à la prévention;
Sur la peine
Attendu que le tribunal a également prononcé des peines proportionnées à la gravité des faits reprochés au prévenu et à sa personnalité;
Qu'il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions relatives à l'action publique;
Sur l'action civile
Attendu que la SARL Alp'Azur, titulaire d'une licence d'agence de voyages et de la carte professionnelle loi Hoguet, ainsi que la FNAIM, association professionnelle regroupant des agents immobiliers et ayant pour objet la représentation et la défense des intérêts de la profession, justifient avoir subi un préjudice direct et certain de fait de l'infraction d'exercice illégal d'agent immobilier reprochée à Jean-Paul S;
Que c'est à bon droit que le tribunal a reçu leurs constitutions de parties civileset ordonné une expertise aux fins d'évaluer le préjudice subi par la SARL Alp'Azur;
Attendu qu'une société commerciale ne peut être déclarée civilement responsable de son représentant légal, le mandat social étant exclusif de tout lien de subordination; qu'il y a lieu de mettre hors de cause la SARL X citée comme civilement responsable de son représentant légal, et de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné Jean-Paul S à verser à la partie civile une provision de 100 000 F et la somme de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
Qu'il n'y a pas lieu à ordonner, en outre, la publication de la décision;
Attendu que le tribunal a justement apprécié le montant des dommages et intérêt et celui des frais irrépétibles dus à la FNAIM;
Que la cour dispose des éléments d'appréciation pour fixer à 3 000 F le montant des frais irrépétibles exposés par la SARL Alp'Azur, partie civile intimée, en cause d'appel;
Que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale à l'égard de la FNAIM, partie civile dont l'appel est irrecevable;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, En la forme, Reçoit les appels formés par Jean-Paul S, prévenu, le Ministère public et la SARL X, déclare l'appel de la FNAIM irrecevable comme tardif, Au fond, Confirme le jugement déféré sur la culpabilité et la peine, le réformant partiellement sur l'action civile, Met hors de cause la SARL X citée comme civilement responsable de son représentant légal, Jean-Paul S, Dit n'y avoir lieu à publication de la décision, Confirme, pour le surplus, les dispositions civiles du jugement déféré, Y ajoutant, Condamne Jean-Paul S à payer à la SARL Alp'Azur la somme de 3 000 F au titre des frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel. Rejette toutes autres demandes. Le tout conformément aux articles visés au jugement, au présent arrêt, et aux articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.