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Décisions

Ministre de l’Économie, 26 décembre 2002, n° ECOC0300416Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils de la société Recticel, Pikolin et Holdindus

Ministre de l’Économie n° ECOC0300416Y

26 décembre 2002

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier dont il a été accusé réception le 21 novembre 2002, vous avez notifié les deux opérations suivantes:

(i) D'une part, l'acquisition, par la société Raphael SAS (ci-après "Raphael"), société nouvellement créée contrôlée par la société Compagnie financière européenne de literie (ci-après "Cofel"), elle-même actuellement conjointement contrôlée par le groupe Recticel (ci-après "Recticel") et Pikolin SA (ci-après "Pikolin"), d'une partie de l'activité literie en France du groupe Recticel;

(ii) D'autre part, l'acquisition d'un contrôle conjoint par Holdindus SA (ci-après "Holdindus") avec Recticel et Pikolin sur Cofel.

Ces deux transactions ont été formalisées par la conclusion, simultanée, de deux protocoles d'accord en date du 20 novembre 2002 entre, d'une part, Recticel et Pikolin et, d'autre part, Recticel et Holdindus. Ces deux transactions ont enfin abouti à la signature d'un pacte d'actionnaires en date du 20 novembre 2002 entre Recticel, Pikolin et Holdindus relatif à l'administration et la gestion de Cofel.

Dans la mesure où l'entrée de Holdindus dans le capital de Cofel, [...] (*), est intimement liée au transfert, par Recticel à Cofel, d'une partie de son activité literie en France (cf. note 1), il convient de considérer ces deux opérations comme connexes et de les analyser conjointement.

I. - Les parties et l'opération

La première opération consiste en l'acquisition d'un contrôle conjoint - avec Recticel et Pikolin, déjà présents avant l'opération - sur Cofel par Holdindus (cf. note 2).

Holdindus, entreprise acquéreuse, est une société nouvellement créée dont l'unique objet est la prise de participation dans Cofel. Cette société est contrôlée par Smart Communication SA, société de droit suisse, à hauteur de 52,63 %, et par M. Alain Nicod à hauteur de 47,37 %. Smart Communication, dont l'unique actionnaire est M. Alain Nicod, a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires total de 138 000 euro (cf. note 3), exclusivement en Suisse, qui résulte de son activité de conseil, d'assistance et de prestations de services. M. Alain Nicod ne détient, à ce jour, directement ou via Smart Communication, aucune participation dans l'industrie de la literie (matelas ou sommiers) ou dans tout autre secteur industriel.

Cofel, entreprise cible, est actuellement détenue par Recticel (50,01 % (cf. note 4) ) et Pikolin (49,99 % (cf. note 5) ). Cofel est une société holding dont l'objet est la détention de la quasi-intégralité du capital de la Compagnie des matelas Epeda et Merinos (ci-après "Comem") et, dans le futur, de toutes autres sociétés ayant pour objet la fabrication et/ou la commercialisation de literie (prochainement Raphael). Il convient de noter que Comem, anciennement Merico, assure la continuation des activités de Slumberland France, dont l'acquisition conjointe par Recticel et Pikolin a été autorisée par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie le 13 septembre 2001. Les sociétés contrôlées par Cofel, qui emploie 39 salariés, ont réalisé un chiffre d'affaires de plus de 52 millions d'euros en France.

Recticel est actif dans le domaine de l'isolation, de l'automobile, de la fabrication de mousses souples et de la literie. S'agissant plus particulièrement de l'activité relative à la literie, Recticel fabrique et commercialise des sommiers et des matelas dans différents pays et sous diverses marques (notamment Swissflex, Lattoflex ou Bultex). Recticel, qui emploie plus de 11 379 personnes, a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires supérieur à 1,5 milliard d'euros dans le monde (dont 223 millions en France).

Pikolin est une société anonyme de droit espagnol présente principalement en Espagne, plus accessoirement au Portugal, et en France par l'intermédiaire de Cofel, dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de produits de literie. Pikolin, qui emploie plus de 1 300 personnes, a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires mondial de 152 millions d'euros (dont 26 millions d'euros en France (cf. note 6)).

La seconde opération consiste en l'acquisition par Cofel, via Raphael (cf. note 7), société nouvellement créée, d'une partie des activités de literie en France exercées auparavant en propre par Recticel. Les actifs cédés par Recticel à Raphael sont constitués par les activités de literie exercées en France sous la marque Bultex (y compris le fonds de commerce avec tous ses éléments - personnel, actifs mobiliers et immobiliers - ainsi que la marque de literie Bultex pour la France). Le chiffre d'affaires généré par l'activité s'est élevé, en 2001, à 84 millions d'euros (réalisés pour l'essentiel en France).

II. - Contrôlabilité

S'agissant de la première transaction, et en vertu de l'accord et du pacte d'actionnaires précités, M. Nicod, qui contrôle Smart Communication, exercera via Holdindus, à l'issue de l'opération, un contrôle conjoint sur Cofel avec Recticel et Pikolin. Holdindus bénéficiera en effet, compte tenu des termes du pacte d'actionnaires, d'un ensemble de droits lui conférant, tout comme à Recticel et à Pikolin, un pouvoir de blocage sur les décisions stratégiques de Cofel (cf. note 8). Cette opération, en ce qu'elle emporte un contrôle conjoint de Holdindus, Pikolin et Recticel sur Cofel, constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

Compte tenu des chiffres d'affaires réalisés par Smart Communication (cf. note 9), Recticel et Pikolin, entreprises concernées par cette opération (cf. note 10) et de la répartition géographique de leur chiffre d'affaires, cette opération ne revêt pas une dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

S'agissant de la seconde transaction, et en vertu de l'accord précité, Cofel contrôlera, à l'issue de l'opération, les activités de literie commercialisées antérieurement en propre par Recticel en France sous la marque Bultex. Cette opération, en ce qu'elle emporte un contrôle desdites activités par Cofel, constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

Compte tenu des chiffres d'affaires réalisés par Recticel, Pikolin et par l'activité literie cédée, entreprises concernées par cette opération (cf. note 11), et de la répartition géographique de leur chiffre d'affaires, cette seconde opération ne revêt pas une dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

III. - Marchés concernés et analyse concurrentielle

La présente opération, qui concerne exclusivement le secteur de la fabrication et de la commercialisation de matelas et sommiers en France sur lequel les parties, à l'exclusion de Holdindus, sont simultanément présentes, s'inscrit dans la continuité de l'opération précitée consistant en l'acquisition, par Recticel et Pikolin, de Slumberland France.

Les raisonnements en termes de définition de marché (s'agissant notamment de la qualité des produits, de leurs prix, de leur distribution, ou des comportements des consommateurs) et d'analyse concurrentielle sont pleinement applicables en l'espèce, dans la mesure où aucune évolution significative dans le secteur de la literie n'est intervenue au cours des quinze derniers mois.

En conséquence, il n'est pas nécessaire, en l'espèce, de définir les marchés pertinents dans la mesure où, quelle que soit la définition retenue, ni le transfert de l'activité literie commercialisée en France sous la marque Bultex au profit de Cofel (cf. note 12), ni l'arrivée de Holdindus dans le capital de Cofel (cf. note 13), ne sont de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

NOTE (S):

(1) Holdindus, conformément à l'accord précité, "souhaite prendre une participation dans l'acquisition telle qu'elle est projetée par Recticel à l'issue de la réalisation de l'apport à Cofel de la branche d'activité literie Bultex".

3(*) Erreur matérielle.

(2) A l'issue de cette opération, Cofel sera contrôlée par Recticel à hauteur de 50 %, Pikolin à hauteur de 30 % et Holdindus à hauteur de 20 %.

(3) Conformément aux principes issus de la communication de la Commission sur le calcul du chiffre d'affaires conformément au règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JOCE n° C 66 du 2 mars 1998, p. 25), et notamment ses points 49 et suivants, le chiffre d'affaires annuel d'une entreprise réalisé dans une devise autre que l'euro est converti au taux moyen des douze mois visés.

(4) Erreur matérielle: lire 50 % au lieu de 50,01 %.

(5) Erreur matérielle: lire 50 % au lieu de 49,99 %.

(6) Correspondant à la moitié du chiffre d'affaires réalisé par Cofel en France.

(7) Raphael sera contrôlée à hauteur de 98 % par Cofel et à hauteur de 2 % par Recticel.

(8) Ce pouvoir de blocage résulte des conditions de nomination et des modalités de vote (unanimité) au conseil d'administration de Cofel des décisions stratégiques, dont notamment: l'approbation et les modifications du budget prévisionnel d'exploitation et du plan d'investissement; la nomination et la révocation du président du conseil d'administration; toute cession de licence, transfert de marque, de brevet ou de savoir-faire; l'embauche, la nomination et la révocation des dirigeants salariés ou non; tout investissement significatif; toute décision d'orientation stratégique et notamment le "business plan".

(9) Conformément aux principes fixés par la communication de la Commission sur la notion d'entreprises concernées au sens du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JOCE n° C 66 du 2 mars 1998, p. 14), Holdindus, entreprise nouvellement créée, ne peut être considérée comme une entreprise concernée par une opération de concentration.

(10) Conformément à la communication précitée sur la notion d'entreprises concernées, dans la mesure où le cédant conserve un contrôle sur l'entreprise cible, celui-ci doit être considéré comme une entreprise concernée. La société cible, en revanche, n'est pas une entreprise concernée, et son chiffre d'affaires fait partie de celui de la ou des sociétés mères.

(11) Conformément au point 27 de la communication précitée sur la notion d'entreprise concernée, lorsque l'acquisition est faite par une entreprise commune de plein exercice, qui opère déjà sur un marché, celle-ci doit être considérée comme une entreprise concernée. Cependant, conformément au point 28 de cette même communication, l'entreprise commune peut être considérée comme un vecteur utilisé pour une acquisition par les entreprises fondatrices. Dans ce cas, chaque entreprise fondatrice sera considérée comme une entreprise concernée. En l'espèce, il convient de considérer que Cofel, qui n'est signataire d'aucun des accords précités, constitue le vecteur utilisé par ses sociétés mères pour réaliser l'opération.

(12) Tant en termes d'additions de parts de marché qu'en termes de risque d'atteinte à la concurrence en raison du risque d'atteinte à la concurrence en raison de la coordination du comportement des sociétés mères.

(13) Ni Smart Communication ni M. Nicod n'ayant de participation dans le secteur de la literie, la concentration n'entraîne aucun chevauchement d'activité et aucun effet sur le plan vertical ou congloméral.