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Décisions

Cass. crim., 12 juin 1995, n° 94-82.984

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gondre

Rapporteur :

M. Schumacher

Avocat général :

M. Amiel

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié

Paris, 13e ch., du 19 mai 1994

19 mai 1994

LA COUR: - Statuant sur le rejet du pourvoi formé par X Françoise, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 19 mai 1994, qui, pour vente de produit ou prestation de service à un consommateur ou sous condition, l'a condamnée à 1 000 F d'amende; - Vu le mémoire produit; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-5, 112-1 et suivants du nouveau Code pénal, 4 de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, 6 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale:

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable d'avoir subordonné la prestation d'un service à celle d'un autre service et l'a condamnée de ce chef à la peine de 1 000 F d'amende;

"alors que l'abrogation par l'article 4 de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 de l'article 30 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, prive de base légale l'article 33 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986; que la cour d'appel qui est cependant entrée en voie de condamnation, sans relever la caducité du règlement réprimant l'infraction poursuivie à la suite de l'abrogation de l'ordonnance pour l'application de laquelle il avait été pris, a violé les textes susvisés ";

Attendu que, si l'article 4 de la loi du 26 juillet 1993 a abrogé l'article 30 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, relatif à la vente de produit ou prestation de service à un consommateur sous condition, et applicable à la date des faits poursuivis, la loi précitée, en créant le Code de la consommation, a, dans l'article L. 122-1, maintenu cette infraction sans ajouter de nouveaux éléments constitutifs; qu'en outre, les peines applicables sous l'empire de l'ancien comme du nouveau texte d'incrimination sont celles prévues par l'article 33 du décret du 23 décembre 1986, réprimant cette infraction de la peine d'amende prévue pour les contraventions de 5e classe;

Attendu, dès lors, que l'erreur commise par l'arrêt attaqué dans le visa des textes d'incrimination n'est pas de nature à donner ouverture à cassation; qu'ainsi, le moyen ne peut être admis;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 122-1 du Code de la consommation, ensemble L. 121-35 du même Code, des articles 23, 24, 25 et 33 du décret du 29 décembre 1986, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale:

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable d'avoir subordonné la prestation de service à celle d'un autre service et l'a condamnée de ce chef à la peine de 1 000 F d'amende;

"aux motifs, adoptés des premiers juges, que la société Y imposait dans ses conditions générales, la souscription d'assurance annulation-assistance sachant que selon la définition de la directive CEE du 13 juin 1990, le forfait comporte deux des trois éléments suivants: transport, logement, autres services touristiques non accessoires au transport ou au logement et représentant une part significative dans le forfait; que les assurances susvisées ne sont pas des éléments constitutifs du forfait et ne peuvent être souscrites que de manière facultative; que la spécificité du produit est d'inclure des assurances qui se doivent, aux termes de la réglementation, d'être facultatives de sorte que la prévention est établie;

"alors que, d'une part, la prohibition des ventes liées prévue par l'article L. 122-1 du Code de la consommation suppose que les biens ou services dont la fourniture est liée, soient dissociables; que tel n'est pas le cas des ventes de forfait de voyage dont la spécificité est d'être une opération licite unique comprenant diverses prestations de services composites indissociables les unes des autres parmi lesquelles l'assurance annulation-assistance qui constitue un élément déterminant de la diminution du prix global du forfait;

"alors que, d'autre part, et en tout état de cause, à supposer que l'article L. 122-1 du Code de la consommation soit susceptible de s'appliquer aux forfaits de voyage comprenant une assurance-annulation obligatoire, un tel forfait est licite s'il répond aux exigences du fait justificatif prévu par le second alinéa de l'article L. 121-35 du même Code qui autorise la vente de produits ou prestations de service réalisée avec primes lorsque celles-ci ont une faible valeur; que dans la mesure où la vente assortie d'une prime de faible valeur est censée ne pas forcer la volonté du consommateur, une telle vente est nécessairement licite au regard de la qualification des ventes liées, les deux infractions visant la même finalité; qu'en l'espèce, le montant de l'assurance a été évalué à 10 F de sorte que cette prestation de service ne peut constituer ni une prime illicite, ni une vente jumelée et qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ";

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 121-1 et 121-4 du Code pénal, L. 122-1 du Code de la consommation, 33 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, du principe de la personnalité des peines, défaut de motifs, manque de base légale:

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable d'avoir subordonné la prestation de service à une autre prestation de service en imposant au consommateur la souscription d'une assurance-annulation et l'a condamnée de ce chef à une peine de 1 000 F d'amende;

"aux motifs que les éléments invoqués par la prévenue pour écarter la responsabilité pénale sont extérieurs à la cause, car il incombait personnellement à Françoise X de veiller à ce que le contrat d'assurance ne soit pas impérativement imposé au consommateur, celui-ci ne pouvant être, de par la loi, que facultatif;

"alors que seules les ventes liées ou jumelées réalisées directement entre un consommateur et un vendeur de produits et services sont pénalement sanctionnées par une contravention de 5e classe prévue par l'article 33 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, la prohibition des ventes soumises à condition entre professionnels pouvant seulement ouvrir droit à une réparation civile; que la complicité de contraventions par provocation susceptible d'être reprochée aux intermédiaires de la vente qui n'ont pas la qualité de vendeur au sens du texte susvisé, est une disposition pénale plus sévère qui ne peut s'appliquer aux faits commis antérieurement au 1er mars 1994; qu'en l'espèce, l'agence Y dirigée par Mme X est un revendeur intermédiaire qui achète des forfaits de voyage à la société anonyme Z et les cède à la société anonyme W, professionnel qui les offre ensuite aux consommateurs; que dès lors en déclarant la prévenue coupable de ventes liées sans constater sa qualité de vendeur direct auprès des consommateurs, la cour d'appel n'a pas caractérisé les éléments constitutifs de l'infraction et a privé sa décision de base légale ";

Les moyens étant réunis; - Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que les époux C ont, par l'intermédiaire d'une agence de voyages, conclu avec la société anonyme, dont Françoise X est le président, un contrat de voyage forfaitaire qui comportait l'obligation de payer le coût d'une assurance garantissant les risques d'annulation du contrat et d'assistance aux personnes et aux biens;

Attendu que, pour condamner Françoise X pour la contravention visée à la prévention, la cour d'appel énonce, par motifs propres et adoptés des premiers juges, qu'en imposant au consommateur de souscrire une telle assurance, en violation des dispositions de la directive 90-314-CEE du 13 juin 1990 et de l'arrêté interministériel du 14 juin 1982, alors applicable, selon lesquelles les assurances doivent être facultatives, la prévenue a subordonné la vente d'un produit ou la prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un autre produit;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que les dispositions de l'article L. 121-35 du Code de la consommation sont étrangères aux poursuites, les juges ont justifié leur décision sans encourir les griefs allégués; - d'où il suit que les moyens doivent être écartés;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.